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dimanche 2 février 2014
Impromptu
Je sais, je sais : je vous ai fait faux bond la semaine dernière. Bon. Inutile d’en faire tout un plat car j’avais une fort bonne raison : de la visite, de la belle, aussi inattendue qu’appréciable et avec laquelle nous avons passé une semaine à jouer les touristes. En effet, la grande sœur de ma compagne, Lorraine, s’est annoncée comme ça, en disant : «coucou, c’est moi!» Une surprise, dites-vous? Oui, et une splendide à part ça.
Si bien que nous avons passé le temps à folâtrer aux environs — pas le temps d’aller bien loin dans un laps de temps si limité — pour son plus grand plaisir et le nôtre. Réflexion de Lorraine : «Mais vous êtes les seuls blancs ici!» C’est vrai, mais comme nous n’avons jamais porté attention à ce fait, nous ne l’avions pas noté; cependant, il explique sans doute pourquoi la visite de nos proches nous comble de joie : parler notre langue sans s’efforcer de minimiser notre accent québécois, raconter des choses qui concernent la vie au nord et que les gens d’ici ne peuvent comprendre — la neige entre autres —, présenter notre vie et les gens qui la composent et surtout, surtout, montrer pour vrai que nous ne sommes pas à plaindre, que nous ne souffrons pas le martyre et que nos conditions de vie n’ont rien à envier à celles du nord, toutes proportions gardées, tout cela nous fait grand plaisir.
Ce n’est pas que la vie ici soit spectaculaire et qu’elle mérite le déplacement. Ici, c’est comme n’importe où ailleurs et j’aurais le goût de vous citer Pierre Calvé et de vous dire qu’ici, «à part le soleil, c’est partout pareil», car le quotidien comporte ses règles et sa mécanique qui, partout au monde, tournent autour du rythme circadien, c’est-à-dire 24 pauvres petites heures dont près du tiers à dormir, ce qui en laisse bien peu pour le reste…
Mais je papote. Je mets des mots là où des interjections suffiraient. Cependant et vous connaissant, je doute que vous apprécieriez une suite ininterrompue de Oh! Ah! Wow! et similaires. Car vous voulez du texte, vous les lettrés. Et un texte qui se tienne, bien sûr, même si ce n’est pas Proust ou Flaubert ou Laferrière, tiens… D’où mes efforts pour vous exprimer combien cette visite, légère, familière et familiale nous a fait du bien.
Autrement, tout va. Le pays, la ville, notre hôpital, le temps qu’il fait, les gens de la rue... tout baigne. Il y a bien quelques petits remous ici et là, mais rien pour en faire un plat, alors je passe allégrement sans m’en plaindre. Car si les drames sont le pain-beurre des journalistes, pour nous, ils ne sont rien d’autres que des situations pénibles qu’on souhaite voir s’éclipser le plus rapidement possible. C’est pourquoi je n’aime pas vous parler de drames, québécois, haïtiens ou autres, mais cela ne veut pas dire qu’on ne sympathise pas avec ceux, celles qui en font les frais. Genre l’Isle-Verte… Et sans vouloir aborder ce triste sujet, je me permets tout de même de partager ce dessin magnifique signé Ygreck et dont l’évocation poétique me paraît des plus touchantes et que mon cousin Pierre commente en ces termes : «Moi ce que j'y perçois c'est une forme d'hommage aux disparus dans une belle vision artistique où le chaud et le froid s'affrontent.» Voilà qui est fort bien dit.
Et pendant ce temps, la vie, au nord comme au sud, continue et entre vous et moi, ce n’est pas le Super Bowl de ce soir qui y changera quoi que ce soit…
jeudi 5 juillet 2012
Pourquoi des visiteurs?
Vous savez maintenant comme j’aime partager avec vous ce qui compose notre univers, cet univers haïtien dans lequel il ne se passe présentement pas grand-chose — Dieu merci. Il fait chaud, certes, mais les nouveaux climatiseurs de nos bureaux fonctionnent à merveille de sorte que l’environnement de travail est des plus agréables. Le pays va et va même passablement mieux, à bien des égards, même si l’on se doute bien que ça ne va pas durer… Mais présentement, je le répète, tout marche à peu près bien alors rien à dire de ce côté.
Si bien que ce n’est pas de l’état général du pays dont je veux vous parler aujourd’hui, mais plutôt d’une question que m’a posée un correspondant à qui j’ai spontanément offert, comme je l’ai offert à la plupart d’entre vous, amis lecteurs et charmantes lectrices, de venir faire un tour au pays des Haïtiens. Sa question — pourquoi faites-vous ça? — m’a fait réfléchir. Pourquoi en effet vouloir attirer en ces lieux souvent tordus des gens que nous aimons et estimons? Pourquoi ce besoin de partager avec vous, gens du nord, ce que nous vivons en ce pays? Nous ne sommes pas Haïtiens, n’avons aucun mandat pour promouvoir le pays sur la scène internationale, ni pour y encourager le tourisme. Nous ne recherchons ni la gloire, ni la reconnaissance sociale, ni un pouvoir quelconque, alors pourquoi? Pour dire franchement, je ne sais pas. Et pourtant, il me semble que c’est important de maintenir cette offre.
Je me souviens, la première fois que nous avons débarqué au pays (en octobre 1998), nous étions parfaitement naïfs et ignorants des pratiques haïtiennes. Je savais qu’on y parlait le français et avais donc assumé — fort improprement au reste — que le français serait adéquat pour communiquer avec la population locale, quitte à apprendre le créole plus tard. Je savais qu’il y faisait chaud en octobre, mais je n’avais aucune idée qu’il put faire SI chaud. Bref, ce fut un choc, et pas seulement climatique ou linguistique, mais global, au point où après un mois au pays, nous doutions encore de pouvoir jamais nous y adapter. Évidemment, les choses se sont tassées… Mais cela explique peut-être, en partie du moins, pourquoi je tiens tant à montrer le pays à ceux et celles qui nous sont chers : parce que je veux faire pour d’autres ce que j’aurais apprécié que l’on fasse pour nous. Haïti vaut le détour, je l’ai dit à qui voulait l’entendre sur tous les tons, mais prendre ce détour seul, sans soutien et sans support logistique, en fait un détour compliqué ou financièrement onéreux ou les deux. D’où l’idée d’inviter nos proches et de tenter de les convaincre que le séjour vaut le déplacement. Pour certains, notre enthousiasme a finalement brisé les barrières qui les retenaient au Québec et ils sont venus. Et ils ont vu. Et ils ont vaincu leurs craintes et leurs appréhensions. Et pour une ou des raisons inconnues, cela me remplit d’une grande joie.
Mais ceux et celles qui sont venus savent également que je ne suis pas du type à me fendre en quatre ou à dérouler le tapis rouge pour plaire. Je pense que lorsque l’on se retrouve dans un milieu sécuritaire et confortable — et c’est précisément le cas à l’Institut Brenda Strafford — c'est suffisant et l'on se sent alors à l’aise de découvrir ce qu’offre le pays sans se faire prendre par la main. Or je le redis : ça me paraît important. Il me semble que plusieurs auraient intérêt à comprendre que ce pays n’est pas qu’un pays de souffrance, de misère et d’imbroglios politiques. Oui, il y a ça, c’est vrai, mais il n’y a pas QUE ça. Et pouvoir contribuer ne serait-ce que minimalement à changer l’image que les étrangers ont d'Haïti vaut certainement la peine qu’on s’y attarde. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ça me paraît tout à fait valable.
Et puis, entre nous, c’est tellement agréable, de la belle visite!...
vendredi 10 février 2012
Agréable visite
Il m’est difficile, après ces quelques jours d’absence motivée, de vous entretenir d’autre chose que de la motivation de cette absence, justement, en l'occurrence la visite. Après celle de ma très chère et très tendre amie et de son charmant compagnon, nous avons eu l’honneur et le plaisir de recevoir celle de mon petit frère (en créole ti frè-m) et de sa (nouvelle) compagne. Visite rapide s’il en fut une — à peine une semaine — mais qui nous a comblés d’aise, ma compagne et moi.
C’est que la visite a ceci de particulier qu’elle nous sort de notre petit train-train sans pour autant nous sortir du pays. D’ordinaire, ce n’est qu’à l’occasion de nos propres déplacements à l’étranger que nous pouvons «décrocher», pour employer l’expression courante que tout le monde utilise, mais la visite produit également ce phénomène. Oh! Pas n’importe quelle visite, je le précise! Mais la visite de gens qu’on aime, qu’il nous fait plaisir de recevoir, avec qui nous avons plaisir à partager nous éloigne des petits problèmes qui sont notre lot habituel. Une pause appréciable, donc, et que nous avons su apprécier tout particulièrement au cours de janvier et de cette première semaine de février. Mais la visite, par définition, passe. Et après, l’habituel revient. Comme le chante Ferrat : «Les touristes partis, le village, petit à petit, retrouve face à lui-même sa vérité, ses problèmes… » Eh bien nous aussi. Mais le bain rafraîchissant de la visite nous requinque et nous rend d’attaque pour la prochaine visite, plus formelle celle-là : les patrons...
Mais ce fut une belle petite parenthèse, fort appréciée tant du côté des hôtes que des visiteurs, j’ose le dire. La mer, bien sûr, était au rendez-vous, car pour ces gens du nord qui se les gèlent hardiment en cette cruelle période de l’année, le simple bain de mer dans une eau turquoise est pur délice, j’en témoigne. Et pourtant, elle est bien fraîche à cette époque, la mer…! Mais quand je le souligne, on se moque, alors je m’en abstiens. La mer donc, et la plage qui la sous-tend. Car les deux vont de pair dans ce pays — enfin pas tout le temps, mais assez souvent pour qu’on les associe de près. Or, la plage, à la différence de la mer, c’est tout de même la terre ferme, l’endroit où l’on peut s’asseoir, déguster un rhum-sour (que je ne saurais trop vous recommander) ou une petite bière bien fraîche, lire un bon livre, bavarder sans but précis ou, simplement, observer la mer et son incessant va-et-vient, les pluviers qui dansent sur cette musique océane ou les rameaux des cocotiers qui s’agitent délicatement sous la brise. Tout ça, à l’ombre de préférence, car sous le soleil, l’on cuit bien vite sous cette latitude…
Et puis il y a le spectacle ininterrompu des gens dans la rue qui, pour nous, n’est plus vraiment un spectacle puisque nous le voyons à tous les instants, mais qui, pour nos heureux touristes, ne laisse pas d’étonner. Et on me demande : «Il doit y avoir pas mal d’accidents, non?» Eh bien non. Les gens qui vivent dans la rue sont habitués de la partager avec tout ce qui roule, tout ce qui s’y agite, tout ce qui en fait partie puisque eux-mêmes en font partie. D’ailleurs je vous ai déjà tout dit ça ici dans ce texte, alors je n’en dis pas plus. Mais pour des gens qui goûtent au pays pour la première fois, cette activité citadine étourdit et éblouit tout à la fois. Vivement une petite bière!
Car n’est-ce pas là l’aboutissement de toute activité vacancière? On bouge un peu, on visite un peu, on regarde à gauche et à droite et on finit, presque inexorablement, avec une petite bière bien fraîche à la main, qu’on déguste en y allant de commentaires plus ou moins sérieux.
Il n’en reste pas moins que, si l’on se fie à ces commentaires venant de nos récents visiteurs, Haïti fascine autant qu’il émerveille. Surprend et réjouit l’œil et le cœur. Parfois d’excès, c’est vrai, mais l’excès ici n’est pas toujours un défaut, quoi qu’en dise le proverbe, et on apprend vite à composer avec cette réalité excessive. Mais pour les visiteurs, le bain haïtien provoque quelques frissons, qui de plaisir, qui d’excitation, qui de peur puérile même, et si l’on apprécie d’y tremper pendant quelque temps, on apprécie aussi d’en sortir et de se sécher vigoureusement, voire rigoureusement considérant la nature même de l’hiver en pays nordique…
Eh bien croyez-le ou non, pour nous, c’est exactement l’inverse…
mardi 24 janvier 2012
Les grands départs
Les grands départs, je l’ai déjà dit, sont toujours source de stress. Pour ceux qui les exécutent, bien sûr, mais aussi pour ceux qui restent derrière de même que pour ceux qui attendent en avant. Dans ce cas-ci, nous ne sommes pas les acteurs, mais bien ceux qui restent et qui soupirent de voir cette belle visite lever le camp temporaire qu’ils avaient gentiment établi en nos quartiers haïtiens. Et oui, ça rend triste.
Qu’est-ce que de la belle visite? D’abord, des gens pas compliqués. Des gens qui n’exigent rien et qui sont ouverts aux suggestions. Des gens à la conversation variée et capables de partager leur expérience. Des gens qui aiment et qui savent se faire aimer. Ceux-là nous ont comblés sous tous rapports. Sans jamais se plaindre, ils ont accepté notre rythme de vie, accepté le climat, l’environnement, les gens partout, la cacophonie de la ville et même, ma façon de conduire, bien qu’elle ait été cause de quelques soupirs… Mais je passe. L’essentiel est que ces bonnes gens nous ont permis de vivre deux semaines de presque vacances du seul fait de leur présence. Et nous en sommes bien reconnaissants. Même sous le chaud soleil haïtien, la chaleur humaine a toujours sa place.
Nous voulions leur donner un modeste survol de cette partie du pays que nous habitons et je pense que nous y avons réussi. Certes, il aurait aussi fallu présenter les autres régions, mais compte tenu des distances et de l’état des routes pour couvrir cette distance, nous avons dû nous en abstenir. Une prochaine fois peut-être? Pourquoi pas… Car bien que je prêche souvent pour ma paroisse (le sud du pays), il faut reconnaître que le nord est tout aussi joli et offre même au voyageur une page d’histoire impressionnante sous la forme de la Citadelle, ce château-fort que le roi Christophe - un peu fêlé -, dans un élan d'enthousiasme mégalomaniaque, a fait construire à grands frais… de vies humaines! En tout cas, l’endroit vaut le détour, je vous le garantis. Mais bon, c'est un peu loin... Quant aux plages du nord, elles n’ont pas grand-chose à envier à celles du sud, que je continue de préférer cependant, question justement de préférence personnelle.
Nos visiteurs ont également pu rencontrer certains de ceux, de celles que nous côtoyons ici. Qui sont toutes de fort bonnes personnes, faut-il que je le précise… Somme toute, ils sont venus, ils ont vu, ils ont mieux connu et ils s’en sont allés le cœur content et la mémoire pleine, du moins si on en les croit. Mais quoi qu'il en soit, ce fut bon pour notre moral, je vous le confirme.
Aujourd’hui, c’est le retour à la normale, non sans nostalgie, mais il faut ce qu’il faut n’est-ce pas… Le travail sait attendre, mais sa patience a tout de même des limites, tout le monde sait cela. Alors nous y sommes aujourd’hui avec sinon une énergie accrue, à tout le moins un empressement à faire ce qui était resté en souffrance — mais sans souffrir pour autant — à cause de la visite…! Si bien que les tâches s’exécutent tambour battant, à fond la caisse et la broue dans le toupet!
Tout ça pour vous dire que cette petite parenthèse nous a ragaillardis, enchantés et distraits tout à la fois. Ce n’est tout de même pas rien. En fait, c’est tout à fait appréciable, n'en doutez aucunement!
Et le plus drôle, c’est que ce n’est pas fini, car on en attend encore!...
mardi 17 janvier 2012
Haïti dans ses beaux atours
Certains, certaines auront pu s’étonner de mon silence en ces lieux d’écriture qui me sont devenus si chers. D’autres, plus perspicaces, se souviendront que nous avons de la belle visite, facteur mitigeant s’il en est un. En fait, si je mentais un peu, je pourrais invoquer la présence de ces charmants visiteurs pour justifier mon absence, mais mon honnêteté foncière m’impose de vous dire la vérité : j’ai la flemme. Comme la dernière fois d'ailleurs. Causée par la visite, sans doute, mais ce n’est pas la visite elle-même qui est cause de mon silence : seulement la paresse. Voilà, vous savez tout.
Et puis pour tout vous dire, toutes ces histoires de commémoration de l’anniversaire du fameux et infâme tremblement de terre de 2010 m’agacent un peu. Se souvenir pour mieux s’apitoyer? En ce qui me concerne, j’aime mieux passer. Et oublier, oui. Car de toute façon, se souvenir ne change pas grand-chose à l’Histoire et, à la différence de grands drames comme l’holocauste, ne peut rien changer au futur. Car la terre tremblera encore sans que personne n’y puisse rien. Et le pire, c’est que ça se fera sans crier gare, sans avertissement de l’endroit où le frisson tellurique se fera sentir, alors comme dirait notre humoriste national, «qu’ossa donne?» Tout de même et quoi qu’en disent les alarmistes, compte tenu que le dernier datait de plus de 200 ans, je me dis que nous avons le temps avant le prochain, et sans doute même le temps d’oublier…
Cela dit, je suis content que la presse internationale s’arrête à l’événement. Il me semble qu’on ne parle jamais assez d’Haïti, sinon pour en évoquer la misère et s’en apitoyer. Alors qu’il y a mieux à faire. Car Haïti avance, à petits pas, certes, mais avance tout de même et il faut s’en réjouir et partager ce progrès avec le reste du monde. C'est ça que les médias doivent véhiculer : les choses vont mieux en Haïti, le pays souffle et l’on se prend à espérer et à croire en un demain plus serein.
Ce qui n’empêche nullement de profiter maintenant de ce que le pays offre depuis toujours : paysages remarquables et gens chaleureux et souriants. Incidemment, je vous renvoie à cet article, déjà vieux d’un an, que Chantal Guy avait écrit lors de son passage au pays l’année dernière. Elle écrivait entre autres :
«Le potentiel touristique en Haïti est énorme. Il pourrait révolutionner l'économie du pays. Un seul touriste ici peut aider une dizaine de familles, et cela, sans passer par la charité. Ils n'attendent que ça, être payés pour leurs services, pour leur travail. Et ce tourisme pourrait se développer différemment de la mentalité des complexes de la République dominicaine. Car les richesses d'Haïti dépassent largement les belles plages: c'est une histoire, c'est une culture, c'est un mode de vie, c'est un esprit. Un pays qui n'a rien perdu de son âme, peut-être parce qu'il est depuis très longtemps isolé du reste du monde.»Elle semble avoir compris ce que je m’évertue à vous expliquer. Et elle n’est pas la seule : nos visiteurs, sans doute sceptiques avant leur venue, sont maintenant mieux en mesure d’apprécier ce potentiel qui ne demande qu’à se développer. Reste à savoir si c’est l’œuf qui produira la poule ou le contraire. En termes clairs, certains affirment que ce sont les infrastructures appropriées qui attireront les touristes alors que d’autres soutiennent que ce sont les touristes qui justifieront la mise en place des infrastructures. Personnellement, je crois davantage à cette dernière vision : il faut d’abord que certains touristes moins craintifs, moins dédaigneux et plus ouverts viennent et montrent un intérêt pour ces belles et bonnes choses que le pays peut offrir. Et alors, la roue infrastructurelle pourra se mettre à tourner.
En tout cas nous en avons deux ici (je parle de nos visiteurs, pas de roues) qui, si on les croit, sont plaisamment surpris de ce qu’ils découvrent dans notre coin de pays. Et ma foi, ils ont vraiment l’air sincère…
vendredi 11 février 2011
Les volontaires
Je n'avais pas vraiment l'intention de vous écrire aujourd'hui, mais l'article que je viens de lire m'incite à le faire. Car il s'agit là d'une réalité que nous côtoyons presque chaque jour et qui n'est pas toujours évidente à comprendre. On dit que "l'enfer est pavé de bonnes intentions". En d'autres termes, les intentions, si pieuses qu'elles soient, ne suffisent pas à faire le bien (et à nous mériter le ciel, bien entendu). Or, c'est un peu ce qui se passe en Haïti : des tas de gens viennent ici en vacances déguisées et se font du bien en imaginant qu'ils en font au pays. Ces propos peuvent paraître durs, mais en fait, ils ne le sont pas. Les gens qui viennent avec l'idée d'aider (et Dieu sait s'ils sont nombreux) sont sincères, pour la plupart en tout cas. Mais ils pèchent par ignorance et condescendance. L'aide qu'ils entendent apporter n'en est pas vraiment. Ainsi, le jeune gars en forme qui "aide" les Haïtiens à creuser un trou a peut-être le sentiment de leur donner un bon coup de main, mais à la vérité, les Haïtiens n'ont besoin de personne pour les aider à creuser un trou! Ce qui ne veut pas dire qu'ils ne seront pas enchantés de pouvoir travailler avec le "petit blanc". Car il y a ça aussi : tout le monde ici aime bien se payer la tête du voisin, surtout s'il est blanc, blanc-bec et qu'il ne comprend pas la langue. Tout le monde a un "fun noir", les étrangers comme les Haïtiens, mais ceux-ci pas pour les mêmes raisons que ceux-là. Et nous qui sommes entre les deux, souvent à faire le pont linguistique, eh bien on ne sait souvent pas trop sur quel pied danser...
Ce qui me rappelle une histoire que je vais partager avec vous. Lorsque nous étions à Deschapelles, à l'Hôpital Albert Schweitzer, nous nous occupions, entre autres choses, des équipes de volontaires qui passaient régulièrement à l'hôpital. Cela se produisait environ une fois par mois et les équipes séjournaient en moyenne une semaine. La plupart du temps, le projet que l'on préparait pour ces Américains se limitait à un quelconque travail de peinture que les gens faisaient à leur rythme. Une fois, cependant, les hommes de maintenance de l'hôpital avaient entrepris un gros travail : la réfection de la toiture de l'hôpital. Il fallait d'abord retirer le vieux revêtement en bardeaux d'asphalte, remplacer les planches pourries et remettre un nouveau revêtement. Mais le vieux revêtement était tout simplement cuit sur le toit et représentait un vrai travail de titan. Quand le groupe de volontaires du mois a débarqué, j'ai offert à ceux qui s'en sentait capables la possibilité de joindre l'équipe haïtienne sur le toit, en leur disant bien que c'était un travail exténuant et très éprouvant à cause de la chaleur. Trois messieurs m'ont dit que c'est ce qu'ils voulaient faire (j'avais un projet de peinture pour le reste du groupe). Eh bien vous auriez dû voir la tête de ces gars après leur première journée : crevés, mais heureux! J'appris par la suite que les gars (trois hommes solides) avaient voulu montrer aux Haïtiens ce dont ils étaient capables. La leçon d'humilité, je vous dis pas... Après quelques heures sous un soleil de plomb, après que l'un deux ait souffert d'un coup de chaleur (hyperthermie), heureusement bénin, ils ont compris. Pendant tout ce temps, les employés haïtiens ne disaient rien; très vite les gars ont compris que, tout costauds qu'ils fussent, ils étaient incapables de suivre le tempo haïtien, plus lent mais constant comme une machine bien huilée. Ils ont fait presque trois jours -- c'était un de plus que je pensais qu'ils feraient -- avant de passer à la peinture... Mais ce qu'ils ont appris sur ce toit n'avait pas de prix.
Les volontaires ici ont leur raison d'être, je ne dis pas le contraire. Mais de grâce, lâchez-nous avec la condescendance! Comme le dit si bien l'article, si vous voulez aider Haïti, oubliez le bénévolat; envoyez plutôt de l'argent là où il sera utilisé à bon escient. Mais alors, est-ce à dire qu'il faut déconseiller aux gens de venir passer une quinzaine? Justement pas. Au contraire. Mais il faut mettre les choses claires : quand nous invitons les gens à venir nous voir, ce n'est pas pour qu'ils se tirent dans les murs et s'échinent à la tâche! Je n'arrête pas de dire à qui mieux mieux que Haïti est un fabuleux pays! Pourquoi ne pas venir avec la simple idée de passer du bon temps? Avant de penser à donner au pays, il faut penser à ce que le pays peut nous donner. Tout le contraire de la célèbre citation de Kennedy, tirée de son discours inaugural, mais néanmoins véridique. Haïti a tant à offrir : des paysages, la mer de tous les côtés, des montagnes et une végétation luxuriante, surtout au sud. Au nord, il y a la Citadelle, près de Cap Haïtien, un jalon de l'Histoire qui vaut à elle seule le détour, et c'est pas moi qui le dis. Mais surtout, surtout, il faut venir en Haïti pour le peuple, ces gens simples, rieurs, accueillants, chaleureux, tolérants et serviables, entre autres. Et je pense que tous ceux, toutes celles qui ont passé quelque temps dans le pays confirmeront la chose. Quant aux autres, eh bien je ne vous demande pas de me croire sur parole : venez et vous verrez.
Remarquez que je fais bien la différence entre les spécialistes qui nous rendent de courtes visites, certes, mais tout de même fort appréciées parce que très efficaces. C'est le cas, entre autres, des audioprothésistes. La semaine qu'ils ont passée fut courte, c'est sûr, mais leur apport technique a été considérable et de ce fait, sincèrement apprécié. Même chose pour les équipes médicales. Le personnel médical, les techniciens de tout acabit, les gens de métier qui le connaissent bien sont toujours les bienvenus; les autres, les volontaires qui, mis à part leur bonne volonté, n'ont rien à nous donner qu'on ne peut trouver localement sont souvent plus encombrants qu'autre chose. Haïti n'a pas besoin d'aide. Pas de cette sorte d'aide, en tout cas. Haïti n'a pas besoin de gens qui vont leur dire comment creuser un trou ou qui voudront le faire à leur place. Haïti n'a pas besoin de l'aide du Blanc-qui-sait-tout, mais qui en fait, ne connaît pas grand-chose. Vous voulez savoir comment distinguer les volontaires utiles et appréciés de ceux qui ne sont qu'embarrassants? Facile. Il suffit simplement de se poser la question : l'aide apportée serait-elle tout aussi appréciée ailleurs, en Europe ou en Amérique, au Japon ou en Australie? Si c'est le cas, vous avez votre réponse. Mais si non, il faut se poser des questions sur la vraie nature de cette volonté d'aider.
Sans doute me trouverez-vous sévère. Je ne le suis pas. Amer? un peu. Réaliste? assurément.
jeudi 1 avril 2010
Poisson d'avril!
Eh bien! Je vous ai surpris, hein? Vous pensiez bien que je vous avais laissé tomber sans mot dire, n'est-ce pas? Allez avouez! Une petite semaine de solitude, et voilà que vous passez à autre chose et me laissez choir comme une vieille chaussette. Eh bien moi pas. Je ne vous laisse pas tomber. Et la petite semaine de pause était prévue, annoncée depuis longtemps et de surcroît, méritée, croyez-moi sur parole. C'est que pour la première fois depuis ce fameux tremblement de terre, nous avons eu de la visite qui nous est chère. Sophie, puisqu'il faut la nommer, la sœur de Chantal et la mienne par adoption, s'est pointée, courageusement il faut le dire, car la cohue à Port-au-Prince, vous n'imaginez pas, les copains...
Car il faut vous dire que, ne pouvant prendre le vol interne qui relie Port-au-Prince aux Cayes trois fois par semaine, il a fallu l'aller prendre à l'aéroport de Port-au-Prince. Or, une partie dudit aéroport a été suffisamment ébranlée lors du séisme pour qu'elle soit inutilisable; on a donc déplacé les arrivées dans un hangar, spacieux certes, mais ô combien bordélique. Toujours est-il que, après deux bonnes heures d'attente, elle a fini par récupérer sa valise et nous avons pris la route du retour. À propos, vous ai-je parlé du terrain de camping qu'est devenu Port-au-Prince? Non? Eh bien j'y reviens un de ces quatre, c'est promis.
Aux Cayes, on respire, le temps est bon et la visite nous change de notre train-train habituel, mais pas trop. La plage, la route, la ville, tout est bon pour une visite curieuse et confortable dans notre pays d'adoption. Chez Sophie, pas de peur, pas d'appréhension, pas de préjugés, rien que le plaisir de découvrir un monde qu'elle apprivoise en y goûtant. Finalement et comme toujours, la semaine aura passé sans qu'on la voit, mais cette fois, dans le confort de la bonne compagnie. Vous demandez si ça fait du bien? Plus que vous pensez, je vous en passe un papier!
Avec tout ça que nos petites affaires quotidiennes se poursuivent. Les problèmes se suivent et se ressemblent, nous horripilent ou nous indiffèrent, plus selon notre humeur qu'en fonction de leur gravité. Et là, comme nous nous retrouvons gonflés à bloc, eh bien vous pensez bien que les problèmes, on les balaie d'un simple revers de la main.
Surtout que, l'avez-vous oublié, aujourd'hui, c'est Jeudi Saint, et donc, dernier jour de cette semaine écourtée puisqu'elle était sainte. Demain vendredi est férié et chômé, pour la raison que vous connaissez tous. Bien sûr, avec la fin du mois hier et, pour nous, la fin de l'année financière, il nous faudra quand même mettre la main à la pâte financière, du moins un peu, mais ce sera sans la pression habituelle, et donc, ce sera presque un congé... Et puis, qu'avons-nous à faire d'un congé après la douce semaine qu'on vient de passer en si belle compagnie?
Allez! Bon Vendredi Saint et Joyeuses Pâques si je ne vous reviens pas avant!
mardi 30 juin 2009
Charmante visite

Nous recevons parfois la visite de membres de la famille (trop rare, il faut bien le dire) ou d’amis plus ou moins proches et cette visite nous remplit de joie. La durée du séjour varie beaucoup, mais l’essentiel reste que nous puissions accueillir, de temps à autre, nos parents et amis, juste pour le plaisir de partager quelque bons moments ensemble. Laure fait cependant figure d'exception.
Mais qui est Laure?
Laure vient du passé. Un passé qui, contrairement à ce que j’avais pu croire, n’a pas disparu dans les brumes du temps, mais est resté en état d’hibernation jusqu’à ce que—merci Facebook—la connexion soit réactivée. Qui l’eût cru?
Il faut en effet remonter à la période de Deschapelles pour voir apparaître Laure dans notre vie : une jolie petite fille de 9 ans, au cœur triste et à l’intelligence vive. Caractère difficile, il va sans dire, mais pas moins attachant pour autant. Et le temps a passé et on a fini par s'apprivoiser mutuellement. Puis vinrent les tristes circonstances de notre départ en catastrophe et avec ce départ, la séparation d’avec tous ceux, toutes celles qui nous étaient chers, incluant Laure qui avait 13 ans à l'époque.
Sept ans passèrent…
Puis, ayant eu l’idée farfelue de regarder s’il se trouvait sur Facebook quelques vieilles connaissances oubliées, j’ai retrouvé Laure. Lui ai écrit. Elle a répondu. L’ai invitée à venir nous voir. Elle a accepté. Si bien que, en ce jour de notre retour, j’ai revu Laure pour la première fois depuis 7 ans et ma foi, en suis resté bouche bée : la jolie petite fille s’était transformée en jeune fille menue et, je l’avoue bien franchement, fort jolie, c'est le moins qu'on puisse dire et je vous prie de me croire sur parole! Charmante, dites-vous? Encore là, c’est peu dire, mais si charmante signifie capable de charmer, de faire tomber sous un charme, c’est-à-dire d’ensorceler, alors là, oui, nous sommes d’accord, Laure est vraiment charmante!
Laure a surpris tout le monde ici, d’abord par son côté frêle mais qui n’a peur de rien, puis par sa capacité de parler le créole couramment, enfin par son profil discret, éthéré, mystérieux… Évidemment, certains mâles que je ne nommerai pas se sont mis à saliver, mais cette biche n’est pas facile d’approche et ils auront dû se contenter de regarder passer le train…
Mais pour nous, ce fut surtout une belle visite, charmante (l’ai-je dit?), vivifiante, fraîche et fleurie, qui nous a permis de constater que, en dépit du temps passé, les liens sont toujours là et le pont permettant d’enjamber le torrent de la vie pour mieux goûter le parfum de la jeunesse reste tout à fait praticable, même s’il donne un peu le vertige…
Merci Laure! Pour plus que tu penses!
dimanche 27 avril 2008
À quoi ressemble le paradis?
Cependant, le paradis à la fin de nos jours m’apparaît un peu tard et si l’occasion se présente d’en avoir un avant-goût prometteur, il faudrait être un véritable ascète pour ne pas y succomber. Or, c’est un peu ce qui s’est passé ce dernier dimanche—le premier depuis la fin de mon rhume. Partis pour passer un gentil week-end à l’Île à Vache, nous fûmes entraînés, un peu à notre corps défendant, vers l’excursion à "l’îlet des amoureux", lequel, lorsqu’on est trois, perd un peu de ses promesses (pervers, je vous vois venir). Donc, l’îlet en question, comme le montre la photo, n’est rien du tout qu’une protubérance sablonneuse qui doit disparaître à chaque fois que s’enfle la mer. Mais en ce dimanche azuré, la mer est calme et l’îlet est là.
Qu’y faire? Encore un fois, écartons les idées biscornues de ceux (et j’insiste : ceux) qui ne pensent qu’à la chose et regardons un peu les choix qui s’offrent à nous : lire, manger, sommeiller, se baigner… Ai-je tout dit? Je crois bien avoir fait le tour… Et parlant de tour, celui de l’île d’un train flâneur prend tout juste 90 secondes, c’est vous dire… Vraiment, on se sent sur la planète native du Petit Prince ou, pire encore, sur celle de l’allumeur de réverbères.
Et quelle planète! Le monticule sablonneux complètement nu où rien ne pousse—et où rien ne peut pousser— que seuls les pélicans fréquentent sur une base régulière n’a rien de bien spectaculaire à offrir! En fait, c’est le rien fait sable, cerné par des eaux vertes. Sans parasol, on s’y dessèche; on y cuit, plus doucement lorsque badigeonnés, certes, mais on finit à point néanmoins. Donc, c’est monotone, plat, inerte, informe, insipide, sans relief et sans âme, et pourtant, pourtant, c’est le pied!
Comment expliquer la chose… Est-ce le dépouillement total? Est-ce l’incessant bruit des vagues qui se brisent sur tout le périmètre de l’île? Est-ce la brise maritime qui tempère les ardeurs de Galarneau? Sont-ce les eaux limpides, chaudes et peu profondes? Les étoiles de mer? La chaleur du sable? La bouteille de rosé bien frais (gardée sur un lit de glace, merci à nos hôteliers)? Le copieux pique-nique? Ou simplement le plaisir indicible d’être là et pas ailleurs? En tout cas, le temps a bien passé et lorsque, cuits, nous avons vu la barque revenir, nous avons compris que nous avions effleuré du bout des doigts un petit morceau de paradis—rosé inclus, bien entendu! Car je vois mal le paradis sans un rosé bien frais, et vous?
L’enfer, c’est l’après cuisson, mais ça, je ne vous le raconte pas…
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