samedi 30 octobre 2010

Choléra et autres (bis)


Mon dernier texte s'intitulait également "Choléra et autres". "Autres" dans ce contexte s'appliquait au risque toujours présent, nous dit-on, d'un éventuel séisme. Mais j'avais mis le terme au pluriel, sachant trop bien combien les situations évoluent rapidement en ce coin du monde. Or, ce matin, vérifiant les dernières informations issues de la NOAA, nous voilà face à une image qui n'a rien de bien rassurant (ci-dessus). La tempête tropicale "Tomas", bien que distante des côtes haïtiennes, s'y dirige de son train de sénateur -- environ 24 km/h --, et n'en passera pas très loin, en fait assez près pour qu'on en sente les effets pernicieux, j'en suis persuadé. Surtout qu'il y a fort à parier que cette tempête continuera de s'enfler, méritant de ce fait le titre d'ouragan, un joli nom pour une manifestation climatique excessive... (Voilà, c'est déjà fait: il s'agit maintenant officiellement d'un ouragan.)

Un mal de plus donc. Un autre. J'ai bien tenté d'en alerter mes troupes ce matin, mais rien n'y a fait. M'ont regardé poliment et m'ont répondu : "Ah oui?" d'un ton qui en disait long sur leur conviction. Faut dire que la radio locale n'a pas encore alarmé le public, alors mes informations n'ont rien de bien impressionnant. Comme l'ouragan n'est pas prévu dans le coin avant mardi, le scepticisme a encore sa raison d'être. Peut-être bifurquera-t-il vers le nord? Ou s'évaporera-t-il dans la stratosphère? Ou s’essoufflera-t-il faute de carburant? En fait, tout est bon pour croire qu'il ne nous affectera pas. Mais personnellement j'en doute. Je pense que celui-ci va nous faire suer, pour ne pas dire plus en plus vulgaire...

Mais je vous le demande, que faire? Placarder? On le fait, en partie au moins. Et pour le reste? Ben on attend. Habituellement, ces phénomènes météorologiques se caractérisent par des pluies diluviennes et des vents à écorner les bœufs, et bien que les dommages puissent être lourds et coûteux, on fait avec et la vie continue... Difficile d'être pro-actifs, même en disposant d'avance d'une information fiable... La tempête passe, les chiens aboient et tout rentre dans l'ordre ou dans ce qui en tient lieu ici. Car, circulant en ville ce matin, on peut se demander quel ordre subliminal prévaut ici. Mais bon, la folie motorisée n'est pas nouvelle et par conséquent, on s'y ajuste, à la condition d'avoir un klaxon, bien entendu; l'ouragan, en revanche, ben c'est l'ouragan. Qui vivra verra.

Et finalement, pour conclure avec cette affaire de choléra, je vous réfère à cet article paru hier sur Cyberpresse et qui reprend, presque mot pour mot, celui dont je vous parlais hier. Rien pour améliorer le sort de ces sympathiques militaires si mal aimés...

Et l'Halloween? Eh bien si vous vous souvenez de mon texte de l'an dernier sur le sujet, vous savez ce que j'en pense...

vendredi 29 octobre 2010

Choléra et autres...


Le choléra. Tout le monde en parle, alors il faut bien que j'y aille de mon grain de sel moi aussi, n'est-ce pas? Surtout dans le contexte de l'hystérie collective qui court maintenant les rues et qui risque de faire plus de tort que la maladie, si on ne la freine pas à temps. Je pense que c'est incidemment la raison pour laquelle on a subtilement modifié le discours alarmiste des derniers jours pour un nettement plus optimiste : l'épidémie est contenue, tout baigne. Ben oui. Moi aussi je vais vous dire la vérité : je suis le fils du pape et de la mairesse de Ste-Cunégonde-en-Cloques. Voilà, je ne voulais pas l'avouer, mais maintenant, vous savez tout. JE BLAGUE! Tout comme les médias qui disent que l'épidémie est endiguée! La vérité est tellement plus simple : on n'en sait rien!!! Et comme si ce n'était pas assez, voilà maintenant qu'on cherche à en attribuer la cause... aux soldats onusiens! Je vous recommande cet article, paru hier (oui, c'est en anglais, désolé pour les unilingues). Doit-on croire cette histoire un peu tirée par les cheveux, mais tout de même possible? Ou si l'on doit n'y voir que la propension tout à fait haïtienne à vouloir rendre la MINUSTAH responsable de tous les maux du pays? En tout cas, si jamais c'était vrai, je pense que la présence de ces militaires venus d'ailleurs serait certainement compromise, à tout le moins pour les Népalais!

Plus alarmant (mais certainement moins alarmiste) est ce rapport tout à fait scientifique qui affirme que la "faille l'Enriquillo-Plantain Garden «reste un grave danger sismique pour Haïti, en particulier pour la région de Port-au-Prince», met en garde l'étude, publiée par le journal Nature Geoscience." Là où ça devient intéressant, c'est que l'étude avance que le tremblement de terre de janvier dernier pourrait NE PAS être dû aux soubresauts de cette faille, mais plutôt d'une faille secondaire. Or, bien que n'étant pas géologue, j'avoue un intérêt bien réel pour cette science, sans doute en grosse partie à cause de l'échelle temporelle qu'elle sous-tend. Tout peut arriver en un instant (le tremblement de terre, par exemple), mais tout prend son temps pour arriver. La tension peut s'accumuler pendant des milliers d'années avant de se relâcher d'un seul coup. Donc, oui, la situation reste préoccupante, justement parce qu'on ne sait pas. En outre, qu'on me permette de rappeler ici que l'an dernier, après une pluie particulièrement forte, l'étang de Miragôane, qui longeait la route depuis toujours, s'est soudainement gonflé au point d'inonder complètement la route sous plus d'un mètre d'eau. Ce sont des choses qui arrivent et tout le monde s'attendait à ce que les eaux se résorbent et que la route redevienne accessible. Eh bien non. L'inondation est devenue permanente, forçant la construction d'un autre tronçon de route à même la montagne. Or, je l'avoue, je n'ai rien lu de concluant capable d'expliquer la hausse du niveau de l'étang. Se pourrait-il que ce phénomène ait été avant-coureur du séisme de janvier dernier? Pourquoi pas? C'est dans la même zone, en tout cas... Mais si c'est le cas, si le phénomène était vraiment d'origine géologique et que personne n'a allumé, alors c'est un peu embarrassant, vous ne trouvez pas?

Cependant et en dépit de tout ce qui précède, les jours se suivent et le travail se poursuit. Comme il y a toujours de nombreux petits problèmes à régler, on n'a pas vraiment le temps de se préoccuper de la situation géologique, cholérique ou politique du pays et advienne que pourra, on marche. Comme disent nos amis haïtiens (et nos ennemis également, je présume) : "depi nou sou de pye, nou bon". Comme quoi quand on a peu, il suffit de peu pour accéder au contentement. Un thème que je chéris particulièrement, soit dit en passant, mais je me garde bien d'aborder avec vous, par crainte de vous ennuyer ou pire, de vous perdre... Or, que serais-je sans mes lecteurs critiques et mes lectrices clémentes, je vous le demande?

En tout cas, avec tout ça, octobre s'estompe déjà dans les brumes de novembre qu'on distingue de mieux en mieux à l'horizon temporel.

vendredi 22 octobre 2010

Anpil lapli!


Anpil lapli! Aujourd'hui et depuis tôt ce matin, il pleut à n'en plus pouvoir, avec pour résultat des rues et des maisons inondées. Notre petit hôpital n'échappe pas au déluge, mais mis à part certaines parties dont la toiture est craquelée, nous sommes relativement au sec. Relativement. Ce qui n'est pas le cas de l'Hôpital Général où, me dit-on, l'eau a envahi toutes les salles et pas rien qu'un peu. Et on ne parle pas de petites maisons où les gens habitent, souvent construites en zones inondables et donc, particulièrement inondées un jour comme aujourd'hui. L'eau fera sûrement des victimes aujourd'hui... Et pas à cause de son insalubrité, comme le relate cet article de l'Agence France Presse. Évidemment, pas de surprises de ce côté... Les pluies torrentielles sont rarement synonymes d'eau pure et claire et lorsqu'elles gonflent les rivières, elles en altèrent les eaux habituelles. Rien à voir avec le séisme de janvier dernier, ni avec la distribution d'eau potable à Port-au-Prince, ce que le titre de l'article semble vouloir nous faire croire. Simplement, il pleut, comme c'est habituellement le cas en cette période de l'année, et la pluie détrempe tout. Tout de même, on a vu pire...

Mais il faut bien admettre que la pluie change la donne. Ainsi, les routes étant envahies, la circulation n'en devient que plus difficile. Heureusement, on trouve moins de passants, moins de motos, mais il faut quand même faire attention pour ne pas noyer les passants sous la vague produite par le passage de la voiture... Certains n'apprécient guère... Mais qu'y faire? La pluie fait partie des impondérables de la vie haïtienne et la saison s'y prête, alors que dire de plus? Et puis ça ne dure pas. Heureusement d'ailleurs, car sinon faudrait sérieusement songer à se construire une arche...

Mais je reviens à l'article cité plus haut, car aux dernières nouvelles, il semble que l'incident ait maintenant pris des allures épidémiques avec des tas de gens malades, voire morts. On dit à la radio d'éviter de consommer des fruits de mer et du poisson, mais ça me paraît plutôt invraisemblable... L'eau, c'est la vie, comme on le dit au Sahara, mais souvent, une vie qui s'accorde mal avec la nôtre, qui la parasite et qui l'étouffe... En tout cas, n'ap swiv...

***

Nous sommes le lendemain d'hier. Aujourd'hui, le soleil a repris sa place habituelle dans un ciel épuré (mais pas pur pour autant). Des nouvelles plus fraîches sont apparues concernant ce qui précède; et non, ce ne sont pas les poissons ni les fruits de mer qui sont en cause, mais bien l'eau elle-même qui est contaminée, comme je le soupçonnais hier. On parle de choléra, mais on attend confirmation officielle avant d'en faire tout un plat. Le choléra n'est pas une maladie bien compliquée, mais rapidement mortelle des suites de la déshydratation qui la caractérise. Et puis, c'est facilement contagieux, alors épidémie, oui, on peut parler de ça. Remarquez qu'il fallait tout de même s'y attendre... Certains en profiteront pour dire que c'est bien là la preuve que le peuple haïtien est né pour un petit pain, mais je crois plutôt aux enchaînements qui font que «un malheur n'arrive jamais seul». Un séisme de la taille de celui qui a frappé le pays n'est pas sans conséquences, tout le monde le comprendra. Le choléra, en autant qu'on parle de choléra, n'en est qu'une parmi tant d'autres...

Reste qu'on n'avait pas besoin de ça en prime...

mardi 19 octobre 2010

Au voleur!


Non, ce n'est pas la campagne électorale qui mérite mon attention aujourd'hui, mais plutôt un petit événement, banal en soi, mais qui m'a personnellement piqué au vif : on a volé mon vélo!

En fait, pas MON vélo, mais plutôt celui de notre cher docteur Pasteur, qui me l'avait gentiment prêté il y a de ça plus de trois ans... Trois ans que je le laisse dehors, sans crainte ni soucis et pourtant, il aura fallu une seule occasion pour qu'il disparaisse sans laisser de traces. Bien sûr, vous me direz que ce n'est qu'une bicyclette qu'on peut remplacer aisément et que, par conséquent, le mal n'est pas bien grave. Oui, mais vous oubliez le principe : ce n'est pas le vol qui fait mal, mais bien le fait que le vol se soit passé à la maison. Dans notre bulle privée, pour ainsi dire. Et ça, en trois ans, c'est une première. Souvent, par négligence ou distraction, nous avons oublié des choses dehors; jamais rien n'a disparu. Le vélo était l'un de ces objets qui, une fois à la maison, en font virtuellement partie. Et pourtant, pourtant, quelqu'un a osé s'approcher et s'emparer de la bécane sans vergogne, en sachant très bien que c'était mal. Choqué, dites-vous? Le mot n'est pas fort. Évidemment, personne n'a vu ni entendu quoi que ce soit... Que faire? Rien, bien entendu. Passer l'éponge et faire mieux la prochaine fois. C'est ce que tout le monde me conseille. J'ai pourtant fait un petit geste : j'ai offert une récompense pour (1) le retour du vélo et (2) pour l'identification du ou des voleurs. On verra ce qu'on verra. C'est très probablement un coup d'épée dans l'eau, mais quand on est frustré, même un coup d'épée dans l'eau soulage. En fait, je me sens déjà mieux...

Ceci m'amène à parler de méfaits en général. Faut que je vous dise que, en dépit de cet incident frustrant, les mauvais coups sont plutôt rares dans le coin. Certes, les bananes disparaissent avant qu'on ait le temps de les cueillir et jadis, on s'est fait voler une poubelle (fût en métal de 45 gallons, donc très utile pour faire des réchauds à charbon de bois), mais pour le reste, "knock on wood", comme disent les Américains, tout va bien. On prend les précautions qu'il faut, mais on n'est pas pour autant obsédés par la sécurité des lieux. Mais je pense que, d'une façon générale, les gens ici sont honnêtes. Je dirais, sans l'ombre d'une preuve pour appuyer mes dires, que Les Cayes est une ville tranquille et fondamentalement honnête. Il s'agit d'une impression, bien sûr, mais une impression qui s'est avérée depuis que nous habitons ici. En fait, considérant l'importance de la ville, on peut s'étonner du faible taux de criminalité dans la zone; s'étonner et s'en réjouir...

Tout ça pour vous dire que même en dépit de l'affront moral et de la perte matérielle, on accepte. Et puis, confessons nos torts : si le vélo avait été rangé à l'intérieur, ou même simplement cadenassé, le délit n'aurait jamais eu lieu et je ne serais pas en train de me plaindre. La confiance, c'est bien beau, mais quand elle devient de la naïveté, on ne peut que s'en mordre les pouces. Quand on tente le diable, il ne faut pas s'étonner qu'il succombe à la tentation...

Un mal donc, mais pas un mal fatal; plutôt une leçon dont nous pouvons et allons tirer profit.

vendredi 15 octobre 2010

Sa'k pase okay?


Sa'k pase okay? Autrement dit : "Comment ça se passe aux Cayes?" J'espère que vous n'avez pas lu à l'anglaise OK au lieu de "aux Cayes" comme la ville se dit en créole. La confusion est facile, je le reconnais, et bien des gens, anglophones surtout, s'y font prendre. Ne faudrait-il pas voir un lien entre le okay américain et le okay créole? Selon les étymologies de OK, il pourrait fort bien avoir anguille sous roche de ce côté, voire du côté du français, puisque OK pourrait venir de "Au quai", en parlant d'un bateau qui a fini d'accoster et qui ne court donc plus de danger.

Mais si intéressant que soit le sujet, ce n'est pas d'étymologie dont je veux vous parler aujourd'hui, mais bien de ce qui se passe aux Cayes.

Eh bien, pour tout vous dire : rien. Et voilà, vous savez tout, fin du chapitre…

Mais non, je ne vous laisserai pas en queue de poisson comme ça, ce ne serait pas chic, tout de même! Alors voilà : de façon générale, tout s'est bien passé pendant nos vacances et nous aurions de ce fait tort de nous plaindre. Rien de plus déprimant que revenir de vacances avec une pile de problèmes non réglés... Ce ne fut pas le cas. Si bien que nous avons repris le travail, sans rechigner, requinqués par cet épisode en nos quartiers du nord.

Parmi les petites choses, ce mémo, reçu récemment, et que je partage avec vous :
À : Mr Dicrteur Richa
Objet: Demande D'aide
 
Sollicitant votre bonne compréhension dans la société. Je tiens à vous faire savoir qu'il m'est impossible de payer le loyer de ma maison.

La justice m'a déjà avisé qu'on va me déguerpir:
J'estime de vous adresser avec empressement pour éviter cette honte.

Recevez mes salutations patriotiques les plus sincères.
Oui, j'admets, il y a de quoi sourire. Et pourtant, le problème reste bien réel, même si son expression dans la langue de Molière achoppe un peu sur les bords. Mais il faut comprendre que les Haïtiens n'ont souvent du français qu'une connaissance approximative car le créole couvre tous les besoins de communication verbale. Seulement comme écrire le créole reste une habileté peu maîtrisée, plusieurs se tournent vers le français pour exprimer par écrit le fond de leur pensée. Ce n'est pas toujours évident, même si la pensée est bien conçue et quoi qu'en dise Boileau... Évidemment, on parle ici des gens ordinaires, peu ou pas scolarisés; comme partout ailleurs, l'éducation fait toute la différence, et je puis vous garantir que les gens qui ont eu la chance d’étudier ont du français une connaissance approfondie et nuancée. Cependant, français ou créole, la réalité de gens qui se font évincer de leur propriété n'en reste pas moins douloureuse et, bien malheureusement, souvent insolvable pour nous. Et si vous voulez tout savoir, non, je n'ai pas répondu à cette demande...

Mais j’en reviens à mes moutons : que se passe-t-il aux Cayes? Eh bien pas grand-chose de neuf. Les Brésiliens sont venus la semaine passée, ont vu pas loin de 200 personnes et ont fait, comme d’habitude, un travail hautement appréciable et de ce fait, sincèrement apprécié. Et non, ça n’a rien à voir avec le tremblement de terre. Les cas orthopédiques sont des cas orthopédiques "standards" (accidents, malformations, et autres) et leur nombre nous donne une idée de la nouvelle réalité.

Il a plu, pas mal par bout, mais sans ouragan; alors qu’est-ce qu’un peu d’eau, je vous le demande?

En ville, c’est calme, les gens vaquent à leurs diverses occupations, l’approvisionnement s’est grandement amélioré et tout le monde est "pa pi mal, gras a Dye". Évidemment, la saison cyclonique n’est pas encore vraiment terminée et le ciel peut encore nous tomber sur la tête, mais chaque jour qui passe nous éloigne de cette épée de Damoclès, alors on peut espérer s’en tirer une fois encore.

Et finalement, hier, 14 octobre, c’était la journée internationale de la vision que, en tant qu’institution spécialisée en ophtalmologie, nous avons dûment célébrée. Banderoles, musique, tarifs spéciaux et petite fête pour les employés, tout y était! Une belle fête et un événement que même la presse locale a couvert!

Voilà, vous savez à peu près tout. Je vous reviendrai incessamment, car la campagne électorale débute officiellement aujourd'hui et il y aura certainement matière à commentaires!