dimanche 27 décembre 2009

Bonne Année 2010!



Il faut bien qu’on prenne le temps de le faire de temps à autre. Le fameux bilan. Le bill de l’an qui s’estompe, si vous me passez celle-là… Mais l’exercice a tout de même sa valeur : il met en relief les bons et les mauvais moments, il permet de reconsidérer, sans émotion, des événements qui ont pourtant été émotifs lorsqu’ils se sont produits.

Ainsi, l’année 2009 n’a pas très bien débuté pour nous, puisque nous avons été confrontés à cette pénible histoire avec l’un de nos médecins chevronnés. L’issue en fut et en reste, après tout ce temps passé, bien malheureuse. Mais la page est tournée et les choses sont finalement rentrées dans l’ordre. Quand on dit que le temps arrange tout… Puis l’année s’est déroulée sans trop de heurts ou de grincements d’engrenages. Nous avons revampé notre département d’optique, avons embauché un autre médecin, avons rénové une partie de notre hôpital, avons mis un peu d’ordre là où il le fallait le plus, bref nous avons fait de petits progrès.

Les grands moments de l’année? D’abord la visite de la Gouverneure Générale du Canada (on ne rit pas!), la très honorable Michaëlle Jean, qui, vous le savez, m’a grandement impressionné par sa simplicité et sa classe. La chirurgie de ma compagne et son cinquantenaire, les deux événements presque coup sur coup, ont été assez hors de l’ordinaire pour qu’on s’en souvienne. Également digne de mention, la visite de Laure, bien sûr…

Mais pour le reste, les petits événements quotidiens auront meublé le temps, comme toujours et Dieu merci d’ailleurs… Car s’il fallait continuellement de grandes choses pour marquer le temps, les mois seraient longs! Le quotidien est souvent dépourvu d’attraits, soit, mais ceux et celles qui, comme nous, ont suivi les péripéties de Jack Bauer dans la série télévisée 24 Chrono admettront que si nos journées ressemblaient aux siennes, on serait vite à bout de souffle!...

Une année bien remplie, donc, mais principalement grâce à l’apport du quotidien.

Que sera 2010? Bien difficile à prédire. Car si l’espérance de vie est une chose, l’espoir de vivre en est une autre! On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve, pour la simple raison que c’est «à venir», en gestation si l’on veut et qu’il faut attendre que le produit soit disponible pour pouvoir en juger. En d’autres termes, et comme tout le monde se plaît à le répéter ici à propos de tout ou de rien: «N’ap swiv»…

Pour l’instant et comme il est de rigueur en cette saison, je souhaite à tous ceux, toutes celles qui me lisent une année 2010 riche mais pas indigeste, colorée mais pas bigarrée, stimulante mais pas énervante, relaxe mais pas apathique, bref une bonne année. C’est comme pour le vin : on veut juste qu’il soit bon, sans prétention et sans point d’exclamation à la fin…

samedi 28 novembre 2009

Le bal des koukouj


Je le dis d’entrée de jeu : il y a bien d’autres sujets qui me sont venus à l’esprit. Mais quoi! Vais-je vous parler des rénovations que nous avons entreprises à l’hôpital et qui ont fait suer tout le monde? Ou des problèmes que nous avons eus avec le ministère des Finances concernant la franchise douanière du matériel que nous avons acheté récemment? Ou encore du congédiement de deux employés? Bref, vais-je vous parler de ce travail qui est le nôtre et qui comporte plusieurs facettes, certaines pas aussi luisantes que d’autres? Non. J’aurais trop peur de vous ennuyer. D’être rasant. Tandis que le sujet du jour, ou plus justement, de la nuit, mérite certainement quelques lignes.

Car que voilà une petite bête intéressante! Comme le montre la photo, le «koukouj» n’a rien de bien exceptionnel, vu comme ça, mais possède une caractéristique qui, la nuit, le rend tout à fait remarquable : la bioluminescence. Je vous passe les explications scientifiques et vous renvoie plutôt à Wikipédia si vous les désirez. Mais l’insecte n’en reste pas moins fascinant lorsqu’on voit sa trace luminescente dessiner de jolies arabesques dans le noir. Mettez une demi-douzaine de ces petites bêtes dans une chambre (en l’occurrence la nôtre) et vous avez un véritable ballet de traînées lumineuses d’allure très futuriste (sur le sujet, je ne saurais trop vous recommander une photo sur l’article de Wiki [français ou anglais, peu importe] qui illustre très bien ce que je vous raconte en mots). Le vol de ces coléoptères (puisque c’en sont), est fascinant, je le redis, et d’une grâce légère et aérienne.

Mais si l’on peut admirer le spectacle des ces danseurs de la nuit, c’est qu’ils sont dans la chambre. Or, ils ne passent pas tout leur temps à danser et, pour reprendre leur souffle, se posent où bon leur semble, incluant bien sûr les dormeurs que nous sommes. D’où le problème, vous l’avez deviné. Car le réflexe immédiat, lorsqu’on sent une petite bête se poser ou se promener sur votre échine, c’est de la balayer d’un revers de la main. Pas nécessairement pour la tuer, mais pour s’en débarrasser, tout simplement. Or, ces insectes sont fragiles et il n’en faut pas plus pour les faire trépasser. Et c’est là le drame : la lumière qui en émane ne s’éteint pas, du moins pas tout d’un coup. Petit à petit, elle pâlit, et tout se joue comme si l’on voyait littéralement la vie s’en échapper, en pulsations de plus en plus faibles. Et les autres lucioles viennent voir leur consœur agoniser, peut-être la réconforter par des ondes bienfaisantes, mais néanmoins impuissantes à la ramener à la vie. Drame, vous dis-je. De quoi vous faire sentir mal. De quoi vous faire sentir coupable. De quoi vous faire sentir misérable.

En tout cas, maintenant, si l’une d’elles se pose sur mon épiderme, je lui souffle dessus pour la chasser. Et j’ai le plaisir de voir sa trace lumineuse faire quelques loopings avant qu'elle aille se poser ailleurs, bien innocemment.

Et je puis alors me rendormir tranquille.

samedi 31 octobre 2009

Halloween?


L’Halloween. Dire qu’avant, cela ne voulait rien dire. Avant, «dans mon temps» (comme j’ai maintenant le droit de le dire), on ne se déguisait pas pour l'Halloween et faut dire qu’il n’y avait pas grand-chose dans les commerces pour nous inviter à le faire ou à célébrer ce jour. Mais les temps changent et aujourd’hui, l’Halloween a joyeusement—ou plutôt, morbidement, devrais-je dire—détrôné le Mardi Gras, la traditionnelle fête du déguisement. Car il y avait aussi la mi-carême, mais bon, celle-là a vite passé. Tandis que le Mardi Gras, dernier jour avant les 40 jours de carême, c’était l’occasion de festoyer une dernière fois. Ça l’est toujours dans certains pays, dont Haïti, vous m’avez vu venir.

En fait, c’est peut-être l’une des raisons (une parmi tant d’autres) pour lesquelles je me retrouve en Haïti : les traditions actuelles sont celles de mon enfance et les fêtes importantes sont reliées à la chrétienté, pas au paganisme. Ainsi, l’Halloween est ici complètement escamotée au profit de l’importante Toussaint, le 1er novembre, et de l’encore plus importante Fête des Morts, le jour suivant. Pas de gros party pour ces fêtes, mais tout de même, un congé statutaire qui fait l’affaire de tout le monde, y compris nous, infatigables travailleurs bureaucrates.

Et c’est ainsi que se termine octobre, sans tambour ni trompette, sans déguisement ni citrouille, sans feuilles mortes ni grisaille mortuaire. En fait, avec la fin d’octobre, c’est plutôt le début de la belle saison qui commence, celle où les grandes chaleurs s’estompent et où les nuits sont assez fraîches pour que l’on éprouve le besoin de s’abriller, ne serait-ce que d’un simple drap. Et puis, bien que la saison des ouragans ne soit pas encore terminée officiellement, les chances d’en subir un sont fortement réduites; bref, on respire.

Octobre fut bon. Il n’a pas trop plu, mais quand même assez, et la politique n’a pas été trop turbulente, bien que le récent limogeage de la Première Ministre n’augure rien de bon sous ce chapitre. Mais on verra. Pour l’instant, nous marchons bien, les patients continuent d’affluer à l’hôpital et nous poursuivons notre tâche de garder l’attelage dans la bonne voie, tâche pas toujours évidente, mais bon, il faut bien que quelqu’un le fasse… Quelquefois, on s’y sent seuls; mais quand on voit le dévouement de certains employés et surtout, de certaines employées, on se ragaillardit, on se requinque, on se retrousse et on continue.

Et parlant d’aide, je ne peux passer sous silence la visite des audioprothésistes québécois. Mélanie, Valérie et Guillaume ont accepté de venir voir ce que nous faisions en audiométrie. Non seulement ont-ils apporté une montagne d’équipements, mais ils ont aussi pu nous rassurer quant au niveau de compétence professionnelle de notre technicienne. En plus, ils ont même aimé leur séjour, ont-ils dit, et n’ont même pas trouvé trop à redire sur ma façon de conduire, ce qui en dit long sur leur tolérance. Des gens bien gentils que nous espérons revoir.

Et vous, les pleutres? Quand viendrez-vous mettre votre délicate épaule à notre roue rouillée?

mardi 29 septembre 2009

Fin des vacances...


Fin des vacances! Je l’ai déjà dit : les vacances ne sont valables que pour ceux, pour celles qui travaillent. Une fois cette courte période finie, on retourne donc au travail avec plus ou moins d’enthousiasme. Or, pour nous, le retour au travail, c’est aussi le retour dans notre cher pays d’adoption, le retour à cette vie haïtienne que nous chérissons, le retour auprès de ces personnes qui nous sont chères. Comment dès lors ne pas apprécier l’après-vacances?

Certes, il faut se remettre «dedans» : il faut retrouver son fil conducteur, refaire les priorités et reprendre le contrôle de la machine, bref reprendre le boulot où on l’avait laissé, en souhaitant que les rouages n’aient pas eu le temps de se rouiller. Pour nous, tout est en bon état, merci à Claire, notre remplaçante.

Mais il faut tout de même se réajuster. Au pays d’abord. En débarquant de l’avion, la chaleur intense nous rappelle que nous ne sommes plus sous un climat nordique, bien que la température du Québec, ces derniers jours, ait été exceptionnellement douce; puis les décors, les gens, la vie qui défile devant nos yeux accentuent encore le dépaysement et nous font prendre conscience que nous sommes dans cet ailleurs qui nous est maintenant si familier qu’il en devient notre «ici» : nous sommes de retour chez nous.

Mais le retour, si réconfortant qu’il soit à certains égards, n’en comporte pas moins ses inconvénients : les petits problèmes laissés derrière reviennent avec la vigueur du ressort compressé qu’on relâche. Mais on aurait tort de se plaindre. Car ces petits problèmes ne font que mettre en lumière la complexité de la vie ici et le courage de ces gens qui, avec peu, réussissent à la force du poignet à se maintenir à flot (image osée, vous l’admettrez).

Avec tout cela, septembre s’achève, octobre est déjà là et s’ouvre en grand avec la visite de nos chers grands patrons. Nous aurons également le bonheur d’accueillir une équipe d’audioprothésistes venus du Québec et qui nous aideront à revamper notre département d’audiométrie. Et puis il y aura ceci, et il y aura cela, tous ces petits riens qui composent notre vie, qui la pimentent et en relèvent la saveur. Car je vous le demande : y’a-t-il rien de plus insipide qu’une vie de farniente sous les tropiques?

mardi 25 août 2009

Vacances!


Le travail, c’est bien beau, mais la meilleure façon de l’apprécier c’est vraiment de s’en éloigner, pas vrai? D’où l’idée des vacances, que tout travailleur qui se respecte attend impatiemment d’une année à l’autre. Eh bien, cette fois, c’est notre tour!

Oui, je sais, certains diront que nous avons pris quelques vacances en juin. Mais ce n’était pas de vraies vacances : nous avons simplement pris l’avion, pris un coup et pris l’avion de retour. On pourrait appeler ça un hors-d’œuvre de vacances. En fait, ça nous a simplement donné le goût des vraies vacances, celles où l’on a le temps de décrocher vraiment, où on se sent loin du travail, loin de notre pays d’adoption, loin des petites tracasseries quotidiennes, bref, loin. Et maintenant, ce moment est enfin arrivé.

Cependant, nous avons bien failli rester collés aux Cayes, tout comme ça nous est arrivé l’année dernière… Comme tout le monde le sait, c’est présentement la saison des ouragans et bien que cette année semble plus tranquille que l’année dernière, nous restons quand même soumis aux aléas du temps. Or, depuis le dimanche 16, nous avons suivi sur Internet la progression de la tempête tropicale ANA, laquelle se dirigeait tout droit sur l’île, qu’elle était censée atteindre mardi, jour de notre départ… Mais supputant nos chances, nous avions estimé que les probabilités que cette dépression nous coince étaient vraiment faibles, et donc, avons tout de même décidé de nous en tenir à notre plan initial, à savoir, prendre le vol intérieur Cayes—Port-au-Prince qui nous évite la longue et fatigante route parsemée d’embûches. Or, à cause d’un horizon tout à fait bouché, l’avion dans lequel nous prenions place a bien failli rester cloué au sol, MAIS le ciel s’est fait clément envers nous et en bout de ligne, tout s’est bien passé.

Voyage sans histoire, donc, ou à peu près, car quel voyage l’est, je vous le demande? Toujours est-il que maintenant, confortablement installés dans nos pénates «pointuyens», on se sent vraiment en vacances, c’est-à-dire en rupture avec le travail, comme en fait foi d’ailleurs la photo ci-dessus.

Au programme, rien. Le farniente suffit. Bien sûr, on voyagera. Bien sûr, on fera quelques visites à droite et à gauche. Bien sûr, on fera de menus travaux alentour. Mais pour l’essentiel, ce sera molo molo. En tout cas, tel est le plan que nous concoctons pour le prochain mois. Mais comme le dit un proverbe, l’homme fait des plans, le Bon Dieu rit… On verra après.

Et un petit pastis avec ça?

lundi 20 juillet 2009

Fait-y assez chaud!


C’est juillet. Dans l’hémisphère nord, cela correspond à un angle de frappe du rayonnement solaire plus direct. Conséquence bien connue de tous, il fait plus chaud. Dans les pays nordiques, cela s’appelle l’été. Ici, les saisons n’existant pas—comment les distinguerait-on?—, on parle simplement des mois chauds. Et juillet cette année l’est particulièrement.

Vous me direz que, étant sous les tropiques, c’est juste normal. Sans doute, sans doute. Mais quand les Haïtiens disent que c’est chaud («anpil chalè»), c’est que c’est vraiment chaud, croyez-moi sur parole.

Pourtant la température, exprimée en degrés, n’est pas si excessive : 36-37° C, ce n’est rien pour battre des records. Dans le désert, j’ai fréquemment vu des 42-44° C et là, on se sent vraiment cuire… Mais ici, en plus de la chaleur, il y a l’humidité qui joue et qui en ajoute. Ainsi, l’index de chaleur (heat index pour les bilingues) atteint aisément les 43-44° C, ce qui fait que, bon, c’est chaud, c’est bien clair!

Or, la chaleur, ce n’est pas comme le froid : quand on a froid, on peut toujours s’habiller davantage, mais quand on a chaud et qu’on est déjà à peu près nu, c’est dur de s’ajuster! Évidemment, on s’ajuste quand même. Contrairement aux ours polaires ou aux phoques, nous sommes une espèce adaptable, alors on s’adapte. Ainsi, on évite le soleil. On évite de s’exciter. À l’intérieur, on met les ventilateurs au maximum ou mieux, si l’on a cette chance (comme c'est le cas au bureau), on climatise. La nuit, on dort en tenue d’Adam (ou d’Ève, c’est selon), avec un ventilateur dirigé tout droit sur les parties charnues, en priant pour ne pas subir une interruption de courant. On met la bière au congélateur une heure avant de la consommer et on la verse dans des chopes elles-mêmes congelées. Même chose pour le vin. Bref, on s’adapte, vous dis-je.

Mais les autres, les Haïtiens qui n’ont pas d’électricité, qui vivent dans des maisons coiffées d’un toit de tôle et qui n’ont pas de bière au congélateur, comment font-ils? Il n’y a pas de secret : ils souffrent en silence. Ils attendent que ça passe. Car on sait que cela finit par passer. Déjà, août et septembre avec leurs pluies diluviennes, nous apportent un peu de fraîcheur et en octobre, tout rentre dans l’ordre ou à peu près. Tant qu’un ouragan ne se pointe pas à l’horizon, bien entendu…

Et dire que pendant ce temps, certains, certaines se plaignent ailleurs de temps maussade et de températures trop fraîches… C’est pas drôle, je vous dis!

mardi 30 juin 2009

Charmante visite



Nous recevons parfois la visite de membres de la famille (trop rare, il faut bien le dire) ou d’amis plus ou moins proches et cette visite nous remplit de joie. La durée du séjour varie beaucoup, mais l’essentiel reste que nous puissions accueillir, de temps à autre, nos parents et amis, juste pour le plaisir de partager quelque bons moments ensemble. Laure fait cependant figure d'exception.

Mais qui est Laure?

Laure vient du passé. Un passé qui, contrairement à ce que j’avais pu croire, n’a pas disparu dans les brumes du temps, mais est resté en état d’hibernation jusqu’à ce que—merci Facebook—la connexion soit réactivée. Qui l’eût cru?

Il faut en effet remonter à la période de Deschapelles pour voir apparaître Laure dans notre vie : une jolie petite fille de 9 ans, au cœur triste et à l’intelligence vive. Caractère difficile, il va sans dire, mais pas moins attachant pour autant. Et le temps a passé et on a fini par s'apprivoiser mutuellement. Puis vinrent les tristes circonstances de notre départ en catastrophe et avec ce départ, la séparation d’avec tous ceux, toutes celles qui nous étaient chers, incluant Laure qui avait 13 ans à l'époque.

Sept ans passèrent…

Puis, ayant eu l’idée farfelue de regarder s’il se trouvait sur Facebook quelques vieilles connaissances oubliées, j’ai retrouvé Laure. Lui ai écrit. Elle a répondu. L’ai invitée à venir nous voir. Elle a accepté. Si bien que, en ce jour de notre retour, j’ai revu Laure pour la première fois depuis 7 ans et ma foi, en suis resté bouche bée : la jolie petite fille s’était transformée en jeune fille menue et, je l’avoue bien franchement, fort jolie, c'est le moins qu'on puisse dire et je vous prie de me croire sur parole! Charmante, dites-vous? Encore là, c’est peu dire, mais si charmante signifie capable de charmer, de faire tomber sous un charme, c’est-à-dire d’ensorceler, alors là, oui, nous sommes d’accord, Laure est vraiment charmante!

Laure a surpris tout le monde ici, d’abord par son côté frêle mais qui n’a peur de rien, puis par sa capacité de parler le créole couramment, enfin par son profil discret, éthéré, mystérieux… Évidemment, certains mâles que je ne nommerai pas se sont mis à saliver, mais cette biche n’est pas facile d’approche et ils auront dû se contenter de regarder passer le train…

Mais pour nous, ce fut surtout une belle visite, charmante (l’ai-je dit?), vivifiante, fraîche et fleurie, qui nous a permis de constater que, en dépit du temps passé, les liens sont toujours là et le pont permettant d’enjamber le torrent de la vie pour mieux goûter le parfum de la jeunesse reste tout à fait praticable, même s’il donne un peu le vertige…

Merci Laure! Pour plus que tu penses!

lundi 29 juin 2009

Rebondissement de la balle...



Juin s’achève déjà. Un mois important, puisqu’il marquait, entre autres choses, la cinquantaine de ma douce moitié. Pour la circonstance, nous avions choisi d’aller passer une courte semaine au Québec, mais le destin a bien failli y opposer son veto…

Je ne vous ai jamais parlé de la balle. Pas la balle de ping-pong ou de tennis, mais la balle comme dans «arme à feu». Sept ans plus tôt, lors d’une nuit mémorable en Haïti, on nous avait tiré dessus («on» étant toujours indéfini). Trois coups de feu, trois balles. Sciemment, volontairement, intentionnellement. Presque à bout portant, genre 60-70 cm. Mais la chance, l’ange gardien ou l’intervention divine (au choix), nous avait épargnés. Presque. Car ma douce et tendre moitié avait quand même reçu l’un des trois projectiles dans le dos, lequel s’était logé dans l’os du bassin où il s’était stabilisé. Et comme il semblait vraiment stable, les recommandations médicales s’accordaient pour dire qu’il valait mieux ne rien faire que de passer au bistouri. Ce que nous fîmes. Les années passèrent et jamais la balle ne se manifesta d’une manière incommodante. Jamais, jusqu’à l’anniversaire de cet incident, soit le 16 mai dernier. Jour pour jour, pratiquement, sept ans plus tard, ma compagne s’est mise à avoir mal à "sa" balle. Et pas rien qu’un peu. Très vite, nous avons conclu que balle comprimait le nerf sciatique et qu’il n’y avait pas vraiment de solution temporaire, comme l’a d’ailleurs confirmé le médecin cubain qu’elle a consulté. Il faut donc retirer la balle. Mais nous sommes censés quitter le pays dans quelques jours, ne l’oublions pas...

Tout de même, l’intensité de la douleur ne nous donne pas le choix : le vendredi, Chantal s’envole pour la capitale où elle revoit le même médecin qui l’avait opérée l’année dernière (voir Se faire soigner en Haïti). En moins de deux, toute l’équipe médicale est en place et la balle est finalement retirée, non sans mal cependant. Mais pas pour la patiente. La balle extraite, le mal s’estompe. Le lendemain, elle est de retour au bercail (pas la balle!) et trois jours plus tard, nous nous envolons vers les cieux nordiques. Seuls quelques tiraillements viendront tempérer l’ardeur quinquagénaire de ma douce amie… (photos de la balle en dedans et au dehors, pour les sceptiques...)

La fête familiale fut une réussite totale, en grosse partie grâce à la clémence du temps. Habitués à la régularité de notre climat tropical, nous en oublions parfois les caprices de la météo nordique qui vous font passer d’une extrême à l’autre parfois en moins de 24 heures…

Quelques jours plus tard, une fois évanouies les vapeurs de la fête, nous reprenons l’avion pour retrouver nos pénates habituels, non sans nous adjoindre la charmante compagnie d’une petite chérie dont je vous parle ultérieurement, car elle mérite qu’on s’y attarde quelque peu…

mardi 19 mai 2009

Ça pleut!


Ça pleut!

Il a plu un peu samedi, un peu plus dimanche, encore un peu plus lundi et pas mal la nuit dernière, de sorte qu’aujourd’hui mardi, c’est l’inondation. Il n’en faut pas plus dans le plat pays que nous habitons (Les Cayes est à 7 m au-dessus du niveau de la mer) pour que débordent les rivières et que l’eau envahisse (comme on dit en créole et avouez que c’est une belle image) les routes et les maisons. Ce matin, plus du tiers des employés sont incapables de venir au travail. Et ce n’est pas un caprice : nous sommes allés nous rendre compte de visu et la conclusion s’impose. Le paysage est complètement transformé, et là où se situe la route principale coule maintenant une rivière dont on ne connaît ni les bords ni la profondeur, ce qui fait que personne n’ose s’y risquer. Une telle situation dans un autre pays ferait l’exclusivité. Mais ici, bien que tout le monde en parle, tout le monde attend que ça passe, la nouvelle du jour étant cette femme qui a prétendument mis au monde un poisson!!! Drôle de pays, dites-vous? Je vous l’ai pourtant répété à maintes reprises…

Faut dire que toute cette pluie n’est pas venue sans tambour ni trompette, bien au contraire! Les trompettes se sont peut-être faites discrètes, mais les tambours ont largement compensé! Dieu ce qu’il a tonné! C’est d’ailleurs drôle qu’en français, le terme «orage» ne rende que faiblement ce que l’anglais appelle un «thunderstorm», sur le modèle du «snowstorm, hailstorm, sandstorm…», bref vous avez compris. C’était une vraie «tempête de tonnerre». Parce que pour péter, les amis, c’est pas de la merde, je vous le jure! Ici, le tonnerre s’entend et de loin! Comme il se doit, ça réveille et en grand. Certaines arrivent à se rendormir, mais pour moi c’est tintin. Surtout que, machinalement, je compte les secondes entre l’éclair qui blanchit la nuit et le fracas qui la remplit par la suite. Quand j’ai le temps de compter jusqu’à 10, je me dis qu’on n’est pas trop concernés. Mais quand, comme hier, j’ai tout juste le temps de compter jusqu’à 2, c’est que l’orage n’est qu’à 600 mètres environ, aussi bien dire qu’il est là, au-dessus de nos têtes… Non, ce n’est pas de la peur, mais plutôt un respect sincère pour cette expression d’une force naturelle qui nous ramène à notre dimension d’êtres chétifs... Donc j’ai passé mon temps à compter — non pas les moutons, comme je l’ai dit, mais les intervalles. Et si l’un endort, l’autre vous tient assez éveillé, je vous le garantis. Enfin, lorsque les éructations célestes diminuent, la pluie arrive comme un coup de vent — en fait, on peut presque confondre avec le vent, tellement c’est régulier et bruyant. Un peu comme une chute, tiens…

Et puis ça s’arrête et on constate les dégâts. Plusieurs sont assez mal pris, coincés dans leur maison envahie par l’eau ou bloqués par une route balayée par un torrent. Mais comme toujours, ça se résorbe, ça s’estompe, ça s’éclaircit, le soleil brille à nouveau et le pays s’assèche… jusqu’au prochain déluge! Et dire que la saison des ouragans n’est pas encore commencée…

mardi 28 avril 2009

Tranquille avril


Nous voilà encore une fois à la fin du mois. Pas du même, bien sûr, ce serait trop beau et trop facile! Mais déjà du quatrième mois de 2009. Le tiers de l’année qui vient tout juste de commencer est déjà derrière nous. Tempus fugit, comme disait Apollon-de-culotte…

Toujours est-il qu’avril a été assez occupé, assez pour que je remette sans cesse la tâche pourtant amusante de déblatérer un peu sur notre vie au sud. Procrastination, dites-vous? Oui, je l’avoue, c’est bien le mot qui convient. Et le pire c’est que, en cette fin d’avril, je n’ai pas à proprement parler de thème à vous présenter. Avril fut, sous ce chapitre, plutôt tranquille. Ce que je vous offre donc, n’est pas un texte thématique, mais plutôt un petit rappel. Où nous sommes, ce que nous faisons, où nous allons et notre désir de continuer la route parfois jonchée de trous qui est celle de notre périple haïtien tout cela reste toujours de saison, n'est-ce pas? Ici, tout est tellement relatif, l’essentiel est que la bière soit bien fraîche et le vin, gouleyant. Le reste, on fait avec.

Donc, nous travaillons toujours, mais pas à en mourir, la compagnie est bonne et la variété est là. Quand s’amorce le jour, nous avons bien quelques projets, mais la mécanique haïtienne a ses propres lois auxquelles il faut bien se soumettre, et qui altèrent sensiblement le plan de la journée. D’où l’intérêt de ne pas faire de plan trop précis ou trop dense. Bondye konnen, comme ils disent…

Ceux qui ont une bonne mémoire se souviendront que l’an dernier, j’ai, entre autres sujets, abordé celui de la cueillette des mangues. Comme je l’ai sans doute déjà mentionné, dans ce pays, les fruits disponibles sont ceux de saison exclusivement. Présentement, c’est la mangue. On n’en trouve partout, de toutes les variétés existantes et pour tous les goûts. Quel fruit, mes amis!

Bien entendu, vous allez me dire que, fruit tropical ou pas, vous connaissez bien la mangue puisque vous pouvez en acheter à votre supermarché habituel. C’est vrai. Mais ces mangues que vous achetez n’ont rien de comparable à celles d’ici. D’après mes savantes recherches, ce que l’on vous propose dans vos supermarchés climatisés, ce sont des ‘Tommy Atkins’, préférées pour leur résistance au transport et leur longue vie sur l’étagère (!) Mais pour le goût et la texture, on repassera! Tandis que la mango fransik que l’on retrouve ici est absolument délectable et je vous prie de me croire sur parole!

La mangue, c’est aussi la manne. Les arbres chargés sont assaillis par le peuple et tout le monde y trouve son compte. En outre, avec les mangues s’amorce le début des pluies qui permettront au jardin de donner, repoussant à plus tard la disette qui n’est jamais bien loin…

Pays pas toujours facile, mais qui offre tout de même ses compensations…

mardi 31 mars 2009

L'homme qui construisait des maisons II


Comme d’habitude, j’avais un texte joliment fignolé. Mais comme il arrive trop souvent hélas, il s’est volatilisé dans les méandres du cyberespace. Je dis «méandres», mais je sais très bien ce qui s’est passé. Cependant, loin de moi l’idée de vous embrouiller avec des notions dont, j’en suis sûr, vous vous contrefichez éperdument. L’essentiel est que mon texte est perdu, à jamais, et mon sujet était pourtant des plus intéressants, puisqu’il faisait suite à mon dernier texte, j’ai nommé l’innommable Raymond, alias «l’homme qui construisait des maisons».

C’est que Raymond vaut le détour. Dans un pays comme Haïti, les personnages colorés se suivent sans jamais se ressembler tout à fait : ce sont des marginaux et par définition, les marginaux ne se ressemblent jamais, tout le monde le sait. Sinon, comment pourrait-on parler de marginalité?

Donc, Raymond n’est pas comme «les autres». Raymond, bon ti-Québécois pure laine—il demeure à Trinité-des-Monts, à moins de 10 km de notre base pointuyenne, c’est vous dire—a décidé un jour qu’il voulait s’investir dans la dynamique haïtienne. Et comme je vous l’ai conté précédemment, pour s’investir, il l’a fait. Pas sans en baver, mais bon, le gars ne manque pas de courage, de détermination et d'idées. Raymond n’est plus une jeunesse, comme on dit couramment, mais il en gardé les qualités : un enthousiasme inébranlable et une énergie indomptable, entre autres. Animé de ces qualités, Raymond sillonne l’arrière-pays, s’arrête, considère, réfléchit, parle avec les gens, retrousse ses manches et construit, sans plus de chichis. Pas d’administration lourde et envahissante, pas de comptes à rendre—ou si peu—, pas de ‘boss’, Raymond agit à sa guise et sème le bonheur autour de lui.

Évidemment, faire le bonheur de l’un ne signifie nullement qu’on fait le bonheur de tout le monde. Les laissés-pour-compte sont plus nombreux que ceux, celles qui sont élus, ce qui entraîne forcément une certaine amertume pour les non-élus. En Haïti, tout le monde voudrait bien qu’un blanc leur offre, sur un plateau garni, une maison digne de ce nom. Mais si l’impossible a jamais eu un visage, c’est bien celui de la pauvreté haïtienne. On fait ce qu’on peut, sachant bien que l’effort ne représente, somme toute, qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce qui va mal. Mais goutte d’eau tout de même…

Et Raymond s’ambitionne. Après le numéro 34, on fait la 35, puis la 36 et ainsi de suite. Et chaque fois, la croix bien plantée sur la porte : car Raymond croit. Son œuvre est inspirée, demande courage et force morale, mais ça marche.

Refaire le monde? Oui, c’est possible. Il suffit simplement de trouver et de mettre en chantier les Raymond dispersés à droite et à gauche…

En tout cas, chapeau mon Raymond! Lâche pas la patate, comme disent les Chinois!

lundi 23 février 2009

L’homme qui construisait des maisons



L’un plantait des arbres—Frédéric Back nous en a fait un film plutôt réussi en son genre—mais celui dont je veux vous parler aujourd’hui accomplit, dans l’ombre ou presque, une tâche tout aussi valable, sinon plus : Raymond construit des maisons. Je vous entends déjà : «Ben voyons! construire une maison, y’a rien là!» Planter un arbre non plus. Mais tout comme dans l’histoire de Jean Giono, ce n’est pas tant le geste qui compte que ce qui se trouve derrière, ce qui le fonde en quelque sorte.

Donc Raymond construit. Systématiquement, sans se poser trop de questions existentielles, il fait à la mesure de ses moyens limités, des fonds disponibles et des besoins rencontrés; ce qui ne l’empêche pas de s’attaquer à chaque nouveau projet avec le même cœur, la même énergie et la même couleur si particulière, pour en arriver chaque fois au même résultat tangible : une maison qui en a l’air et la chanson, c’est-à-dire capable de combler à la fois le besoin physiologique de s’abriter et celui, non moins important, d’assurer une certaine sécurité.

Ainsi, malgré toutes les difficultés rencontrées, Raymond a déjà 34 constructions à son actif et ça continue. Voilà une manière directe d’aider le peuple.

Car la «clientèle» de Raymond, ce sont les pauvres. Attention : pas ceux ou celles que l’on voit en ville, mais les autres, les vrais démunis, les laissés pour compte, ceux ou celles que les dernières intempéries ont laissé «le cul entre deux chaises», si vous me passez celle-là. Il s’approche de ces pauvres, les regarde, les écoute, leur donne l’espoir, retrousse ses manches, enfourche sa mobylette, achète les matériaux, les livre au site du chantier projeté, brasse le ciment, taille les 2 x 4, fait la peinture, sue, s’écorche les jointures, placote, prie, rit, chiale, se fait doucher par les pluies diluviennes, sèche sous le soleil de plomb et en moins de cinq jours (!) met fin au projet en remettant la clé au nouveau, à la nouvelle propriétaire. Coût total : $1,500 US. Oui, oui, vous avez bien lu : mille cinq cents dollars américains. Et c’est là un autre miracle, ou pas loin. Car dans ce pays où tout est hors de prix, y compris, bien sûr, les matériaux de construction, il s’agit là d’un réel tour de force! Il va sans dire que la maison reste modeste à tous égards : ne cherchez pas ici la thermopompe ou le sous-sol fini; mais l’essentiel s’y trouve, et même plus : un plancher de béton, des murs en blocs de ciment, un toit de tôle, une porte solide, le tout recouvert d’une bonne couche de peinture, c’est déjà bien plus que bien des familles peuvent s’offrir. Voilà donc une maison qui pourra accommoder deux ou douze personnes et les garder à l’abri des intempéries.

Alors dites-moi : c’est pas beau, ça? Et en plus, Raymond y ajoute son petit côté bien à lui…

dimanche 22 février 2009

Anniversaire!




Aujourd’hui est un jour spécial, puisque c’est mon anniversaire. Eh oui, il en faut bien un puisqu’il a bien fallu naître un jour pour pouvoir en parler plus tard. La Palisse n’aurait pas dit mieux, tiens. Toujours est-il que l’anniversaire est important. Le terme vient du latin—même les ignares l’auront deviné—anniversarius, et signifie littéralement «revenir annuellement», tout simplement. Or si l’on ne naît qu’une fois, on peut en commémorer le moment autant de fois que l’on veut et si la tradition veut qu’on le fasse sur une base annuelle, pourquoi pas? En tout cas, la commémoration annuelle, pour ma part, me suffit largement et permet de planter un nouveau jalon correspondant à la distance temporelle parcourue.

Faut-il faire du jour un événement grandiose? Évidemment non. Le jour devient spécial du seul fait que l’on sait à quoi la date correspond et la commémoration peut être aussi simple qu’un bon repas ou une bouteille de champagne rosé (ou les deux). C’est donc dire que ce jour spécial pour moi n’en reste pas moins un jour tout à fait ordinaire pour le reste du monde et c’est bien ainsi.

Pas de cadeau d’anniversaire, alors? Si si. Le meilleur et le plus appréciable : le départ du gros chef. Non pas parce que ce départ équivaut au départ du chat dont la présence empêche les souris de danser, mais plutôt parce que son départ conclut une période difficile, incertaine et inconfortable pour tout le monde, incluant votre serviteur. Je vois donc, dans la résolution partielle de la crise, un cadeau tout a fait digne de mention et d’appréciation.

La crise : parlons-en. Je fais suite ici à la grève que nous avons subie et dont je vous ai parlé précédemment et qui avait pour cause le mécontentement des employés face au comportement de l’un de nos médecins. Le médecin a quitté les lieux pour un temps et tout le monde était un peu anxieux de voir comment le gros chef allait approcher le problème de son retour éventuel. Or, il s’en est fallu de peu que les choses prennent une dangereuse tangente lorsque le patron a voulu imposer ce retour. Mais le message a fini par passer, clair et non équivoque : pour que ce personnage revienne, il faut que certaines conditions soient remplies. Conditions difficiles, s’il en est, et pas évidentes pour celui qui doit s’y soumettre… Ce qui ne veut pas dire que la chose soit impossible, mais dans un cas comme dans l’autre, les employés sont satisfaits de cette conclusion et l’hôpital pourra donc continuer à fonctionner sans plus de heurts ni de tremblements. Les quelque 200 personnes qui passent quotidiennement pourront ainsi continuer de recevoir les soins de santé auxquels elles aspirent et que l’on s’efforce de leur procurer. N’est-ce pas là un cadeau d’anniversaire digne de mention?

Donc, merci de me souhaiter une belle journée d’anniversaire, elle l’est déjà : pleine de soleil sous un beau ciel bleu. Et dans quelques minutes, départ pour la plage, alors qui dit mieux?

samedi 31 janvier 2009

Grave Grève


Non, le titre n’est pas qu’une simple opposition phonologique : pour la première fois dans l’histoire de l’Institut Brenda Strafford, la grève a éclaté, pas pour des raisons d’insatisfaction de conditions de travail ou pour tout autre motif similaire. Les employés ont massivement voté pour cette grève simplement pour manifester leur volonté de voir un employé jugé irrespectueux quitter les lieux. Or, comme l’employé en question est médecin ORL—notre meilleur de surcroît—pour le contraindre à partir, il fallait un geste unanime, non équivoque et portant conséquences : une grève.

Une grève est toujours grave. Pour nous, ce sont les quelque 200 patients qui viennent chaque jour qui en sont les premiers affectés. Cela est bien malheureux, car après tout, ces pauvres gens n’ont rien à voir avec nos problèmes internes. Mais comme tout le monde le sait, on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs. Fermer nos opérations dans ce cas aura permis de faire pression sur le patron pour qu’il puisse ordonner le retrait de l'épine du pied institutionnel.

Il faut dire que les récriminations datent. Le médecin en question est en poste depuis une douzaine d’années et la rancœur s’est accumulée depuis ce temps, semble-t-il. Et toutes les plaintes se résument en un seul mot : respect, ou plutôt, dans ce cas-ci, son absence. On affirme, à tort ou à raison, que le médecin n’a jamais eu, au cours de toutes ces années, de respect ni pour ses collègues, ni pour ses subalternes, ni même pour les patients, et il aura suffi d’une seule goutte pour faire déborder le vase de l’amertume plein à ras bord. Or, lorsque le vase déborde, c’est bien plus que la valeur de la goutte qui y passe, tout le monde en a fait l’expérience…

Avec son départ, la crise s’est résorbée, l’hôpital a rouvert et tout marche comme avant.

Comme avant? N’allons pas trop vite. La crise est résolue, certes, mais le problème reste entier. Le cas de ce médecin n’est toujours pas réglé et fait encore couler beaucoup d’encre et de salive. La présence du grand patron, dans une quinzaine, suffira-t-elle à calmer les ardeurs belliqueuses des employés? Sauront-ils être cléments? Seule une réponse normande convient ici : «Ptêt ben qu’oui, p’têt ben qu’non.» Certes, plusieurs n’hésitent pas à dire que les dés sont jetés, que les carottes sont cuites et que rien ne va plus. Alea jacta est, comme aurait dit l’autre. Mais avec les Haïtiens, sait-on jamais… Pour notre part en tout cas, s’appuyant sur une expérience dont nous avons gardé un vivant souvenir, si c’était nous, nous serions déjà loin. Quand on est étranger, on a intérêt à ne pas l’oublier. On peut aimer ce pays et les gens qui l’habitent, mais nous sommes toujours étrangers dans un pays parfois étrange, jamais ennuyant, toujours chaleureux, mais quelquefois, un peu trop chaud, dans tous les sens du terme…

Enfin, comme on dit souvent ici : «N’ap swiv»…

Gros bonnets et grosses pointures


Les gros bonnets sont toujours remarquables. Surtout quand, sous le bonnet, se révèle un visage souriant, charmant, ouvert et chaleureux. C’est ce qui s’est passé, il y a deux semaines, lorsque nous avons eu l’insigne honneur de recevoir nulle autre que son Excellence, la très honorable Gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, elle-même et en personne. Accompagné de son époux, bien entendu, son excellence Jean-Daniel Lafond, mais bon, disons que Madame Michaëlle a davantage retenu mon attention. Quelle classe, mes aïeux! Quelle soit Haïtienne d’origine n’enlève sans doute rien à la chose, mais pour dire vrai, elle pourrait être Martienne que ça ne changerait rien à l’affaire : comme ambassadrice du Canada, tassez-vous!

Pourquoi, cet honneur, me demanderez-vous? Nul ne le sait vraiment. Son Excellence, en courte visite officielle au pays qui l’a vue naître, a spécifié qu’elle voulait passer à l’Institut Brenda Strafford. Ça, c’est nous. Un désir de gros bonnet qu’on ne peut pas ne pas exaucer, n’est-ce pas? Alors on lui a mis notre modeste établissement au programme. Ce fut court : tout au plus 20 minutes. Mais les copains, quel cirque! J’avais, bien entendu, préparé quelques mots pour lui souhaiter la bienvenue, mais bousculé, piétiné par la presse locale et canadienne, le mot de bienvenue a pris le bord et nous avons entraîné le cirque vers la visite des lieux sans plus de chichis. On entre et on ressort. Tout de même, j’aurai réussi à lui dire quelques mots et à entendre sa voix riche et chaude que j’appréciais déjà quand elle était à Radio-Canada. Mais là, Gouverneure générale, on ne rit plus…

Tellement que son statut a relégué dans l’ombre la cohorte de grosses pointures qui l’accompagnaient : la Première Ministre d’Haïti, le Ministre de la Justice, le Directeur de la Police nationale, et même l’ambassadeur du Canada que j’ai à peine entrevu! Mais ce sont les consignes qu’on m’avait transmises : «Tu t’occupes de la GG et le reste va suivre…»

Et tout ce beau monde a suivi, à la vitesse de l’éclair, à la vitesse des temps modernes et des horaires chargés. On n’a rien vu, on n’a rien su, on n’a rien dit qui vaille la peine d’être narré, zoum zoum, merci pour tout c’était bien gentil—Y’a pas de quoi! Vous repasserez, on n’est pas sorteux!

Et puis on s’est dit qu’on allait avoir le temps de lui parler un peu plus au dîner des Canadiens qui se tenait dans un hôtel du coin. Hélas! C’était sans compter les bousculades d’horaire qui l’ont fait arriver avec un retard de quelques heures; le temps seulement de quelques discours et, «merci bonjour, l’avion vous attend, madame la Gouverneure générale!»

Mais quelle dame, mes amis! Quelle classe!

jeudi 1 janvier 2009

BONNE ANNÉE!


Vous ne pensiez quand même pas que j’allais commencer 2009 sans une fois encore gribouiller quelques inepties, n’est-ce pas? En plus, je ne vous ai pas dit la suite de notre périple hors du pays, alors le motif est double, si je puis dire.

D’abord la suite du voyage. Y’a pas grand-chose à dire : hier, 31 décembre et dernier jour de 2008, nous nous sommes levés assez tôt, avons ramassé ce qui traînait encore, avons pris le taxi avec lequel nous avions pris arrangement la veille (et qu’est-ce que vous dites de cela, comme prévoyance?), lequel nous a emmenés tout droit à l’aéroport, d’où nous avons pris l’avion de retour. Le pire moment fut les quatre heures d’attente entre le vol extérieur et le vol intérieur, mais bon, quand on n’a pas le choix, on se résigne, n’est-ce pas? Mais finalement, tout s’est passé comme prévu et nous avons, sans encombre, retrouvé nos pénates habituels et notre environnement familier.

Comme je le disais hier, ce fut de courtes vacances, mais elles ont fait du bien là où elles ont passé, alors on va sans aucun doute remettre ça un de ses quatre.

Pour l’instant, c’est le Jour de l’An. Ici, la grande fête de l’Indépendance. C’est en effet un premier janvier que l’État haïtien a officiellement acquis cette indépendance face à son suzerain français. Pour les férus d’histoire, c’était en 1804 (tous les détails sur Wiki, bien que cela, je le savais déjà). Depuis, le premier janvier se veut davantage le rappel de ce moment historique que le simple «Jour de l’An». En plus, demain, c’est aussi fête légale : la fête des Ancêtres. Ce qui donne un long week-end et de la foire en perspective. En fait, la nuit est bruyante, agitée «chaude», comme disent les gens ici. L’alcool coule librement et les gens s’amusent. Ce n’est pas pour nous. Non pas que nous courrions quelque risque à nous mêler à la foule—il s’agit là d’une foule joyeuse, je le redis—, mais en tant qu’étrangers, nous ne sommes pas vraiment à notre place. Alors nous restons bien tranquilles, bien peinards et bien pépères. Et puis nous étions crevés, alors…

Cependant, le premier reste traditionnellement l’occasion de se transmettre des vœux et de prendre des résolutions. Quant à moi, en voici une dont je vous fais part : je vais écrire sur ce site au moins une fois par mois. Vous allez me dire que ce n’est pas une résolution qui demande beaucoup de courage et que ce n’est pas comme arrêter de fumer, par exemple. Mais une résolution doit demeurer accessible et réalisable, n’est-ce pas? Alors je m’en tiens à mon plan. Par ailleurs, vu la vitesse à laquelle passe le temps ici, un mois c’est comme une semaine ailleurs, alors c’est une fréquence qui me paraît adéquate. Bien sûr, si je puis faire mieux, je le ferai.

Alors l’heure est aux vœux, je viens de le dire, c’est donc de tout cœur que nous vous souhaitons à tous et à toutes, une année 2009 à la mesure de vos aspirations.

Bonne et heureuse année!