samedi 31 janvier 2009

Grave Grève


Non, le titre n’est pas qu’une simple opposition phonologique : pour la première fois dans l’histoire de l’Institut Brenda Strafford, la grève a éclaté, pas pour des raisons d’insatisfaction de conditions de travail ou pour tout autre motif similaire. Les employés ont massivement voté pour cette grève simplement pour manifester leur volonté de voir un employé jugé irrespectueux quitter les lieux. Or, comme l’employé en question est médecin ORL—notre meilleur de surcroît—pour le contraindre à partir, il fallait un geste unanime, non équivoque et portant conséquences : une grève.

Une grève est toujours grave. Pour nous, ce sont les quelque 200 patients qui viennent chaque jour qui en sont les premiers affectés. Cela est bien malheureux, car après tout, ces pauvres gens n’ont rien à voir avec nos problèmes internes. Mais comme tout le monde le sait, on ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs. Fermer nos opérations dans ce cas aura permis de faire pression sur le patron pour qu’il puisse ordonner le retrait de l'épine du pied institutionnel.

Il faut dire que les récriminations datent. Le médecin en question est en poste depuis une douzaine d’années et la rancœur s’est accumulée depuis ce temps, semble-t-il. Et toutes les plaintes se résument en un seul mot : respect, ou plutôt, dans ce cas-ci, son absence. On affirme, à tort ou à raison, que le médecin n’a jamais eu, au cours de toutes ces années, de respect ni pour ses collègues, ni pour ses subalternes, ni même pour les patients, et il aura suffi d’une seule goutte pour faire déborder le vase de l’amertume plein à ras bord. Or, lorsque le vase déborde, c’est bien plus que la valeur de la goutte qui y passe, tout le monde en a fait l’expérience…

Avec son départ, la crise s’est résorbée, l’hôpital a rouvert et tout marche comme avant.

Comme avant? N’allons pas trop vite. La crise est résolue, certes, mais le problème reste entier. Le cas de ce médecin n’est toujours pas réglé et fait encore couler beaucoup d’encre et de salive. La présence du grand patron, dans une quinzaine, suffira-t-elle à calmer les ardeurs belliqueuses des employés? Sauront-ils être cléments? Seule une réponse normande convient ici : «Ptêt ben qu’oui, p’têt ben qu’non.» Certes, plusieurs n’hésitent pas à dire que les dés sont jetés, que les carottes sont cuites et que rien ne va plus. Alea jacta est, comme aurait dit l’autre. Mais avec les Haïtiens, sait-on jamais… Pour notre part en tout cas, s’appuyant sur une expérience dont nous avons gardé un vivant souvenir, si c’était nous, nous serions déjà loin. Quand on est étranger, on a intérêt à ne pas l’oublier. On peut aimer ce pays et les gens qui l’habitent, mais nous sommes toujours étrangers dans un pays parfois étrange, jamais ennuyant, toujours chaleureux, mais quelquefois, un peu trop chaud, dans tous les sens du terme…

Enfin, comme on dit souvent ici : «N’ap swiv»…

Gros bonnets et grosses pointures


Les gros bonnets sont toujours remarquables. Surtout quand, sous le bonnet, se révèle un visage souriant, charmant, ouvert et chaleureux. C’est ce qui s’est passé, il y a deux semaines, lorsque nous avons eu l’insigne honneur de recevoir nulle autre que son Excellence, la très honorable Gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, elle-même et en personne. Accompagné de son époux, bien entendu, son excellence Jean-Daniel Lafond, mais bon, disons que Madame Michaëlle a davantage retenu mon attention. Quelle classe, mes aïeux! Quelle soit Haïtienne d’origine n’enlève sans doute rien à la chose, mais pour dire vrai, elle pourrait être Martienne que ça ne changerait rien à l’affaire : comme ambassadrice du Canada, tassez-vous!

Pourquoi, cet honneur, me demanderez-vous? Nul ne le sait vraiment. Son Excellence, en courte visite officielle au pays qui l’a vue naître, a spécifié qu’elle voulait passer à l’Institut Brenda Strafford. Ça, c’est nous. Un désir de gros bonnet qu’on ne peut pas ne pas exaucer, n’est-ce pas? Alors on lui a mis notre modeste établissement au programme. Ce fut court : tout au plus 20 minutes. Mais les copains, quel cirque! J’avais, bien entendu, préparé quelques mots pour lui souhaiter la bienvenue, mais bousculé, piétiné par la presse locale et canadienne, le mot de bienvenue a pris le bord et nous avons entraîné le cirque vers la visite des lieux sans plus de chichis. On entre et on ressort. Tout de même, j’aurai réussi à lui dire quelques mots et à entendre sa voix riche et chaude que j’appréciais déjà quand elle était à Radio-Canada. Mais là, Gouverneure générale, on ne rit plus…

Tellement que son statut a relégué dans l’ombre la cohorte de grosses pointures qui l’accompagnaient : la Première Ministre d’Haïti, le Ministre de la Justice, le Directeur de la Police nationale, et même l’ambassadeur du Canada que j’ai à peine entrevu! Mais ce sont les consignes qu’on m’avait transmises : «Tu t’occupes de la GG et le reste va suivre…»

Et tout ce beau monde a suivi, à la vitesse de l’éclair, à la vitesse des temps modernes et des horaires chargés. On n’a rien vu, on n’a rien su, on n’a rien dit qui vaille la peine d’être narré, zoum zoum, merci pour tout c’était bien gentil—Y’a pas de quoi! Vous repasserez, on n’est pas sorteux!

Et puis on s’est dit qu’on allait avoir le temps de lui parler un peu plus au dîner des Canadiens qui se tenait dans un hôtel du coin. Hélas! C’était sans compter les bousculades d’horaire qui l’ont fait arriver avec un retard de quelques heures; le temps seulement de quelques discours et, «merci bonjour, l’avion vous attend, madame la Gouverneure générale!»

Mais quelle dame, mes amis! Quelle classe!

jeudi 1 janvier 2009

BONNE ANNÉE!


Vous ne pensiez quand même pas que j’allais commencer 2009 sans une fois encore gribouiller quelques inepties, n’est-ce pas? En plus, je ne vous ai pas dit la suite de notre périple hors du pays, alors le motif est double, si je puis dire.

D’abord la suite du voyage. Y’a pas grand-chose à dire : hier, 31 décembre et dernier jour de 2008, nous nous sommes levés assez tôt, avons ramassé ce qui traînait encore, avons pris le taxi avec lequel nous avions pris arrangement la veille (et qu’est-ce que vous dites de cela, comme prévoyance?), lequel nous a emmenés tout droit à l’aéroport, d’où nous avons pris l’avion de retour. Le pire moment fut les quatre heures d’attente entre le vol extérieur et le vol intérieur, mais bon, quand on n’a pas le choix, on se résigne, n’est-ce pas? Mais finalement, tout s’est passé comme prévu et nous avons, sans encombre, retrouvé nos pénates habituels et notre environnement familier.

Comme je le disais hier, ce fut de courtes vacances, mais elles ont fait du bien là où elles ont passé, alors on va sans aucun doute remettre ça un de ses quatre.

Pour l’instant, c’est le Jour de l’An. Ici, la grande fête de l’Indépendance. C’est en effet un premier janvier que l’État haïtien a officiellement acquis cette indépendance face à son suzerain français. Pour les férus d’histoire, c’était en 1804 (tous les détails sur Wiki, bien que cela, je le savais déjà). Depuis, le premier janvier se veut davantage le rappel de ce moment historique que le simple «Jour de l’An». En plus, demain, c’est aussi fête légale : la fête des Ancêtres. Ce qui donne un long week-end et de la foire en perspective. En fait, la nuit est bruyante, agitée «chaude», comme disent les gens ici. L’alcool coule librement et les gens s’amusent. Ce n’est pas pour nous. Non pas que nous courrions quelque risque à nous mêler à la foule—il s’agit là d’une foule joyeuse, je le redis—, mais en tant qu’étrangers, nous ne sommes pas vraiment à notre place. Alors nous restons bien tranquilles, bien peinards et bien pépères. Et puis nous étions crevés, alors…

Cependant, le premier reste traditionnellement l’occasion de se transmettre des vœux et de prendre des résolutions. Quant à moi, en voici une dont je vous fais part : je vais écrire sur ce site au moins une fois par mois. Vous allez me dire que ce n’est pas une résolution qui demande beaucoup de courage et que ce n’est pas comme arrêter de fumer, par exemple. Mais une résolution doit demeurer accessible et réalisable, n’est-ce pas? Alors je m’en tiens à mon plan. Par ailleurs, vu la vitesse à laquelle passe le temps ici, un mois c’est comme une semaine ailleurs, alors c’est une fréquence qui me paraît adéquate. Bien sûr, si je puis faire mieux, je le ferai.

Alors l’heure est aux vœux, je viens de le dire, c’est donc de tout cœur que nous vous souhaitons à tous et à toutes, une année 2009 à la mesure de vos aspirations.

Bonne et heureuse année!