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mercredi 31 octobre 2012

Un mal qui s'étire


J’ai évoqué précédemment la maladie comme raison de mon absence. Ou plutôt comme d’un sujet possible que j’aurais pu aborder. Mais qui a envie d’entendre parler de maladie, je vous le demande? Pourtant, tout bien considéré, je pense que le sujet mérite un petit détour parce qu’il illustre, une fois de plus, les particularités de vivre en ce pays. Et contrairement à ce que dit Pierre Calvé dans sa chanson, vivre en ce pays, ce n’est vraiment pas comme vivre aux États-Unis. En plus, on peut dire que cette maladie conclut bien octobre et le stress qu'il nous a concocté.

Tout a commencé par une petite fièvre, laquelle fut suivie d’une monumentale congestion. Bref, le rhume habituel, dont vous êtes tous et toutes familiers et dont j’ai déjà traité dans ces pages. J’avais donc décidé de vous en épargner les détails, me contentant de vous narrer ce rêve qui en a fait sourire plus d’un, plus d’une et c’était justement là l’intention. Donc, estimant que j’étais aux prises avec une nouvelle attaque du fameux rhinovirus, j’avais décidé de mettre en pratique les recommandations de Alfred de Vigny dans la Mort du Loup :
Gémir, pleurer, prier, est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le sort a voulu t’appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.
Mais ce rhume n’en finissait plus de s’étirer et, bien que prêt à mourir sans gémir, le sort ne semblait guère me préparer à cette ultime étape. Or, un matin, voici que je me lève après avoir vidé une autre boîte de papiers-mouchoirs (et non, je n’ai pas mouché mon cerveau, n’en déplaise aux cyniques), je constate que mes épaules sont couvertes de ces petits boutons qui sont sans rapport avec le rhume. Je vérifie l’ensemble des symptômes — congestion, fièvre répétitive, céphalées et éruptions cutanées — et ne peux que conclure à l’évidence : il ne s’agit pas d’un rhume, mais bien d’une manifestation de la fièvre Dengue, que nous avons déjà attrapée, ma compagne et moi, lors de notre premier séjour haïtien. Avouez que cela fait quand même plus sérieux.

Sans entrer dans les détails de cette affection virale, je vous dirai qu’elle n’est pas si bénigne qu’elle en a l’air, vue comme ça. Mais en principe, on y survit — à moins d’être aux prises avec sa forme hémorragique, et ça c’est une tout autre histoire —, mais la fièvre à répétition, les maux de tête, la congestion et surtout, surtout le rash qui nous incite à nous gratter sans relâche en font une maladie peu attachante. Heureusement pour nous, cette fois-ci, les démangeaisons n’étaient pas de la partie, et c’est ce qui me l’a rendue supportable. Mais à la longue, y’en a marre, comme disent les Chinois sur la Grande Muraille. Et on aspire au retour de l’homéostasie, à la santé et l’énergie retrouvée.

On dit qu’il vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade. Je pense qu’on sera tous d’accord là-dessus. Cependant, s’il faut choisir entre riche et malade ou pauvre et en santé, j’opte sans hésiter pour le second. Car à quoi peuvent servir des millions si l’on est cloué au lit, le souffle court à se nourrir de ses propres sécrétions?

Pauvre, on s’en tire. Malade, on se tire… Ou en tout cas on a presque envie de le faire...

mercredi 17 octobre 2012

J'ai fait un rêve

(c) Patrick J. Lynch
J’ai fait un rêve.

Rassurez-vous, rien à voir avec celui de Martin Luther King. Mais comme je me suis éveillé avec le fou rire, et comme cette tribune me permet de raconter ce qui me plaît, je vous le partage.

Comme la plupart des rêves, j’en ignore le commencement. Nous voici donc dans le vif du sujet, sans introduction et sans prélude, où je dis à ma douce compagne que je me sens la tête drôle, à la fois vide et pesante. Dans un deuxième tableau, un médecin et une infirmière (ou médecin elle aussi peut-être, l’histoire ne le dit pas) examinent des radiographies et nous apprennent, à ma compagne et à moi-même, que ma cervelle est «tombée» dans ma cavité nasale, laissant mon crâne vide, rien que ça! Je veux me moucher, mais on m’en empêche radicalement : le risque est trop grand que j'évacue ainsi une partie de ma cervelle! Les professionnels sont perplexes et confondus : le cas est exceptionnel et visiblement, ils ne savent pas quoi faire. On me pose des questions de routine auxquelles je réponds logiquement, preuve s’il en est besoin que mon cerveau, bien que déplacé, fonctionne toujours adéquatement. Double perplexité de la part du ou des médecins… Moi, tout ce que je désire, c’est me moucher, car la pression à l’intérieur de ma cavité nasale me chatouille irrésistiblement. Ce qu’on me refuse absolument. Et soudain, ma compagne, avec ce gros bon sens qui la caractérise, propose aux médecins : «Pourquoi ne pas le mettre tête en bas, tout simplement, et laisser la gravité remettre sa cervelle en place?»

Je me suis éveillé là-dessus, étouffé de rire et toussant comme un malade.

Car malade, c’est ce que je suis. Un rhume, rien d’autre, mais mauvais celui-là comme ça se peut pas. Genre qui garde congestionné solidement. Genre qui ne veut pas sortir. Genre qui vous fait rêver d’un grand débouchage des conduits… Mais comme toujours, il faut en prendre son parti car il faut que ça passe à son rythme. Qui n’est jamais assez rapide pour moi, bien entendu… Si bien que me voici, une fois de plus, à tempêter contre tout et pour rien. Mais on dirait que ça soulage... En tout cas, personne, parmi mes habitués, n’en fait de cas, ce qui laisse penser que mon style est connu, bien connu et pas du tout craint…

Avec tout ça, notre grosse fête arrive à grands pas, grippe ou pas, car c’est après-demain que l’événement aura lieu, qu’il pleuve ou qu’il grêle (ce qui serait vraiment étonnant dans ce pays). Et après, on fera le décompte…

Bon, assez déblatéré, faut que j’aille me moucher… sans crainte de moucher ma chère cervelle, car pour tout vous dire, je ne suis pas pressé d’avoir du «vent dans mon crâne»

samedi 24 mars 2012

Quand la machine se dérègle



Vous le savez maintenant : cette tribune me convient et je m’y sens à l’aise de vous raconter ce qui retient mon attention. Aujourd’hui, c’est l’état de santé de ma chère compagne, lequel n’est pas vraiment bon. Eh oui, ces choses-là arrivent. Or, tout le monde sait que la santé reste notre bien le plus précieux, pour autant que l’on puisse parler ici d’un bien… Mais que je vous raconte.

Tout a commencé dimanche dernier où, au réveil, elle m’apprend un peu en riant qu’elle est subitement sourde d’une oreille «c’est bien, me dit-elle à la blague, comme ça je n’aurai plus qu’à boucher une seule oreille pour ne pas t’entendre.» Quelle comique, n'est-ce pas... Le cas ne semble présenter rien d’alarmant donc et l’on se dit que la chose rentrera dans l’ordre au cours de la journée. Mais le lendemain lundi, rien n’a changé : elle est toujours aussi sourde. On consulte notre ORL — l’un de nos deux ORL, en fait — qui lui fait passer un audiogramme (lequel confirme l’absence de perception auditive de l’oreille gauche) et qui lui prescrit un glucocorticoïde (prednisone, si vous voulez tout savoir). L’effet est presque immédiat et l’ouïe lui revient progressivement. Mais voilà qu’apparaissent tout à coup des effets secondaires indésirables qui imposent que l’on stoppe immédiatement le traitement. Résultat, retour de la surdité, retour à la case départ, comme on dit. Le médecin rajuste le tir et maintenant, il ne reste plus qu’à attendre.

Mais qu’est-ce donc que cette surdité unilatérale soudaine? Une brève recherche sur le Web apporte toutes les réponses voulues que, bon prince, je partage aujourd’hui avec vous sans frais supplémentaires.

Tout d'abord et ce qui ne laisse pas de surprendre, c'est que tout comme son nom l'indique, l'affection est subite et totalement surprenante, dans le sens : une vraie surprise. Puis, on apprend que ses causes sont aussi multiples que variées — on parle de plus de 100 causes possibles —, mais il semble que la cause infectieuse (virale) soit la plus fréquente (60% des cas, selon ce que j'ai lu), alors faute de mieux et jusqu'à preuve du contraire, va pour l'origine virale. D'où incidemment le traitement au prednisone prescrit par le médecin. Le pronostic n'est pas si dramatique qu'on pourrait le croire : dans un forte proportion des cas, l'ouïe redevient normale après quelques jours ou quelques semaines, alors il est permis d'espérer que tout va rentrer dans l'ordre d'ici peu. Voilà. Vous savez tout. Ou presque. Pour en savoir plus, vous pouvez jeter un coup d’œil sur ce site (en anglais) ou simplement taper "Sudden hearing loss" sur votre moteur de recherche préféré (ixquick pour moi) et vous aurez l'embarras du choix, dont certains articles très fouillés et très techniques, preuve que le sujet captive certains et certaines spécialistes.

Mais le problème ne s'arrête pas à une simple surdité de l'oreille gauche, laquelle serait tolérable sans l'autre mal qui l'accompagne voire en découle : les étourdissements et les bourdonnements. Je ne vous apprends sans doute rien en vous disant que les oreilles — je ne parle pas des pavillons ici —, sont aussi le moteur de l'équilibre, et il semble qu'une oreille qui se ferme aux sons stoppe aussi son mécanisme d'ajustement de l'équilibre et ça se met alors à tourner comme un derviche et non, ce n'est pas la terre. Si bien que la station debout est pénible, voire risquée et comme la plupart des activités s'accomplissent dans cette station, aussi bien dire qu'on est limité. Enfin, le moindre bruit — et Dieu sait s'il y en a ici — produit un bourdonnement cacophonique des plus irritables, je le crois sans preuve. Donc, si vous avez compris quelque chose à mes jérémiades, vous en conclurez que ce n'est pas vraiment une période agréable pour ma pauvre compagne...

Mais bon. Que faire? N'ap swiv, comme on dit ici. Les médicaments sont sa bouée et on ne peut qu'espérer qu'ils seront suffisants pour la maintenir à la surface jusqu'à ce que le vent de la guérison se mette à souffler et la ramène au havre de la santé...

samedi 19 novembre 2011

Refait!


Je remonte. Doucement, je refais surface. Prise dans les brumes fébriles, ma pensée errait, sans fil conducteur, sans énergie, sans tonus. Mais aujourd'hui, ça va mieux. La tête me tourne toujours un peu, mais pas trop et l'horizon ressemble à ce à quoi un horizon doit ressembler : une ligne horizontale relativement fixe. La descente au purgatoire s'achève, les muqueuses se replacent, la fièvre se dissipe, la pensée se réorganise. Bref et comme on dit en créole «m'refè», me voilà refait... ou presque.

Si vous n'avez pas deviné, je vous parle ici de ma dernière chute rhinovirale, mieux connue sous le nom de grippe. Malade, votre auteur préféré! Oh pas au point d'en faire tout un plat – vous connaissez mon stoïcisme, maintenant –, mais suffisamment pour altérer mes journées habituelles, suffisamment pour que je me retire même dans mes quartiers privés pour faire un petit somme en pleine journée, c'est vous dire...

«Une vraie grippe d'homme?», m'a demandé avec une malicieuse compassion (!) l'une de mes proches. Une grippe d'homme? Hmmm... Je ne sais pas pour vous, mais j'ai cru déceler dans la formulation une certaine ironie, comme si une «grippe d'homme» n'était en bout de ligne qu'un motif à raillerie, comme si nous, les hommes, faisions exprès pour être malades afin d'attirer la commisération féminine. Ce que ma chère compagne a, de son côté, confirmé sans hésiter : une «grippe d'homme», ce ne peut être qu'une grippe de «moumoune». Pour les non-Québécois, je précise que «moumoune» est un péjoratif pas trop méchant, mais sur le modèle de la suffixation en -oune, rien pour être fier. «Ti-coune, ti-zoune, toutoune, bouboune (non, ça c'est créole), poupoune, nounoune...» ont tous la même connotation moqueuse et quelque peu condescendante. Donc, une grippe de «moumoune», ce n'est pas une grippe qui mérite qu'on s'y attarde. Et vlan!

Or, il me semble qu'en ces pénibles occurrences où la santé s'étiole, un peu de compassion – authentique, je veux dire – serait de mise. Même pour nous, mâles imperturbables dans l'adversité. Un sourire bienveillant, un baiser tendre sur la joue (attention au virus, quand même), un regard attendri... un rien suffirait! Mais hélas!... On nous nourrit d'ironie...

Heureusement, mes compagnons haïtiens, eux, comprennent la nécessité de compatir. Un peu trop sans doute, mais bon, rien n'est parfait, vous le savez trop bien. Mais ils sont là, me retiennent la main qu'ils viennent de serrer (!) en me demandant comment je vais et en m'enjoignant de me soigner, de prendre du repos et de boire du thé amer. Oui, oui. Du thé amer. C'est, paraît-il, la panacée bien connue contre ce mal inévitable. Le remède qui vous remet sur pied en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Je n'ai pas osé demander ce qu'un thé sucré pouvait faire comme différence, car ici, on ne rit pas avec les médications : on les suit rigoureusement. Peut-être l'amertume suffit-elle à purger le mal?... Car enfin, qui voudrait d'un thé ou d'un café sans sucre? (Nous mis à part, bien entendu...) Donc, le thé amer... Que je n'ai pas pris, je le confesse ici, préférant m'en remettre au vin rouge qui lui, a fait ses preuves dans le passé et ne se dément pas. Mais bon, on ne peut tout de même pas débuter la journée au vin rouge, hein? Alors j'ai souffert, stoïquement je le redis, en attendant que les muqueuses se replacent et que l'homéostasie retrouve ses paramètres habituels. Et ça s'en vient, là. Pas encore tout à fait terminé, mais sur la bonne voie.

Alors oui, quoi qu'en pensent quelques femelles à l'esprit retors, l'homme a eu sa grippe et a su y faire face en homme, sans courber l'échine, sans fléchir, sans gémir ni pleurer. Tout comme Lancelot ce «bon chevalier courtoi [qui] met sont habilité au combat en tout les sens.» (sic et heureusement anonyme), il en sort aujourd'hui vainqueur. Et toujours modeste avec ça.

Et pour faire bonne mesure, le ragoût de patte de cochon...

mercredi 30 mars 2011

Sont-ils tous malades?


Lisant l'article de mon ami Foglia hier (je l'appelle 'mon ami' même s'il ne me connaît pas, mais j'avoue que souvent, il me plaît assez dans sa façon de dire les choses), lisant cet article donc, je me suis pris à penser qu'il y avait là une belle différence qu'il convenait de souligner. Foglia, qui muse en Irak, a visité un gros hôpital et s'est étonné de le voir pratiquement désert. "Sont pas malades?" s'interroge-t-il. Pour finalement comprendre que oui, ils sont malades comme tout le monde, mais comme tout le monde, souffrent de maladies bénignes qui ne nécessitent pas les soins spécialisés qu'on retrouve dans un hôpital moderne. Les cliniques abondent et suffisent à traiter les cas bénins. Et la différence, les amis, c'est précisément là qu'elle se trouve : ici, les gens viennent à notre hôpital --  spécialisé, ne l'oubliez pas -- directement, sans même passer par le filtre des généralistes, du  médecin de famille ou même de la clinique de santé qui serait l'équivalent des CLSC chez nous. Non. On vient directement à l'hôpital, on attend des heures pour voir le médecin spécialiste qui, en moins de 3 secondes, diagnostiquera un banal rhume et renverra la personne souffrante chez elle avec comme ordonnance de simples ibuprofènes et peut-être un petit sirop pour faire bonne mesure.  Pas vraiment digne d'un spécialiste, me direz-vous et vous aurez parfaitement raison. Mais c'est ce que les patients veulent : voir le médecin. Celui qui fait autorité, qui a l'habit et qui, par conséquent, doit sûrement être moine, car ici, l'habit fait le moine, tout le monde sait cela. Sauf que si vous connaissez le proverbe, vous savez que la sagesse populaire qui le sous-tend est précisément de nous mettre en garde contre les porteurs d'habits qui peuvent, intentionnellement ou accidentellement, berner les plus sceptiques. Eh bien ici, en Haïti, on n'est pas facilement sceptique lorsqu'on se trouve devant un uniforme et ceux qui s'en vêtent le font dans le but précis d'exploiter la crédulité publique. Les charlatans ici sont légions, font de fort bonnes affaires et en plus, sont pratiquement sûrs de l'impunité. D'où l'importance de valider la qualité de nos professionnels. Or, ici, l'Institut Brenda Strafford possède une réputation de qualité. Qualité des soins, qualité des médicaments, qualité des lunettes, qualité de l'environnement, bref, les gens ont confiance qu'ils seront ici traités respectueusement et sans se faire exploiter. C'est incidemment ce qui nous fait accueillir des patients qui viennent d'aussi loin que Port-de-Paix ou du Môle-Saint-Nicolas, situés tout au nord du pays et bien plus près de Cap Haïtien. La réputation vaut le déplacement. Et sans doute aussi l'appellation justifiée de "patient", puisque de ces villes, il faut pas moins de trois jours de tap-tap pour arriver jusqu'ici...!

Notre réputation est aussi ce qui explique pourquoi les gens qui souffrent d'un banal rhume (ou d'une bénigne irritation oculaire due à la poussière) viennent jusqu'ici pour voir le médecin spécialiste. Et c'est ce qui explique pourquoi, au lieu de ne voir que les cas qui mériteraient vraiment l'attention des spécialistes, nous passons régulièrement le cap des 200 patients par jour -- plus de 300 certaines fois. Mais les gens sont contents, alors...

Cela dit, j'avoue que ce n'est pas très efficace. Un simple triage effectué par une infirmière moyennement compétente (les nôtres le sont toutes) permettrait de distinguer les cas simples de ceux requérant l'intervention du médecin. Mais le taux de satisfaction des patients chuterait radicalement, croyez m'en sur parole. La confiance ici est tout, je le répète. Et les gens sont prêts à payer les $2,50 US de frais de consultation pour voir le médecin qui résoudra leur petit problème ou, au minimum, y apportera un palliatif. Ils croient au médecin; sa parole fait autorité. Une infirmière, si compétente soit-elle, ne fait simplement pas le poids. Et en plus, la plupart des gens sont sexistes! Le docteur doit être mâle. Une femme ne peut qu'être infirmière. Et je ne blague pas! Heureusement cette drôle d'étiquette tend à disparaître, mais elle influence encore trop souvent le jugement des patients. Cela est tellement vrai que nous avions jadis un infirmier. Un seul. Qui, vous l'avez deviné, se faisait souvent passer pour le docteur, car il avait l'habit!...

Tout ça pour vous dire qu'en termes d'efficacité, l'Irak me paraît bien avancé par rapport à ce qu'on trouve ici. Vous allez me dire que ce n'est rien de surprenant, car l'Irak est tout de même plus riche qu'Haïti. Et donc, plus évolué. Oui oui, je dis bien donc. Ergo, si vous préférez. Plus riche = plus évolué. L'argent n'est pas tout, mais il permet tout de même de développer des structures qui coûtent... de l'argent! La pauvreté d'Haïti n'est pas juste une façon de parler : elle est une réalité qui freine le développement social, l'évolution de cette société, si vous préférez. Pauvre, on subit son sort; riche, on s'en sort.

Si bien que, comme le dit cette profonde maxime : "Mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade."

mardi 22 avril 2008

Malade!...



Les gens qui pensent tropiques associent souvent cette région géographique aux redoutables maladies tropicales dont les noms exotiques évoquent l’esprit du mal : malaria, fièvre dengue, typhoïde, voire choléra ou fièvre jaune. C’est vrai que les tropiques offrent la combinaison idéale de chaleur et d’humidité pour que prolifèrent toutes les bestioles responsables de ces redoutables maladies. Et pourtant…

Pourtant, je l’ai dit à quiconque voulait l’entendre—et même à tous ceux qui n’écoutent jamais—, la maladie de loin la plus courante par ici, c’est le fameux rhume, celui qu’on attrape l’air de rien et qui nous fait suer dans tous les sens du terme. Le rhume, qu’on appelle souvent «grippe» pour faire plus sérieux, est banal, je n’en disconviens nullement. Mais comme il attaque les cordes vocales, fait moucher comme s’il fallait faire vivre la compagnie Kleenex, altère le goût des choses et nous bouche les oreilles—sans compter la fièvre qui s’en mêle, eh bien disons qu’il nous emmerde bien, et le mot n’est pas fort. Tout le monde sait que l’infection est due au rhinovirus, ainsi nommé parce que le virus attaque en rhinocéros : à l’aveugle, sans discrimination de race ou de couleur, de sexe ou d’âge mental (je blague, il va sans dire...). Le virus fonce, se propage aussitôt qu’on en parle et encorne joyeusement le premier venu. On dit que le contact des mains d’une personne infectée suffit à transmettre le virus : comment éviter ce contact, dans ce pays où la poignée de main est aussi automatique qu’un sourire?

Malade, vous dis-je. Je ne pouvais plus parler, je toussais à me décrocher un poumon, je me mouchais sans relâche, je crachais, râlais, déglutissais, éternuais sans discontinuer. Et toujours, sans me plaindre! Car mon stoïcisme n’a d’égal que mon exaspération du rhume. Je sais bien qu’il n’y a rien d’autre à faire que d’attendre que le virus s’épuise, qu’il meure ou qu’on en meure. Mais il me semblait néanmoins qu’un petit sirop me soulagerait et j’en ai parlé à notre chef oto-rhino-laryngologiste. Pas brillant comme idée… Car ce médecin chevronné ne s’est pas privé de se moquer de moi sans vergogne! Mais où va donc la médecine moderne sans la compassion pour un pauvre malade? Peut-être n’étais-je pas si pauvre, ni si malade, finalement…

Mais c’est passé, maintenant. Je ne suis plus malade. La santé a repris ses droits. Le vin est à nouveau bon et l’appétit m’est revenu. M’est aussi revenu le goût de discuter ferme avec mes copains haïtiens, pour qui ce sport vaut le foot, c’est bien clair, car tout le monde y va de son point de vue plus ou moins éclairé, même le vieux Sonson qui n’y comprend pas grand-chose et qui revient sans cesse avec sa blague usée comme son chapeau : «Allez en prison! J’appelle la police!». Et tout le monde rit de bon cœur, car il faut bien encourager le vieil homme, n’est-ce pas? Surtout que lui, à 78 ans bien sonnés («M’te fèt lan 30», se plaît-il à répéter), n’est pas malade, mais alors pas du tout!

Allez! Un petit proverbe pour finir : «Maladi veni sou-w a cheval, men li kite-w a pye» Cependant, même à pied, elle finit quand même par s’estomper dans le soleil couchant comme le héros du vieux western…