mardi 23 mars 2010

Le petit train-train


Eh bien notre attente des Brésiliens aura été vaine. Nous avons appris hier qu'ils ne viendraient pas, du moins pas cette semaine, ni la prochaine d'ailleurs. En revanche et si la tendance se maintient, ils seront là dès le début d'avril, et par la suite, chaque première semaine du mois. Ça me paraît un excellent arrangement. Comme ça, nous pourrons planifier les activités, donner rendez-vous aux gens et faire ce qu'il faut pour donner un bon service. Ce qui est important, c'est que nous puissions continuer de traiter les gens qui ont maintenant des plâtres ou des tiges de métal à faire enlever. Car l'orthopédie, c'est presque de la mécanique automobile, si vous voulez tout savoir, et j'avoue pour ma part avoir été assez surpris de voir ces chirurgiens travailler avec des pinces, des clés, des tournevis, des scies et, bien sûr, l'incontournable perceuse électrique! Mais ça, c'était dans le feu de l'action il y a déjà deux mois et demi. Maintenant, c'est le suivi. Moins critique, mais tout aussi essentiel, car personne ne veut rester emplâtre toute sa vie, n'est-ce pas...

Tout ça pour vous dire que le petit train-train, celui qu'on ne pensait pas retrouver avant un bon bout de temps, est en train de se remettre en place. Nos activités quotidiennes reprennent comme avant et nous nous remettons à penser à ce qu'il faut faire pour avancer sans trop de problèmes...

Car les problèmes se suivent et l'on doit s'ajuster. Des fois aisément, d'autres fois, de peine et de misère. Vous apprends-je quelque chose que vous ne saviez pas, là? Pas vraiment, hein? Je m'en doute. Mais il est important pour la perspective que vous compreniez, à titre de lecteurs qui, pour la plupart, êtes quelque part hors de ce pays, que la vie ici est certes différente de celle que l'on vit au Canada, aux État-unis ou en Europe, mais que la mécanique qui la régit est foncièrement la même: des petits problèmes, des plus gros, auxquels on s'ajuste, parfois en les résolvant, parfois en en faisant le tour, tout simplement. Parlant de tour, vous allez dire que je fais vraiment le tour du pot, là, et vous n'aurez pas tort. Ce que j'ai en tête ne se partage pas publiquement. J'aimerais bien vous dire ce qui me turlupine, mais je commettrais ce faisant une indiscrétion. Je sais bien qu'il est maintenant de bon ton de s'ouvrir l'âme en public, de préférence à la télévision, mais je reste persuadé que la décence vaut mieux.

Donc je ne vous en dis pas plus long. Car pour dire vrai, il m'est difficile de poursuivre ce patinage artistique en sachant que l'heure de la bière approche à grands pas. À propos, nous avons trouvé de la Prestige! En fait, ce n'est pas nous, mais notre marchand bien intentionné, M. Léger, qui a sorti de son placard secret une caisse de ce fleuron de la production haïtienne! Avouez qu'on a de la chance!

lundi 22 mars 2010

Faudra-t-il aider l'aide?


Vous le savez maintenant: même si nous n'avons que peu de contacts avec la presse papier ou télévisée, nous sommes très au fait de ce qui se passe dans le monde grâce au miracle (car oui, c'en est un) de la technologie informatique moderne. Certes, les sources peuvent en être discutables. Mais pour quelqu'un qui sait décoder l'information avec un certain sens critique, les articles glanés sur le Web peuvent se révéler une excellente source pour nous inviter à réfléchir.

Tout ça pour vous dire que je viens de tomber aujourd'hui sur cet article de Louise Leduc sur Cyberpresse. Je vous l'ai dit dès le début de l'après-séisme : l'aide humanitaire, c'était un joyeux bordel où tout le monde tentait à sa manière de prendre son pied. Et puis l'effervescence du début s'estompe, le gaz carbonique se disperse et on se met à regarder les choses d'un œil plus attentif et plus critique. Et ma foi, ce que l'on constate n'est pas toujours digne d'éloges ou de mentions honorables... Même venant d'organisations qu'on assume sérieuses et bien structurées, les vides sont évidents. Notez en passant ce que disait l'un de mes profs de philo : c'est souvent au cœur de l'évidence que se cache le vide... Or, je dois dire que la chose s'est avérée depuis la Catastrophe. Juste pour vous donner un petit exemple qui nous touche directement : quelques jours après le séisme, les militaires de la MINUSTAH sont venus et, sans dire un mot, se sont mis à monter des tentes pour les réfugiés. «Quels réfugiés?» ai-je poliment demandé. «Les réfugiés», m'a-t-on répondu d'un ton qui n'admettait pas la réplique. Je me suis dit que je n'étais sans doute pas au fait des plans qu'on avait en haut lieu pour faire face à cette terrible catastrophe (probablement la "need-to-know basis") et, poli, je me suis tu. Pas moins de quatre tentes style chapiteaux furent montées dans la cour. Les a-t-on utilisées? Oui. Environ une dizaine de personnes y sont passées. Et pas des réfugiés, vous vous en doutez bien. Certaines d'ailleurs avec des intentions qui n'avaient rien à voir avec la convalescence, mais bon, nous avons tout de même gardé les choses sous contrôle. Mais voyant l'usage qu'on en faisait, j'ai appelé la MINUSTAH la semaine dernière pour leur demander de bien vouloir venir récupérer leurs tentes. En vain. En bout de ligne, c'est nous qui avons démonté ces tentes et les avons entreposées en attendant que les propriétaires viennent les chercher. Et je vous parie une bouteille en verre contre un ver dans le fond d'une bouteille (de Mezcal, bien sûr) que ce ne sera pas demain qu'ils viendront... Et pourtant, de tous les côtés, on crie qu'on manque de tentes... Il y a d'autres organisations aussi que je pourrais nommer, mais bon, évitons de froisser les susceptibilités locales, n'est-ce pas. L'essentiel est que vous puissiez comprendre ce que je veux vous illustrer. Donc, oui, c'est bien vrai, l'efficacité des organisations reste au mieux discutable, au pire, une source de raillerie. Et l'argent qu'on y gaspille? Je vous dis pas...

Les Haïtiens ne sont pas plus fous que d'autres: ils comprennent vite que s'il n'y a pas de contrôle, tout le monde peut faire comme il veut. Au plus fort la poche, comme on dit... Et comme l'a fort judicieusement souligné le premier ministre haïtien, si l'on gave le peuple, on ne leur rend nullement service : on en fait des opportunistes et des profiteurs.

Quant à la compétition entre les ONG, la redondance des services offerts, la non-communication, le tape-à-l'oeil médiatique, oui, tout cela est vrai. Et pire encore. Mais cela fait partie du jeu, que voulez-vous?... C'est pour cela que je vous disais que mieux vaut une petite organisation qui limite le champ de ses activités plutôt qu'une grosse boîte internationale qui veut appliquer ici des principes qui ne valent rien. Finalement et comme partout ailleurs, l'habit ne fait pas le moine, même s'il s'agit d'un habit organisationnel qui semble parfaitement seyant...

De quoi donner l'idée de lancer sa propre fondation, tiens...

vendredi 19 mars 2010

Blakout


Un autre. Je parle du vendredi, bien sûr. Dites, avouons-le en chœur: ça passe vite sept jours. J'imagine que le Bon Dieu n'a pas vu le temps passer, occupé qu'il était à tout créer en si peu de temps... Pouvait bien avoir hâte au dimanche, pauvre diable... Nous, c'est le vendredi. Pour d'autres, comme pour le doyen de mes neveux, c'est le lundi. Chacun son jour.

Vous avez compris qu'après ma montée de lait d'hier et en ce jour qui se trouve notre TGIF je n'ai pas envie d'un sujet trop profond, trop dense ou trop ample. Surtout après la longue nuit blanche que j'ai passée... En fait, c'était une nuit blanche dans la nuit noire... Car pour être noire, la nuit l'était! Le temps était nuageux -- en fait, il a même plu un peu -- et seules les sentinelles de la cour éclairaient çà et là. Cependant, depuis quelque temps, on nous coupe maintenant systématiquement le courant vers les 3 h, si bien que les sentinelles se ferment tout alentour et là, mes chers frères, c'est la grande noirceur. Ou noire sœur, si vous aimez mieux... Le blakout, comme on dit en créole (je n'ai pas besoin de vous retracer l'origine du terme, hein?). Et la génératrice, me direz-vous, elle sert à quoi, dans tout ça? Eh bien justement, à rien. On ne la démarre plus. À moins d'urgences, bien entendu. L'hôpital n'est pas très achalandé ces jours-ci, les infirmières font leur tour de garde à la lampe de poche, c'est plus économique, moins bruyant et personne ne s'en plaint jusqu'à maintenant. Bien entendu, lorsque la chaleur sera vraiment là, on n'aura pas le choix de démarrer la génératrice pour que les ventilateurs se remettent à tourner et à remuer cette chaleur, histoire de la rendre un peu supportable. Mais pour l'instant, ça va. Toujours est-il que, respirant le silence de cette nuit noire, silence ponctué par quelques chiens hurleurs et un ou deux coqs à l'horloge détraquée, je me suis laissé porté par la méditation des problèmes courants -- que je vous épargne, ne vous en faites pas -- jusqu'à ce que les bruits familiers du matin me disent que l'heure du sommeil réparateur était définitivement derrière moi. Parmi ces bruits (entendez par là, sons discordants), il y a nos voisins adventistes qui, comme d'habitude depuis le début de la semaine dernière, s'échauffent les poumons dès 5 h, et laissez-moi vous dire que ça n'a rien d'une berceuse. Donc, le réveil sonné d'atroce manière, on s'est mis au diapason de la journée: café, musique, débarbouillage... pas nécessairement dans cet ordre. Et tourne le moteur.

Mais une nuit comme ça, même si elle est fertile dans la boîte à idées, ne recharge pas vraiment les batteries, ce qui donne une journée de faible ampérage. La lumière ne brille pas fort fort dans ce temps-là... On s'embrouille aisément. Mais ce n'est pas trop grave, car on survit aisément et on se dit qu'il reste encore demain.

Demain... «Demain le mot le plus menteur de toutes les langues»... (anonyme)

jeudi 18 mars 2010

Les enfants volés


Mezanmi! 3h30 déjà, et je n'ai rien de préparé, rien à vous dire, rien à vous conter. Que faire? Sauter un jour? Ce serait la solution facile... Mais non. Je persiste et signe, comme dirait l'autre.

N'ayant rien de préparé, je me permets de revenir sur un thème que j'ai déjà abordé, mais puisque la presse d'aujourd'hui en parle, je me dis que cela me donne certainement le droit d'y aller de mon grain de sel. En effet, j'avoue avoir été scandalisé par cette histoire. Comment ne pas l'être? Aujourd'hui, ces enfants, arrachés à leur famille -- pas orphelins, non! -- ont enfin pu retrouver leurs proches. Et les stratagèmes utilisés pour subtiliser ces enfants à leurs parents? Dégueulasse, rien de moins! Je cite: «Florence Avrilier, 32 ans, a retrouvé son petit garçon de huit ans. Elle avait gardé sa fille de douze ans, parce que les missionnaires lui avaient dit ne vouloir que les enfants de moins de dix ans.» Sans doute parce que les enfants de moins de 10 ans se vendent mieux!... Mais on est où là? Des fois je me dis que l'humanité n'a pas avancé de plus d'un pas de souris depuis l'avènement de l'homo sapiens. Certes, on a bien écrit la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, mais sa portée reste très limitée, surtout sur le plan juridique; cependant, ses articles en sont autant de guides de ce qui est correct ou pas. Ainsi, l'article 16, paragraphe 3 dit: «La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État.» Or, qu'ont fait ces «missionnaires»? Ils ont menti à des pauvres gens, ont brisé leur famille, les ont bernés volontairement ou par leur propre ignorance dans le seul but de s'approprier LEURS ENFANTS! J'en frémis encore. Tu parles d'une mission, oui! On se croirait à l'époque des invasions barbares, tiens. (Pas celles d'Arcand, vous l'avez compris) Et le pire, c'est que personne, dans ce groupe de missionnaires, ne s'est posé la question cruciale : «Avons-nous le droit de faire cela?» Tous se sont sentis en paix avec eux-mêmes, grisés par "l'opium du peuple". Des fois, je trouve nos voisins adventistes un peu exaltés. Sans doute chantent-ils faux à n'en plus pouvoir, mais au moins ils ne volent pas d'enfants, eux! Certes, on pourrait dire que le contexte de l'après-séisme a donné à ces missionnaires des circonstances atténuantes; après tout, c'était le bordel de tous les côtés, et les enfants n'étaient évidemment pas la priorité, surtout s'ils étaient en vie. Mais au contraire, je trouve que l'opportunisme dont ont fait preuve ces missionnaires est révoltant. Quoi! Profiter justement du désordre suivant le tremblement de terre pour escamoter en douceur des enfants haïtiens? Mais c'est machiavélique, ça!

J'ai parlé hier de la bonne conscience. Avouez que c'en est là le plus bel exemple. Ces Américains ne sont pas de mauvaises personnes; ce ne sont pas des bandits, du moins je ne le crois pas. Et pourtant, ils ont commis un acte hautement répréhensible, totalement immoral. Comment ont-ils pu ne pas se sentir coupables, ou à tout le moins, questionner leur démarche? La bonne conscience, les amis. La bonne conscience. On sort les enfants de leur misère, de leur trou à rats qu'est Haïti et on leur donne une gentille famille américaine avec télé HD. Comment ces enfants pourraient-ils ne pas être heureux? Comment ne pas croire que ce que l'on fait est pour la bonne cause? Comment ne pas imaginer que Dieu va tout comprendre et pardonner le petit tour de passe-passe pas trop trop légal -- mais qu'a-t-on à faire de légalité quand on «sauve» ces pauvres enfants? De moins de 10 ans, ne l'oubliez pas! Car à 11 ans, l'enfant peut se sauver tout seul! Vous suivez la logique, vous autres? Moi, ça me cause un petit problème et pour ne pas être vulgaire, je vais quand même vous dire: ça me fait chier.

Mais tout est bien qui finit bien. N'est-ce pas. À moins, bien entendu, qu'ils aient réussi ailleurs sans se faire pincer, ce qui reste tout à fait possible... L'article dit que Mme Silsby aurait tenté d'emmener un autre groupe d'enfants, quelques jours auparavant. Et si elle avait réussi avant, le saurions-nous? Je ne crois pas qu'il serait dans l'intérêt de la dame que l'affaire s'ébruite... Et ceux qui, à l'autre bout, ont reçu livraison de leur colis par le biais de la cigogne ne vont certainement pas s'en vanter, maintenant que les dessous sordides de l'affaire sont publics et ont soulevé l'ire générale...

Tout à l'heure, je parle avec deux petites filles--environ 6-7 ans--jolies comme tout, de parfaites candidates à ce trafic éhonté. L'une d'elles est en béquilles. «Tu n'as pas trop de misère à marcher avec ça?», lui demandé-je. «Oh non!» me répond-elle avec un sourire partiellement édenté (dents de lait qui tombent?), «c'est facile!» Et de me faire un petite démonstration. Spontanéité, sourire confiant, insouciance en dépit des béquilles. Dites, c'est pas beau, ça?

Qui osera me dire ce qui est bon pour ces enfants?

mercredi 17 mars 2010

La bonne conscience


Bonne nouvelle reçue hier et que je partage avec vous aujourd'hui : nos aimables patrons ont accepté de considérer une proposition visant à offrir des services d'orthopédie à même notre institution. Vous allez me dire qu'il n'y a pas de quoi en faire tout un plat, et sans doute aurez-vous raison, mais au départ, leur réticence était telle que l'idée même d'accroître notre offre de service pour l'ajuster aux nouveaux besoins post-séisme ne passait pas. À leur défense, je dois dire qu'il est difficile, pour des gens de l'extérieur, de comprendre la nouvelle dynamique qui est en train de voir le jour dans le pays. Les besoins, déjà importants, vont certainement s'accentuer et tout spécialement en orthopédie. Mais à force de parler à des gens plus importants que votre humble scribe, ils ont compris qu'il était peut-être avantageux pour eux (lire bon pour leur réputation) d'ouvrir une porte, quitte à la refermer si l'odeur devient trop nauséabonde...

Il faut comprendre qu'en cette période particulière, il est très facile de se donner bonne conscience en Haïti : il suffit simplement de se dire qu'on «aide» le peuple et ça y est, on peut dormir sur ses deux oreilles, sans souci de la forme que peut prendre cette «aide» ou de son efficacité véritable. Ainsi en est-il de l'aide internationale, celle qui, initialement devait compenser les lourdes pertes matérielles subies par le pays. Qu'en est-il après deux mois? C'est parti à la dérive. Témoin cet article, paru hier sur cyberpresse. Maintenant, ce sont les durs à cuire qui s'occupent de l'aide et tous les moyens sont bons pour en tirer profit. Et les victimes, dans tout ça? Eh bien elles sont déjà victimes, alors elles le deviennent simplement un peu plus... Surtout les filles, vous l'aurez compris sans avoir besoin de lire l'article de la presse sur le sujet... Je sais, je sais, vous allez dire que c'est dégueulasse, dégoûtant, répugnant et tout et tout, et vous aurez absolument raison. Mais si impensable que puisse être la chose, elle n'en est pas moins réelle : les dés sont truqués, je l'ai déjà dit, et les perdants restent toujours, par définition, les perdants. Ou plutôt, les perdantes, devrais-je dire...

Facile de se donner bonne conscience, mais lorsqu'on y regarde de près, on avale de travers...

Cela peut-il changer? Bien sûr! Mais pas vite. Déjà, à partir du moment où l'aide a commencé à arriver, les mauvais éléments ont commencé à se frotter les mains et à se pourlécher. Et ça continue. Et pendant ce temps, l'argent afflue, on le sait, on en entend mille témoignages, mais ne va nécessairement au bon endroit, je l'ai déjà écrit. Il faudra bien plus qu'une volonté politique, bien plus que quelques casques bleus, bien plus que quelques tentes disséminées ici et là pour redresser la barre de ce navire passoire et le mener à bon port. Il faudra des actions concrètes, menées manu militari, et tant pis si certains «passent au cash». Et surtout, il faudra du temps.

Mais, comme le dit un proverbe haïtien que tout le monde connaît: «Piti piti zwazo fè nich.»

mardi 16 mars 2010

Migration

"I am unclear as to the migration patterns of people from PAP."  C'est en ces termes que notre amie Lori, une Américaine qui travaille à établir un petit centre de santé à Port Salut, m'a demandé mon opinion sur le sujet dans un message qu'elle m'a envoyé hier. L'organisation, dont elle est pour ainsi dire COO (Chief Operating Officer), s'appelle No Time for Poverty et s'efforce de faire sa part dans le secteur de la santé dans la région de Port Salut, petite ville située à environ 50 km à l'ouest des Cayes, bien connue pour sa plage superbe. Du bon monde. Leur hôpital n'est pas encore fini de construire, mais ça ne les empêche pas d'être bien présents dans le sud, notamment sous forme de cliniques ponctuelles menées par des équipes de volontaires américains. Depuis quelque temps déjà, nous avons établi un bon contact ensemble et je m'efforce de leur donner un petit coup de pouce au besoin, notamment sous forme d'information pratique.

Tout ça pour vous dire que j'ai trouvé sa question fort intéressante et tout à fait pertinente. Bien que non-expert en la matière, je me permets tout de même un avis sur la question. Car oui, il y a migration. Indubitablement. On n'a qu'à se promener dans les rues de la ville pour s'en rendre compte. Je vous ai déjà parlé de la vie dans les rues des Cayes (voir La rue qui vit). Eh bien maintenant, c'est encore plus grouillant, les gens se marchent littéralement sur les pieds et la circulation, je vous dis pas... Encore ce matin, nous avons fait une petite sortie à l'épicerie. Tandis que j'attendais dans la voiture (stationnée de drôle de façon), un groupe de jeunes est venu quémander. "Give me one dollar", me dit l'un deux, au regard vif et à la langue bien pendue. Ça faisait longtemps que je l'avais entendue, celle-là... Je ris, puis commence à bavarder avec le gamin. Qui m'apprend, très spontanément qu'il est de Port-au-Prince, mais que lui et sa famille n'ont plus de maison et qu'ils sont venus aux Cayes sur la vague recommandation d'une connaissance et que depuis, ils essaient de s'y installer. Ce n'est peut-être que pure invention, mais je ne le crois pas. Car le fait est: plusieurs habitants de Port-au-Prince ont tout perdu et tentent maintenant de se refaire une vie ailleurs, aux Cayes, pourquoi pas? Reste que leur nombre est bien difficile à estimer. Comment le faire? Qui tient un registre des allées et venues de ces gens? Comment pourrait-on le faire, d'ailleurs? Toujours est-il que l'exode, puisque c'en est un, se poursuit sans tambours ni trompettes, mais résulte en un véritable accroissement de la population des Cayes. J'en prends également pour exemple la fréquentation de notre petit hôpital. Hier lundi, nous avons vu passer pas moins de 270 patients, ce qui constitue sans doute un record d'affluence. Et ce qui est éloquent, c'est la longue file des personnes au guichet des nouveaux dossiers, ce qui laisse penser qu'une forte proportion de ces gens viennent de l'extérieur. Ces signes ne mentent pas. Les Cayes se gonfle. Avec pour conséquence que la pression sociale risque d'augmenter, car tous ces nouveaux arrivants aspirent à un minimum de vie décente. Or, les infrastructures actuelles me paraissent bien fragiles au regard du nombre de nouveaux venus. Craqueront-elles sous le poids du nombre? S'en va-t-on vers une nouvelle flambée de violence? Difficile à dire... Cependant et malgré ce que je viens de dire, j'aurais tendance à croire que non. Pourquoi? Simplement parce que les gens ont d'autres chats à fouetter. Et aussi, qu'ils caressent l'espoir que les choses vont s'améliorer. Alors ils tiennent le coup, tant bien que mal, et attendent, comme je vous l'ai dit il y a une quinzaine de jours.(L'attente). La migration de la population de la capitale suit-elle un plan quelconque? Je ne crois pas. Certains viennent, tâtent le terrain et retournent d'où ils sont venus; d'autres s'établissent sommairement; d'autres collent chez de vagues parents; d'autres enfin s'installeront à demeure, en autant que leurs conditions de vie le permettent. Voilà en substance ce que j'ai répondu à mon amie Lori. Ce n'est peut-être pas une analyse en profondeur, mais intuitivement, je dirais qu'elle reflète la réalité présente : le pays est en mouvance et ce n'est que dans plusieurs mois qu'on saura comment la population s'est distribuée. Pour l'instant, tout le monde s'accommode du surplus de population aux Cayes.

Tant bien que mal, comme toujours...

lundi 15 mars 2010

Tombent les mangues


Connaissez-vous cette chanson d'Adamo intitulée Tombe la neige? C'est son titre qui a inspiré le mien. Car ici, ce n'est pas la neige qui tombe, mais bien les mangues, et laissez-moi vous dire que leur impact sur un patio fait de béton recouvert de céramique n'a rien à voir avec la neige! Surtout qu'en plus, plusieurs tombent d'abord dans le feuillage du palmier voisin (genre de palmier à l'huile, mais non, ce n'en est pas un; si quelqu'un peut l'identifier sur la photo dans le coin supérieur gauche, je n'en serai que plus heureux parce que moins niaiseux), dont les palmes sont épaisses et peu cartonnées, ce qui fait un bruit d'enfer, assez pour nous réveiller, pour tout vous dire. Et le matin, les mangues jonchent la terrasse au point qu'on croirait que des enfants ont eu beaucoup de plaisir, mais n'ont pas rangé leur désordre. La saison des mangues, je vous l'ai dit l'année dernière et l'année précédente, engendre une forme de folie collective chez les Haïtiens qui y voient comme une manne tombée du ciel. Ce qu'elle est d'ailleurs, et succulente en plus! Si bien que cette année, j'ai dû mettre des règles strictes interdisant aux gardiens de sécurité de venir chercher des mangues sur la terrasse entre 19h et 7h, car notre chambre donne maintenant de ce côté. Or, vous admettrez avec moi que d'entendre quelqu'un marcher subrepticement à minuit ou à 5h le matin, ce peut être vaguement inquiétant... Car oui, n'en doutez pas, les déplacements humains près de la maison, quelle que soit l'heure, me réveillent sur-le-champ. Vous savez ce qu'on dit du chat échaudé...

Tout ça pour vous dire que les mangues tombent et attention à ce qui se trouve en dessous. Vous connaissez tous les lois de la force gravitationnelle, n'est-ce pas... Au moins une chose qui n'a pas été affectée par le tremblement de terre, tiens...

La raison pour laquelle je vous parle de mangues est double : d'abord, c'est vrai que c'est une preuve que le tremblement de terre n'a pas tout transformé; la saison des mangues revient cette année comme s'il ne s'était rien passé. Ensuite et surtout, les mangues, c'est le fruit nourrissant et délicieux, c'est l'espoir de jours meilleurs, c'est un cadeau du Ciel qui met comme un baume sur la plaie sismique. On parle beaucoup de reconstruction du pays, ces temps-ci, et l'on parle de construction physique, bien entendu. Mais la reconstruction psychologique me semble tout aussi importante, car comment construire si le peuple est apathique, démoralisé, déprimé? Les Haïtiens, je l'ai dit à satiété, sont un peuple non seulement courageux, mais aussi tenace et pas facilement découragé. Il suffit de pas grand-chose pour les remettre sur pied, et la saison des mangues est certainement un pas dans la bonne direction. Un peu de «normalité», comme je l'ai dit naguère, ne nuit évidemment pas. Les deux derniers mois n'ont pas toujours été faciles, je m'en suis assez plaint pour que vous le sachiez, et le retour à une certaine «stabilité dans l'instabilité» s'apprécie d'autant plus qu'il est nécessaire. On ne peut pas toujours être en crise...

C'est incidemment ce qui nous a incités, mon inséparable et moi-même, à prendre un petit week-end de congé, hier et samedi. Oh! Nous ne sommes pas allés très loin, mais cela a suffi à nous faire sentir un peu ailleurs, un peu hors du rythme trépidant de ces deux derniers mois. Nous n'avons pas fait grand-chose, en fait et pour dire franchement, n'avons absolument rien fait, et c'était parfait comme ça. C'était calme -- nous étions les seuls clients -- et c'était ce que nous voulions. Même le climatiseur était silencieux, c'est vous dire...

Et aujourd'hui lundi, il y a comme un air de répit dans l'air. Les Brésiliens s'en sont allés vendredi dernier et leurs remplaçants ne sont pas encore arrivés -- une équipe réduite, cette fois, puisqu'elle ne comptera que quatre spécialistes. Mais je l'ai dit, le travail de crise est terminé et maintenant il faut s'assurer que les pots cassés qu'on a habilement recollés tiennent le coup...

Ne m'en veuillez donc pas trop si mes rendez-vous s'espacent. Peut-être n'aurai-je rien de neuf à vous raconter, peut-être serai-je seulement captif de ma paresse proverbiale, en tout cas, on verra...

jeudi 11 mars 2010

Une petite prothèse avec ça?


Je vous ai parlé avant-hier du centre de santé Lumière, où l'on fabrique, entre autres choses, des prothèses. Tout est déjà en place; ne manque que la petite poussée pour combler les nouveaux besoins de prothèses. Et, bien sûr, pour montrer à ces handicapés à fonctionner avec une prothèse... À cet égard, je ne peux m'empêcher de vous présenter le cas de cette photo. Une petite fille. Trois ou quatre ans. Amputée. Mais voyez l'attitude du médecin (brésilien, est-il utile de le préciser); la compassion se lit sur son visage. Une compassion naturelle, pas forcée, pas obligée, pas apitoyée, pas supérieure : naturelle. Cette amputation-là ne date pas d'hier, vous vous en doutez bien. Je l'ai dit antérieurement, les amputations sont maintenant chose du passé. Et celles qui ont été réalisées ici vont très bien merci. Certaines ont connu un succès plus mitigé, pour des raisons variables, mais celles que nos amis Brésiliens ont effectuées sont réussies; il ne reste plus à présent pour le patient qu'à guérir et surtout, surtout, apprendre à vivre avec.

Or, comme le disait June, la directrice du programme Avantage qui s'occupe de faire des prothèses à l'Hôpital Lumière (dont je vous ai parlé sommairement avant-hier), ici les prothèses des membres supérieurs n'ont pas la cote, pour la simple raison qu'elles sont très rudimentaires (un simple crochet) et pas très esthétiques. Or, en Haïti, l'apparence compte, je ne vous le fais pas dire. Donc si la prothèse n'est pas esthétique, même si elle est fonctionnelle, elle ne sera tout simplement pas utilisée. Tandis que pour les membres inférieurs, il en va tout autrement. C'est une chose importante à savoir, quand on fabrique des prothèses... Donc, on mettra l'accent sur les prothèses des membres inférieurs. Mais j'en reviens à cette petite fille sur la photo (qui s'appelle Martina, en passant). Que faire? Lui mettra-t-on prothèse? Pas sûr, car l'amputation a été exécutée presque au ras de la hanche... Pour l'instant, me dit Sœur Guadalupe, elle va plutôt bien et est devenue la reine de l'orphelinat que gèrent les sœurs de la Charité de Calcutta. Mais après, qu'en adviendra-t-il? Nul ne le sait. Et c'est pour ça, entre autres, que dans ce pays, planifier n'a jamais la même signification qu'ailleurs. Le court-terme ici est vraiment court, de l'ordre de la journée, je dirais. Dès lors, on comprendra que le long-terme s'évalue en mois et non en années; là on parle de très long terme et de tout ce que ça peut comporter d'incertain. Tout est relatif, je ne vous l'apprends pas... Mais voir un enfant de cet âge amputé, je ne sais pour vous, mais moi ça me fait mal. On se prend à penser à la vie qui l'attend, surtout dans un pays comme Haïti... Mais d'un autre côté, peut-être s'ajustera-t-elle plus facilement qu'on pense, peut-être même que sa situation de handicapée lui permettra d'échapper à la grande misère, qui sait? En tout cas, je suis convaincu qu'on ne la laissera pas tomber, et ici, le pronom «on» trouve tout son sens dans l'indéfini et l'indéfinissable : «on» peut être n'importe qui.

Je reviens à ma photo et au Brésilien. Ce médecin a fait ici un travail tout à fait remarquable, comme la plupart de ses compatriotes d'ailleurs. Et je tiens ici à souligner que, non, ce n'est pas du parti pris, simplement un constat. Les Brésiliens, étrangers en terre haïtienne et je devrais dire plus étrangers que d'autres car ils ne font pas partie des visiteurs courants, ont livré ici non seulement une performance professionnelle irréprochable, mais aussi, je dirais même surtout, de l'amour. Oui mes amis, y'a pas d'autre mot pour ça. Et si vous ne me croyez pas, eh bien regardez attentivement la photo et voyez le regard de cet homme--pas ses yeux, on ne les voit pas; mais son regard qui se pose sur l'enfant. Si ce n'est pas de l'amour ça, je veux bien qu'on me dise ce que c'est... Et non, ce n'est pas qu'un simple geste professionnel. Et ils sont tous comme ça! C'est incidemment ce qui fait leur succès ici : ils sont proches des gens, et au diable la barrière linguistique. À force de sourires, de gestes et de mots répétés dans une langue ou dans l'autre, ils arrivent à établir le contact et les patients se sentent réconfortés par ces professionnels au grand cœur. C'est incidemment dans ces termes que j'ai décrit ce matin l'apport brésilien, dans une entrevue pour la télé brésilienne qui sera vue, m'a-t-on dit, par environ 40,000,000 de téléspectateurs, ce qui est quand même pas mal. Ai-je bien fait ça? De l'avis du journaliste, comme un pro. Il m'a d'ailleurs dit qu'il m'enverrait une copie du montage vidéo (voir lien ici sur YouTube).  Mais le fait demeure que j'ai dit la vérité. Une vérité toute simple, comme la plupart des vérités d'ailleurs, et qui met en lumière la grande bonté de ces gens.

«Yo bon moun» : du bon monde. C'est comme ça que les Haïtiens parlent des Brésiliens.

mercredi 10 mars 2010

Peu suffit à chaque jour si chaque jour acquiert ce peu


Et le temps passe et la vie s'enchaîne. Se met dans des chaînes. S'entrave, comme on dit couramment en créole. Petite journée aujourd'hui, et pourtant, la fatigue, en cette fin d'après-midi (il est présentement 16 h) se fait sentir tout de même. Ce doit être l'âge... À moins que ce soit simplement la résistance qui s'amenuise... J'ai déjà lu sur ce sujet que lorsqu'on est sous stress, on arrive à tenir un rythme assez intense pendant un bon bout de temps; puis, lorsqu'arrive la fin du stress (entre autres sous forme de vacances), l'organisme se détend et de ce fait, tombe souvent malade à ce moment... Est-ce là le genre de fatigue que nous ressentons? La post-stress? C'est possible. De toute façon, ça ne change pas grand-chose à l'affaire, n'est-ce pas? Nous sommes fatigués et quand je dis «nous», je veux dire tout le monde. Car ce n'est pas évident pour les Haïtiens non plus, vous vous en doutez bien. Plusieurs ont tout perdu, et ici, pas de compagnie d'assurances pour les sortir du trou: il faut repartir à zéro, tout simplement. Et ne me dites pas que c'est une bonne chose, car mieux vaut une maison en ruines que pas de maison du tout, c'est la simple logique qui le veut.

Bien sûr, pour certains, ce peut ne pas être suffisant; d'où encore une fois la nécessité d'évaluer la condition des gens avant de proposer une aide systématique. Raymond, que vous connaissez tous maintenant, est toujours absent du pays, mais Ti-Jo, son contremaître, s'active à refaire des petites maisons pour ceux qui sont plus mal en point. Je vous en ai joint une qui sera vraisemblablement démolie et reconstruite de façon plus permanente. L'idée, c'est que l'assistance au peuple haïtien ne peut se faire sur un seul front à la fois: une fois les blessés soignés (et il le sont, maintenant), il faut passer à autre chose et pour ma part, je considère encore et toujours un toit sur la tête comme une première nécessité. Puis, il faut penser à créer de l'emploi, tout le monde le répète, mais ça, c'est plus vite dit que fait. Car il y aura toujours des sans-emploi, soit pour cause d'incompétence ou plus simplement et plus généralement pour cause d'incapacité de donner du travail à tout le monde. Ici, à notre petit hôpital, c'est presque sur une base quotidienne que je reçois des demandes d'emploi, le plus souvent pour des tâches non spécialisées comme homme de cour, buandière ou gardien de sécurité. Or, les besoins de ce type de personnel sont assez réduits, car les personnes en place conservent leur poste pendant toute leur vie. Même qu'on a des employés qu'on aimerait bien mettre à la retraite, mais comme il n'y a pas ici de plan de retraite institutionnelle d'une part et que nous ne souscrivons pas au plan de retraite gouvernemental d'autre part, eh bien cela signifie que l'employé qui s'en va après 25 ans de service n'a rien. Pas un sou neuf, pas même une montre en (faux) or. Comment dès lors peut-on penser à inciter un vieil employé à tirer sa révérence? Rien n'est facile dans ce pays, je vous l'ai répété à maintes reprises...

Mais nos employés, puisque j'en parle, ne sont pas malheureux. Oh! bien sûr, il y a toujours ceux qui se plaignent le ventre plein--ils sont partout ceux-là et il faut les laisser braire sans en faire de cas; mais il y a aussi les autres qui savent que ce qu'ils ont est peu mais qui apprécient tout de même ce peu à sa juste valeur. En d'autres termes, tout le monde voudrait bien gagner à la loterie (et dites-moi que ce n'est pas pareil par chez vous), mais en sachant bien qu'il s'agit d'un rêve et que mieux vaut un tiens que deux tu l'auras. Donc je dirai que, hors tout, nos employés ne sont pas si malheureux. Bien sûr, s'ils avaient plus d'argent, ils seraient sans doute mieux, mais bon...

Je m'arrête ici et pas tant par manque d'idées que par impatience croissante face à mon curseur fou qui va de tous les côtés, sélectionne mon texte à mon insu et l'efface, saute les paragraphes, revient derrière, bref est partout sauf où il doit être. Je pense que c'est un cas d'électricité statique, mais je ne sais pas comment le résoudre. J'ai demandé à mon frère l'expert et j'attends sa réponse. Mais dites-vous bien qu'il faut de la patience pour écrire dans ces conditions et là, eh bien je suis à la limite. Alors pour éviter la crise de nerfs, je vous laisse ici.

mardi 9 mars 2010

Mwen la!


Bon! Me voici de retour! Je n'ai pas entièrement terminé avec la réinstallation des composantes de mon HP, mais je suis assez avancé pour pouvoir vous revenir sans avoir à chercher de tous les côtés où sont les fonctions auxquelles je m'étais habitué et qui rendent la vie de l'utilisateur de PC nettement plus facile. Certes, le système est différent et demande une certaine adaptation, mais il semble vraiment mieux sous tous rapports alors l'effort à faire pour s'y ajuster vaut le coup (je pense).

Je pourrais vous parler d'autre chose, mais je veux tout même m'attarder quelque peu sur le sujet, car il reflète bien l'état de la situation ici, à savoir : débrouille-toi! Degaje, comme on le dit si bien ici. Car les ressources spécifiques sont rares, qu'elles soient matérielles, financières ou humaines. Alors faut se démerder, comme on dit dans la langue de Molière. Certes, vous me direz qu'installer un système d'exploitation sur un ordinateur est loin de l'exploit et vous aurez raison. Mais réparer l'appareil à radiographies, régler les problèmes de fosse septique qui déborde alors qu'on n'a pas la place pour en creuser une autre, régler les problèmes électriques alors que l'électricité ne dépend pas de nous, ça les amis, ça prend un minimum de système D. J'aime penser que nous avons ce minimum. Et pour le reste, eh bien, on s'arrange avec ce que l'on a et tant pis si tout ne tourne pas parfaitement rond.

Des qui sont forts là-dedans, ce sont nos amis Brésiliens. Pas grand-chose les arrête, ceux-là, et ce qu'ils n'ont pas, ils le créent ou ils s'en passent, sans jamais rechigner ni jamais s'énerver. Avec eux, on ne cafouille pas dans le guindé ou le protocolaire : on marche.

Hier, belle visite du côté de l'Hôpital Lumière, pas loin, un petit hôpital non spécialisé qui fait pas mal de choses, entre autres, des prothèses pour les amputés. Or, vous le savez maintenant : il en faudra. Et pas mal. On estime qu'il s'est fait pas moins de 4,000 amputations suite au séisme et il faut maintenant penser à équiper ces amputés et amputées de prothèses et surtout, leur montrer comment fonctionner avec. Faudra donc des physiothérapeutes, des techniciens en réadaptation, des prothésistes et quoi encore. C'est une autre phase--je ne sais plus la "combientième"--du travail de reconstruction. Et les Brésiliens entendent bien y faire leur part et je pense que personne ne s'en plaindra. Bon, peut-être deux ou trois, et pas pour les bonnes raisons, mais ça, allez donc tenter de contenter tout le monde... La Fontaine l'a bien dit: «Est bien fou du cerveau qui prétend contenter tout le monde et son père.» (Quelle fable, quelle fable?... [1]) Cette phase devrait commencer sous peu--on parle d'avril--et se fera vraisemblablement à cet hôpital, puisqu'ils sont déjà lancés dans cette direction.

Pour le reste, eh bien je vous dirai que les choses semblent aller un peu mieux. Lire : moins chargées, plus routinières. On tend à retomber dans notre train-train et ce n'est pas pour nous déplaire. L'affluence des patients à l'hôpital a repris sa vitesse de croisière habituelle, le personnel se replonge dans le travail (qui, pour la plupart, n'a rien de bien souffrant, croyez-moi sur parole), bref, on a l'impression de recommencer à  vivre.

Donc, nous n'allons pas si mal, et malgré quelques ruptures de stock et quelques problèmes administratifs dus au désordre qui règne à Port-au-Prince, on peut dire que le «normal» est en train de se frayer un chemin au travers du chaos. Alors ne vous en faites pas pour nous, nous ne dépérissons pas, en tout cas pas trop, et pour peu que les malheurs à venir passent sans s'arrêter, nous pourrons à nouveau voguer doucement dans le soleil couchant...

[1] Le meunier, son fils et l'âne, si vous voulez tout savoir...

lundi 8 mars 2010

Plates excuses


Vous allez pas m'aimer aujourd'hui, parce que (1) je vous ai fait faux bond pendant tout le week-end; (2) j'ai certainement des choses à dire, mais maintenant, le temps a fui, irréparable, et l'heure de la bière est arrivée; (3) je n'ai même pas de photo récente à vous offrir, c'est vous dire... (le maïs a bien poussé, maintenant...)

La raison de cette remise à plus tard n'est pas un prétexte, cependant. C'est que, comme tous les lundis, les activités n'ont pas manqué et en plus, c'est aujourd'hui que je me suis décidé à installer le système Windows 7, lequel m'impose de tout reformater, car je n'ai pas voulu d'une simple mise à jour. Et ceux qui l'ont fait savent ce que ça implique de travail concentré. Si bien que j'en ai omis votre petit pain, maintenant presque quotidien. J'implore donc votre clémence et vous garantis que demain, à moins d'imprévus majeurs, je devrais être en mesure de vous donner un petit quelque chose à vous mettre sous la dent...

Alors vous savez tout maintenant, souhaitez-moi bonne chance dans la suite des opérations et à bientôt!

vendredi 5 mars 2010

Une autre semaine s'achève

 

Malgré l'attente, la vie continue. Comment pourrait-on faire autrement? On arrête pas de vivre parce qu'un désastre arrive; on s'adapte tant bien que mal. En fait on arrête de vivre quand on meurt, pas avant, que je sache... Donc, la vie continue et les gens s'adaptent. Certains avec plus de succès que d'autres.

Ainsi, les marchandes sont toujours là à faire leur «ti-commerce», vendant qui des friandises, qui des aliments de base, qui des légumes, qui des repas chauds («manje kwit»), bref, tout se vend et tout s'achète, dans des proportions variables. Car personne ne fait de fortune ici: mais au moins, on fait un petit profit qui permettra de nourrir les enfants en fin de journée.

Puis il y a les incontournables chauffeurs de taxi-motos, dont la tâche principale consiste vraiment à dénicher le client potentiel et à s'assurer qu'il utilisera leurs services et non ceux du voisin. S'ensuit souvent des petites querelles de clocher pour savoir qui doit aller avec qui. Mais ça ne va jamais bien loin et après quelques échanges verbaux bien sentis, les choses se tassent et la quête aux clients reprend de plus belle. La course en ville coûte 15 gourdes, soit environ 38¢. À ce prix, l'on comprendra qu'il faudra pas mal de temps avant de faire fortune...

Certains, plus hardis, offrent des services spécialisés, comme la coiffure (photo). Les messieurs aiment bien le style «tèt kale», c'est-à-dire la boule à zéro. Moins de soins, moins d'entretien et surtout, pour les plus jeunes, moins de parasites, notamment les poux. La coupe est assez aisée pour être faite par n'importe qui, en autant que l'on dispose d'une «tondeuse», comme on dit en créole, ou une «gillette», comme c'est le cas sur la photo.

Quant à nous, c'est le marchand de mayi que nous encourageons. Bien évidemment, depuis le séisme, il a monté ses prix: de 20 gourdes (50¢), le mayi est passé à 25 (62¢). Mais même à ce prix, le mayi en vaut la peine, car c'est pas mal bon. Quoi? Vous ne savez pas ce qu'est qu'un mayi? Ô gens incultes! Eh bien pour votre édification personnelle, sachez que le mayi n'est rien d'autre qu'une barre de crème glacée sur bâtonnet (genre fudge), mais au lieu du chocolat, c'est à base de vanille, de coconut et... de maïs, d'où le nom créole de mayi! Et croyez-moi sur parole, c'est vraiment délicieux!

Voilà, je ne vous en dis pas plus long, car aujourd'hui, au cas où vous l'auriez oublié, c'est vendredi, c'est  TGIF et bien qu'il ne soit pas très tard--à peine 16 h 15--, la bière m'appelle et c'est un appel auquel je ne saurais résister. En passant, il n'y a plus de Prestige, mais on trouve d'autres marques, de la Presidente, entre autres, et quand ce sera fini, on pourra éventuellement se rabattre sur la Budweiser...

Petite vie!...

jeudi 4 mars 2010

Et une autre journée!

 

Les journées ne commencent pas toutes de la même manière. Ou la la! Quelle profondeur ici! Bon, bon. J'admets. C'est d'une trivialité un peu insipide, d'accord. Mais ça n'en reste pas moins vrai. Aujourd'hui, au lieu de commencer à m'installer à mon bureau, j'ai dû faire trente-six petites choses, si bien que la matinée y a passé. Mais si vous vous souvenez, je vous ai déjà dit que les plans ici devaient être adaptables : ce n'était pas pour rien dire.

Mais parlant de rien dire, je dois admettre qu'aujourd'hui, je ne me sens pas en veine d'inspiration. «Ma muse n'y est plus», comme le chante Ferland. Ordinairement, ma muse m'amuse. Ne me prenant pas au sérieux, je laisse errer mon esprit vagabond et me complaît dans les trouvailles hétéroclites sur lesquelles il s'attarde. Mais aujourd'hui, est-ce le temps sans soleil? sont-ce ces petits riens agaçants? est-ce cette vieille jambe qui m'élance? ou est-ce simplement la «chienne»? Faites votre choix. Mais cela dit, je vais quand même vous faire une rapide mise à jour.

Donc, si vous vous souvenez, les Américains sont là, marchant de concert avec les Brésiliens et ma foi, de l'avis des uns autant que de celui des autres, ça marche plutôt bien. Bien sûr, légère frustration de ne pas pouvoir utiliser la salle d'opération comme on le voudrait, mais nous avons convenu que les urgences restaient toujours des urgences et que, par conséquent, si nous arrive un petit garçon qui vient d'avaler une pièce de monnaie (5 gourdes), il faut qu'on s'en occupe sans délai, et pas pour la valeur monétaire de la pièce, vous vous en doutez bien. Aujourd'hui, donc, les Brésiliens / Américains n'ont pas pu opérer à leur goût pour la raison susmentionnée. Mais ça fait rien. Vont se reprendre demain. Faut dire que les cas actuels ne sont plus des cas urgents, justement, et peuvent attendre un jour, ou deux ou trente, comme c'est souvent le cas. Plusieurs de ces cas sont des opérations à reprendre, pour cause de travail bâclé ou d'infection. Eh oui, faut pas croire que, parce qu'un médecin se dit orthopédiste qu'il l'est vraiment et que son niveau de compétence est adéquat. En temps de crise on fait avec ce qu'on trouve, pas vrai? Or, c'est précisément ce qui s'est passé, et maintenant, on essaie de rafistoler les pots cassés--pardon, les os cassés, je veux dire. En outre, maintenant que le message a passé haut et clair que nous faisons de l'orthopédie ici, des gens viennent qui n'ont aucun rapport avec la Catastrophe. Ont simplement été victimes d'un accident de la route ou bien sont tombés d'un arbre, ou n'importe quoi. Mais on les traite quand même. Et gratos, ce qui n'enlève rien à l'affaire, vous en conviendrez. C'est ce qui explique que le flot de patients est assez régulier et comme les situations ne sont plus urgentes, on peut faire une planification des cas et établir un calendrier des interventions. En fait, ça marche vraiment plutôt bien, je le redis. S'il n'en tenait qu'à moi, je pense que nous pourrions continuer ce service pendant un bon petit bout de temps, en fait tant que nous avons un support professionnel et matériel extérieur. Mais comme vous l'avez compris maintenant, ce n'est pas moi qui décide, mais bien le gros chef, bien entendu. N'ap swiv...

Alors voilà. C'était court et pas très touchant, mais vous voilà aussi au courant qu'un technicien d'Hydro Q. Et vous tenir au courant reste mon intention première, n'en doutez pas. Car il faut que vous compreniez bien que nous ne sommes pas retournés à une vie «normale», beaucoup s'en faut, et on ne sait pas trop comment ça va tourner. Mais comme je l'ai dit hier, on attend...

mercredi 3 mars 2010

L'attente

 

J'ai parlé hier de «toffer la brise», un joli québécisme bien expressif dont l'origine a évidemment à voir avec la culture maritime du Québec. Qu'on me permette de m'y attarder quelque peu. Car habituellement, l'expression réfère à une brise assez marquée, génératrice de fortes vagues et capable de déstabiliser le navire, mais dans notre cas, c'est plutôt le contraire : la brise est tellement faible qu'on se penserait dans la mer des Sargasses, là où peinaient jadis les voiliers, justement faute de brise. Eh bien c'est un peu l'impression qu'on a présentement : la navigation est difficile non pas à cause de l'agitation de la mer, mais à cause de son calme plat et aussi, il faut bien le dire, des algues qui l'encombrent. J'ai dit hier que nous sentions la fatigue, j'aurais plutôt dû parler d'usure. La répétition incessante des mêmes gestes, des mêmes propos, des mêmes problèmes sans solution use. L'action ne manque pas, pourtant, je le répète, mais c'est toujours la même action, à laquelle on a fini par s'habituer et qu'on considère maintenant comme «normale». Mais sa monotonie use. Et on se prend à attendre... Quoi, on ne le sait pas trop, mais on attend. Vous vous souvenez que je vous ai parlé de Godot, d'ailleurs, en janvier dernier. Sauf que ce n'est pas vraiment ce type d'attente somme toute basé sur l'espoir (espoir de voir Godot arriver), mais plutôt une attente vaine, un peu comme si nous étions enfermés dans une prison pour 108 ans... L'espoir n'est pas vraiment d'en sortir (à moins de planifier une évasion à la Prison Break, série qu'on écoute présentement avec un grand bonheur, merci Dr Pasteur!), mais de résister au poids des jours. Très «camusien» comme démarche, je le reconnais. Très Sisyphe. C'est le non-espoir et pourtant, ce n'est pas le désespoir. Vous me suivez? Dans le premier cas, il s'agit d'une simple absence d'espoir; dans le second, le désespoir devient une présence annihilante : on perd le goût d'agir, on déprime et on s'enfonce dans le noir. Rien de tout cela ici : on sait que les choses vont finir par changer, mais c'est un processus tellement lent qu'il nous use. On attend, tout simplement parce qu'on ne peut pas faire grand-chose d'autre et l'attente est pénible dans sa durée. Comme toutes les attentes d'ailleurs : queues avant de payer à l'épicerie ou au Costco local; attentes aux aéroports; attente des résultats d'un examen, bref vous me comprenez. Le problème--et c'en est un, croyez-moi--c'est qu'ici, on ne sait pas trop ce qu'on attend, comme je l'ai dit plus haut.

En attendant donc, on fait ce qu'il faut pour que les choses marchent : on aménage des espaces, on fixe les portes, on ramasse les boîtes imbibées d'eau (la pluie de samedi dernier a vraiment causé pas mal de dégâts), on trie, on brame des ordres, on parle aux gens, on achète ce qui manque, on soude, on cloue, on colle, bref on se tient occupés. Et les journées passent plutôt rapidement, laissez-moi vous le dire... À cet effet, certains (au masculin seulement et vous allez comprendre pourquoi) s'étonnent que, malgré un emploi du temps que je dis chargé, je trouve quand même le temps de vous écrire un petit quelque chose sur une base presque quotidienne. Se pourrait-il que je mente ou à tout le moins que j'exagère? Eh bien non. Et pour mes détracteurs, sachez que (1) j'écris sans trop de peine, car les phrases me viennent aisément. Faut dire que je ne recherche nullement la performance littéraire ici, alors le temps nécessaire à une ponte est d'autant diminué. C'est incidemment ce qui peut expliquer la différence de qualité d'un texte à l'autre : tout dépend de mon degré de fatigue et de saturation. (2) Pour écrire un texte comme ceux que je vous passe, j'ai une méthode : je commence le matin dès mon arrivée à mon bureau, puis, au fur et à mesure que la journée avance, j'y ajoute quelques lignes. Ce n'est donc pas un travail continu que je m'impose, mais plutôt un ensemble d'idées qui s'agglutinent sur un même thème. Quand arrive 16 h et que je n'ai pas grand-chose de produit, alors là, oui, je fais un petit effort. Sinon, au fil du temps perdu, le texte se construira presque de lui-même. Je fais pareil pour les Sudoku. En fait et pour vous dire la vérité, la difficulté, la seule et elle n'est pas majeure, consiste souvent à trouver un thème. D'où incidemment l'idée que j'avais émise, en début d'année, d'écrire sans thème, de jeter quelques idées en vrac tout simplement et de voir comment elles rebondissent. Mais depuis la Catastrophe, les thèmes ne me font pas défaut... Quant aux photos, vous avez compris qu'elles n'ont pas forcément rapport avec le texte, et pourquoi pas? J'aime bien vous donner une image, pour ouvrir la porte de votre esprit, si l'on peut dire, et vous mettre ainsi en appétit...

Pas vraiment un travail, donc, mais plutôt une activité complémentaire qui me change un peu les idées quand elles deviennent trop sombres ou trop touffues...

mardi 2 mars 2010

Les Américains sont là

 

Les Américains sont là. Et quand les Américains sont là, ben tout le monde se pousse, car il faut bien leur faire de la place, n'est-ce pas? Certains les trouvent plus envahissants que d'autres. Peut-être des fois. Mais quant à moi, je n'aime pas tellement les généralisations. Surtout lorsqu'elles sont à connotations raciales, religieuses ou nationalistes. Dire que les Haïtiens sont comme ci, les Américains comme ça, les musulmans comme ceci et les bons catholiques comme cela, c'est souvent exprimer des faussetés, comme si les personnes étaient fondues dans le melting pot de la race, de la religion, de la nation ou quoi encore. Y'en a même qui vont vous affirmer que les femmes sont comme ci et les hommes, comme ça. C'est vous dire... Pourtant, force nous est de reconnaître que certains traits rassemblent les humains appartenant à un groupe. On peut effectivement observer des constantes dans le comportement individuel qui peuvent nous faire conclure--à tort, encore une fois--que l'ensemble est homogène. C'est conclure trop vite sur une base trop mouvante. À la vérité, les Américains ne sont pas si terribles que ça, ils font ce qu'ils peuvent avec ce qu'ils ont. Que leur style soit plus voyant que la moyenne des ours n'enlève rien à leur désir d'aider, de participer à l'effort humanitaire dans lequel nous baignons littéralement depuis le 12 janvier dernier. Depuis le 14 disons...

Tout ça pour vous dire que, avec le dernier arrivage (9 Américains qui ont rejoint la cohorte des 16 Brésiliens hier), nous sommes nombreux, et bien franchement, nous sentons le poids du nombre. Tous et toutes sont bien gentils et, encore une fois, tout à fait bien intentionnés, mais le nombre, mes chers et mes chères, le nombre... Car ces gens-là ont besoin de ceci ou de cela, veulent savoir ceci ou cela, demandent, espèrent, s'attendent à, bougent, se déplacent, mangent et dorment (entre autres), bref ils sont ici et pas ailleurs. Et il faut bien que quelqu'un, quelque part, s'occupe d'eux, n'est-ce pas? Or, considérant la valeur du travail qu'ils accomplissent, je pense qu'on pourrait difficilement faire autrement... Et ça aussi, fait partie des suites de la Catastrophe (avec un grand «C», oui; vous le saurez maintenant). C'est d'ailleurs ce que j'ai eu le plus de misère à expliquer à mes chers patrons : à savoir que, bien que la Catastrophe soit chose du passé, on vit le présent avec ses conséquences et tout le monde doit y mettre du sien. La première réponse des patrons : merci, mais non merci. On stoppe. «À partir de maintenant, dit mon chef, faudra envoyer les éclopés ailleurs.» J'ai adoré le mot ailleurs. Et lui ai demandé à quoi il référait. Ailleurs n'existe plus. Ailleurs est bien loin, n'est certainement pas à côté et ne peut certainement pas offrir ce que nous offrons. Finalement au terme d'une discussion stérile et après une nuit qui n'a pas fait mentir le proverbe («la nuit porte conseil»), ils ont fait un ti-bak, comme on dit en créole. Sont revenus sur leur position radicale avec un peu plus de souplesse. Tant mieux. Qu'en adviendra-t-il? Nous le saurons au cours du prochain épisode de ce palpitant feuilleton...

Pour l'instant, nous sommes toujours au cœur d'un film d'action, une action sans héros invincible et increvable cependant, d'où sans doute la raison pour laquelle nous sentons la fatigue. On n'est pas Ironman, Superman, ni même l'irremplaçable Jack Bauer! Mais quand il faut que les jours passent, quand il faut qu'on «toffe la brise», eh bien on le fait. Ça n'a évidemment rien de grandiose, mais c'est une petite part pour que les choses continuent de tourner à peu près rondement.

Et pour finir, des problèmes d'imprimante, des problèmes avec Excel et des problèmes de mise à jour de Windows Vista 64... Quant à la photo du jour, vous avez compris que c'est évidemment ce à quoi j'aspire...

En avez-vous d'autres, des questions faciles?

lundi 1 mars 2010

Les tremblements de terre ne tuent pas


Je vous reviens aujourd'hui avec une histoire de tremblement de terre. Tout simplement parce que nous en avons eu un autre ce matin, vers 5 h. Pas tellement fort, mais plus proche des Cayes que les autres, suivant la logique que je pense valable et qui veut que le long de la faille, faut que les plaques se stabilisent et ce n'est pas encore fait. Or, la faille Enriquillo traverse le pays d'est en ouest. On nous annonce d'autres secousses et les oiseaux de malheur prédisent même un autre séisme assez costaud. Mais pourquoi s'en faire d'avance, je vous le demande? Incidemment et sur le sujet, l'article que je vous invite à lire est, comme toujours, intéressant (vous savez bien que je ne vous suggérerais pas un article insignifiant), car il met en lumière la différence entre le dernier tremblement de terre dont tout le monde parle (au Chili) et le nôtre. On comprend mieux pourquoi les choses se sont passées comme elles se sont passées ici et pourquoi de son côté le Chili n'a pas subi plus de dommages que ça. En plus, j'écoutais hier une émission sur le réseau Discovery qui parlait des conséquences d'un éventuel tremblement de terre à New York. Oui, oui, New York. Pas Los Angeles ou San Francisco, là où l'on sait qu'un tremblement de terre est imminent, mais New York la grosse pomme, là où tout le monde se pense bien tranquille. Pourtant, comme le soulignait un géologue, New York est traversé par plusieurs failles qui, si elle n'ont rien à voir avec la tectonique des plaques (New York est à peu près au centre de la plaque nord-américaine), n'en restent pas moins susceptibles de créer des tensions géologiques dont le relâchement provoque ce que vous savez. Intéressant d'ailleurs d'entendre le géologue déclarer qu'il préférerait subir un séisme de magnitude supérieure à 7 à San Francisco qu'un de magnitude 5 à New York... Intéressant et éloquent... Entendu aussi à cette émission : les tremblements de terre ne tuent personne, ce sont les dommages qui s'ensuivent qui font périr les gens. Je pense que l'affirmation mérite qu'on s'y attarde car il s'agit là d'une grosse différence d'avec les ouragans ou les simples inondations comme celle que nous avons eue avant-hier: même si les dommages restent mineurs, les pertes de vie causées par l'événement lui-même peuvent être majeures, elles. En d'autres termes, si la terre tremble et que vous vous trouvez assis dans votre chaise adirondack sur votre gazon frais tondu, vous allez ressentir une drôle de sensation dans le fond de vos culottes, mais ce sera fini. Mais si, assis dans cette même chaise, une tornade passe, eh bien vous aurez beau vous accrocher, vous risquez fort de faire un petit voyage aérien à l'issue très incertaine... Vous disant cela, je me rappelle ces images du tsunami de 2004, qui a frappé le sud-est asiatique. Sur une photo, on voit des gens sur la plage qui regardent, sans peur, la vague au loin, sans se rendre compte que cette vague, c'est la mort dans sa forme liquide... Une des images les plus dramatiques qu'il m'ait été donné de voir. Le tsunami tue. Mais pas le tremblement de terre...

Alors voilà. Vous comprenez tout maintenant. Vous voyez, non seulement vous entretiens-je mais je vous informe en sus et sans frais supplémentaires. Et si ce n'est pas de la bonté, ça...

Quant à l'inondation de samedi dernier, eh bien c'était pas mal d'eau, comme je l'ai mentionné. J'ai même appris qu'à l'Hôpital Général des Cayes, un patient était mort noyé dans son lit, c'est vous dire... Plusieurs en ont eu l'eau à la bouche et pas de saliver... Mais c'est over, comme disent les Ukrainiens quand ils émigrent. Aujourd'hui, il ne reste que les flaques et la boue... Comme quoi avec le temps. «Avec le temps, va, tout s'en va...»

Alors comme vous le voyez, pas grand chialage aujourd'hui. Mais comme l'a si bien souligné mon irremplaçable compagne, elle chiale pour deux, alors... Tout de même, c'est mars qui commence et il fallait bien que je vous ponde un petit quelque chose, si insignifiant soit-il. Et puis, je me dis que je ne peux pas être plus insignifiant que Foglia dans son article d'aujourd'hui, alors ça m'encourage...