dimanche 30 mars 2014

Fait divers...



… et non fait d’hiver, puisqu’il est officiellement terminé. Quoi? Sarcastique, moi? Ben voyons!.. Allez pelleter un peu, ça vous remettra…!

Mon fait divers n’est rien d’autre, en somme, qu’une frustration comme il s’en vit à la tonne dans ce pays où rien ne marche, mais où tout finit toujours par marcher, comme se plaisait à répéter l’un de mes bons amis américains (version anglaise : nothing ever works, but everything ultimately works out), frustration issue d’un banal problème de plomberie… Je vous raconte.

D’abord, il faut que vous sachiez que, règle générale, l’alimentation en eau dans ce pays se fait par gravité : on installe un château d’eau sur le toit de l’immeuble (photo ci-dessus), on le remplit et on dispose alors d’une provision d’eau qui se transporte dans une tuyauterie standard, mais sans pression autre que celle de la gravité. Or, pour nous, habitués au luxe d’une pression à la douche, ce système laisse un peu à désirer et j’ai donc insisté pour que nous ayons un système avec pompe et réservoir qui nous procure une pression standard. Jusque là, tout va bien. Cependant, la semaine dernière, des travaux de plomberie nous ont obligés à changer quelques petites sections de tuyaux qui, mal collés, fuyaient dans un goutte à goutte aussi inutile qu’énervant. Je décidai donc d’y remédier, moi-même et en personne, illustrant en cela le proverbe qui dit que «l'on n’est jamais mieux servi que par soi-même.» J’achète donc une demi-barre de tuyau de PVC (polyvinyle chloride, si vous voulez tout savoir), la colle et les quelques raccords nécessaires à l’opération et me mets à l’œuvre. En pas même une demi-heure, le travail est complété et il ne reste qu’à remettre l’eau. Mais à ma grande surprise et contrairement à mon expérience passée, le tuyau n’a pas collé et avec la pression (environ 40 lb/po. car.), jaillit un geyser qui forme rapidement un lac sur le plancher de céramique. Heureusement, notre chère Éraise est là, et armée de sa moppe et de son sourire inaltérable, elle éponge la mare.

Qu’à cela ne tienne, nous allons reprendre le tout. Hélas! Encore une fois, ça ne tient pas. La colle peut-elle être expirée? Voyons cela. Changement de pot de colle, reprise des travaux et vlan! Nouveau geyser… Bon. C’est sans doute la marque de cette colle, alors je fais acheter une autre marque et remets ça... pour un nouvel échec! Et chaque fois, c’est l’inondation que nous épongeons, Éraise et moi, sans tant nous plaindre, mais bon, le jour avance et nous n’avons pas d’eau alors il faut trouver ce qui cloche… Et si ce n’est pas la colle, serait-ce le tuyau? Examen de ce dernier : effectivement, ce n’est PAS du PVC!!! Or, comme tout le monde le sait, colle et tuyau doivent être de même nature pour que s’opère la fusion des matériaux. PVC avec PVC, CPVC avec CPVC, ABS avec ABS… bref vous m’avez compris. On change le tuyau, on refait l’assemblage et cette fois, tout baigne et pas parce qu’on a les pieds dans la flotte!

L’histoire est banale, lue comme ça, mais je vous jure qu’elle a bien failli me faire perdre patience, moi qui pourtant en ai des trésors, vous le savez bien. «Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage.» Je sais, je sais, mais ça commençait à me scier, à la fin…

Tout ça pour vous dire qu’en Haïti, rien n’est jamais acquis d’avance, rien n’est jamais évident. Car je vous le demande : comment soupçonner qu’un tuyau blanc, vendu comme tuyau de polyvinyle chloride et en ayant toutes les apparences n’en soit pas? Et vous? L’eussiez-vous deviné? Eh bien voilà. Vous savez tout maintenant.

dimanche 23 mars 2014

La peur du connu


« Chat échaudé craint l’eau froide. » Vous connaissez sûrement ce proverbe, sinon pour le citer spontanément, à tout le moins pour l’avoir lu ou entendu. Son sens est assez limpide et s’appuie, comme la plupart des proverbes, sur un fait observable : le chat étant un animal prudent et circonspect, s’il se fait échauder, il évitera l’eau tout simplement, sans prendre le temps de vérifier si elle est chaude ou froide. Morale de l’affaire : une mauvaise expérience engendre la crainte, même non fondée, de voir l’expérience se répéter. C'est ce que j'appelle la peur du connu (par opposition à la peur de l'inconnu, vous l'avez compris). Or, ici, en Haïti, l’eau qui a échaudé tout le monde, c’est le tremblement de terre de 2010. Si bien que maintenant, le moindre frisson tellurique engendre une peur panique de voir l’événement dévastateur se reproduire, même si les chances de cette réédition sont bien faibles, à tout le moins en termes d'occurrences géologiques.

Tout ça pour vous dire que oui, vendredi soir dernier, nous avons senti une légère secousse dont tout le monde a immédiatement identifié la source : la terre qui frémit. L'événement s'est passé à quelque 50 km des Cayes (là où nous habitons) et n'a été qu'à peine ressenti par ici, mais davantage près de l'épicentre car en regardant la puissance de l’onde de choc initial, on s’aperçoit que ce n’est quand même pas rien : 4,5 sur l’échelle de Richter, assez pour que le frisson s’étende aux humains…

On peut avoir tendance à minimiser la chose, à considérer la crainte haïtienne comme puérile et non fondée. Mais moi je vous le dis : eussiez-vous vécu pareil drame il y a à peine quatre ans, vous seriez sans doute les premiers à quitter le confort douillet de votre maison à toit de béton et à vous précipiter au dehors lorsque se font sentir les vibrations alarmantes. Car oui, il y a péril en la demeure et l’alarme, même si elle est fausse, est prise ici au sérieux. On ne sait jamais, n’est-ce pas?

Le fait est qu’avec les bouleversements climatiques — et par extension, géologiques — dont nous sommes les impuissants témoins, on peut s’attendre à tout. Qui sait, après tout, ce que l’avenir nous réserve? Et si les climatologues le savaient, croyez-vous qu’ils nous le feraient savoir? Tout au plus quelques chefs d’États seraient-ils avertis, et pour le reste du monde, basta! On fera mieux la prochaine fois. Incidemment, il s’agit là du scénario du film 2012 de Emmerick, qu’on ne peut que trouver logique. Puisqu’il est évident qu’il est impossible de sauver le monde, alors on trie. Le reste, c’est un sauve-qui-peut, pris au sens littéral. Vous allez me dire qu’un petit séisme de quelques secondes à peine ne donne guère le temps de ressentir la panique et d’agir en conséquence, mais je vous rappellerai que c’est précisément ce qui a rendu le tremblement de terre de 2010 si dévastateur : la rapidité du désastre. Alors oui, chat échaudé a toutes les raisons de craindre l’eau froide…

Il n’empêche que ce sont des choses qui arrivent (je parle toujours des séismes, au cas où vous n’auriez pas suivi). Pas souvent, d’accord, mais qui arrivent quand même et lorsqu’elles se produisent, eh bien ce n’est pas drôle, je ne vous le fais pas dire.

Alors gens du nord, bien que vous vous plaigniez de cet hiver qui s’étire et vous fait douter du printemps — qui sait? Peut-être est-ce le début d’une nouvelle ère glaciaire? — dites-vous bien qu’ailleurs, d’autres malheurs, réels ou potentiels, frappent et sèment la pagaille — comme tous ces bons Haïtiens qui se sont précipités au dehors en sentant la secousse familière et évocatrice du grand mal. Ce n’était qu’un faible toussotement, soit, mais qui n’en fait pas moins songer au drame passé et qui laisse penser que celui-ci peut se reproduire.

Après tout, qu’est-ce qu’on en sait?

lundi 17 mars 2014

La beauté à tout prix?


Le monde s’agite toujours et encore. La disparition mystérieuse du Boeing MH 370, les bouleversements climatiques, la guerre, les élections au Québec… sont autant de sujets sur lesquels quelqu’un qui aime dire son avis peut le faire aisément. Pourtant, c’est en lisant cet article que j’ai senti l’appel du clavier, le besoin de partager avec vous ma lecture de ce fait divers qui laisse au mieux songeur, au pire, choqué.

Quant à moi, je ne suis pas choqué de cette réalité, mais elle me laisse songeur, oui, car elle nous renvoie une image sociale qui n’est pas exclusive à Haïti et qui, dans tous les cas, n’est guère reluisante. En d’autres termes, la quête de la beauté, c’est pas du joli…

Je ne vous ferai pas l’apologie philosophique du beau : vous savez ce que c’est sans qu’il soit besoin d’en décortiquer les pièces, d’en faire l’autopsie ou l’examen microscopique. Une belle fleur est belle, point. Ainsi en est-il d’une belle fille. Kant parlait d’une «universalité subjective» comme critère d’évaluation et ma foi, voilà une idée que j’ai retenue de mes cours de philo du cégep… Or, tout n’est pas beau également et tout comme certaines fleurs sont plus belles que d’autres, certaines personnes se démarquent et nous émerveillent par leur beauté. La plupart du temps, sans qu’on sache vraiment pourquoi, d’ailleurs. Mais on sait identifier la beauté et elle n’est jamais en rapport avec la couleur de la peau! Pour moi, quand je vois une belle fille, sur la rue ou à la télévision, je sais que j’ai devant moi une belle fille sans que je puisse identifier les critères de cette impression — enfin, si peu!... Impression que je partage d’ailleurs sur-le-champ avec ma compagne qui, la plupart du temps, sera d’accord avec moi. De belles noires sont aussi belles que de belles asiatiques ou de belles européennes! Dès lors, je comprends mal pourquoi la beauté féminine doit passer par ces modes qui dictent aux femmes avec quoi se laver, comment se brosser les cheveux, comment s’habiller, quoi manger, où s’épiler (!) et bien sûr, comment se maquiller. Eh bien tout ça pour moi, c’est du maquillage, justement. On veut maquiller la vérité et rendre les femmes (surtout, mais la tendance atteint maintenant les hommes, on le constate de plus en plus) plus désirables en les transformant en objets. Dites, ça ne vous agace pas vous autres? Moi oui. Car une personne n’est jamais une addition de morceaux, mais bien un tout, plus ou moins harmonisé, plus ou moins intégré, mais jamais fragmenté au goût du jour. C’est ce que disait le philosophe quand il disait que l’ensemble des parties ne forme pas nécessairement un tout. L’ensemble de morceaux du beau n’est pas le beau. Une belle personne irradie, illumine son environnement et rend les gens contents. Car une belle personne n’est jamais une image, fût-elle magnifique et tridimensionnelle : la beauté humaine exprime la vie.

Mais je devine vos soupirs. «On sait tout ça», me dites-vous. D’accord. Mais entendons-nous que plusieurs femmes / filles pensent encore que ce sont les gros seins qui les rendront séduisantes ou pire encore, la peau pâle… et qui sont prêtes à souffrir pour cette image fausse. Je trouve ça bien triste…

L’humanité accédera-t-elle un jour à un brin de maturité? Je laisse la question ouverte…

dimanche 2 mars 2014

La flemme et le Mardi Gras


Des fois, j’ai simplement pas envie. Des fois, j’ai cette espèce d’apathie paralysante qui m’enlève le goût de faire quoi que ce soit sauf lire ou regarder la télé. Panne littéraire? Non, pas du tout. Vous le savez maintenant : pour moi tous les sujets sont bons, même ceux qui, a priori, ne semblent pas vraiment aptes à rebondir. Angoisse de la page blanche, alors? Ici encore, c’est non. Je me souviens d’ailleurs de l’époque où la page blanche était une vraie feuille de papier sur lequel courait mon stylo ou, un peu plus tard, une feuille que je glissais dans la «machine à écrire», avant d’en marteler les touches comme si la victoire en dépendait… J’ai appris en autodidacte à taper selon une méthode (lasalle, si je me souviens bien) et ma foi, pour taper, je tapais! Car malgré les semonces de mes enseignants, ma paresse chronique s’accordait mal avec l’idée d’un brouillon, lequel signifiait seulement un double travail pour moi. Alors je glissais une feuille de papier vierge dans la vieille Underwood (photo ci-dessous) récupérée à l’imprimerie où travaillait mon père, et là, devant la page blanche, je laissais les phrases se mettre bout à bout, s’enchaîner sans contrainte et former le corps du squelette de ma pensée frivole. Bien sûr, il me fallait tout de même réfléchir un peu à ce que je voulais dire, mais une fois l’idée germée, le terreau de la feuille blanche suffisait à lui donner corps et vigueur et la page se remplissait sans que j’aie besoin de forcer. Si bien que pour l’angoisse, on repassera.

Mais la flemme, les amis, la flemme…

Tout de même, puisque j’ai pris déjà une demi-page pour vous dire que j’avais la flemme et puisque j’aime bien maintenir ce rendez-vous dominical avec vous, je vais tout de même vous donner un bref aperçu de la situation actuelle, en ce début du mois de mars 2014. Au nord du nord, là où la majorité de mes lecteurs assidus habitent et où nous lorgnons de temps à autre, c’est visiblement toujours l’hiver à n’en plus pouvoir, ce qui ne présente rien d’enviable pour des gens vivant sous le soleil, je sais que vous serez d’accord là-dessus. En plus, pour nous, c’est le congé du Mardi Gras — une fête que tout le monde connaît, mais qui, au nord, ne s’accompagne pas d’un congé férié et chômé alors que c’est le cas ici. En fait, nous bénéficions présentement d’un long week-end de cinq jours, ce qui est tout de même appréciable, avouons-le.

Et puis, ce qui n’enlève rien à la chose, cette année, le carnaval (puisque qui dit Mardi Gras dit carnaval), dans sa version nationale et officielle, se tient à Gonaïves, ville du nord assez loin de nous, si bien qu’ici aux Cayes, les célébrations restent bien modestes à tous égards, donc, avec moins de musique (ou ce qui en tient lieu) tonitruante et capable de réveiller les morts, alors pour les vivants cherchant le sommeil, je vous laisse imaginer… En résumé, la fête est là, mais elle nous laisse souffler.

Le congé ne s’en prend que mieux. Et c’est sans doute pour cette raison qu’en ce dimanche ensoleillé, nous avons choisi de sauter notre traditionnel petit tour à la plage, quitte à le remettre à demain, à mardi ou à mercredi si le cœur nous en dit. Car aujourd’hui, vous l’ai-je dit, j’ai la flemme…

Si bien que, si ce produit de ma fainéantise dominicale vous semble pauvre et fade, je vous dirai que j’ai déjà abordé le thème du Mardi Gras de même que celui du Mercredi des Cendres au cours des années passées, alors faut pas vous gêner…

Car moi, je crois bien que je vais retourner à la télé, tiens…