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dimanche 15 septembre 2013

Cap au sud


Mi-septembre. Certains oiseaux ont déjà entamé leur long voyage vers le sud, là où le climat est plus facile. Mais savent-ils vraiment ce qu’ils font et la raison pour laquelle ils le font? On peut en douter. Ce n’est pas notre cas : nous sommes tout à fait conscients que notre proche départ nous éloigne du climat nordique, de sa géographie et de ses habitants, de ses fêtes commerciales au goût douteux (je pense à l’Halloween, entre autres) et de ses aberrations politiques. Bientôt nous serons loin de tout ça, pour nous replonger dans le climat tropical d’Haïti, de sa géographie et de ses habitants et des aberrations politiques qui sans être les mêmes que celles du Québec, n’en sont pas plus logiques ni plus sensées. En d’autres termes et comme disait l’autre : plus ça change, plus c’est pareil. En fait, il n’est certainement pas faux de dire que «À part le soleil, c’est partout pareil.» Mais voilà : il y a le soleil et il faut quand même avouer que bien des choses sont moins pénibles au soleil — pas seulement la misère comme le chante Aznavour.

Nous rentrons donc. Le temps est venu, non pas parce que les jours raccourcissent ou que la température descend — après tout nous ne sommes pas des oiseaux, même si nous passons souvent pour de drôles d’oiseaux —, mais bien parce que nous l’avions décidé et avons agi en conséquence. Car je le dis souvent à qui veut l’entendre : ce n’est que lorsqu’une décision se transforme en action qu’on la reconnaît comme telle; sinon ce n’est qu’un projet, un souhait, un rêve…

Ces temps-ci, on nous demande souvent s’il nous plaît de retourner là-bas. Question judicieuse, s’il en est une, car en vérité, nous n’affichons pas l’enthousiasme de jeunes qui vogueraient vers d’autres cieux pour la première fois. Pour ma part, je me souviens encore de ce premier grand départ et j’avoue que le taux d’excitation était nettement plus élevé qu’il ne l’est présentement. Cela dit, nous sommes tout de même contents à l’idée de renouer avec une vie qui nous est familière et qui, malgré ses petits écueils, reste stimulante à tous égards. Ainsi, nous savons que les mois à venir passeront à la vitesse grand V, ne serait-ce que parce que nous devrons mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps passé sous le ciel nordique. Qui plus est, même si le retour signifie aussi la fin des vacances, la nature même de notre travail le rend souvent imprévisible et peu routinier, ce qui n’est pas déplaisant, ne me dites pas le contraire…

Mais nous n’y sommes pas encore. Il nous reste encore le temps de ranger la maison, de faire nos valises et de boucler le tout. Et le bilan? Eh bien il est positif, notre bilan. Nous sommes assez satisfaits de nos accomplissements et avons refait le plein de «québéniaiseries» — certainement assez pour les prochains mois! Cependant et malgré nos bonnes intentions, nous n’avons pas revu tous ceux et toutes celles que nous espérions revoir pour des raisons variables. Heureusement, ceux et celles que nous avons eu le plaisir de rencontrer ont pu compenser la tristesse de n’avoir pas vu les autres. Et puis on se dit que ce sera pour une prochaine fois. Car il y a toujours une prochaine fois, n’est-ce pas? En tout cas, nous y comptons bien.

Tout ça pour vous dire qu’après ce long interlude, nous sommes prêts à nous remettre dans le fil de l’action de notre vie haïtienne, dont je vous narrerai les détails au fil du temps et de mon humeur. À vous tous et toutes qui resterez sous cette latitude, je souhaite un bel automne — c'est la plus belle saison lorsque le soleil illumine les couleurs dont se parent les arbres. Un peu frisquet, mais bon, je sais que vous aimez cela...!

lundi 2 septembre 2013

Coucou c'est moi!


Me revoici! Vous croyiez que je vous avais abandonnés, hein? Deux mois déjà depuis mon dernier texte... Mais non. J’ai simplement pris une pause qui s’est avérée plus longue que prévue, mais comme on dit en Haïti : "se pa fòt mwen" — ce n’est pas ma faute. Ainsi et pour me justifier, je pourrais vous dire que :

- je me suis fait voler mon ordinateur;
- aucune connexion Internet n’était disponible;
- j’étais en panne d’inspiration;
- je me suis cassé les doigts;
- je me suis brûlé les mains;
- j’étais malade et alité;
- j’étais en prison pour refus de payer ma contravention;
- nous avons eu trop de visiteurs;
- nous avons eu trop de travail dehors;
- nous avons passé trop de temps devant la télévision;
- il faisait trop beau dehors;
et bien d’autres motifs tordus que je vous laisse imaginer.

Mais je pense que je me dois d’être honnête avec vous, fidèles lecteurs et lectrices : la seule raison de mon silence, c’est que l'écriture ne me tentait pas. Voilà, vous savez tout. J’ai exercé mon libre-arbitre et ai simplement décidé de nous ménager, à vous comme à moi, une pause. Et je ne nierai pas que plusieurs des justifications énumérées ci-dessus ont effectivement pesé dans la balance, mais quand on veut, on peut, n’est-ce pas? Souvenez-vous de l’après tremblement de terre de janvier 2010. Je vous traçais un portrait quotidien de ce que nous vivions et pourtant je vous jure qu’on ne chômait pas! Mais je tenais à cette narration des faits, ne serait-ce que pour pouvoir m’y référer plus tard. Ce que je fais régulièrement, d’ailleurs. Mais cette fois, j'ai choisi de mettre ma production écrite au point mort, quitte à la reprendre quand le goût m'en reviendrait. N'y voyez pas le signe d'un quelconque essoufflement, des bavards comme moi, ça ne s'essouffle pas. Mais une pause, pourquoi pas?

Toujours est-il que ces «vacances» — notez les guillemets — tirent à leur fin et que le retour au sud est pour bientôt. L’expérience fut concluante et nous aura permis de faire ce que nous avions planifié, notamment quelques travaux manuels qui s’imposaient depuis déjà quelques années mais pour lesquels le temps manquait, vu la courte durée de notre séjour en terre québécoise, habituellement. D’où incidemment la décision de rester plus longtemps cet été.

Un été qui s’achève déjà, ce qui ne laisse pas de me surprendre, car il me semble que ce fut plutôt un long prélude à l’automne qui, avec ce début de septembre, est indéniablement dans l’air. Même les oiseaux semblent le sentir : ils vident allégrement les mangeoires que c’en est ruinant pour notre portefeuille, mais bon, ce sont «nos» oiseaux et ils ont ce droit. Pas tous cependant. Pas le pic bois (pic chevelu). Ma compagne a fait sa croisade personnelle de chasser cet intrus qui semble prendre plaisir à vider la mangeoire sans s’en nourrir. Mais c’est qu’il a la tête dure, notre pic, au propre comme au figuré; et malgré toutes les tactiques utilisées, il revient quand bon lui semble et sans craindre les foudres de ma belliqueuse compagne. C’est un combat perdu d’avance, je lui ai dit cent fois, mais elle en fait un point d’honneur et de principe alors je dois me résigner, n’est-ce pas… Et d'ailleurs, je sais que c’est ce que vous feriez à ma place…

Cela dit, le temps a passé, à son rythme intemporel comme toujours, mais pour nous, bien vite. Si bien que déjà (ou enfin, tout dépend du bout de la lorgnette...), il faut songer au départ qui, comme toujours, nous remplit de sentiments confus — mixed feelings, disent nos voisins du sud. Nous sommes toujours contents de retrouver notre milieu tropical, mais toujours tristounets de quitter nos quartiers nordiques, malgré l’arrivée imminente du froid et de la grisaille.

On s’y fait, c’est toujours comme ça. Et ça ne nous empêche nullement de profiter du temps présent… en chauffant le poêle!...

dimanche 30 juin 2013

Contravention


Se rajuster à la vie nordique, même temporairement, n’est pas toujours aussi facile qu’on pourrait le croire à prime abord. Il y a le climat, bien sûr, mais il n’y a pas que le climat : les règles sociales ne sont pas les mêmes et leur non-respect entraîne souvent une forme de punition qui n’est jamais bien agréable — comme toute punition qui se respecte d’ailleurs.

La police, entre autres, est en ce pays beaucoup plus présente qu’en Haïti, et sa fonction première, semble-t-il, n’est pas de «protéger et servir», comme l’affichent la plupart des polices du monde, mais plutôt de distribuer les contraventions routières qui font mal, surtout au porte-monnaie, comme quoi la police a depuis longtemps compris ce que je vous ai répété cent fois, à savoir que l’argent n’a pas d’odeur.

Comme tout le monde, je commets parfois quelques écarts à la loi qui n’ont rien de bien méchant ni de subversif, mais qui sont davantage une forme d’expression de la liberté individuelle, liberté que nos sociétés avancées sont censées garantir, incidemment. Sauf sur la route, bien entendu… Ainsi et parmi les légères entorses au code que je me permets, il y a les excès de vitesse, griller un feu rouge, ne pas faire son stop les quatre roues arrêtées (et dites-moi : qui fait un stop comme ça?), doubler sur une double ligne, les excès de vitesse (je les mentionne deux fois non sans raison) et, la plus constante et la plus inoffensive : le refus de porter la ceinture de sécurité.

Les voitures d’aujourd’hui comportent toutes un dispositif sonore qui vous rappelle que vous n’avez pas bouclé votre ceinture et la seule façon de contourner ce petit irritant sans retirer le relais coupable, c’est de la boucler, d’une façon ou d’une autre. Si bien que je boucle la ceinture derrière mon siège et comme ça, pas de bip incessant. Or, hier, alors que j’arrivais à un stop — que je comptais bien faire selon les règles, je le précise —, se dresse tout à coup un piéton qui, curieusement, porte l’uniforme de la police… Le temps que j’essaie d’attraper la ceinture de sécurité (coincée derrière mon siège), j’étais déjà à sa hauteur, couvert de ridicule, mais sans ceinture… En bon policier, le monsieur s’est gentiment moqué de moi, mais ne s’est pas privé de me refiler la contravention associée à cette infraction. Aïe!

Vous aurez deviné qu’il s’agit là d’une différence majeure entre le Québec — et par extension l’Amérique du Nord et l’Europe — et Haïti, pays où la police, qui représente vraiment les forces de l’ordre, a les mains pleines à veiller au maintien de l’ordre, justement, car le pays reste, sous ce chapitre, plutôt fragile. Le nombre de policiers par rapport à la population du pays étant nettement insuffisant, disons que les éventuelles contraventions ne sont pas prioritaires et du reste, pourquoi le seraient-elles? Le pays ne va pas plus mal pour cela et de toute façon, le peuple est tellement pauvre que la majorité des contrevenants choisiront un court séjour en prison plutôt que de se taper une amende salée. Ce qui n’est pas le cas par ici : en bon citoyen, je vais payer mon billet d’infraction et accepter la punition puisque, beau joueur, j’avoue ma faute. On dit que «faute avouée est à demi-pardonnée», mais je vous assure qu’en ce qui concerne les contraventions, rien n’est plus faux. Mon repentir n’intéresse en aucune façon les forces policières : seul mon argent compte…

Et d’ailleurs et pour tout vous dire, je ne me repens point. Fautif je suis, c’est vrai, mais repentant, non. Et puis, le policier a trouvé la chose tellement drôle que juste pour avoir égayé sa journée maussade, c’en valait presque la peine…

Presque. Totalement, c’eût été s’il m’avait laissé continuer mon chemin sans perdre son sourire et surtout, sans m’offrir cette #!!! »/$%*??&;^* de contravention…

mercredi 26 juin 2013

Outil ingénieux



J’espère que vous ne pensiez pas que le 400e texte — le texte précédent — signifiait la fin de ces ébats littéraires dont j’ai pris l’habitude au cours des cinq dernières années! Il se trouve encore tellement de choses à dire (à défaut de les faire), qu’il n’y a qu’à s’arrêter et voilà : l’inspiration vient. Incidemment, c’est précisément en ces propos que répondait Woody Allen à la question de savoir s’il avait toujours de l’inspiration pour ses films…

Ainsi, aujourd’hui, en ce jour gris — un de plus — où la température peine à grimper au-dessus de 14° C, m’est venue l’idée de vous parler de cet outil, dont vous voyez la photo ci-dessus. Car si j’apprécie à leur juste valeur tous les outils électriques qui rendent le travail plus facile, je reste fasciné par l’ingéniosité humaine qui a conçu et façonné des outils manuels qui sont précisément le prolongement de la main et dont la conception originale se perd dans la nuit des temps. En fait et selon certains philosophes, cette ingéniosité constitue une caractéristique fondamentale qui distingue l’homo sapiens des autres primates; ainsi est né l'idée de l’homo faber, c’est-à-dire l’homme qui «fait ben», selon un modèle que tous les Québécois connaissent de près ou de loin...

Mais je reviens à cet outil merveilleux d'ingéniosité conçu pour arracher les clous. On le confond parfois avec le «pied de biche» à cause de sa forme, mais ce n'est pas vraiment ça, l'outil n'étant utile que pour extraire les clous enfoncés complètement dans le bois. Pour ma part, cet outil n'est rien d'autre qu'un «cogneux», et je ne suis pas le seul à le désigner ainsi. Car c’est ce qu’on fait avec : on cogne. Tellement que j’en ai l’avant-bras en compote et une presque-tendinite à l'épaule…

Le principe est simple : il suffit de prendre l’outil une main en bas (attention : en bas de la garde, sinon vous allez vite comprendre votre douleur!) et l’autre en haut; puis, par un simple mouvement de va-et-vient avec lequel tout le monde est familier, on frappe le haut sur le bas, ce qui fait pénétrer les tenailles de l’outil sous la tête du clou; ne reste plus qu’alors à soulever le clou en se servant du levier du pied (de la biche). Vous avez compris le principe? Une fois que le clou est sorti à demi, on passe à l’autre, tandis que ma compagne et assistante utilise un autre outil — le pied de biche, le vrai, mieux connu ici sous le nom de barre de démolition (et mieux encore comme barre à clous) pour retirer les clous, le but du travail étant de retirer tous les clous des madriers de façon à pouvoir récupérer ces derniers. Car la récupération, ce n’est pas juste une affaire de choisir le bon bac et d’y jeter ses ordures en se donnant bonne conscience…

Donc, me voici en train d’arracher les quelque 600 clous qui maintiennent les madriers de surface à ceux qui structurent notre galerie. Les clous, tiens, parlons-en. En effet, je n’utilise presque jamais le clou traditionnel lisse; je lui préfère sa version améliorée, le clou vrillé (ou en spirale, si vous préférez), dont le pouvoir de rétention est de beaucoup supérieur et dont le principal inconvénient est justement qu’il est difficile à extraire une fois enfoncé. Mais lorsqu’on cloue, ce n’est pas pour déclouer, pas vrai? Sauf quand on change d’idée, bien entendu… Si bien que je suis à la tâche, et malgré mes vieux os qui s’en plaignent en leur langage, je poursuis. Car pour refaire, il faut commencer par défaire. C'est un peu affaire de mettre la charrue derrière les bœufs...

Et l'étape ne sera pas terminée aujourd’hui, en ce jour gris où les moustiques s’en donnent à cœur joie, car nous ne sommes ni pressés ni stressés et demain est un autre jour. Après tout, ne sommes-nous pas en vacances?

Et avec ça, l’heure de la bière qui approche… (soupir!)

dimanche 16 juin 2013

Tous les palmiers


Bien que le titre semble présenter un texte qui ferait suite à celui sur les flamboyants, il n’en est rien. En fait, il évoque plutôt à cette chanson de Beau Dommage que tout le monde au Québec connaît et a fredonné allégrement à une époque ou à une autre : «Tous les palmiers, tous les bananiers / vont pousser pareil quand j' s'rai parti…» Eh bien, c’est exactement ce qui va se passer : les palmiers, les bananiers, les frangipaniers, les amandiers vont continuer leur cycle de vie comme si de rien n’était malgré notre absence. Car oui, nous nous absentons, nous quittons aujourd'hui nos quartiers cayens (des Cayes).

Rien d’exotique, cette fois, simplement notre habituelle sortie vers nos pénates nordiques, notre second chez-nous en quelque sorte. Car nous y sommes en pays de connaissance : les arbres d’abord, puisque nous sommes dans un milieu forestier; puis les oiseaux, les fleurs, les insectes, incluant les incontournables mouches noires et leurs petits copains les maringouins; mais surtout, surtout le lac avec sa vie sauvage et humaine — sauf qu’on se demande parfois laquelle est laquelle… Mais c’est un beau et bon lac, suffisamment vaste et profond pour que s'y maintienne un écosystème sain dont tout le monde profite, surtout en cette saison où le climat s’y prête un peu mieux. La baignade, entre autres, y devient possible, mais non sans courage car la température de l’eau reste au mieux radicalement vivifiante, au pire un défi aux systèmes respiratoire et sanguin. Vous avez compris que pour nous, habitués à la tiédeur de la mer tropicale, se baigner dans le lac ne reste qu’un vague projet à l’issue incertaine… Mais s’il se réalise, vous pouvez être sûrs que je m’en vanterai — bien modestement, comme d’habitude… En revanche, en arpenter les abords en canoë reste une activité qui s’accorde bien avec le farniente.

Car c’est là la raison de ces vacances : farnienter. Niaiser. Se vider la tête des problèmes haïtiens pour les remplir des problèmes nordiques. Qui ne sont pas les mêmes, je vous prie de me croire. Surtout lorsque partir signifie tout préparer, y compris l’imparable et l’imprévisible. Oui bon, je sais que ça peut sembler exagéré, mais en fait, il faut vraiment penser à tout. Heureusement pour nous, notre personnel est de mieux en mieux apte à fonctionner sans nous sous la solide gouverne de Colette, notre chère assistante. Et puis disons-le : les communications via Internet nous rendent la vie tellement plus facile… Si bien que nous sommes confiants que tout ira bien. En tout cas, nous voulons y croire.

Un autre départ donc, qui commence aujourd’hui par cette route que nous connaissons bien des Cayes à Port-au-Prince mais qui n’en reste pas moins dangereuse pour autant; demain, après une rencontre professionnelle que j’espère profitable, c’est le vrai départ, celui qui nous fera sortir du pays. Et vive les vacances!

Un mot encore avant de vous quitter. Ce texte, fidèles lecteurs et lectrices, est le 400e de cette série entamée en 2008, soit un peu plus de cinq ans. Vous allez me dire qu’il n’y a rien d’exceptionnel à cette performance et je serai tout à fait d’accord avec vous. En fait et pour tout vous dire, ça n’a rien d’une performance, puisque j’écris pour mon plaisir et non pour la compétition, mais tout de même, 400 textes, c’est pas mal, non? Bien sûr, j’ai été très inégal tout au long de ce parcours mais je pense avoir néanmoins réussi à vous dépeindre à grands traits notre vie au sud, dans ce fascinant pays qu’est Haïti.

Merci de m’avoir lu, merci de continuer à le faire…

dimanche 17 mars 2013

Le bercail


De toutes les étapes d’un voyage quelconque dont Haïti constitue une partie, la plus éprouvante, pour nous en tout cas, reste sans conteste la portion routière de Port-au-Prince aux Cayes — ou le contraire, bien sûr. En principe, le trajet prend trois heures jusqu’à l’entrée de la capitale et une heure de plus pour se rendre à l’aéroport, puisqu’il faut traverser la ville d’un bout à l’autre. Or, Port-au-Prince, toute capitale qu’elle soit, ne compte aucune autoroute, ni même un boulevard digne de ce nom, si bien que la traversée de la ville se fait souvent au pas, voire au pas de tortue. Mais règle générale, une heure suffit pour accomplir cette pénible traversée. Sauf ce vendredi de notre arrivée au pays, où, allez donc savoir pourquoi, le bouchon de circulation était hermétiquement clos, si bien qu'il nous faudra pas moins de deux heures pour atteindre la banlieue, dont une heure et demie passée dans l’immobilité absolue, l’air climatisé à fond dans la voiture tout juste suffisant pour nous empêcher d’étouffer. Une heure et demie les amis, je ne sais pas pour vous, mais pour moi c’est un peu long, tout enthousiaste que je fus de retrouver le pays. Pourquoi? Sans raison particulière. Sans doute parce que vendredi, la circulation est encore plus dense, mais à la vérité, le goulot que crée l'arrivée au carrefour — ainsi appelé à juste titre — forme un inévitable bouchon que seul le temps finit par vaincre. Mais bon, tout finit par finir et une fois sur la nationale, nous avons fini par arriver sans autre tracas.

C’est fou ce qu’un retour à la maison peut signifier, même après un court séjour comme celui que nous avons fait hors pays. La maison, comme nous nous y attendions, était propre comme un sou neuf — Éraise y voit de tout son grand cœur — et des bouquets de fleurs ici et là égayaient l’intérieur. Deux minutes pour rebrancher l’ordinateur et voici un air de jazz qui nous berce confortablement. Ne reste qu’à déboucher une Prestige bien fraîche et nous voilà refaits. Ou presque : une portion de lasagne aussi appétissante que si elle venait d’être faite remplit le petit trou gastrique que la journée a creusé. Une bonne nuit de sommeil effacera toute la fatigue du voyage et le lendemain, nous voilà frais et dispos pour retrouver nos employés du samedi et leur joie, visible et non feinte, de nous revoir. C’est beau, c’est chaud, c’est rassurant. Évidemment, les consignes que j’avais laissées n’ont pas toutes été respectées; évidemment, le travail planifié n’a pas été complété; évidemment, tout le monde a un peu — pas mal — profité de notre absence pour fonctionner au ralenti. C’est de bonne guerre et je ne m’en offusque nullement. Ou plutôt, si, un peu tout de même, mais pour la forme seulement, car tout le monde sait que nous sommes simplement contents de rentrer au bercail et très peu portés aux réprimandes. Cela viendra plus tard.

Car l’un des effets positifs de l’absence, c’est de revoir notre milieu de vie, envers lequel nous sommes souvent assez critiques, avec des yeux neufs et un cœur ouvert. C’est de sentir que dans ce pays où nous sommes toujours, par la force des choses, condamnés à n’être que des étrangers, nous sommes pourtant chez nous et contents d’y être. De quoi faire réfléchir. Car ce n’est pas donné d’avance. Comme quoi il ne faut jamais attendre d’avoir perdu ce que l’on avait pour en comprendre la valeur...

Je ne vous en dis pas plus long, car je sais que vous me comprenez…

vendredi 15 mars 2013

Le jour du retour



Avant de parler de retour, il faut que je vous parle de café. Rassurez-vous, je ne vais pas faire mon érudit et vous donner le compte rendu de notre visite d’avant-hier chez la dame qui, amoureusement je dirais, cultive quelques plants de café d’une manière que l’on pourrait qualifier d’artisanale, mais bon, amoureusement et industriellement vont difficilement ensemble, n’est-ce pas… Si bien que les plants, au lieu d’être placés en rangs minutieux, sont semés ici et là, un peu au hasard du terrain semble-t-il. Et pourtant, non, il n’y a pas vraiment de hasard, mais bien une volonté d’installer les plants là où ils sont les plus susceptibles de produire allégrement. Et la dame, pas un peu fière, nous dit qu’elle arrive ainsi à récolter quelque 150 kg de café, ce qui n’est pas mal du tout vu la modestie de l’entreprise. Mais le plus drôle, c’est de sentir la passion de la dame pour son travail, car pour un travail, c’en est tout un et je vous prie de me croire! Alors au cours des deux bonnes heures qu’a duré la visite, elle a jacassé sans relâche, nous fournissant mille détails que nous avons déjà oubliés, bien entendu, car le café, pour moi, reste d’abord ce que je bois! Mais elle était bien folklorique, la dame, et nous avons tous bien apprécié la visite qui s’est poursuivie par la visite de la coopérative locale où, cette fois, de l’équipement industriel rend les récoltes propres à la consommation ordinaire. Cependant et comme le soulignait fort pertinemment Yves, il eût été de bon goût de nous faire déguster le café sur place, surtout après en avoir humé les effluves pendant une bonne demi-heure! Mais bon…

C’est cette visite qui a mis le point final à notre second séjour à Santa Fe, là où les rues s’entrelacent que c’en est ridicule, vous vous souvenez? Mais voir des perroquets voler allégrement d'un arbre à l'autre vaut quand même le détour, reconnaissons-le...

Si bien que nous avons repris la route, laissant nos amis reprendre la leur dans une direction similaire : la capitale. Eux ont opté une dernière fois pour la plage, tandis que nous filions sans demander notre reste vers Panama où, après quelques heures d’errances involontaires — vous faites comment, vous autres, les fin-finauds, sans carte, sans GPS et sans indications routières? — nous avons fini par aboutir par le plus grand des hasards, je le dis sans honte, dans ce Holiday Inn sur le bord du canal d’où nous avons passé le temps à regarder passer les énormes porte-conteneurs, un passe-temps qui en vaut bien d’autres. Après tout, les vaches ne regardent-elles pas passer les trains? Et qui s’en formalise?

Maintenant, au moment où j’écris ces lignes, la boucle se boucle : nous sommes à ce même hôtel, à quelques minutes de l’aéroport, à profiter du luxe d’une belle chambre spacieuse, confortable et tranquille. Nous nous efforçons d’en profiter car tout à l’heure sera forcément fébrile. Mais tout à l’heure, c’est aussi le moment du retour au bercail et, comme je vous le disais hier, lakay se lakay.

En conclusion, ce fut un agréable petit voyage qui nous aura permis de faire connaissance avec un pays charmant aux paysages variés et pittoresques, habité par des gens simples et chaleureux. Sans oublier le plaisir de se faire de nouveaux amis...

Somme toute, un excellent voyage!

jeudi 14 mars 2013

Le début du retour


Nous avions deux raisons de nous rendre à Bocas del Toro : la première, évidente, parce que l’endroit est réputé pour être très pittoresque et qu’il constitue la fin d’un parcours panaméen. Mais la seconde mérite une mention particulière : nous espérions y retrouver nos nouveaux amis, les Français Yves et Christine rencontrés à la plage de Destiladeros (près de Pedasi) chez l’incommensurable Philippe. Et pour une fois, les choses se sont passées selon le plan.

Or je vous dirai que, nonobstant la valeur des attraits touristiques, rencontrer des gens qui nous plaisent et qui semblent apprécier notre compagnie constitue sans doute ce qui fait le succès d’un voyage. Car ces rencontres ne sont jamais ordinaires : en quelques heures, on se sent avec certaines personnes comme si on avait gardé les cochons ensemble et le courant passe. Il faut dire que Yves et Christine sont de notre espèce : un couple qui arrive dans un Panama dont ils ne connaissent rien, qui loue une voiture comme nous et qui, comme nous, arpente le pays le nez au vent. Cela est suffisant pour que nos rapports deviennent vite cordiaux, amicaux même et représentent une valeur ajoutée au pittoresque des lieux. Ce dont Bocas ne manque pas d'ailleurs. Le tour à bicyclette et l’excursion le jour suivant dans les îles avoisinantes se révéleront à la hauteur de nos attentes et le farniente au petit hôtel dont la terrasse forme un quai sur la mer complètera aisément ce tableau idyllique. Fait digne de mention : l’endroit regorge de jeunes touristes de toutes nationalités, Européens pour la majorité, ce qui donne un air un peu hippie rétro à la ville et n’enlève rien à son charme, on s’en doute.

Et puis arrive le moment de reprendre la route, car il faut déjà penser au retour. La cordillère, cette fois, se passe sans brouillard et nous offre de belles perspectives sur la forêt équatoriale. Mais ces forêts, souvent appelées sur le calque de l'anglais *forêts pluviales, portent bien leur nom : il y pleut beaucoup, en fait, probablement tout le temps, sous forme de crachin ou sous forme d’averses diluviennes, en tout cas, tout est toujours mouillé. Comment des gens peuvent vivre à longueur d’année dans un tel climat dépasse mon entendement. Car c’est bien joli, oui, mais le confort, avec un taux d’humidité à près de 100% à longueur d’année, me paraît douteux. Mais, comme on dit en Haïti, lakay, se lakay…

Et puis nous voilà de retour sur la panaméricaine où nous nous faisons bêtement prendre dans le piège à cons du coin : une zone soudaine de vitesse limitée à 40 km où le radar me prend à 92 km, malgré le puissant coup de frein que je donne en voyant la police. Le policier commence par nous dire que la contravention de $75 doit se payer à la capitale. Nous rechignons à l’idée, car qui a envie de se perdre dans Panama pour payer une vulgaire contravention? «Très bien, dit le policier, donnez-moi $50 et je vous arrange le tout.» Inutile de dire que l’on commence à le voir venir avec ses gros sabots… On hésite. Ce voyant, le brave homme annonce que pour $20, tout sera dit, ce que je me dépêche de conclure séance tenante. Et l’on repart de plus belle. Je sais que vous allez penser corruption; mais pour moi, je préfère plutôt parler d’arrangement à l’amiable duquel tout le monde sort gagnant. Le plus drôle c’est que, retrouvant nos nouveaux amis français en fin de journée, nous apprendrons qu’ils se seront fait prendre au même endroit que nous, mais que les montants avaient été simplement doublés, avec une contravention de départ de $150 (il roulait 75 km) qui s’est conclue à $40… Le pigeon suivant aura-t-il eu à débourser $60? Nul ne le sait…

Et dire qu’il s’en trouve encore pour dire que les voyages forment la jeunesse... Et nous alors? Vous croyez qu’on n’apprend plus rien?

dimanche 10 mars 2013

« C'est ridicule »


Vous avez remarqué que le titre de ce texte est entre guillemets. Ce qui signifie que ce sont des paroles rapportées. Ce pourrait tout aussi bien être celles de Balzac que de Hugo, Dumas que de Racine, mais non, ce sont simplement les propos de ma tendre moitié, répétés au moins cent fois, alors que nous déambulions dans le minuscule mais labyrinthique village de Santa Fe. Ridicule dans le sens : comment pouvons-nous ne pas trouver ce qui devrait se trouver tout juste après le prochain tournant à gauche? Et on vire, et on tourne, et on retourne, jusqu’à ce que s’enquérant à une gentille dame de l’endroit que nous cherchions — le café Internet local pour tout vous dire — , elle nous désigne la maison derrière elle et ajoutant, avec le plus beau des sourires : «Pourquoi ne pas avoir demandé plutôt que tourner en rond comme ça?» Eh bien justement, chère madame, nous avons demandé et c’est bien ça qui est le problème : on nous a dit de tourner, nous avons tourné, puis tourné, puis tourné à nouveau, puis retourné sur nos pas au point d’en avoir le mal de mer… Je blague bien sûr, mais à peine. Aucune indication, aucun nom de rue, aucun édifice digne de ce nom qui pourrait servir de point de repère, que des rues qui montent et — fatalement — descendent et qui tournent et qui se rejoignent si bien qu’on passe et repasse devant le même endroit dix fois et lorsqu’on veut le retrouver ultérieurement, on passe une demi-heure à le chercher en vain... Asi es Santa Fe. Tout ça pour une connexion qui ne fonctionnait même pas!

Tout de même, le village à 500 m d’altitude dans un décor très bucolique et pittoresque nous séduit et nous y prendrons une chambre pour la nuit. Ne reste plus qu’à trouver un restaurant où nous pourrons nous restaurer (car sinon, à quoi sert un restaurant, je vous le demande…). Or, celui — et remarquez ici la marque du singulier — qu’on nous recommande et qui est censé fermer à 19h et déjà fermé et il n’est que 18h30. Qu’à cela ne tienne, nous en trouverons un autre. Typiquement local. Le repas, à $3, est copieux et ma foi, plutôt bon. Trois chiens attendent patiemment qu’on partage avec eux quelques morceaux de notre poulet — ce que nous faisons, bien sûr — la musique du bar voisin tonitrue, les clients sont rares, mais l’ambiance n’a pas de prix.

Et maintenant? Pourrons-nous, en pleine noirceur, retrouver notre hôtel? Eh bien croyez-le ou non, en tournant à gauche, puis à gauche encore, puis à droite, puis encore à gauche, on y arrivera presque pile. Comme quoi l’orientation est une faculté qui se développe quand il le faut!

Le lendemain, nous poursuivons notre route vers le nord — pardon, je veux dire vers l’ouest — pour atteindre Boquete, une jolie petite ville dont les rues sont droites et perpendiculaires les unes aux autres; une ville normale, quoi. Notre hôtel est très convenable et ce matin, en allant prendre notre petit déjeuner, que voyons-nous, en cage et bien en plume et en os creux : le toucan de la photo! D’abord, on a cru qu’il était en plastique, tellement il était si exagérément coloré, mais quand il s’est décidé à prendre son bain, il fallut nous rendre à l’évidence : c’était un vrai! De quoi vous donner envie d’un bol de Froot Loops, tiens…

Et aujourd’hui, la finale de notre parcours routier panaméen, Bocas del Toro, du côté de l’Atlantique, et qui est en fait un archipel où l’on accède qu’à pied — après la course en bateau d’une demi-heure, je le précise. De là, il nous restera plus qu’à retourner à Panama… Mais je vous reviens pour en dire un peu plus sur ce petit coin assez pittoresque qui, comme dirait un guide Michelin, vaut le détour. Vraiment.

Et je ne vous parle pas de la traversée de la cordillère dans un brouillard à couper au couteau…

jeudi 7 mars 2013

Le pied!


Notre aventure panaméenne se poursuit sans rien qui sorte vraiment de l’ordinaire. Hier, seconde journée de route, nous nous sommes perdus — brièvement je le précise — dans une ville dont nous avions mésestimé la taille, avons pris un sens unique à l’envers — et se le sommes fait dire en termes non équivoques, même si avec le sourire —, avons été arrêtés par la police sous prétexte d’avoir négligé un feu de signalisation (moi? lequel?) — un arrêt qui s’est terminé par un sourire et une exhortation policière à conduire prudemment, ce que je fais déjà, tout le monde le sait, bref, rien qui sorte de l’ordinaire d’un voyage comme celui-ci.

Tout ça pour vous dire que nous avons finalement atteint le Pacifique — direction sud (!), pour les férus de géographie, ce Pacifique que nous n’avions pas tâté depuis déjà des lustres et dont les vagues sont toujours aussi impressionnantes. La plage en est une de sable volcanique mélangé, ce qui, sous le soleil de cette latitude, le rend plutôt chaud, et vous comprendrez qu’il s’agit là d’un euphémisme car en fait, je m’y suis presque brûlé la couenne des pieds que j’ai pourtant épaisse… Mais l’endroit lui-même, trouvé en suivant les indications du guide Lonely Planet — dont j’ose ici faire une publicité gratuite — est fabuleux et mérite que je vous en parle.

Pourquoi? Simplement parce qu’il y a des gens dont le courage, la foi, l’énergie forcent l’admiration. Des gens qui rêvent et qui, plutôt que de soupirer, relèvent leurs manches, se mettent au travail et aboutissent à un produit final qui doit ressembler à ce qu’ils visualisaient dans leur univers onirique personnel. Ainsi en est-il de cet endroit, véritable opus d’un artiste constructeur. N’utilisant que des matériaux indigènes au pays — surtout le tek, le bambou et les rameaux de palmier —, Philippe (c’est le nom du maître d’œuvre, Français de surcroît) a conçu, élaboré, construit et aménagé ce domaine comme on en voit rarement et qui, bien avant l’ère écologiste, en pavait déjà la voie. Ici, pas de toc, pas de frime, juste une utilisation optimisée et créatrice des matériaux disponibles. J’en reste, pour ma part, béat d’admiration. Pour avoir donné moi-même dans l’auto-construction, j’en connais les exigences et je sais que, sans le feu sacré, le projet, si aisé qu’il puisse paraître à vue de nez, ne lèvera pas : trop de difficultés, trop d’imprévus, trop de contrariétés sapent l’idée première et tuent le projet. Mais ici, les difficultés ont été absorbées ou contournées et tout est de bon goût, tout est respectueux de l’environnement, tout n’est «qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté». Et les efforts pour y parvenir ne sont que les moyens que la fin justifie amplement!

Si bien que, s’y sentant si bien, on y reste — avouez que vous en feriez autant — sans rien faire que d’écouter les puissantes vagues de cet océan qu’on nomme pacifique (et pourtant!) et les petits oiseaux qui chantent sans s’exciter, rien à voir avec nos quiscales haïtiens, vous l’aurez deviné. Bref, l’endroit pourrait presque être qualifié de paradisiaque, si on savait à quoi ressemble vraiment le paradis. En tout cas, puisque nous sommes en compagnie française, je me permets d’utiliser cette expression un peu argotique dont j’ignore le fond mais dont je connais la valeur évocatrice : ici, c’est le pied!

mardi 5 mars 2013

Panama nous voici!


Ailleurs… «Ailleurs, c’est peut-être loin / Ou c’est p’têt’ à côté», chantait Ferland sur son fameux disque Jaune. Propos simples s’il en est, et pourtant, tout à fait vrais : être ailleurs signifie seulement que l’on ne se trouve pas ou plus là où l’on était. Ce qui est exactement notre cas. Partis dimanche de notre «Ayiti cheri», nous nous sommes envolés non pas en direction du nord — froid nord —, mais bien du sud, donc plus près encore en direction de l’équateur, vers ce dernier pays qui conclut ce qu'on appelle l'Amérique centrale, vous l'avez deviné, il s'agit bien de Panama.

Je vous épargne la géographie, la sociologie ou la politique du pays : Wikipédia ou similaire pourra vous en brosser un portrait bien supérieur au mien. Mais aller au gré du vent, muser à droite et à gauche donne souvent une meilleure idée d’un pays que toutes les données scientifiques recueillies dans des ouvrages sérieux et bien intentionnés. C’est en tout cas, ce que je crois. Et c’est ce que nous aimons faire.

C’est ainsi que nous sommes débarqués dans ce pays dont nous ne connaissons rien et que nous n’ambitionnons même pas de connaître, mais plutôt juste apprivoiser. C’est comme ça que nous sommes arrivés, comme je vous l’ai narré, dimanche soir dernier, sommes allés louer une voiture dès lundi matin et sommes simplement partis sur la route, sans même une carte routière adéquate… Vous allez probablement me dire que le pays ne comportant qu’une seule route qui le traverse de part en part — la fameuse panaméricaine —, la carte est sans doute superflue. Mais n’étant pas, personnellement, du type GPS, j’aime les cartes routières et sans elles, je me sens un peu nu. Un peu seulement, car le guide de Panama, acheté avant le départ, suffit à m’habiller à peu près adéquatement, puisque, comme tout le monde le sait, un rien m’habille...

Ne me demandez pas de vous parler de la capitale, Panama, car nous ne l’avons que traversée, dans un trafic digne de n’importe quelle capitale, dans une absence presque totale de panneaux indicateurs, de noms d’artères importantes ou même de directions. Et si nous avons abouti dans la bonne direction, c’est uniquement par un heureux hasard et non à cause des talents bien connus de ma compagne navigatrice ou de mon habileté au volant — que plusieurs décrient, je le sais…

Toujours est-il que nous nous sommes retrouvés dans la bonne direction (l’ouest) et avons atteint sans encombre la petite ville de El Valle, située dans la caldeira d’un vieux volcan éteint depuis des lustres. L’endroit est fort pittoresque, mais le mauvais temps nous a surpris et limité dans nos projets d’exploration des environs. Tout de même, c’est un beau petit coin de pays, peu achalandé et agréable à tous égards. Nous avions pensé y demeurer un jour de plus, mais lorsque nous avons appris que la tempête qui frappe le pays depuis dimanche ne va se dissiper que mercredi, nous avons remballé et, reprenant l’étroite petite route en lacets impressionnants, avons rejoint la panaméricaine pour poursuivre notre route à l’ouest — au nord si vous préférez. Et si vous ne comprenez pas la confusion, regardez bien une carte de l’Amérique centrale et vous allez tout comprendre : le pays forme une espèce de tilde qui fait que la panaméricaine le traverse en fait d’est en ouest même si, ce faisant, on va ou bien au nord vers le Costa Rica, ou bien vers la jungle de Darien qui fait le pont avec l’Amérique du Sud — au sud donc, véritable bouchon qui reste d'ailleurs toujours infranchissable en voiture, fût-elle un Hummer

Somme toute, nous errons au gré de notre fantaisie et jusqu'à présent, tout se passe bien alors comme on dit par chez nous, "n'ap swiv"...

samedi 22 septembre 2012

Un autre retour


Je serai franc avec vous : je n’ai pas vraiment le goût de vous parler de notre retour. Oui, nous étions contents de retrouver nos pénates haïtiens; oui nous étions heureux de revoir tous ces gens qui étaient manifestement heureux de nous revoir eux aussi; oui, nous étions ravis de voir les chiens, notre bourricot et les arbres et les plantes qui ont profité de notre absence pour pousser tropicalement (= excessivement), mais la fatigue, la situation politique du pays, les petits problèmes au travail ont tempéré notre joie. Et puis, aussi bien vous le dire : nous avions les bleus de quitter notre havre nordique en cette saison si merveilleusement belle, surtout si le soleil est de la partie. Or, il y fut. De la partie, je veux dire. Sans relâche, chose exceptionnelle sous nos latitudes nordiques, le ciel fut d’un bleu impeccable et la température, douce comme jamais pour la saison. Est-ce un effet du réchauffement climatique dont tout le monde parle? Dur de ne pas y croire, qu’importe ce que les statistiques climatiques diront. Quoi qu’il en soit, sous le soleil de septembre, les couleurs automnales étaient magnifiques, croyez-moi. En fait, je pense que tous s’entendront pour dire que les mois d’août et de septembre ont été, jusqu’à présent, exceptionnellement doux. Au point que Stéphane Laporte en a même fait une chronique, ma foi digne d’éloges et que je vous invite à lire sans retenue. Voilà un monsieur qui sait écrire, personne ne me dira le contraire… Et Stéphane nous apprend, entre autre choses, que l’automne débute officiellement aujourd’hui et quelle belle clôture de cet été qu’on qualifie déjà de mémorable.

Alors, gens du Québec, vous me comprenez. L’appel tropical, cette fois, n’offrait rien de séduisant, au contraire, puisque la chaleur et l’humidité excessives n’ont rien pour séduire, nous serons d’accord. Mais nous sommes là tout de même, tout simplement parce que c’est ici qu’est notre place, notre home, notre chez-nous. Et après quelques jours, l’histoire reprend là où on l’avait laissée et on se sent à nouveau réellement chez nous. Comme quoi tout est relatif. Relativement relatif si j'osais...

Et puis je ne vous ai pas parlé de la journée du retour proprement dite, celle où l’on prend l’avion après quelques heures à poireauter, où l’on attend désespérément après nos bagages qui n’arrivent pas (près de deux heures, ce n'est quand même pas rien), où on se tape quatre bonnes heures de route en pleine noirceur dans des conditions pas vraiment idéales. Cette étape-là n’est jamais agréable, sauf peut-être pour ceux ou celles qui ne l’ont jamais vécue. Mais pour nous, c’est juste : va-t-on finir par arriver? Oui, vers les 22h30…

Mais tout ça est déjà derrière. Le travail, notre raison d’être en ce pays, nous attendait en se frottant les mains d’anticipation et il a tôt fait de nous tomber dessus à bras raccourcis. Si bien que nous revoilà dedans et ma foi, c’est moins difficile qu’on le croyait. La nostalgie automnale se dissipe comme la brume matinale que la semaine dernière encore, nous pouvions contempler sur notre lac et nous nous sentons d’attaque. Et les fronts ne manquent pas…

Il s’agira maintenant de bien choisir nos batailles pour éviter d’épuiser trop vite les ressources énergétiques que nous venons de refaire. Et ce n’est pas facile quand tout est prioritaire…

Mais un jour à la fois, n’est-ce pas? On ne s’excitera pas, c’est promis… En passant, que pensez-vous de ma photo de la belle rudbeckia, cette marguerite de fin d'été?

jeudi 6 septembre 2012

Les élections du Québec


Vous ne m’en voudrez pas de vous parler un peu des élections. Certes, tout le monde y est allé de son grain de sel, les experts comme les amateurs, et tout le monde s’est retrouvé, qui dans le camp des perdants, qui dans celui des gagnants, mais pour quelle différence, je vous le demande. Vous gagnez vos élections? Bon, je veux bien, mais vous gagnez quoi au juste? Soyons honnête : pas grand-chose. À moins d’être étudiant, et encore…

Car il faut bien le dire : cette élection confirme le pouvoir des étudiants, ces petits nés de la dernière pluie qu’on croyait inaptes à avoir une opinion autre que de choisir entre un Big Mac ou un Teenburger. Or, il a bien fallu se rendre à l’évidence : les jeunes ont planté tout le monde et son père! Car ce sont eux qui sont à l’origine de la pression qui a finalement eu raison du bétonnage de Jean Charest. Eux qui ont fait croire au peuple — principalement montréalais, mais ne chipotons pas — que le Québec pouvait devenir une société différente, meilleure, axée sur le partage et la justice sociale, où les riches se dépouillent pour habiller les pauvres. Un rêve, bien sûr, mais un rêve que les jeunes ont porté haut et fort et qui a donné le ton à toute la campagne électorale, bien que pas mentionné en termes si simples. Quoi qu’il en soit et peu importe de quel côté on se situe, les jeunes ont provoqué le peuple et son gouvernement et la réaction s’en est suivie : élections déclenchées prématurément. Maintenant, le nouveau gouvernement est là, pour le meilleur ou pour le pire. Remarquez que je dis « ou ». Pas « et ». Car ce sera l’un ou l’autre. L’avenir le dira. Mais le changement, si timide qu’il soit, fait du bien, donne une odeur particulière à l’air ambiant, modifie la perspective et sème de nouvelles graines. Quant à savoir si ces graines germeront, seul l’avenir nous le dira. Mais quand souffle le vent du changement, il convient de le respirer à pleins poumons, ne serait-ce que pour s'oxygéner un peu...

Pour nous, terrés dans notre coin sur le bord de notre lac, là où « la vie au lac » se déroule à son rythme bien pépère, proche de la nature et des ses habitants, ces élections ne signifient pas grand-chose. Et pas parce que nous vivons hors de notre patrie! C'est tout simplement que le vent du changement ne vient pas jusqu’ici. Il ne pourra même pas faire frémir les feuilles de tremble (peuplier faux-tremble si vous êtes du type pointilleux); ici, c’est la pérennité des choses même si le milieu subit la pression sociale que subissent les plans d’eau... La forêt domine toujours le décor et peu importe comment la politique s’orientera, je reste confiant que le milieu physique restera sensiblement le même. Et qui s’en plaindrait? C’est un biotope complexe, varié, typé (faune et flore boréale) et fascinant. Juste pour vous dire, déjà, les couleurs de la forêt changent…

Il n’empêche, ces élections nous ont fait réaliser à quel point nous étions déconnectés de la réalité québécoise. L’allégeance à un parti politique? Pourquoi? Le parti libéral et son chef, sur lequel tout le monde a vomi récemment, a tout de même gardé le pouvoir pendant neuf ans! Franchement, s’il était si mauvais, comment expliquer cette longévité? Endurance du peuple? Ou simplement inertie?

En tout cas, je puis vous assurer d’une chose : on dira ce qu'on voudra des Haïtiens, mais dans ce pays, jamais le peuple n’aurait patienté neuf ans…

vendredi 31 août 2012

Propos vacanciers



Isaac a traversé Haïti selon la trajectoire prévue, mais n’a pas causé le dixième des dommages qu’il aurait pu causer, s’il eût été plus important. Encore une fois, le pays s’en est fort bien tiré. Certes, on avance le chiffre de 19 morts, mais la façon de comptabiliser ces décès me laisse un peu perplexe : un mur qui s’écroule et qui tue une fillette n’est pas nécessairement lié à la tempête, pas plus qu’un accident de voiture pourrait l’être. Est-ce à dire qu’il faut considérer ces accidents comme conséquences de la tempête? Je ne suis pas sûr. Quant aux malheureux qui traversent une rivière en crue et se font emporter par le courant, la chose est fréquente et tient davantage à l’ignorance des gens qu’à toute autre chose. Quoi qu’il en soit, le pire a été évité et tout le monde s’en trouve soulagé. Jusqu’au prochain…

Et la vie continue.

Haïti ne va pas si mal, merci. En tout cas, d’après ce qu’on peut en lire et en entendre. Personne ne s’en plaint et bien que le pain ne manque pas sur la planche, à chaque jour suffit sa peine et les choses avancent petit à petit. Mais ce progrès qui veut se faire dans tous les sens à la fois donne parfois lieu à des situations qui ressemblent à celle de la charrue devant les bœufs. Ainsi, cet article du Nouvelliste qui m’a fait hausser les sourcils d’étonnement et dans lequel on veut défendre le principe de la ceinture de sécurité en voiture. Principe louable, s’il en est un, et dont l’efficacité a été démontrée sans conteste. Qu’on veuille sensibiliser les gens sur la valeur de la ceinture de sécurité me semble excellent. Si vous vous souvenez, c’est exactement ce qu’on a fait au Québec lorsqu’on a compris que le port de la ceinture pouvait contribuer à diminuer le nombre d’accidents lourds et par là même, le coût des services de santé. Jamais on n’aurait pu invoquer l’imitation des autres pays pour justifier ce choix (comme on le fait en Haïti). Par la suite, le non-port de la ceinture a été sanctionné par une contravention, laquelle s’est étoffée au fil des ans, je le sais trop bien. Mais avant de sanctionner, on a donné le temps aux gens (1) de comprendre la raison d’être de cette mesure et (2) de s’y habituer progressivement. Si bien que de nos jours, rares sont les personnes qui, en voiture, ne bouclent pas leur ceinture sans même y penser. Mais en Haïti? Là où les voitures tiennent souvent davantage de radeaux de la méduse que de moyens de transport? Disons qu’il y a de quoi sourciller… Surtout lorsqu’on lit que sur la fiche de contravention, il n’y a pas d’article concernant le port de la ceinture de sécurité…

Pour l’heure, cette politique — ou plus justement, cette pratique policière — se limite à Pétionville et à certains quartiers de la capitale. S’étendra-t-elle, comme le souhaite la police, à tout le pays? Comme diraient les Normands : « p’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non »…

Quoi qu’il en soit, lire que les gens rouspètent parce qu’ils reçoivent une contravention pour non-port de la ceinture de sécurité me semble bien reposant dans ce pays où la révolution n’est jamais bien loin…

Cela doit vouloir dire que nous avons hâte d’y retourner…

Note : traduction de la caricature ci-dessus : 
(Dans le camion, surchargé comme à l’habitude) Ahhhhh! Regardez la misère de ce monsieur, pauvre diable! 
(Le policier au conducteur de la voiture) Quoi! Vous n’avez pas mis votre ceinture de sécurité? Donnez-moi votre permis de conduire que je vous donne une contravention!