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dimanche 6 avril 2014
Le respect de la différence
C’est en écoutant l’autre soir ce film déjà ancien (1992) de Sidney Lumet — pas son meilleur, je vous le dis tout de suite, mais bon, ce n’est pas de cinéma que je veux parler ici — que m’est venue l’idée de ce texte. Car un peu à l’image de Witness (vraiment meilleur dans le genre), le film se passe dans la communauté juive hassidique de New York et les scènes de vie de ces gens marginaux sont bien rendues et sans doute assez fidèles à leurs us et coutumes. D’où, incidemment, l’intérêt de ce genre de film. Or, tout comme dans Witness, le film de Lumet (A Stranger Among Us, si vous voulez le titre) met en situation un étranger (en fait, une étrangère dans le film) qui, par les impératifs du boulot, se retrouve à l’intérieur de cette communauté serrée, cumulant gaffes et impropriétés culturelles pour en faire sortir la différence d’avec le monde courant — normal, diront certains. Car oui, ces gens sont différents. Pensent différemment, s’habillent différemment, mangent différemment, parlent différemment, bref vivent différemment. Et pourtant, ils sont bien loin de leur milieu d’origine. Que demandent-ils à leur pays d’accueil? De se faire respecter, tout simplement. Ils ne sont pas là pour changer le pays, pour faire la révolution ou la conversion des âmes errantes, mais simplement pour vivre leur vie, selon les règles auxquelles ils et elles adhèrent. Le respect. Un respect que, au Québec, certaine charte que je ne nommerai pas entend baliser (lire : restreindre), par crainte que la piscine ne soit plus accessible à toutes les vieilles dames nanties… Vous m’excuserez, mais je trouve la chose aberrante et honteuse.
Oui, cela me fait honte, car pour nous qui vivons en Haïti depuis quinze ans, c’est nous la «minorité ethnique». Blancs dans un pays noir, difficile de passer pour autre chose! Et pourtant, je vous le dis sans détours : en pas moins de quinze ans, jamais nous n’avons senti de xénophobie, encore moins de racisme à notre égard. Dans un pays à culture esclavagiste où les «maîtres» étaient blancs, on pourrait pourtant s’attendre au minimum à un certain froid de la part des Haïtiens, au pire à une haine farouche, mais c’est tout le contraire : on nous respecte et on respecte nos différences. Et je ne parle pas que de ma compagne et de moi : les blancs sont nombreux en Haïti et je mets ma main au feu que personne ne s’y sent victime de racisme ou de mépris social ou culturel : les gens nous acceptent parce que nous sommes des humains, point. Bien sûr, nous faisons de notre mieux pour nous intégrer au pays, mais nous restons toujours blancs, étrangers, nantis dans ce pays noir, homogène et si pauvre. Bref, un pays qui aurait toutes les raisons de ressentir la présence des blancs avec leurs grands airs, leur indélicatesse, leur condescendance ou leur pitié; mais non. En Haïti, le sourire est contagieux et il faut bien dire que le peuple nous en apprend un brin sur ce que doit être l’accueil d’étrangers, même ceux qui viennent pour leurs propres fins personnelles, ce qui est en fait le cas de tous les expatriés. Car sous des dehors parfois bien hypocrites, ceux et celles qui viennent s’installer dans ce pays le font parce que cela leur convient — pas par grandeur d’âme, ne vous y méprenez pas, et j’inclus ici même ceux et celles qui se disent missionnaires. Certains, comme nous, œuvrent (modestement) dans l’humanitaire; d’autres se font grassement payer à titre de consultants ou similaires; d’autres enfin, ouvrent boutiques et s’y font hôteliers ou restaurateurs... Mais tous sont également acceptés pour ce qu’ils sont : des étrangers.
Or, pendant ce temps au Québec, on alimente la xénophobie en voulant faire un débat de société autour du danger de laisser les autres être les autres et exprimer leur différence… Pas étonnant que dans cette foulée rétrograde ait germé le slogan «s’occuper des vraies affaires»…
À quand le retour au «vivre et laisser vivre»?
lundi 17 mars 2014
La beauté à tout prix?
Le monde s’agite toujours et encore. La disparition mystérieuse du Boeing MH 370, les bouleversements climatiques, la guerre, les élections au Québec… sont autant de sujets sur lesquels quelqu’un qui aime dire son avis peut le faire aisément. Pourtant, c’est en lisant cet article que j’ai senti l’appel du clavier, le besoin de partager avec vous ma lecture de ce fait divers qui laisse au mieux songeur, au pire, choqué.
Quant à moi, je ne suis pas choqué de cette réalité, mais elle me laisse songeur, oui, car elle nous renvoie une image sociale qui n’est pas exclusive à Haïti et qui, dans tous les cas, n’est guère reluisante. En d’autres termes, la quête de la beauté, c’est pas du joli…
Je ne vous ferai pas l’apologie philosophique du beau : vous savez ce que c’est sans qu’il soit besoin d’en décortiquer les pièces, d’en faire l’autopsie ou l’examen microscopique. Une belle fleur est belle, point. Ainsi en est-il d’une belle fille. Kant parlait d’une «universalité subjective» comme critère d’évaluation et ma foi, voilà une idée que j’ai retenue de mes cours de philo du cégep… Or, tout n’est pas beau également et tout comme certaines fleurs sont plus belles que d’autres, certaines personnes se démarquent et nous émerveillent par leur beauté. La plupart du temps, sans qu’on sache vraiment pourquoi, d’ailleurs. Mais on sait identifier la beauté et elle n’est jamais en rapport avec la couleur de la peau! Pour moi, quand je vois une belle fille, sur la rue ou à la télévision, je sais que j’ai devant moi une belle fille sans que je puisse identifier les critères de cette impression — enfin, si peu!... Impression que je partage d’ailleurs sur-le-champ avec ma compagne qui, la plupart du temps, sera d’accord avec moi. De belles noires sont aussi belles que de belles asiatiques ou de belles européennes! Dès lors, je comprends mal pourquoi la beauté féminine doit passer par ces modes qui dictent aux femmes avec quoi se laver, comment se brosser les cheveux, comment s’habiller, quoi manger, où s’épiler (!) et bien sûr, comment se maquiller. Eh bien tout ça pour moi, c’est du maquillage, justement. On veut maquiller la vérité et rendre les femmes (surtout, mais la tendance atteint maintenant les hommes, on le constate de plus en plus) plus désirables en les transformant en objets. Dites, ça ne vous agace pas vous autres? Moi oui. Car une personne n’est jamais une addition de morceaux, mais bien un tout, plus ou moins harmonisé, plus ou moins intégré, mais jamais fragmenté au goût du jour. C’est ce que disait le philosophe quand il disait que l’ensemble des parties ne forme pas nécessairement un tout. L’ensemble de morceaux du beau n’est pas le beau. Une belle personne irradie, illumine son environnement et rend les gens contents. Car une belle personne n’est jamais une image, fût-elle magnifique et tridimensionnelle : la beauté humaine exprime la vie.
Mais je devine vos soupirs. «On sait tout ça», me dites-vous. D’accord. Mais entendons-nous que plusieurs femmes / filles pensent encore que ce sont les gros seins qui les rendront séduisantes ou pire encore, la peau pâle… et qui sont prêtes à souffrir pour cette image fausse. Je trouve ça bien triste…
L’humanité accédera-t-elle un jour à un brin de maturité? Je laisse la question ouverte…
lundi 9 janvier 2012
Mythes et réalités
L'article que je veux partager avec vous aujourd'hui date en fait de vendredi dernier. Mais j'avais la flemme et pas vraiment le goût de me plonger dans des commentaires qui, peut-être, n'auraient pas vraiment sonné juste. En outre, je venais tout juste de vous produire un petit texte la veille alors je me disais que vous n'étiez pas encore en manque... Enfin, les propos de l'article sont toujours d'actualité et toujours intéressants, surtout pour vous, lecteurs et lectrices, qui vivez loin et qui ne connaissez le pays qu'à travers ce que l'actualité en dit. Or l'actualité, trop souvent hélas, ne voit qu'en surface et juge aussi rapidement que péremptoirement, de sorte que le public est souvent trompé. Je vous l'ai déjà dit et vous savez que je m'élève souvent contre ces affirmations journalistiques fondées sur des visites au pays qui se mesurent souvent en heures. Les journalistes, ne l'oublions pas, sont des employés ou des pigistes qui n'ont qu'une idée, un objectif : vendre leur article à leur employeur ou à un client (dans le cas des pigistes) et gagner leur vie ce faisant. Or, ce qui va bien se vend mal, alors que ce qui va mal se vend très bien. En plus, écrire sur ce qui va mal est nettement plus aisé que son contraire, alors pourquoi chercher à démystifier ce qui est «vendeur»?
Mais les mythes dénoncés dans l'article valent qu'on s'y arrête. Car non seulement l'article remet-il les pendules à l'heure au regard de ces mythes, mais il nous permet de penser que s'il s'en trouve quatre ici, il s'en trouve sûrement d'autres. Je vous en donne quelques-uns plus bas. Mais d'abord, revoyons ensemble ces mythes démystifiés.
L'insécurité est certes le premier et sans doute le plus répandu. Il faut dire que les histoires sordides qu'on nous sert suffisent largement à alimenter l'idée que le pays n'est pas sûr et que la criminalité y fait rage. Et pourtant, selon les données mentionnées dans l'article, rien n'est moins vrai... Puis il y a cette histoire abracadabrante que les pauvres en sont réduits à manger de la terre pour tromper la faim qui les tenaille. Ici encore, si l'on fouille un peu, la vérité apparaît dans une tout autre perspective. Concernant l'épidémie de viols, je ne suis pas si sûr que ce soit un mythe... D'ailleurs, il est mentionné dans l'article que les données manquent pour confirmer ou infirmer l'hypothèse. Mais quoi qu'il en soit, ce n'est rien qui mérite de faire la manchette, comme la nouvelle l'a fait l'année dernière (je crois). Enfin, l'argent de la reconstruction qui disparaît n'est pas un phénomène nouveau : chaque fois que de fortes sommes sont en jeu, il y a forcément un certain pourcentage qui disparaît en fumée, mystérieusement. Mais ce n'est pas une situation qui se limite à Haïti : c'est partout la même chose et je pense qu'il faut être bien naïf pour s'en étonner. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que l'argent promis n'est ni tout dépensé, ni versé en entier et que c'est au fil des projets que l'argent peut être utilisé à bon escient. Bref, ce sont effectivement des mythes, ou si vous préférez, des idées reçues sans critique et sans faits pour les appuyer.
Et je pourrais vous en citer d'autres, par exemple : «Aller en Haïti, c'est s'exposer à tomber malade, peut-être même du choléra»; ou «les mendiants sont agressifs»; ou «les Haïtiens sont tous des voleurs»; ou «tout ce que l'on mange, tout ce que l'on boit est une menace pour la santé», et quoi encore! Mais tout cela est faux. Certes, les pays tropicaux entretiennent des maladies tropicales typiques : malaria, dengue, choléra et autres, mais ce ne sont pas des maladies que l'on attrape si aisément. Le choléra, bien que grave, reste dans les limites du contrôlable et du contrôlé et le spectre de l'hécatombe qu'on a brandi au-dessus de nos têtes l'an dernier était exagéré et relève maintenant du mythe. Quant aux maladies liées à l'eau ou l'alimentation, ici encore, elles se limitent à la traditionnelle diarrhée du voyageur (la turista), une gastroentérite ou un simple empoisonnement alimentaire bénin. Rien pour en faire une maladie!... Quant aux mendiants, ce sont des enfants surtout et comme pour tous les enfants, un peu de fermeté vient rapidement à bout de leur maigre insistance. Il reste les voleurs... Vaut-il la peine de relever cette généralisation odieuse et injuste? Et pourtant, j'avoue l'avoir entendue textuellement, celle-là... Mais bon. Ce sont ces mêmes gens qui vous diront que les Arabes sont tous des terroristes ou que les Noirs sont tous des sales. Parler à ces gens, c'est se salir. Pour ma part, je préfère m'abstenir...
En complément de programme et pour terminer sur une note plus positive, je vous renvoie à cet article (en anglais) qui décrit ce que je suis en train de vous dire de belle façon.
En tout cas, j'ai bien hâte de voir ce qu'en dira notre belle visite...
Libellés :
croyances,
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samedi 19 novembre 2011
Refait!
Je remonte. Doucement, je refais surface. Prise dans les brumes fébriles, ma pensée errait, sans fil conducteur, sans énergie, sans tonus. Mais aujourd'hui, ça va mieux. La tête me tourne toujours un peu, mais pas trop et l'horizon ressemble à ce à quoi un horizon doit ressembler : une ligne horizontale relativement fixe. La descente au purgatoire s'achève, les muqueuses se replacent, la fièvre se dissipe, la pensée se réorganise. Bref et comme on dit en créole «m'refè», me voilà refait... ou presque.
Si vous n'avez pas deviné, je vous parle ici de ma dernière chute rhinovirale, mieux connue sous le nom de grippe. Malade, votre auteur préféré! Oh pas au point d'en faire tout un plat – vous connaissez mon stoïcisme, maintenant –, mais suffisamment pour altérer mes journées habituelles, suffisamment pour que je me retire même dans mes quartiers privés pour faire un petit somme en pleine journée, c'est vous dire...
«Une vraie grippe d'homme?», m'a demandé avec une malicieuse compassion (!) l'une de mes proches. Une grippe d'homme? Hmmm... Je ne sais pas pour vous, mais j'ai cru déceler dans la formulation une certaine ironie, comme si une «grippe d'homme» n'était en bout de ligne qu'un motif à raillerie, comme si nous, les hommes, faisions exprès pour être malades afin d'attirer la commisération féminine. Ce que ma chère compagne a, de son côté, confirmé sans hésiter : une «grippe d'homme», ce ne peut être qu'une grippe de «moumoune». Pour les non-Québécois, je précise que «moumoune» est un péjoratif pas trop méchant, mais sur le modèle de la suffixation en -oune, rien pour être fier. «Ti-coune, ti-zoune, toutoune, bouboune (non, ça c'est créole), poupoune, nounoune...» ont tous la même connotation moqueuse et quelque peu condescendante. Donc, une grippe de «moumoune», ce n'est pas une grippe qui mérite qu'on s'y attarde. Et vlan!
Or, il me semble qu'en ces pénibles occurrences où la santé s'étiole, un peu de compassion – authentique, je veux dire – serait de mise. Même pour nous, mâles imperturbables dans l'adversité. Un sourire bienveillant, un baiser tendre sur la joue (attention au virus, quand même), un regard attendri... un rien suffirait! Mais hélas!... On nous nourrit d'ironie...
Heureusement, mes compagnons haïtiens, eux, comprennent la nécessité de compatir. Un peu trop sans doute, mais bon, rien n'est parfait, vous le savez trop bien. Mais ils sont là, me retiennent la main qu'ils viennent de serrer (!) en me demandant comment je vais et en m'enjoignant de me soigner, de prendre du repos et de boire du thé amer. Oui, oui. Du thé amer. C'est, paraît-il, la panacée bien connue contre ce mal inévitable. Le remède qui vous remet sur pied en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Je n'ai pas osé demander ce qu'un thé sucré pouvait faire comme différence, car ici, on ne rit pas avec les médications : on les suit rigoureusement. Peut-être l'amertume suffit-elle à purger le mal?... Car enfin, qui voudrait d'un thé ou d'un café sans sucre? (Nous mis à part, bien entendu...) Donc, le thé amer... Que je n'ai pas pris, je le confesse ici, préférant m'en remettre au vin rouge qui lui, a fait ses preuves dans le passé et ne se dément pas. Mais bon, on ne peut tout de même pas débuter la journée au vin rouge, hein? Alors j'ai souffert, stoïquement je le redis, en attendant que les muqueuses se replacent et que l'homéostasie retrouve ses paramètres habituels. Et ça s'en vient, là. Pas encore tout à fait terminé, mais sur la bonne voie.
Alors oui, quoi qu'en pensent quelques femelles à l'esprit retors, l'homme a eu sa grippe et a su y faire face en homme, sans courber l'échine, sans fléchir, sans gémir ni pleurer. Tout comme Lancelot ce «bon chevalier courtoi [qui] met sont habilité au combat en tout les sens.» (sic et heureusement anonyme), il en sort aujourd'hui vainqueur. Et toujours modeste avec ça.
Et pour faire bonne mesure, le ragoût de patte de cochon...
vendredi 11 novembre 2011
11-11-11
La numérologie, ça vous dit quelque chose? Et l’apophénie? Bon coupons au plus court : 11-11-11, la date de ce jour, vous y êtes maintenant? C’est que pour plusieurs, cette séquence du nombre 11, nombre premier, s’il en est un, est certainement significative et probablement porteuse d’un message à saveur cosmique. L’apophénie, c’est ça : cette manie de voir des patterns là où il n’y a, en fait, que des occurrences plus ou moins fortuites. Les formes des nuages ou des montagnes en sont des exemples. J’avoue pour ma part ne pas avoir cette imagination. Bien sûr, comme tout le monde, je vois dans le dessin ci-dessous un visage, même s’il ne sourit pas.
Quant à la photo ci-dessus, même s'il s'agit d'un caprice géologique, il est difficile de ne pas y voir un profil quelconque, homme ou bête, c'est selon. Bon, ça, c'est assez évident. Mais les formes dans les nuages, non. Dès lors, je ne suis pas vraiment sensible aux visions apocalyptiques que des séquences numériques pourraient suggérer. Mais ça n’empêche pas d’autres d’y croire et de s’en sentir concernés… C’est comme la fin du monde annoncée pour le 21-12-12. Vous y croyez, vous? Eh bien pas moi. Tout ça ce n’est que pure fantaisie.
Pourtant, on peut se demander pourquoi des tas de gens croient à cette prédiction ou à toute autre fondée sur des interprétations douteuses de données qui le sont encore plus. Faut-il y voir un besoin social de sentir que notre destinée ne nous appartient pas? Est-ce une preuve de l’existence d’un être suprême (et fort en math, à part ça…) qui prend toutes les décisions concernant le sort de l’humanité? Ou est-ce simplement le désir que «quelque chose» se passe, qui viendrait rompre la monotonie du quotidien?
Mais à la vérité, il n’y a pas de quoi s’exciter. Ici en tout cas, en ce jour de novembre ensoleillé comme les autres, on aurait peine à penser qu’une catastrophe potentielle est suspendue au-dessus de nos têtes. La vie se déroule à son rythme normal, les gens vaquent à leurs occupations quotidiennes en s’efforçant de résoudre leurs problèmes habituels. S’il nous tombe dessus une catastrophe imprévue, eh bien so be it, comme disent nos voisins du nord. Mais pour l’heure, rien de nouveau sous le soleil… Et l’heure fatidique, ben elle approche… plus que 7-8 minutes au moment où j’écris ces lignes. Et lorsque vous les lirez, tout sera dit ou presque…
Revenons-en à l’essentiel, donc. C’est surtout vendredi, un vendredi qui, selon l’ordre des jours et les conventions sociales annonce la fin de semaine qui, même sous ces latitudes, reste associée au repos et au farniente.
À moins que d’ici là, la terre n’ait arrêté de tourner, sait-on jamais…
vendredi 4 mars 2011
Appel létal
Ce serait drôle si ce n'était pas tragique...
J'ai entendu cette histoire abracadabrante pour la première fois hier matin, alors que je passais à la maison (pour chercher une paire de pinces, si vous voulez tout savoir). Éraise, notre chère bonne (et non notre bonne chère, quand même!) était tout en émoi et me met immédiatement en garde : on dit à la radio (qu'elle écoute à tue-tête) que certains numéros de téléphone sont ensorcelés et qu'y répondre, c'est signer son arrêt de mort. Elle me tend une liste de trois numéros auxquels elle me conjure de ne pas répondre, car ils sont possédés, sous l'emprise des zombies (auxquels elle croit dur comme fer -- j'y reviendrai). Or, que peut-on face au diabolique?
De retour à mon bureau, je croise quelques employés, et pas parmi les plus crédules, qui me lancent le même avertissement : ne réponds pas à ces numéros car la mort s'ensuit! Le reste de la journée ne fera qu'accroître ce qui passe déjà pour une paranoïa collective. Tout le monde en parle, et les plus impressionnables n'osent plus répondre au téléphone! Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire à dormir debout?
Ce n'est que plus tard, lisant cet article sur Haiti Press Network que j'ai pu me rendre compte qu'on était allé assez loin dans le canular sans que personne ne s'en formalise vraiment. Mais l'histoire de la femme qui a accouché d'un poisson a aussi défrayé les manchettes et là encore, personne n'y trouvait à redire, car puisque les médias en parlaient, il fallait bien que ce soit vrai! Mais je reviens à l'article très lucide de Jonel Juste, que je vous recommande, non seulement pour le rapport de ce fait divers insolite autant qu'incroyable, mais aussi pour les questions, fort pertinentes, que l'auteur pose. Entre autres, il mentionne : «Le seul bon côté de cette histoire de numéros de téléphone assassin [sic] : l’occasion de réfléchir sur l’impact de l’introduction des nouvelles technologies en milieu rurales [sic].» Il ajoute : «Le téléphone mobile est l’élément de la modernité à l’indice de pénétration le plus élevé en Haïti, qui atteint le plus de monde, plus que l’électricité, plus que la radio, la télévision, plus que tout. D’ailleurs, il les remplace parfois : un cellulaire est une radio, une télé, un ordinateur, une lampe de poche…» Il n'y a pas d'exagération ici : c'est vrai que le cellulaire, c'est le modernisme à petits frais. Tout le monde en a un et plus il comporte de gadgets, plus il est séduisant. Or, pour beaucoup d'usagers, le cellulaire, ce n'est rien d'autre qu'une forme de magie; dès lors, le pas qui permet de croire que l'appareil peut être porteur de mort violente se franchit aisément : ce n'est, après tout, qu'une question de gradation de la magie. L'auteur de l'article n'est pas tendre envers ses compatriotes : «Pire, [l'affaire] montre la stagnation de la mentalité haïtienne et qu’en 2011 on pense encore comme au Moyen-âge [sic]. La pensée magique. L’idée même de l’utilisation des ondes électromagnétiques usuelles à des fins criminelles aurait dû paraître absurde. Au lieu de cela, on préfère dire qu’Haïti est le pays de tous les possibles.»
Or, c'est bien là le drame. Même si l'on admet que de telles sornettes sont impossibles dans les pays développés, on les accepte en Haïti, parce qu'ici, c'est le "pays de tous les possibles", surtout en ce qui a trait aux forces occultes qui se manifestent de mille et une façons, notamment sous forme de zombies, lesquels ne laissent personne indifférent.
Éraise me demande si je crois au diable et s'étonne de ma réponse. Elle affirme, le plus sérieusement du monde, qu'il s'incarne parfois dans de vieux arbres ou des plantes grasses (le diable est maigre, tout le monde sait ça), à l'affût des âmes incertaines et influençables. Le diable guette, le diable est partout; en fait, le diable est un vrai petit diable! De là à croire qu'il peut emprunter la voie des ondes, il n'y a qu'un saut de puce! N'empêche et comme l'auteur le souligne, c'est quand même triste et pas trop flatteur pour le peuple haïtien...
Mais le pire à mon sens, ce n'est pas tant la crédulité populaire (laquelle est répandue plus qu'on le croit--pensons aux légendes urbaines qui ont la couenne dure genre Elvis-qui-vit-encore) que ceux qui en profitent, voire qui en abusent. Et ici, comme partout ailleurs, il est permis de se demander à qui le crime profite. Il y aurait de la politique là-dessous que je ne serais pas surpris, mais alors pas le moins du monde. D'ailleurs politique rime tellement bien avec diabolique... Et comme on est en pleine campagne électorale, eh bien, il n'y a pas vraiment lieu de se surprendre...
En tout cas ces jours-ci, politique ou pas, l'heure est aux festivités, car c'est le carnaval, lequel s'annonce "chaud", selon le slogan même des banderoles qui en font la promotion. Car le Mardi Gras, c'est mardi prochain! Souhaitons seulement qu'il ne soit que chaud dans sa musique et son effervescence...
mardi 10 juin 2008
Le Vaudou

Qu’on se rassure : je ne vais pas faire ici un docte exposé sur la chose; d’abord, j’en serais incapable, ensuite, les doctes exposés, tout informatifs qu’ils puissent être, n’en sont pas moins rasants, il faut le dire; or mon intention n’est certainement de vous ennuyer, mais bien au contraire, de vous distraire un peu et de vous dépeindre, de façon impressionniste, le tableau complexe et ramagé de la vie haïtienne. Or, le vaudou, en tant que culture religieuse, en fait intégralement partie.
Là où le vaudou haïtien se distingue de sa souche africaine, c’est dans son intégration des rituels chrétiens, incluant toute la panoplie des saints et saintes. Les cérémonies n’en deviennent que plus compliqués et difficilement—pour ne pas dire impossiblement—compréhensibles aux Blancs que nous sommes. Mais assez curieusement, elles nous restent accessibles, même si on n’y comprend rien. Une pièce—dans laquelle il faut entrer en marchant à reculons (!) chargée à tout rompre de bimbeloterie kitch où domine l’odeur d’eau de Cologne. Le rituel, pour tous les nouveaux arrivants, est de s’asperger de cette eau, ce qui rend vite l’air irrespirable pour les muqueuses délicates. Dans la pièce, une espèce d’estrade, séparée du reste de la chambre par une balustrade : c’est là que se tient le bokor (le prêtre officiant) et ses invités de marque, dont les Blancs que nous sommes. On bat le tambour, on fume des cigarettes (rien de magique ni d’illicite ici) et on boit du rhum. De temps à autre, une femme se lève, danse en tournoyant au centre de la pièce et retourne s’asseoir. Après une heure de ce manège, on se demande comment on pourra tirer sa révérence sans avoir l’air grossier; après une seconde heure, on s’en fout : de toute façon, on est étranger, de toute façon on n’y comprend rien, de toute façon, ce n’est pas pour nous.
« Mais alors, et les sortilèges? Et les poupées faméliques? », me demanderez-vous. De la frime! En tout cas, rien de ce qu’on a pu voir qui y ressemble de près ou de loin! Les Haïtiens baignent littéralement dans le vaudou, c’est une extension de la pratique religieuse et on s’en sert à toutes les fins, depuis une grossesse désirée jusqu’à une jambe cassée, en passant par l’espoir d’une bonne récolte, d’un bon mari ou d’un travail payant. La visite chez le bokor ressemble en tous points à la visite chez la cartomancienne : on cherche l’assurance que le futur ne sera pas trop dur. Je l’ai dit : les Haïtiens sont, par nature et par éducation, très croyants et là où la religion chrétienne ne suffit pas, le vaudou s’immisce et comble les attentes des plus difficiles. Avec un taux de succès variable, il faut bien le dire, et qui dépend beaucoup du don du bokor. Car ne devient pas bokor qui le veut : c’est un don inné, qui peut certes se développer par la pratique mais qui ne s’acquiert pas par la pratique. Quant aux zombies, bien sûr qu’ils existent! Tous les Haïtiens vous le diront et si vous n’y croyez pas, malheur à vous! Encore récemment, un homme a été lapidé à mort sur la base qu’il n’était qu’un zombie déguisé, et comme ce n’est évidemment pas un crime que de tuer quelqu’un qui est déjà mort, eh bien personne n’est coupable!...
Et alors, êtes-vous mieux situés à présent???...
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