mardi 10 juin 2008

Le Vaudou



Qu’on se rassure : je ne vais pas faire ici un docte exposé sur la chose; d’abord, j’en serais incapable, ensuite, les doctes exposés, tout informatifs qu’ils puissent être, n’en sont pas moins rasants, il faut le dire; or mon intention n’est certainement de vous ennuyer, mais bien au contraire, de vous distraire un peu et de vous dépeindre, de façon impressionniste, le tableau complexe et ramagé de la vie haïtienne. Or, le vaudou, en tant que culture religieuse, en fait intégralement partie.

Là où le vaudou haïtien se distingue de sa souche africaine, c’est dans son intégration des rituels chrétiens, incluant toute la panoplie des saints et saintes. Les cérémonies n’en deviennent que plus compliqués et difficilement—pour ne pas dire impossiblement—compréhensibles aux Blancs que nous sommes. Mais assez curieusement, elles nous restent accessibles, même si on n’y comprend rien. Une pièce—dans laquelle il faut entrer en marchant à reculons (!) chargée à tout rompre de bimbeloterie kitch où domine l’odeur d’eau de Cologne. Le rituel, pour tous les nouveaux arrivants, est de s’asperger de cette eau, ce qui rend vite l’air irrespirable pour les muqueuses délicates. Dans la pièce, une espèce d’estrade, séparée du reste de la chambre par une balustrade : c’est là que se tient le bokor (le prêtre officiant) et ses invités de marque, dont les Blancs que nous sommes. On bat le tambour, on fume des cigarettes (rien de magique ni d’illicite ici) et on boit du rhum. De temps à autre, une femme se lève, danse en tournoyant au centre de la pièce et retourne s’asseoir. Après une heure de ce manège, on se demande comment on pourra tirer sa révérence sans avoir l’air grossier; après une seconde heure, on s’en fout : de toute façon, on est étranger, de toute façon on n’y comprend rien, de toute façon, ce n’est pas pour nous.

« Mais alors, et les sortilèges? Et les poupées faméliques? », me demanderez-vous. De la frime! En tout cas, rien de ce qu’on a pu voir qui y ressemble de près ou de loin! Les Haïtiens baignent littéralement dans le vaudou, c’est une extension de la pratique religieuse et on s’en sert à toutes les fins, depuis une grossesse désirée jusqu’à une jambe cassée, en passant par l’espoir d’une bonne récolte, d’un bon mari ou d’un travail payant. La visite chez le bokor ressemble en tous points à la visite chez la cartomancienne : on cherche l’assurance que le futur ne sera pas trop dur. Je l’ai dit : les Haïtiens sont, par nature et par éducation, très croyants et là où la religion chrétienne ne suffit pas, le vaudou s’immisce et comble les attentes des plus difficiles. Avec un taux de succès variable, il faut bien le dire, et qui dépend beaucoup du don du bokor. Car ne devient pas bokor qui le veut : c’est un don inné, qui peut certes se développer par la pratique mais qui ne s’acquiert pas par la pratique. Quant aux zombies, bien sûr qu’ils existent! Tous les Haïtiens vous le diront et si vous n’y croyez pas, malheur à vous! Encore récemment, un homme a été lapidé à mort sur la base qu’il n’était qu’un zombie déguisé, et comme ce n’est évidemment pas un crime que de tuer quelqu’un qui est déjà mort, eh bien personne n’est coupable!...

Et alors, êtes-vous mieux situés à présent???...

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