mardi 3 juin 2008

Le cube de glace à minuit

Les familiers de ma prose vont dire que je leur sers du réchauffé. Cependant, il en est qui n’ont pas connaissance de cette anecdote qui s'est produite l'année dernière et dont l’authenticité garantie ajoute en saveur et en texture juteuse.

C'était au début de l'été, le temps était chaud et nous avions, à cette époque et rapport à la chaleur, l'habitude de servir notre boisson gazeuse (Sprite, Teem ou Seven-Up) dans un grand verre avec de la glace - des glaçons comme disent les Français. Comme le format courant en Haïti est de 500 ml, il n'est pas rare que le verre ne soit pas fini lorsque le sommeil s'empare de nous.

La nuit, comme toujours, est calme et tropicale : on ne peut donc pas s'étonner si l'on se réveille parfois en sueur, avec le goût de boire. C'est ce qui m'arrive ce soir-là, aux environs de minuit. Bien sûr, un bon verre d'eau froide serait l'idéal, mais il faudrait que je me lève; cependant, je me souviens qu'il reste toujours de l'eau faiblement carbonatée dans le verre, et je me dis que cela fera tout aussi bien l'affaire. Comme je porte le verre à mes lèvres et commence à avaler le sirupeux breuvage, je sens un petit cube de glace sous ma dent, que je croque hardiment, sans me poser plus de questions. Mais est-ce la texture? Est-ce un éclair de logique qui germe dans les brumes de mon premier sommeil? Toujours est-il que je me rendors avec un vague sentiment de doute quant à la nature du cube de glace. Mais en quelques secondes, le doute se dissout et le sommeil me reprend là où je l'avais laissé. Fin du premier chapitre.

Le jour se lève et nous aussi et, au fur et à mesure que se dissipent les vapeurs du sommeil, la lucidité me fait voir les choses dans leur nudité : comment le verre contenant de la glace déjà presque toute fondue une heure après son immersion (21h) peut-il conserver, trois heures plus tard, un cube de glace d'environ un centimètre cube? La chose est-elle simplement possible? Mon esprit cartésien s'y oppose... Qu'à cela ne tienne, il faut refaire l'expérience. Ce qui sera fait le lendemain dans des circonstances très similaires, tant en ce qui concerne l'heure que la température de la pièce ou le nombre de cubes de glace dans le verre ainsi que leur densité. L'expérience n'est certes pas absolument scientifique dans sa rigueur, mais elle suffit amplement à me convaincre que ce que j'ai croqué à minuit ne peut, en aucune façon, être un restant de cube de glace...

Qu'est-ce que cela pourrait bien être?...

J'ai pensé à bien des choses, mais peu rencontraient les critères de fermeté et de croquant. Le bois est trop dur, le ciment ne flotte pas et ainsi de suite... Même la glace n’a pas la même texture!... Quand on épuise toutes les hypothèses, il ne reste que la vérité, si difficile qu'elle soit à avaler (et pourtant, je l'ai fait!). Se pourrait-il, dès lors, que j'aie joyeusement croqué une chose d'un autre règne, nantie de six pattes et d'un exosquelette, volant très maladroitement de droite à gauche, attirée par la lumière de ma lampe de chevet? Cela se pourrait-il? Je vous laisse y penser et conclure. Quant à moi, je préfère rester avec mes doutes, si ténus soient-ils...

Toujours est-il que depuis ce temps, si je me réveille avec une petite soif, je me lève et vais boire de l'eau fraîche, directement du frigo…

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