dimanche 13 avril 2014

Quand le peuple parle


Je m’étais bien dit que je n’aborderais pas la question du résultat des élections au Québec, lequel n'a absolument aucune incidence sur notre vie au sud. Mais ce que j’en lis m’éclaire autant que me questionne et puisque je suis moi-même Québécois «de souche», je me dis pourquoi ne pas y aller de mon grain de sel? Après tout, je ne suis pas plus bête qu’un autre... Ou le suis-je?

En effet, plusieurs n’ont pas manqué de faire cette analyse du pourquoi de la chose. Car bien que les sondages aient annoncé la défaite du PQ, personne n’avait vu venir le grand balayage. Qu’on a expliqué de diverses façons, toutes plus ou moins valables, toutes plus ou moins rigoureuses. Mais pour moi qui m’avance tout doucement dans la soixantaine, qui ai connu les premiers balbutiements du RIN pour en aboutir à ce Parti québécois destiné à nous affranchir du joug anglo-saxon — ce que je croyais bien naïvement à l’époque —, le revirement populaire (= du peuple) en dit long.

Pourtant, le ras-le-bol collectif n’était pas facilement prévisible. Et pour moi qui écoute tout et tout le monde (je ne suis pas politisé, rappelez-vous), entendre mes amis s’exprimer logiquement sur la nécessité pour le PQ de permettre au peuple d’avoir un pays me semblait — et me semble toujours — plein de bon sens. Or, à quelques exceptions près, tous mes amis sont péquistes. Tous sont articulés et intelligents, des plus jeunes aux plus vieux. Tous brûlent de cette flamme nationaliste jadis si chère aux jeunes. Mais aujourd’hui, ce n’est plus la flamme, c’est la flemme. Car si mes amis s’expriment sans ambiguïté sur l’état du gouvernement, ils ne représentent pas la majorité des Québécois, il faut bien le reconnaître. Et c’est précisément là que la chose devient intéressante pour moi : en dépit de la forte couleur nationaliste qui teinte l’ensemble de mes amis ou connaissances, le parti que personne, semble-t-il, ne voulait est celui qui s’est fait élire et avec une majorité respectable. En d’autres termes, l’ensemble de mes amis n’est pas représentatif de l’ensemble des électeurs et des électrices du Québec. Et pourquoi le serait-il? Je pense avoir lu que près de 6 millions de Québécois étaient éligibles à voter. Or, on sait que 71,5% de cette masse s’est rendue aux urnes, en ce fameux lundi, ce qui veut dire environ 4 millions de personnes! Par rapport à mes 200 quelque amis Facebook, cela fait beaucoup de monde et c’est ce qui fausse les données dès le départ, car ces gens, on ne les entend pas sur Facebook ou dans le courrier des lecteurs de la Presse… Ils sont là, cependant, et ils ont le droit de voter, ce qu’ils font sans se faire prier. Au fond, c’est peut-être vraiment ça, la démocratie. Le peuple décide. Un peuple plus ou moins informé, plus ou moins intéressé, plus ou moins éduqué, un peuple varié, bigarré, hétérogène qui, en faisant un choix individuel pas forcément analysé en profondeur n’en façonne pas moins un choix collectif qui reflète son état de santé social. J’aime assez.

Évidemment, mes amis intellectuels s’étonnent de ces horizons bouchés, de ces esprits obtus qui n’ont pas compris les enjeux profonds de cette élection. Sans doute ont-ils raison. Mais le peuple parle quand même et lorsqu’il le fait de sa timide façon, il faut l’écouter, pas lui lancer au visage son ignorance crasse et sa stupidité déroutante. Comme l’a fort bien dit un lecteur du Courrier des lecteurs (hier samedi), « Les péquistes ont l’air du vendeur qui m’a déjà offert deux fois une garantie prolongée pour mon nouvel ordinateur. Je n’ai pas peur de sa garantie, mais je n’ai pas envie qu’il m’en parle une troisième fois. » Je ne sais pas pour vous, mais je trouve l’image assez éloquente.

Ne reste qu’à la neige de fondre au plus vite…

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