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dimanche 5 janvier 2014
...Et pour commencer la nouvelle!
Nous voilà en 2014. L’année commence, mais ce n’est pas vraiment un commencement puisqu’elle ne fait que prolonger la précédente. Changer d’année, ce n’est pas comme changer de chaîne de télé ou changer de bouquin : l’histoire n’est pas neuve et elle se poursuit toujours… même la mort ne l’arrête pas, c’est dire…
Mais pas de pensées macabres en ce début d’année. La nouvelle année nous tourne résolument vers le futur, tout flou qu’il soit. Je pense qu’on aime tous faire des pronostics, jouer aux devinettes, posséder une connaissance du futur que les autres n’auraient pas. Mais en vérité, personne ne sait. Et je pense qu’il faut respecter cette ignorance du futur et composer avec l’insécurité qui l’accompagne. Je pourrais, entre autres, vous citer l’exemple de cette jeune et jolie dame qui se faisait une joie d’organiser son mariage et qui a plutôt dû vivre les affres des funérailles de son jeune frère, mort dans un accident. D’une tristesse, je vous jure… Car oui, les accidents arrivent et par définition, sont fortuits, c’est-à-dire imprévus, voire imprévisibles. Ils s’insèrent dans les plans les plus serrés pour les modifier, parfois radicalement. C’est ce qui rend le futur incertain et, en même temps, fascinant : on ne sait pas ce qui s’en vient vraiment. En fait, je devrais plutôt dire : on ne sait vraiment pas ce qui s’en vient, même si le programme nous est connu.
Ainsi, aujourd’hui, il ne fait pas beau. Non, non, ne riez pas, je suis sérieux : c’est nuageux et il vente. Rien à voir avec le mauvais temps du nord, bien sûr, car ici, il fait tout de même 28°C et nous n’avons rien à craindre de la neige et du froid. Tout de même, dans ce pays caractérisé par sa constance climatique, le fait mérite d’être noté : il ne fait pas beau. Et demain?... C’est vous dire combien le futur est flou…
Mais il est de ces choses qu’on sait qu’elles vont arriver : ainsi, demain, on sait que c’est le retour au travail pour tout le monde et je suis à peu près sûr — disons à 90% — que tout le monde sera content de ce retour au travail : nos employés aiment le travail (ou ce qui en tient lieu). Car le travail ici est d’abord affaire de rapports humains et les Haïtiens et les Haïtiennes sont naturellement chaleureux dans ces rapports. En fait, c’est ce qui me fait dire que tout le monde sera content de revenir au travail demain. Et voilà pour une prévision du futur que j'estime probable.
Une année qui commence donc, laissant dans la brume du passé celle qui vient de finir et dont elle porte tout de même le poids. Mais celle-ci est neuve, solide et pleine de promesses alors oui, il est permis d’espérer.
Si bien qu’en ce début d’année, eh bien on espère. Pas qu’il fera beau demain, mais plutôt que les choses iront bien, pour nous, pour les autres, pour le pays et pour le monde. Est-ce vraiment utopique?
Alors encore une fois, bonne année à tous et à toutes!
dimanche 3 mars 2013
Une semaine bien remplie
Sans doute vous étonniez-vous de mon silence. Une semaine a passé, plus en fait, considérant que mon dernier texte a été publié dimanche matin dernier. D’emblée, je vous rassure : non, je n’étais pas mort, pas même malade, en fait; tout simplement, j’étais affairé. Ne riez pas, de grâce! Car ces épisodes arrivent. Surtout après la visite du patron, lequel distribue ses consignes et s’attend à les voir exécuter… Et c’est précisément ce que j’ai fait : j’ai exécuté — entre autres choses — les consignes du patron. Mais juste pour vous montrer que je n’exagère en rien l’intensité de la semaine qui vient de passer, je vous en donne un bref, mais néanmoins éloquent, compte rendu.
Il faut dire que la semaine a commencé assez raide avec le remerciement de l’un de nos médecins. Je le dis sans réserve : voilà une tâche qui me déplaît souverainement. Et pourtant, il faut bien que quelqu’un le fasse n’est-ce pas? Or, il s’avère que cette tâche, ingrate s’il en est une, est mienne en tout état de cause et que je ne saurais donc y déroger. C’est arrivé dans le passé et cela se produira sans doute encore dans le futur : l’embauche et la débauche (avouez qu’elle est bonne!) fait partie de mon lot. Mais alors que le premier reste relativement aisé et s’inscrit sous d’heureux auspices, le second est nettement plus amer, surtout pour celui qui en est l’objet. Et j’ajouterai : surtout s’il s’agit d’un médecin intelligent, affable, charmant même et qui comprend mal le motif invoqué : le traditionnel remaniement administratif. Je sais, je sais : ça ne vole pas haut. Mais il s’agit là tout de même d’un motif répandu et, souventes fois, tout à fait fondé. Ce qui ne rend pas la pilule plus facile à avaler… Mais bon.
Mardi, le clou de la journée fut sans contredit la réunion avec tout le personnel pour leur expliquer la décision administrative d’adhérer au plan de pension de l’État, qu’à peu près tout le monde abhorre et se passerait volontiers. Pourtant, c’est un plan obligatoire auquel tout employeur est tenu de souscrire. Or nous n’en faisions pas partie, ce qui nous rendait fragile et passible d’amendes salées, pour ne pas dire indigestes, comme celle dont on nous a récemment menacés… Si bien que le patron a décidé d’aller de l’avant et d’adhérer au plan. Au grand dam des employés qui y voient comme une trahison… Réunion chaude donc — comme je les aime en fait — où tout le monde essaie de voir comment ils pourront échapper à cette autre ponction sur leur maigre salaire…
Mercredi, me voici convoqué au Bureau du travail, là où s’arbitrent les divergences liées à un congédiement. Vous voyez le lien là, oui? Mon copain le médecin était là, nous avons discuté comme des gentlemen et en moins de cinq minutes, nous en étions venus à une entente satisfaisant les deux parties, en l’occurrence lui et moi. Ne restait plus que le calcul des sommes en jeu, ce que l’inspecteur, assisté de son confrère, mettra pas moins d’une heure à produire — et erroné à part ça. En fait, le sujet est tellement cocasse que je me demande si je ne vais pas y revenir… Enfin, l’essentiel est que tout ait fini bien et dans les temps, soit avant midi puisque nous devions prendre le lunch avec nos chers amis Antonio et Diane à leur résidence champêtre… L’après-midi y a passé néanmoins, si bien que je n’ai pas eu le temps de vous écrire…
Jeudi, ce fut le tour de la rencontre avec les médecins, d’abord pour mettre les choses au clair concernant le congédiement de leur collègue et ensuite pour leur annoncer qu’une ponction supplémentaire serait prélevée sur leur salaire, ce qui ne les rend jamais très joyeux, je ne comprends pas pourquoi… (je blague!) La réunion ne fut pas longue, mais elle n’en fut pas moins intense et a considérablement amorti mon désir, pourtant croissant, de vous écrire quelques lignes, histoire de vous souligner le début de mars, puisque j’avais déjà laissé février filer en queue de poisson sans lui dire (et vous dire) au revoir.
Vendredi est arrivé, je commençais à avoir la langue longue, mais ce n’était pas encore fini : une rencontre importante — et fort agréable, je le dis avant que vous pensiez le contraire — m’a occupé la majeure partie de l’avant-midi et pouf! la semaine était déjà finie… Je vous passe les ajustements salariaux auxquels j’ai dû m’astreindre et qui se sont ajoutés à la fin du mois et les tâches qui l’accompagnent habituellement. Bref, j’ai été occupé!
Hier samedi, j’avais bien projet de vous écrire, mais il fallait encore préparer ce départ, prévu pour le lendemain soit aujourd’hui si vous êtes un tant soit peu attentifs…
Si bien que nous voici maintenant à l’aéroport Toussaint Louverture, une fois de plus, pour une destination qui n’a rien à voir avec la mère-patrie… Je ne vous en dis pas plus long, histoire de vous faire languir un peu… Rassurez-vous toutefois : je ne serai pas long avant de vous revenir!
De quoi faire rire
Lu ce matin sur un camion, lesquels sont toujours friands de ces références à Jésus, Dieu, le Christ ou des extraits des psaumes. Celui-là avait écrit, bien naïvement je pense : "Dieu est en Christ!". Dites-moi sérieusement : vous ne trouvez pas ça beau, vous autres?
De quoi faire pleurer
Le dernier épisode de la troisième saison de Downton Abbey. Dire qu'il faudra environ un an avant de savoir comment la quatrième saison va s'enchaîner!...
¡Hasta luego!
dimanche 24 février 2013
Aimez-vous votre patron?
Comme d’habitude, il est venu. Comme d’habitude, il a vu. Comme d’habitude, il n’a rien vaincu, tout simplement parce qu’il n’y avait rien à vaincre. Tout n’est pas affaire de bataille et les discussions que j’ai eues avec le patron ont été amicales et productives, j’ose le dire. En sortira ce qu’il en sortira, mais le passage en coup de vent de notre grand chef s’est bien passé — mieux en fait qu’en certaines autres occasions.
Il faut dire que le cher homme n’est pas de tout repos : son âge avancé d’abord — 84 ans, c’est tout de même respectable, admettons-le —, puis son caractère assez difficile, comme l’est celui d’une personne qui a passé sa vie à commander et à voir ses ordres obéis à la lettre. Ceux et celles parmi vous qui me connaissent sentent déjà qu’il y a là un os… Cela dit ne cherchez pas chez cet homme la moindre trace de sénilité : il a toute sa tête et elle est, ma foi, en très bon état de marche. Ce n’est quand même pas rien. Bien sûr, ce n’est pas toujours suffisant, surtout lorsque l’on tente de résoudre des problèmes dans un pays que l’on connaît mal et dont la langue nous est parfaitement inconnue, ce qui est précisément le cas de mon cher patron. Mais sa volonté d’aplanir les difficultés et de maintenir l’hôpital en bon état de marche vaut quand même plus qu’une mention honorable et j’avoue n’avoir aucun problème à lui prêter main forte dans la poursuite de cet objectif, mauvais caractère ou pas. Je vous passe les détails, mais nous avons fait du bon boulot, croyez-moi sur parole.
Sauf que l’exercice est essoufflant. Deux jours pour tout revoir, analyser, décider et agir conformément aux décisions prises, c’est chargé. Si bien que lorsque le moment de son départ arrive, nous sommes toujours soulagés de le voir aller, sachant que nous allons pouvoir retourner à nos vaches et à nos moutons sans tant s’en faire. Or, aujourd’hui, il s’en est fallu de peu que le cher homme, parti tôt ce matin en direction de l’aéroport de Port-au-Prince, nous revienne comme un boomerang en raison d’un blocage intégral de la route nationale — un autre, je sais. Fort heureusement, les manifestants ont été dispersés et la route, rouverte à la circulation. Mais trop tard pour le patron qui en a manqué son avion… Branle-bas de combat pour lui trouver une place sur le prochain vol en partance pour Miami, lequel n’était pas complet, loué en soit le Ciel! Rester bloqué à Port-au-Prince alors qu’on a prévu quitter le pays est toujours une source de frustration et d’amertume et un retour aux Cayes eût été désastreux sur le moral de tout le monde, y compris le principal intéressé, il va sans dire.
Tout ça pour vous dire que pareilles aventures, à 84 ans, n’ont certainement rien de réjouissant ni de facile. Et je me demande si, lorsque j’aurai atteint cet âge vénérable — et ici, rien n’est moins sûr — j’aurai aussi le courage de voyager en solitaire dans un pays dont je ne comprends pas les habitants et vice versa… Car il en faut. Il me semble qu’une chaise longue, un bon livre, un verre de vin et un air de Bach ou de Mozart conviennent mieux aux aspirations de l’âge avancé. Pas vous? Mais pour notre patron, c’est non.
Quoi? Vous dites que je n'ai pas répondu à la question que le titre de ce texte pose? Bien sûr que non! C'est à vous qu'elle est posée cette question, pas à moi!
mercredi 6 février 2013
Administrer, dites-vous?
Vous le savez tous et toutes : notre tâche ici, à ce petit hôpital des Cayes, consiste à gérer. Gérer, en termes simples, c’est «planifier, organiser, diriger, contrôler». Ma chère compagne a appris cette belle formule au cégep, c’est vous dire… Et c’est vraiment ce qu’on fait ici : on planifie les tâches, on organise la structure du travail, on développe de nouvelles façons de faire et on essaie de contrôler tout ça. Évidemment, ce n’est pas toujours évident et pour n’importe quelle raison, la mécanique peut s’enrayer, ce qui ne manque pas de soulever l’ire de ma tendre compagne et quelques bouffées d’impatience en ce qui concerne votre fidèle scripteur. Mais bon. It goes with the territory, comme dirait l’autre… Il n’empêche que des fois, les dents nous grincent.
Qu’à cela ne tienne, on peut toujours utiliser les services d’un transporteur habituel, aérien, bien entendu. Première surprise : les coûts d’envoi passent de zéro frais à près de $3,000! Avouez que ça fait cher un peu! Mais on n’a pas le choix, alors on soupire et on acquiesce en grinçant des dents un peu, tout de même. Eh bien, ces produits sont maintenant arrivés à bon port, à bon Port-au-Prince, devrais-je dire, et il ne reste plus qu’à les dédouaner et à les acheminer aux Cayes. Rien de bien compliqué, et pourtant, les produits sont toujours à la douane de Port-au-Prince et nous, nous pestons encore et toujours contre un système bureaucratique avec lequel, après toutes ces années, nous ne sommes toujours pas familiers et qui, semble-t-il, se complexifie à chaque fois. Bref, malgré nos trésors de patience, l’épreuve est pénible…
Tout ça pour vous dire que même en appliquant le B-A ba d’Administration 101, les problèmes fusent et frustrent avant qu’on les résolve. Car oui, on les résout. On finit toujours par trouver une solution qui, si elle n’est pas parfaite, est tout de même suffisante pour nous permettre de passer à autre chose, comme par exemple l’heure de la bière…
Mais cette heure-là, problème résolu ou non, je vous dis qu’on ne la laisse pas passer aisément…
samedi 22 septembre 2012
Un autre retour
Je serai franc avec vous : je n’ai pas vraiment le goût de vous parler de notre retour. Oui, nous étions contents de retrouver nos pénates haïtiens; oui nous étions heureux de revoir tous ces gens qui étaient manifestement heureux de nous revoir eux aussi; oui, nous étions ravis de voir les chiens, notre bourricot et les arbres et les plantes qui ont profité de notre absence pour pousser tropicalement (= excessivement), mais la fatigue, la situation politique du pays, les petits problèmes au travail ont tempéré notre joie. Et puis, aussi bien vous le dire : nous avions les bleus de quitter notre havre nordique en cette saison si merveilleusement belle, surtout si le soleil est de la partie. Or, il y fut. De la partie, je veux dire. Sans relâche, chose exceptionnelle sous nos latitudes nordiques, le ciel fut d’un bleu impeccable et la température, douce comme jamais pour la saison. Est-ce un effet du réchauffement climatique dont tout le monde parle? Dur de ne pas y croire, qu’importe ce que les statistiques climatiques diront. Quoi qu’il en soit, sous le soleil de septembre, les couleurs automnales étaient magnifiques, croyez-moi. En fait, je pense que tous s’entendront pour dire que les mois d’août et de septembre ont été, jusqu’à présent, exceptionnellement doux. Au point que Stéphane Laporte en a même fait une chronique, ma foi digne d’éloges et que je vous invite à lire sans retenue. Voilà un monsieur qui sait écrire, personne ne me dira le contraire… Et Stéphane nous apprend, entre autre choses, que l’automne débute officiellement aujourd’hui et quelle belle clôture de cet été qu’on qualifie déjà de mémorable.
Alors, gens du Québec, vous me comprenez. L’appel tropical, cette fois, n’offrait rien de séduisant, au contraire, puisque la chaleur et l’humidité excessives n’ont rien pour séduire, nous serons d’accord. Mais nous sommes là tout de même, tout simplement parce que c’est ici qu’est notre place, notre home, notre chez-nous. Et après quelques jours, l’histoire reprend là où on l’avait laissée et on se sent à nouveau réellement chez nous. Comme quoi tout est relatif. Relativement relatif si j'osais...
Et puis je ne vous ai pas parlé de la journée du retour proprement dite, celle où l’on prend l’avion après quelques heures à poireauter, où l’on attend désespérément après nos bagages qui n’arrivent pas (près de deux heures, ce n'est quand même pas rien), où on se tape quatre bonnes heures de route en pleine noirceur dans des conditions pas vraiment idéales. Cette étape-là n’est jamais agréable, sauf peut-être pour ceux ou celles qui ne l’ont jamais vécue. Mais pour nous, c’est juste : va-t-on finir par arriver? Oui, vers les 22h30…
Mais tout ça est déjà derrière. Le travail, notre raison d’être en ce pays, nous attendait en se frottant les mains d’anticipation et il a tôt fait de nous tomber dessus à bras raccourcis. Si bien que nous revoilà dedans et ma foi, c’est moins difficile qu’on le croyait. La nostalgie automnale se dissipe comme la brume matinale que la semaine dernière encore, nous pouvions contempler sur notre lac et nous nous sentons d’attaque. Et les fronts ne manquent pas…
Il s’agira maintenant de bien choisir nos batailles pour éviter d’épuiser trop vite les ressources énergétiques que nous venons de refaire. Et ce n’est pas facile quand tout est prioritaire…
Mais un jour à la fois, n’est-ce pas? On ne s’excitera pas, c’est promis… En passant, que pensez-vous de ma photo de la belle rudbeckia, cette marguerite de fin d'été?
samedi 30 juin 2012
L'approche problème
Je vous ai souvent dit que le gros de notre travail consistait à gérer les problèmes. Soit de façon purement réactive (le problème se présente, on y fait face et on lui cherche une éventuelle solution), soit de façon proactive — on anticipe le problème et on envisage quelques solutions possibles. Mais celui qui nous est tombé dessus lundi dernier n’était pas vraiment prévisible et il a donc fallu s’y ajuster tant bien que mal.
Rassurez-vous, il ne s’agit nullement d’un problème crucial : tout simplement, l’un de nos compteurs électriques a surchargé, le feu a pris dans la ligne et nous avons subi une brève mais hautement dommageable surcharge. Tout de même, nous avons été chanceux dans notre malchance. Quelques appareils électriques (notre micro-ondes, un refroidisseur d’eau, une télévision…) en sont morts, mais rien de majeur et quelques heures plus tard, tout était revenu à la normale, ou presque.
Presque, parce que le routeur de notre système Internet n’a pas apprécié la surcharge et, bien que semblant toujours fonctionnel, visuellement (les 'tites lumières clignotaient toujours normalement), refusait systématiquement de nous connecter à la Toile. C’était ça, mon problème. Mais avant que je mette le doigt dessus, j’ai passé quelque temps à me remuer les méninges… Cependant, comme, en bon gestionnaire proactif, j’avais un routeur de rechange, une fois le problème circonscrit, le résoudre fut affaire de pas grand-chose : quelques paramètres à redéfinir et le tour fut joué. Sauf que…
Sauf que l’autre bidule que nous utilisons beaucoup ici, c’est un point d’accès sans fil (Wireless Access Point pour les bilingues) dont l’adresse IP se confond avec celle du nouveau routeur, entraînant de ce fait un conflit d’adresse dont le routeur est sorti vainqueur. Bref et si vous me suivez toujours, régler un problème en a engendré un autre, pas dramatique ici non plus, mais pas moins agaçant pour autant. Mais n’écoutant que mon courage et mon opiniâtreté, je me jetai dans les eaux troubles de la configuration réseautique et, en quelques heures, trouvai la solution. Et si vous croyez que le problème n’est pas digne de mention, c’est que vous ne vous y êtes pas frottés, car l’exercice demande patience et, je le redis, obstination. Mais il se résout et pour moi comme pour tous nos usagers de l’Internet ici, seul cette conclusion compte.
Il n’empêche que cet exemple vous illustre bien ce que je vous ai déjà mentionné, à savoir que «Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois». Je ne connais pas grand-chose en informatique, encore moins en systèmes et en réseaux, mais faute d’avoir sous la main un spécialiste, j’en mets le couvre-chef, quelquefois avec succès, souvent pour rien, mais sans jamais craindre de me buter sur le mur de ma propre incompétence. Car il faut toujours s’essayer avant de s’avouer vaincu, c'est ce que ma mère me répétait tout le temps...
Il reste que le problème électrique à la source de mes petits problèmes informatiques n’est toujours pas résolu, lui, et même si on se promet bien de lui apporter une solution plus fiable et plus permanente, ce n’est pas encore fait. Pour plusieurs raisons, dont l’impossibilité de trouver la pièce d’équipement — un coupe-circuit, si vous voulez tout savoir — dont nous avons besoin pour nous assurer un minimum de protection contre la surcharge. Mais nous sommes sur la bonne voie… En fait, je pense que nous sommes forcément sur la bonne voie pour la simple raison que je n’en connais pas d’autre…
samedi 31 mars 2012
Les nuages se dissipent
Vous pensiez sans doute que mon texte d'hier était le dernier de ce mois. Moi aussi, je vous l'avoue. Mais comme il était entaché d'une certaine amertume, j'ai voulu changer de goût. Si bien que ce matin, je rencontrais nos employés et employées afin de mettre les cartes sur la table. Bien m'en prit. En fait et en tout état de cause, il me faut ici faire amende honorable c'est-à-dire vous présenter mes plus plates excuses pour cette amère pilule que j'ai égoïstement partagée avec vous hier. Car aujourd'hui, les nuages se sont dissipés et le ciel est redevenu comme il est censé être : bleu à n'en plus pouvoir.
Réunion générale ce matin, donc. D'abord et comme toujours, il fallut un certain temps avant que l'auditoire soit représentatif de l'ensemble, mais environ une demi-heure après l'heure annoncée de la réunion, plus de la moitié des employés étaient là et j'ai donc commencé à m'adresser à eux en termes simples mais bien sentis.
Je vous épargne le détail de mes propos : qu'il vous suffise de savoir qu'ils sonnaient justes (parce qu'ils l'étaient) et que finalement, le message de tristesse et d'amertume que je voulais transmettre a bien passé et a été bien compris. Si bien que la réunion s'est terminée dans une effusion d'affection tout à fait haïtienne qui a balayé les derniers relents de grisaille que je ressentais à leur égard. Une belle réunion, donc et vous pouvez me croire sur parole ou aller vous faire cuire un œuf.
Cela dit, nous n'avons rien réglé, nous n'avons pas changé le monde ni même refait l'hôpital. Mais nous nous sommes entendus et cela seul compte. Bien entendu, j'aurais bien aimé que les instigatrices du mouvement de protestation contre les conditions de travail soient là, mais sans surprise, elles n'y étaient pas. Il est tellement plus facile d'exprimer son mécontentement par derrière, tout le monde vous le dira... Mais je sais mieux maintenant où va la fidélité des employés et pour l'instant, je sais m'en contenter. Je vous l'ai déjà dit et donc vous le savez : «Est bien fou du cerveau qui prétend contenter tout le monde et son père» (La Fontaine). Je pense qu'il faut savoir faire la part des choses et considérer que, à défaut de la totalité, une majorité confortable est tout à fait révélatrice et il faut savoir s'en contenter. Je m'en contente donc, quitte à corriger la situation plus tard, si possible et si nécessaire. Cependant, ne nous leurrons pas : ce ne sera jamais parfait; les employés ne seront jamais des modèles de perfection, le travail ne sera jamais effectué dans le respect absolu des consignes, les salaires ne seront jamais suffisants et les conditions de travail ne seront jamais idéales. Mais en autant que tous comprennent qu'il ne sert à rien de pester contre le travail et qu'il vaut nettement mieux le faire dans la joie que d'y aller à son corps défendant, c'est l'essentiel. Et je pense que cette partie-là de mon discours a été bien comprise.
Mon discours, justement, parlons-en. Non, je n'ai pas de discours préparé d'avance. À ma compagne qui s'en étonne toujours, je réponds que ce que j'ai à dire importe peu, l'essentiel étant de le dire. Forcément, il y a dans ce discours des redites, des inepties, des omissions et des digressions. Forcément, les idées ne s'enchaînent pas toutes dans un ordre logique formel. Mais rien de cela ne compte, car ce que tout le monde entend, ce que tout le monde attend, c'est la vérité. Que mes propos sonnent juste. Que ma façon de dire vienne de mon fond, qu'elle traduise ce que je pense et ce que je ressens. Et j'avoue que je me fie entièrement sur mes Haïtiens pour capter cette sincérité; ce matin n'a pas fait exception : tous et toutes ont bien compris de quoi il retournait et je pense que la mise au point a porté ses fruits.
Comme quoi il n'y a pas que les manguiers qui portent leurs fruits...
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vendredi 30 mars 2012
Le goût de l'amer
Aujourd’hui, l’heure est aux comptes. Oh! Pas avec vous, bien sûr, lecteurs patients et lectrices clémentes, mais plutôt avec certaines employées — notez ici le féminin — qui ne semblent pas apprécier mon dévouement exemplaire (et modeste, bien entendu) et mes efforts répétés pour leur obtenir ce petit quelque chose sur lequel elles crachent aujourd’hui avec un dépit ostentatoire. Notez en passant que ce texte fait suite à ma montée de lait de février dernier, alors si vous n'avez pas particulièrement apprécié ce dernier, vous pouvez vous épargner ce qui suit. Car oui, s'y trouve un certain goût de l'amer, qui n'a rien à voir avec le goût de la mer, vous vous en doutez bien...
Je ne vous parle pas souvent de mon travail, et pour cause : le travail, bien que raison fondamentale de notre présence en ce pays, n’est pas toujours intéressant pour les autres et je me garde bien de vous lasser avec des propos qui, s’ils me sont importants, vous apparaitraient souvent dérisoires. Donc, la plupart du temps, je passe. Mais cette fois, je partage avec vous car c’est un peu frustrant. En effet, pour ceux et celles qui ne le savent pas, ça fait maintenant plus de cinq ans que nous tenons les rennes de ce petit hôpital aux Cayes. Cinq ans entre l’arbre et l’écorce, à danser un tango qui n’est pas toujours facile. Ceux, celles qui ont ou qui ont eu des positions similaires savent de quoi je parle : les préoccupations patronales et celles des employés sont rarement les mêmes, ou si elles le sont, ne sont pas vues du même bout de la lorgnette. Pour les patrons, les salaires représentent la grosse dépense institutionnelle et il faut la contrôler tant bien que mal pour éviter le crash. Pour les employés, les salaires sont toujours trop petits et mal ajustés au coût de la vie, lequel grimpe toujours. Bien entendu, puisque nous vivons en Haïti, nous en connaissons les réalités économiques mieux que nos patrons du Canada, cela va de soi. C’est pour cette raison que depuis notre venue, je me suis efforcé de démontrer aux patrons que les salaires étaient trop bas et que les employés méritaient mieux. Ce ne fut pas facile. Mais petit à petit, les ajustements ont eu lieu. En fait et sans vouloir me vanter, en cinq ans, les salaires ont plus que doublé, soit une augmentation de plus de 130 %, voire davantage dans certains cas (202 % pour les employés d’entretien). En plus, je leur ai fait obtenir le boni annuel qui, à toutes fins utiles, correspond à un mois de salaire supplémentaire. Bref, je le dis sans vanité, leurs conditions de travail se sont sensiblement améliorées depuis notre arrivée et sont enfin rendues à un point où elles se comparent, souvent avantageusement, à celles des autres organisations. Mais comme je vous l’ai mentionné dans une chronique précédente, ce n’est pas assez. Ce n’est jamais assez.
Je ne dis pas que ce n’est pas vrai. Dans un pays en développement, le niveau de vie est forcément moins élevé que dans un pays développé. Mais les coûts de la vie sont également plus bas, ce qui fait que les personnes arrivent tout de même à tirer leur épingle du jeu même si les salaires n’ont rien de faramineux. Sauf en Haïti. Car ici, tout est cher, souvent au-delà de ce que le salarié moyen peut payer. Je vous ai parlé des frais de fréquentation scolaire, des frais d’hôpitaux, des frais funéraires, des frais de location d’une maison, des coûts de construction ou du prix de la nourriture, pour ne citer quelques domaines où l’argent disparaît comme neige sous le soleil haïtien; la vie ici n’est pas facile, personne ne prétendra le contraire. Et depuis cinq ans, j’ai fait ce que j’ai pu pour contribuer à améliorer un tant soit peu ces conditions de vie des employés de l’hôpital. Tout ça pourquoi? Pour récolter aujourd’hui des attitudes hautaines et distantes, froissées de ne pas avoir eu plus et prêtes à m’en faire porter le blâme. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ça ne me paraît pas très juste…
Mais bon, il semble que ce soit le lot des petits chefs de jouer les boucs-émissaires et de recevoir les doléances d’en bas et les reproches d’en haut, alors il faut s’y résigner… It goes with the territory, comme ils disent à Yellowknife…
Reste que parfois, on se demande ce qu’on fait dans ce jeu dont on ne peut jamais sortir gagnant…
mardi 4 octobre 2011
Le retour
Près d’une semaine a passé déjà depuis notre retour. Ce qui fait que j’ai un peu l’impression de vous offrir du réchauffé, mais en vérité, nous sommes encore dans l’esprit du retour et du réajustement qu’il implique. Car il faut se réajuster, hein! D’abord à la température. Car si nous avons eu, au nord, des températures exceptionnellement douces pour la saison, elles n’ont toutefois rien à voir avec celles courantes ici en ce début d’octobre. Donc, oui, vous avez compris : il fait encore chaud. Mais pas chaud insupportable. Pas chaud irrespirable. On fait une différence, tout de même, et les nuits sont maintenant suffisamment fraîches pour qu’on puisse dormir sans ventilateur. Puis, se réajuster aux gens ensuite et aux «ti-pwoblem» qui sont leur lot quotidien. On fait ce qu’on peut. Au travail enfin, qui, s’il s’est accompli à peu près normalement pendant notre absence, s’est tout de même accumulé ici et là. Alors il faut bien s’y mettre…
Mais c’est facile. Les vacances ont ceci de bon qu’elles vous requinquent. Rechargent vos batteries. Rafraîchissent votre vision des choses. Surtout quand vous entrez à la maison et que tout est propre à n’en plus pouvoir, que de jolis bouquets de fleurs égaient les pièces, que tout est à sa place — mieux que lorsque nous y sommes — et qu’un repas chaud vous attend... Rentrer chez soi dans ces conditions, c’est du gâteau, admettons-le!
Mais l’effervescence du retour s’estompe vite et très tôt, le quotidien bien ordinaire reprend ses droits. Le travail d’abord, je l’ai dit, mais aussi ces activités quotidiennes qui composent notre vie et qui nous sont si familières : la bière de 17h, le café du matin, les séries télévisées, l’heure de la soupe… et tous ces visages qui font maintenant partie de notre univers haïtien et que nous aimons tant. Un retour qui n’a rien à voir avec celui de l’enfant prodigue, donc, mais qui nous fait retrouver un environnement connu et apprécié. Quelqu’un — que la discrétion m’empêche de nommer ici — nous a souhaité que «le retour là-bas soit comme le confort des bonnes chaussettes.» Eh bien c’est un peu ce que nous avons retrouvé (bien que les chaussettes, sous ce climat, ne soient pas toujours associées au confort…!) et nous l’avons vraiment apprécié.
Et ce qui est d’autant plus appréciable, c’est que notre absence est presque passée inaperçue. Presque. Bien sûr, nous avions, comme toujours, préparé le terrain, mais on voit une progression nette dans le degré d’autonomie et de responsabilité de notre personnel. Tout le monde connaît sa tâche et tout le monde l’accomplit de la même façon, que l’on soit présent ou non. Et personnellement, je vous dis que c’est là une source de satisfaction majeure, comme si nous avions bien fait notre travail. Je vois d’ici les félicitations qui pleuvent et vous en remercie d’avance mais ce n’est pas là l’idée. L’idée est que cette noble institution puisse continuer de fonctionner normalement même si la tête prend une pause. Et je le dis sans prétention : ce n’était pas le cas avant. Mais présentement, ô joie! Tout baigne.
Le pays, par ailleurs, va. Je ne vous parlerai pas ce matin des méandres dans laquelle la politique s’embourbe — vous savez que je n’aime pas la politique — mais malgré tout, le pays va et l’on se prend à espérer que les choses vont s’améliorer en 2012. À moins que la fin du monde s’en mêle, mais ça, on verra… Et parlant de fin du monde, encore une fois cette année, les cyclones nous ont laissés tranquilles (je sais, je sais, l’année cyclonique n’est pas finie, mais bon) et c’est une vraie bénédiction. Somme toute, le retour nous comble d’aise.
Quel dommage qu’il faille laisser derrière ce qui nous est cher!
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jeudi 18 août 2011
Patience et longueur de temps...
Cependant et tout comme pour mon texte précédent, l’exception justifie la règle. Ainsi aujourd’hui, je vous parle travail. Sans trop vous embêter, en tout cas je le souhaite.
C’est que, à l’occasion du passage d’une courageuse volontaire (merci Marilyn!), nous avons décidé de commencer la tâche fastidieuse et digne des plus traditionnels moines copistes de construire une banque de données informatisée à partir de nos dossiers médicaux. Rien de bien ambitieux, juste les données nominales, c’est-à-dire nom, prénom, date de naissance et similaire. Vous voyez le genre. L’idée est tout simplement de pouvoir retrouver plus facilement un dossier à partir des données compilées sur un ordinateur. Et bien que l’opération soit d’un ennui à couper le souffle — et pour couper le souffle, faut vraiment que ce soit ennuyeux, hein! —, elle s’accomplit sans problèmes majeurs, les nouvelles versions d’excel permettant une saisie phénoménale de données. Mais c’est justement là le problème : on parle ici d’environ 300 000 dossiers! Or, notre jeune préposée à la transcription de ces données (formée par notre volontaire québécoise) n’est pas tout à fait rapide, environ une centaine d’entrées par semaine constituant sa moyenne (à temps partiel, bien sûr). Alors faites le calcul : cela nous donne 5 000 entrées par an, soit un projet qui devrait être complété dans 60 ans, si Dieu le veut! Et l’on aura beau doubler, tripler, voire quadrupler le rythme de travail, le nombre d’années requis pour venir à bout de la tâche restera toujours majeur! Quand je vous parlais d’un travail de Bénédictin, vous me suivez maintenant!
Mais l’ennui mis à part, l’inscription des noms et prénoms est quelquefois bien amusante. Pourquoi? Tout simplement à cause de la formidable créativité dont font montre les parents haïtiens quand il s’agit de nommer leur rejeton. Les noms ne sont pas choisis à partir d’un répertoire fermé, mais sont créés de toute pièce, selon l’humeur du jour, le saint du jour ou l’intensité de la présence divine. Je vous en donne quelques-uns, juste pour le plaisir : Bitoven (oui, oui, il s’agit bien de Beethoven), Chabouloune, Citromise, Closette, Danchylove, Darlounsear, Dordengy, Hermanorah, Linsincou, Lovemica, Pelitoine, Picina, Saradgine, Stravensky… sans oublier les prénoms incluant Dieu, genre: Dieubénit, Dieubon, Dieucelhomme, Dieufait, Dieufaveur, Dieufort, Dieunord, Dieuquila, Dieusoit, Dieuveilhomme, Graceadieu et bien d’autres encore du même acabit. Qui plus est, ces prénoms sont souvent associés à des noms de famille tout aussi fantaisistes, venus on ne sait d’où. Pourtant, jamais il ne viendrait à l’idée de qui que ce soit de tourner le nom ou le prénom du voisin en dérision. Les noms sont l’identification de la personne et pas question donc de s’en moquer. Et d’ailleurs, pourquoi le ferait-on? On ne se moque pas d’une fleur qui se nomme chrysanthème ou myosotis, ni d’un oiseau qu’on appelle coulicou ou sizerin, alors pourquoi se moquerait-on des noms des gens? Et pourtant, j’ai souvenir que les noms de certains écoliers faisaient l’objet de quolibets pas toujours charitables, du temps où je passais le plus clair de mon temps sur les bancs d’école…
En tout cas, tout ça pour vous dire que les données s’empilent et bientôt, dans pas même un demi-siècle, nous aurons une banque de données assez représentative de notre «patientèle» (création lexicologique sur le modèle de clientèle, vous l’avez deviné).
Parlant de patience, vous savez maintenant que c’est une vertu typiquement haïtienne, n'est-ce pas…
lundi 18 avril 2011
De l'importance du travail d'équipe
Eh bien malgré tout ce que je dis à propos de mon maigre intérêt pour les choses politiques, il semble que ce soit un thème qui m'accroche car il revient souvent dans mes propos. Sans idéologie, cependant; car il s'agit plutôt pour moi (comme pour vous, par ricochet) de comprendre un peu ce qui se passe au pays qui nous héberge présentement.
Ainsi, l'article de ce matin, signé Marissal (dont j'ai apprécié un article jadis), est biaisé et tendancieux. À tout le moins dans son titre. «Michel Martelly songe à amnistier Duvalier et Aristide» : un titre comme ça vous fait croire que c'est ce dont l'article parlera, pas vrai? Or, lisant l'article, on se rend compte que M. Martelly a donné une entrevue téléphonique via Skype et, parlant de choses et d'autres, a mentionné : «Je dirais tout simplement que nous pourrons éventuellement penser à ça (l'amnistie) dans la mesure où ceux qui ont été blessés dans le passé comprennent la nécessité de se réconcilier.» Je ne sais pas pour vous, mais il me semble que le journaliste a fait un triple saut périlleux avec double vrille pour en arriver à titrer son article sur cette simple réflexion, au reste bien banale. Car enfin, soyons honnête, le nouveau président a bien d'autres chats à fouetter avant de traiter les cas de MM. Duvalier et Aristide. Et je ne pense pas qu'il en fasse une priorité. D'ailleurs, si vous lisez l'article, vous constaterez que sa première préoccupation -- et ici, tout à fait justifiée en ce qui me concerne -- c'est la reconstruction du pays, qui s'enlise toujours depuis plus d'un an. Que le pays soit pauvre est un fait, mais cela ne signifie pas qu'il doive rester embourbé dans ses débris! Pour le reste, eh bien je pense que M. Martelly a juste l'embarras du choix : infrastructures, communications, création d'emplois, éducation et soins de santé... la liste est longe et ressemble à s'y méprendre à n'importe quelle feuille de route de n'importe quel chef d'état en puissance ou de fait. Et est certainement trop lourde pour n'importe quel chef d'État qui l'aborderait seul, fût-il le président Obama, tiens. Un chef doit savoir s'entourer d'une équipe efficace et motivée, qui non seulement peut l'épauler dans ses décisions, mais qui peut aussi et surtout soulager sa charge de travail. Or, trop souvent en politique, le leader fait office du bouc émissaire pendant que les autres se cachent derrière en disant : «Se pa fôt mwen».
Reste que c'est un peu ce qui se passe dans notre petit hôpital; je vous disais dans mon dernier texte, que les petits changements font souvent une différence, tout en étant moins exigeants en termes de ressources (financières, matérielles et humaines). Mais ce que je ne vous ai pas dit, c'est que même pour accomplir ces petits changements, il faut une division du travail : une instance décisionnelle (ça c'est ma compagne et moi-même) et une instance chargée d'appliquer la décision. Évidemment, cette dernière instance mérite souvent d'être aiguillonnée pour l'inciter à aller jusqu'au bout dans le respect des indications de l'instance décisionnelle, mais lorsque sont atteints les résultats, tout le monde en partage le crédit. C'est, entre autres choses, ce qui s'est passé en ce qui concerne la peinture de l'hôpital. Les gars ont vraiment accompli de la bonne besogne, dans les temps requis (c'est-à-dire pendant le week-end exclusivement) et dans le respect des consignes que je leur avais données. Ils ont même réussi au-delà de mes espérances à préserver le dessin qui apparaît sur la photo ci-dessus tout en refaisant la peinture. Vous dire qu'ils étaient fiers est peu dire... Or, je vous dirai que cette facette du travail (motiver les employés) constitue l'un des éléments clés du succès ou de l'échec de toute entreprise. Le leadership, c'est bien beau, mais à tout leader, il faut des 'followers', des gens disposés et intéressés à suivre le leader. Pour ce faire, deux méthodes, bien connues et souvent identifiées par ce qu'elles représentent : le bâton et la carotte. En d'autres termes, le reproche et les félicitations. J'avoue pour ma part que, bien que j'utilise ces deux approches, je favorise, et de beaucoup, l'approche carotte qui, parce qu'elle renforce les comportements souhaités, me semble donner de meilleurs résultats que le châtiment.
Ceci m'amène à commenter cet extrait du commentaire reçu d'un lecteur haïtien (j'en déduis) au sujet de mon texte «Cherchez l'erreur...» Le monsieur (je présume) dit ceci : «...vous aurriez (sic) pu aider cette personne a (sic) corriger ses lacunes [...] au lieu de la critiquer lachement (sic).» Premièrement, je ne critique pas lâchement. Je n'ai aucune honte à critiquer, ni à être l'objet de critiques, fondées ou non. La critique est humaine et universelle, sans doute parce qu'elle dessert bien l'ego de celui qui la formule. Après tout, quand on critique (un film, un livre, un homme politique, un administrateur) on sous-tend qu'on aurait su faire mieux. Mais une bonne critique (car il en est de bonnes) est courte et pointue; elle souligne l'erreur, mais que l'erreur et ne s'intéresse pas à extrapoler des généralités qui souvent n'ont aucun rapport. Cette critique-là, je la prends car je l'apprends. Je peux devenir meilleur si l'on me pointe du doigt mon erreur. Rappelez-vous : on apprend de nos erreurs. Encore faut-il les voir. La critique, en ce sens, peut aider. Mais je vous ai aussi dit que l'on bâtissait sur les succès, et non sur les erreurs. Et c'est là que la critique, amère, élaborée et généralisée devient contre-productive : elle écrase celui ou celle qui en fait les frais et ne lui donne aucune chance de s'amender. Partisan du "One Minute Manager", je tends à en appliquer les principes et ma foi, ça marche plutôt bien. C'est pourquoi quand je lis «critiquer lâchement», je n'en fais aucun cas. Ce n'est simplement pas moi.
Quoi qu'il en soit, vous avez compris ce que je veux partager avec vous : tout est question de partage. Et le partage n'est que rarement de 50-50. Il n'a pas à l'être. Équitable ne veut pas dire égal. Lorsque je déménageais de lourds électro-ménagers avec mon frère, je n'ai jamais eu aucun problème à lui passer la lourde charge. Genre 60-40. Ce n'était pas juste, mais tout à fait équitable.
Demandez à mon frère...
samedi 29 janvier 2011
Janvier s'achève
Pas grand chose sur Haïti ces jours-ci, hein? Eh bien sachez qu'on ne s'en plaint pas. Car quand les médias parlent du pays, c'est qu'il ne fait pas bon y être... Témoin cet article, lu aujourd'hui... N'empêche que janvier se termine sans brouhaha (bourara, comme on dit ici) envers et contre toute prédiction, y compris les miennes, bien entendu. Il va sans dire que rien n'est réglé et la situation politique devra tout de même connaître un aboutissement quelconque, ne serait-ce que pour mettre une tête en place, même si ce n'est pas celle de Papineau. Or, je serais très surpris que ce changement de tête se fasse sans que quelques-uns la perdent et s'excitent la rate, source de toutes les humeurs, comme tout le monde le sait... On attend toujours, donc...
Mais il ne s'agit pas d'une attente angoissante. En fait, les jours se suivent et le travail se poursuit normalement, avec le flot constant de patients qui passent nos portes et viennent voir le médecin pour montrer leurs petits bobos. Je trouve ça rassurant. Qu'importe tout ce qui va de travers dans le pays, les gens continuent d'être malades ou éclopés et continuent d'affluer à notre hôpital, beau temps, mauvais temps. C'est bon pour le moral. Et pour le peuple haïtien aussi, il va sans dire.
Ainsi s'achève janvier. Et si vous avez lu mes écrits antérieurs, vous savez que je m'attendais à tout autre chose. Mais les prédictions ici ne tiennent pas la route : trop de variables. Dans ce cas-ci, c'est le report, sine die, de l'annonce du résultat du premier tour de novembre dernier qui aura permis de passer le temps à peu près normalement. Et maintenant, on parle du désistement de M. Célestin, mais il semble que le monsieur en question ne soit pas d'accord pour qu'on le "flushe", si vous me passez le terme. Sous la pression, il devrait céder, surtout si on prend soin de le dédommager convenablement. Et si vous voulez mon avis, je pense que le retrait de Célestin de la course tient beaucoup à la nature et la valeur du dédommagement en question... Simple impression, bien entendu, mais bon.
Janvier s'achève donc, et la vie continue. La visite récente (et brièvement évoquée dans mon dernier texte) de trois audioprothésistes sortis tout droit du frigorifique Québec nous aura permis, entre autres choses, de bénéficier de l'expertise de ces jeunes gens bien formés et de refaire le plein de prothèses, piles et autres babioles similaires. Un cas mérite d'être mentionné. Une maman se présente avec sa petite fille d'une dizaine d'années. Selon le "blanc" qui l'accompagne (l'un des nombreux missionnaires de La Bible Parle, une organisation dont j'ai déjà parlé et sur laquelle je reviendrai un de ces quatre), la petite fille parlait et puis tout d'un coup, s'est arrêtée de parler. Soudaine aphasie? En fait, creusant la chose, il semble que la petite fille n'entend pas ou entend très mal. Qu'à cela ne tienne, on lui fait passer un test d'audition qui confirme qu'elle est effectivement sourde. Or, tout le monde sait que parler, c'est avant tout une affaire de sons et sans l'oreille, la parole perd tout son sens. Forte de ce diagnostic, notre technicienne a préparé une prothèse auditive pour la petite fille qui s'en tortillait de joie! J'avoue que j'ai bien regretté de ne pas l'avoir prise en photo, dans sa petite robe de crinoline rose bonbon...
Mais l'un des plus gros problèmes que nous avons ici, c'est justement de convaincre les gens que nous pouvons régler leur problème! Ce matin encore, je voyais une jeune dame (je lui aurais donné à peine 20 ans) for jolie d'ailleurs, qui n'avait pas l'argent pour payer pour les médicaments prescrits à son petit garçon d'environ 6 ans. Deux cataractes congénitales, le petit! L'une a été opérée hier et l'autre le sera bientôt. Nous l'avons exonérée de tous frais, bien entendu. Vous dire qu'elle était contente, la dame, serait peu dire... Certes, il n'est pas toujours facile de savoir qui a suffisamment d'argent pour payer tous les frais médicaux (dossier/consultation, tests de laboratoire, médicaments et éventuelle chirurgie/hospitalisation) et qui n'en est absolument incapable. Mais à la longue, on sait. Les gens pauvres sont toujours fiers et mal à l'aise de leur incapacité de payer. Les hypocrites n'ont aucune honte et quémandent sans vergogne. L'autre jour, c'était une imposante dame bien en chair et clinquante de bijoux qui m'affirme, comme ça, qu'elle n'a pas d'argent pour acheter les médicaments qu'on lui a prescrits. Je lui ai dit qu'elle n'avait qu'à me donner sa montre ou son collier et que tout serait dit. Je pense qu'elle n'a pas tellement apprécié; quelques minutes plus tard, le temps de se redonner une contenance, elle m'a remis le billet de 500 Gourdes ($12) qui manquait. Non mais des fois...
Nos prix sont bas. Nous le savons et nous savons que bien des gens pourraient payer davantage. Juste pour vous donner un exemple, une opération de cataracte coûte ici $150 alors qu'elle peut coûter plus de $1000 à Port-au-Prince. Les prothèses auditives que nous vendons $12 s'achètent à près de $1000 dans la capitale, et ainsi de suite. Alors pourquoi ne pas monter nos prix et les ajuster aux pratiques du pays? Tout simplement parce que notre objectif n'est pas d'opérer une PME, mais bien de rendre service à la population, une philosophie qui est d'ailleurs tout à l'honneur des grands patrons de Calgary. Malgré cela et malgré que notre balance soit déficitaire, nos revenus sont tout de même suffisants pour couvrir le plus gros de nos dépenses, le reste nous étant gracieusement fourni par la fondation qui soutient l'Institut depuis toujours. Tout ça pour vous dire que ce que nous faisons s'inscrit dans le sens de la saine contribution au mieux-être collectif: ça ne change pas le monde, mais ça le rend un peu moins malade.
Alors on continue, même si la tâche semble sans fin...
vendredi 21 mai 2010
Nos pénates haïtiens
Ceux et celles qui me suivent assidûment auront compris qu'une si longue absence en ces lieux d'écriture publique ne peut qu'être due à des causes exceptionnelles. Et ils auront raison. Car les vacances, puisqu'il faut bien les appeler par leur nom, ne font certainement pas partie de la règle qui consiste à travailler, travailler et travailler. Donc vacances, oui, mais courtes au point où on se demande si ça vaut la peine d'en parler... En outre, il ne se passe rien en vacances! On ne fait que manger, boire, parler et écouter la télé, sans oublier l'incontournable magasinage de tous les côtés... Bref, des vacances sans histoire (fait rare : pas même une contravention!...)
Donc, nous avons momentanément fui la chaleur haïtienne humide dont je vous ai entretenus précédemment et avons laissé en veilleuse les projets et les activités courantes de notre petit hôpital. Qui n'a pas chômé pour autant! Les patients sont venus, comme d'habitude en grand nombre et comme d'habitude, ont reçu les soins appropriés. Même les Brésiliens sont venus et comme d'habitude (puisque c'en est maintenant une) ont fait un travail remarqué et apprécié. Et pour couronner le tout, visite des gros chefs! Même si nous étions absents, ils ont musé à droite et à gauche et tenté de comprendre ce qui se passe dans ce merveilleux pays joyeusement bordélique. Bref, tout le monde s'est affairé, tout le monde s'est tenu occupé, tout le monde a continué de vivre même si nous étions ailleurs et la terre, cette bonne vieille planète, a continué à tourner comme si de rien n'était. C'est-y pas beau, ça?
Mais les vacances sont maintenant chose du passé (et du futur pas trop loin, je le précise) et il faut reprendre le fil de nos idées et de nos problèmes là où nous l'avions laissé. Rien de très stressant, excepté que bien des petites choses vont de travers et qu'il faut vraiment se retrousser les manches (façon de parler, bien sûr, puisqu'elles sont toujours courtes!) pour leur trouver une solution--quand il y en a une, vous l'avez compris! Mais un jour à la fois, on poursuit notre labeur. Et petit à petit, les choses s'améliorent, même si ces améliorations nous paraissent parfois bien dérisoires en rapport avec l'immensité de la tâche de reconstruction du pays. La reconstruction, parlons-en : rien n'est fait encore, on parle de 1,7 millions de gens sous les tentes (et, ce que l'histoire ne dit pas, dans la boue), les décombres encombrent les routes et la grogne monte. Qu'en sortira-t-il? Je vous laisse imaginer.
Mais pour l'instant, grogne pas grogne, la vie continue, au rythme de la chaleur qui augmente. Car oui, il fait chaud. Plus encore qu'avant, ce nous semble, mais ce doit être juste une impression. En tout cas, il fait chaud, je le redis, au cas où vous n'auriez pas compris la première fois. Mais bon. C'est Haïti, n'est-ce pas?
Et puis, ce que je ne vous ai pas dit et qui fait la beauté du retour, c'est qu'on retrouve cet inaltérable sourire haïtien qui nous accueille chaleureusement. Comme quoi la chaleur n'est pas que climatique...
Un jour à la fois, donc et pour le reste on avisera en temps et lieu. Non mais avouez: quelle profondeur dans le propos! Quelle luminosité dans l'idée directrice! Mais que voulez-vous, les vacances, ça me donne un surplus de jarnigoine...!
mercredi 14 avril 2010
Bancs du sud
Rarement fais-je la leçon à mes collègues haïtiens. L'expérience m'a appris que le respect des mœurs locales vaut mieux que les principes d'efficacité et que mieux vaut un travail fait d'une drôle de façon mais qui fait l'affaire que celui fait selon les règles de l'art mais qui laisse tout le monde indifférent. Je n'aime pas généraliser, vous le savez maintenant, mais il faut bien dire que les Haïtiens sont indépendants de nature et résistants au changement. Ils font les choses à leur manière et laissent souvent le Blanc faire à sa façon. Habituellement, je m'efforce de prendre le rythme haïtien, celui où le temps n'est pas important et où ce qui n'est pas fait aujourd'hui le sera peut-être demain ou après-demain. Mais hier, j'ai fait mon "Blanc". D'où les photos que je vous présente.
L

Or, hier, j'ai mis ma résolution en action. Je sors la scie circulaire, l'équerre de charpente, mon crayon et le ruban à mesurer et me voilà à pied d'œuvre. On commence par scier les planches, puis on prépare les pieds, puis on assemble, tout cela à peu près à la même vitesse que je prends à l'écrire et que vous prenez à le lire. Vous dire que j'ai sué serait peu dire : j'étais trempé comme si j'avais pris une douche avec mes vêtements! Mais en tout juste un peu plus de deux heures, les six bancs de la photo étaient assemblés et fonctionnels. Qui plus est, solides et assez jolis, reconnaissons-le en toute modestie. Vous dire la quantité de Oh! et de Ah! que les bancs ont récoltée...! Tout le monde s'est exclamé et tout le monde a bien ri. En somme nous avons eu bien du plaisir et le résultat est là.
Ceux qui m'accompagnaient ont-ils appris quelque chose? Je n'oserais le dire. Mais leur intérêt dans ma technique et ma façon de concevoir le travail n'en fut pas moins bien réel. L'un des défis, entre autres, consistait à savoir comment je m'y prendrais pour fixer la planche transversale de support au milieu de la planche servant de banc proprement dit. "Il suffit de mesurer", leur ai-je dit d'un docte ton. Et de le faire. Le centre de la planche de support et du banc coïncident, c'est donc que le support est réparti de façon égale sous le banc. Puis on a qu'à fixer les pieds et le tour est joué!
Et comme on le voit, c'est Sonson qui en est bien content, lui qui a bien besoin d'asseoir ses 80 ans!
vendredi 5 mars 2010
Une autre semaine s'achève
Ainsi, les marchandes sont toujours là à faire leur «ti-commerce», vendant qui des friandises, qui des aliments de base, qui des légumes, qui des repas chauds («manje kwit»), bref, tout se vend et tout s'achète, dans des proportions variables. Car personne ne fait de fortune ici: mais au moins, on fait un petit profit qui permettra de nourrir les enfants en fin de journée.
Puis il y a les incontournables chauffeurs de taxi-motos, dont la tâche principale consiste vraiment à dénicher le client potentiel et à s'assurer qu'il utilisera leurs services et non ceux du voisin. S'ensuit souvent des petites querelles de clocher pour savoir qui doit aller avec qui. Mais ça ne va jamais bien loin et après quelques échanges verbaux bien sentis, les choses se tassent et la quête aux clients reprend de plus belle. La course en ville coûte 15 gourdes, soit environ 38¢. À ce prix, l'on comprendra qu'il faudra pas mal de temps avant de faire fortune...
Certains, plus hardis, offrent des services spécialisés, comme la coiffure (photo). Les messieurs aiment bien le style «tèt kale», c'est-à-dire la boule à zéro. Moins de soins, moins d'entretien et surtout, pour les plus jeunes, moins de parasites, notamment les poux. La coupe est assez aisée pour être faite par n'importe qui, en autant que l'on dispose d'une «tondeuse», comme on dit en créole, ou une «gillette», comme c'est le cas sur la photo.
Quant à nous, c'est le marchand de mayi que nous encourageons. Bien évidemment, depuis le séisme, il a monté ses prix: de 20 gourdes (50¢), le mayi est passé à 25 (62¢). Mais même à ce prix, le mayi en vaut la peine, car c'est pas mal bon. Quoi? Vous ne savez pas ce qu'est qu'un mayi? Ô gens incultes! Eh bien pour votre édification personnelle, sachez que le mayi n'est rien d'autre qu'une barre de crème glacée sur bâtonnet (genre fudge), mais au lieu du chocolat, c'est à base de vanille, de coconut et... de maïs, d'où le nom créole de mayi! Et croyez-moi sur parole, c'est vraiment délicieux!
Voilà, je ne vous en dis pas plus long, car aujourd'hui, au cas où vous l'auriez oublié, c'est vendredi, c'est TGIF et bien qu'il ne soit pas très tard--à peine 16 h 15--, la bière m'appelle et c'est un appel auquel je ne saurais résister. En passant, il n'y a plus de Prestige, mais on trouve d'autres marques, de la Presidente, entre autres, et quand ce sera fini, on pourra éventuellement se rabattre sur la Budweiser...
Petite vie!...
mardi 16 février 2010
Le travail c'est la santé!
Mais ce n'est pas de nourriture dont il est question ici, ou plutôt, ce peut l'être par extension. Vous allez me suivre et vous allez comprendre.
Vous vous souvenez que je vous ai entretenus jadis de Raymond, l'homme qui construisait des maisons. Eh bien Raymond poursuit toujours. Il n'est pas au pays présentement -- et pour cause -- mais il dirige à distance les projets domiciliaires. Par mon intermédiaire. Alors il a un «boss», c'est-à-dire au sens créole, un gars qui connaît son métier qui exécute les travaux selon la méthode Raymond, laquelle, si vous vous en souvenez, donne des résultats surprenants. Or, en ces temps de destruction massive, vous avez compris que l’œuvre de Raymond prend encore plus de sens! Donc Raymond a pris des arrangements avec boss Ti-Jo qui devient ainsi son contremaître et l'exécuteur de ses commandes. Et ça marche plutôt bien. Ti-Jo est fiable, connaît la routine et fait preuve d'une certaine discipline personnelle, ce qui, pour un Haïtien, n'est pas toujours évident. Nous avons eu, lui et moi, quelques petites discussions pour finalement nous entendre sur une façon de procéder capable de donner les résultats attendus (en l'occurrence, une maison finie et prête à être habitée) dans des délais raisonnables.
Or, je vous l'ai dit (attendez: vous l'ai-je dit?): présentement et pour aller dans le même sens que Paul Farmer, ce dont le pays a besoin le plus, ce sont des emplois. Faut que les gens puissent travailler le plus rapidement possible, le plus régulièrement possible et toucher leur salaire sans délai. C'est la seule chose qui pourra empêcher l'éclatement du pays. Car sans argent, on ne peut vivre, je ne vous apprends rien là, et présentement, tout est plus cher et donc les Haïtiens ont besoin de gagner leur pitance comme tout le monde. C'est pour cela que je vous disais plus haut que, indirectement, mes propos avaient un rapport avec la nourriture.
Donc, toute initiative visant à procurer de l'emploi est louable et valable. C'est pourquoi lorsque Ti-Jo travaille, c'est une excellente chose, car ce faisant, il procure aussi du travail à d'autres et en plus, produit un résultat dont il a toutes les raisons du monde d'être fier: quoi de plus valorisant, je vous le demande, que de fournir un toit à qui n'en a pas?
Comme quoi malgré la misère endémique, il se passe quand même de belles choses, dans ce drôle de pays...
dimanche 17 janvier 2010
C'est dimanche...
J'ai mentionné hier sur mon "mur" Facebook que ç'avait été tout un samedi. C'est que normalement, les samedis sont des jours relaxes. On travaille, mais on a le temps de placoter et tout le monde est content. Mais ce samedi n'était pas tout à fait dans le style, disons... Notre petit hôpital est plein, et pas seulement des blessés, mais aussi de ceux et celles qui les accompagnent et qui restent là en permanence. Au point qu'il faut parfois les mettre dehors, et assez rudement, parce qu'ils ne veulent pas laisser leur place et qu'ils empêchent les infirmières de faire leur travail. Le va-et-vient est incessant, les gens crient, les gens pleurent, et pire encore, il y a ceux, celles qui vous regardent sans dire un mot, sans un gémissement mais dont on sent la souffrance... Les temps sont durs, les amis...
On dort mal. Pas par insécurité--ça, ce sera plus tard--mais parce que notre sommeil est interrompu tantôt par la sonnerie du téléphone (souvent des mauvais numéros, mais à 2h du matin, c'est quand même désagréable et ça réveille tout à fait), tantôt par les cris d'une femme qui vient de perdre un proche. Car lorsque la personne sous leur garde meurt, les Haïtiens crient. Je ne dis pas qu'ils pleurent: ils crient. À gorge déployée. Le chagrin ici, ce n'est pas en serrant les dents qu'on le vit: c'est en le partageant ouvertement avec les autres. Et s'il n'y a personne alentour, ça ne fait rien: on va juste crier plus fort. Or, ces temps-ci, les gens meurent. Même ceux ou celles que nous hospitalisons, souvent meurent des suites de leurs blessures, de septicémie ou d'une cause inconnue. Hier, je parlais avec un chirurgien qui me disait, comme ça, tout bonnement, qu'il venait de faire une amputation et qu'il s'apprêtait à en faire une autre, mais que le problème, c'est qu'il devait coucher les amputés par terre par la suite, car il n'y a plus de lits disponibles à l'hôpital... Morbide, dites-vous? Je suis d'accord. Mais c'est comme ça et on s'y fait. "Le naturel est ce qu'on a toujours vu", disait Félix. À force de voir des cadavres ou des amputés, c’en devient presque naturel...
Mais je ne veux pas dramatiser outre-mesure. La réalité est déjà dramatique, point n'est besoin d'en remettre. Le fait est qu'il y a des gens ici--tous Haïtiens, Haïtiennes--qui se retroussent les manches et qui carburent au super. Nathacha, notre infirmière-chef, en est un bel exemple. Elle va, elle vient, elle court, elle vole! Elle est partout, elle règle tous les petits problèmes, elle s'adresse aux patients d'une voix forte et claire, elle met elle-même la main à la pâte si nécessaire, bref, elle est LÀ. 100%. Irremplaçable. Ce n'est pas un mot que j'utilise souvent. Car même lorsque le pape meurt, on le remplace. Mais Nathacha? Si on ne l'avait pas, on ne pourrait pas l'inventer... Et ce sont ces Haïtiens et ces Haïtiennes qui vont relever le pays: pas l'aide internationale. Parce que l'aide internationale est extérieure. Elle est nécessaire, c'est bien évident. Mais à long terme, c'est le peuple haïtien, celui-là même qui a fait ce pays, qui va le remettre debout. Tout à l'heure, je demande à l'un de mes gardiens de sécurité (qui va devenir critique dans pas longtemps--pas le gardien, mais la sécurité) s'il veut revenir cette nuit. Il a déjà 18 heures de travail en ligne à son actif. Je lui ai demandé d'aller faire un ti-repos de midi à 6h et de revenir pour la nuit. Je lui ai dit que j'allais le payer en supplémentaire. Sa réponse? "On ne fait pas ça pour l'argent, mais parce qu'on est Haïtien."
Qu'est-ce que vous voulez répondre à ça?
samedi 31 janvier 2009
Grave Grève
Non, le titre n’est pas qu’une simple opposition phonologique : pour la première fois dans l’histoire de l’Institut Brenda Strafford, la grève a éclaté, pas pour des raisons d’insatisfaction de conditions de travail ou pour tout autre motif similaire. Les employés ont massivement voté pour cette grève simplement pour manifester leur volonté de voir un employé jugé irrespectueux quitter les lieux. Or, comme l’employé en question est médecin ORL—notre meilleur de surcroît—pour le contraindre à partir, il fallait un geste unanime, non équivoque et portant conséquences : une grève.
Une grève est toujours grave. Pour nous, ce sont les quelque 200 patients qui viennent chaque jour qui en sont les premiers affectés. Cela est bien malheureux, car après tout, ces pauvres gens n’ont rien à voir avec nos problèmes internes. Mais comme tout le monde le sait, on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs. Fermer nos opérations dans ce cas aura permis de faire pression sur le patron pour qu’il puisse ordonner le retrait de l'épine du pied institutionnel.
Il faut dire que les récriminations datent. Le médecin en question est en poste depuis une douzaine d’années et la rancœur s’est accumulée depuis ce temps, semble-t-il. Et toutes les plaintes se résument en un seul mot : respect, ou plutôt, dans ce cas-ci, son absence. On affirme, à tort ou à raison, que le médecin n’a jamais eu, au cours de toutes ces années, de respect ni pour ses collègues, ni pour ses subalternes, ni même pour les patients, et il aura suffi d’une seule goutte pour faire déborder le vase de l’amertume plein à ras bord. Or, lorsque le vase déborde, c’est bien plus que la valeur de la goutte qui y passe, tout le monde en a fait l’expérience…
Avec son départ, la crise s’est résorbée, l’hôpital a rouvert et tout marche comme avant.
Comme avant? N’allons pas trop vite. La crise est résolue, certes, mais le problème reste entier. Le cas de ce médecin n’est toujours pas réglé et fait encore couler beaucoup d’encre et de salive. La présence du grand patron, dans une quinzaine, suffira-t-elle à calmer les ardeurs belliqueuses des employés? Sauront-ils être cléments? Seule une réponse normande convient ici : «Ptêt ben qu’oui, p’têt ben qu’non.» Certes, plusieurs n’hésitent pas à dire que les dés sont jetés, que les carottes sont cuites et que rien ne va plus. Alea jacta est, comme aurait dit l’autre. Mais avec les Haïtiens, sait-on jamais… Pour notre part en tout cas, s’appuyant sur une expérience dont nous avons gardé un vivant souvenir, si c’était nous, nous serions déjà loin. Quand on est étranger, on a intérêt à ne pas l’oublier. On peut aimer ce pays et les gens qui l’habitent, mais nous sommes toujours étrangers dans un pays parfois étrange, jamais ennuyant, toujours chaleureux, mais quelquefois, un peu trop chaud, dans tous les sens du terme…
Enfin, comme on dit souvent ici : «N’ap swiv»…
mercredi 13 août 2008
L'ophtalmologie
Parler d’ophtalmologie, c’est raconter l’histoire de l’Institut Brenda Strafford. Je le ferai peut-être un jour, mais pas aujourd’hui. D’abord, c’est une histoire riche dont certains détails m’échappent encore. Ensuite, comme toutes les histoires, les détails peuvent lasser. Il faut être bon conteur pour raconter une histoire détaillée sans endormir son auditoire. Je ne suis pas certain d’être de cette trempe… Cependant, l’ophtalmologie tient une telle place dans le développement de notre cher hôpital qu’il me serait difficile de l’escamoter. Car si l’Institut Brenda Strafford pourrait avoir vu le jour sans l’oto-rhino-laryngologie, il n’existerait pas sans l’ophtalmologie.
Tout a commencé quand Sœur Évelyne, alors infirmière à Côtes-de-Fer, s’est vue confrontée à des problèmes oculaires qui dépassaient sa compétence, ce qui lui donna l’idée de créer ce qui allait devenir l’Institut d’Ophtalmologie Brenda Strafford. C’était en 1982. Aujourd’hui, un quart de siècle plus tard, l’Institut s’est agrandi et a élargi sa mission première, mais reste toujours une figure de proue dans le traitement des maladies de l’œil, spécialement les cataractes, cause première de la cécité évitable dans les pays en développement. « Les problèmes de vision ne sont pas les mêmes selon que l'on vive dans un pays très développé ou plus pauvre. Dans les pays plus pauvres, les cataractes représentent 50% des problèmes de cécité », écrit Louise Leduc dans cyberpresse.
Les hautes instances du pays sont bien au fait de cette situation et la lutte pour la cécité est aussi acharnée en Haïti que celle pour le cancer au Canada. En ce sens et vu la nature de notre hôpital, même en étant bien modeste, il faut avouer que l’on fait une part honorable, destinée à s’accroître au fil des ans.
Présentement, nous avons trois ophtalmologues qui pratiquent un nombre croissant d’interventions visant à rectifier l’opacification du cristallin : la cataracte. L’opération est simple, pas trop coûteuse et drôlement efficace : des personnes quasi-aveugles retrouvent ainsi une vision claire et détaillée. Certes, nos ophtalmologues ne font pas qu’opérer des cataractes — il y a des tas d’autres problèmes qui se règlent ici : ptérygion, chalazion, réparation de plaie de cornée, sans oublier le fameux glaucome, pour ne nommer que ceux-là — mais il faut reconnaître que cette opération, relativement simple (mais que je ne saurais faire pour autant), sauve la vue de bien des gens, surtout, bien entendu, les personnes âgées.
La vue n’est certes pas une question de vie ou de mort, mais elle est certainement une question de qualité de vie, car il est difficile d’imaginer une vie qu’on ne peut voir. Les sens, nos capteurs d’information, sont tous importants, mais la vue nous en met toujours plein la vue!
Pas convaincus? Que les sceptiques viennent s’en rendre compte de visu!
jeudi 1 mai 2008
Premier mai
Aujourd’hui, c’est congé. La fête du Travail, la vraie, l’internationale, on peut difficilement passer à côté, pas vrai? Alors l’hôpital ferme boutique en l’honneur de cette journée et, pour nous, bien que nous ayons passablement à faire—fin d’avril oblige—il nous sied tout à fait de célébrer le travail justement en s’abstenant d’en faire.
Il faut dire que nous sommes, depuis peu, de retour à la vie normale, ou à ce qui en tient lieu ici. Bien sûr, il y a encore de l’agitation dans l’air et lundi dernier encore, on nous a fait un peu peur avec des tentatives—maîtrisées avant qu’elles réussissent—de remettre ça; mais dans l’ensemble le calme se maintient. La chaleur augmente de jour en jour, semble-t-il, et avec elle viendra la pluie—bientôt, tout le monde l’espère. Car la pluie, non seulement fait pousser les fruits et les légumes, mais également, par sa violence parfois, change le mal de place, si je puis dire. En outre, si les manifestations se sont éteintes, les kidnappings eux, reprennent… Comme quoi il n’y a rien de parfait sous le chaud soleil haïtien… Avant-hier encore, on parlait d’un chargé de mission français, enlevé brutalement à Pétionville en plein jour. On a su qu’il était noir et peut-être cela a-t-il joué en sa défaveur, mais noir ou non, c’est un Français et ça, c’est une nouveauté, puisque habituellement, les ravisseurs ne s’en prennent pas aux étrangers. Est-ce la nouvelle tendance? Comment le savoir? Les modes ici passent vite…
Mais pour nous, aux Cayes, la vie est redevenue tranquille. Même la visite est partie… Mais bon, toutes les bonnes choses ont une fin—les mauvaises aussi, incidemment—et la vie continue.
Donc, si l’épisode violent que nous avons connu au début du mois dernier est vraiment derrière (ce que personne n’ose affirmer) nous allons avoir un mois de mai bien différent. Le travail, puisqu’on le célèbre aujourd’hui, y sera bien représenté, surtout avec la visite prévue du grand patron et le départ prévu de notre chère Sœur Évelyne, ce qui veut dire pour nous les bouchées doubles. Mais il semble que j’aie une réputation (surfaite bien sûr) de grande gueule, alors les bouchées doubles, tu parles…
Il n’empêche que l’efficacité au travail réduit d’autant le temps de travail, donc augmente proportionnellement le temps de non-travail (et je ne veux pas dire «loisir», une création issue de notre société moderne). En d’autres termes, la paresse conduit à l’efficacité, laquelle débouche sur le temps libre, lequel permet la paresse. Joli, non? À propos, L’Éloge de la Paresse, de Jacques Leclerq, vous connaissez? Un court ouvrage (titre oblige), mais fort intéressant et que je ne saurais trop recommander à tous ceux, toutes celles qui oublient que le travail, c’est bien et c’est bien nécessaire, mais bon, faut quand même pas exagérer…
Je vous laisse réfléchir sur cette belle phrase de Marx :
«Le travail lui-même est nuisible et funeste non seulement dans les conditions présentes, mais en général, dans la mesure où son but est le simple accroissement de la richesse.» (Manuscrits de 1844, Karl Marx, éd. Flammarion, 1996, 1844, p. 62)
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