samedi 31 mars 2012

Les nuages se dissipent


Vous pensiez sans doute que mon texte d'hier était le dernier de ce mois. Moi aussi, je vous l'avoue. Mais comme il était entaché d'une certaine amertume, j'ai voulu changer de goût. Si bien que ce matin, je rencontrais nos employés et employées afin de mettre les cartes sur la table. Bien m'en prit. En fait et en tout état de cause, il me faut ici faire amende honorable c'est-à-dire vous présenter mes plus plates excuses pour cette amère pilule que j'ai égoïstement partagée avec vous hier. Car aujourd'hui, les nuages se sont dissipés et le ciel est redevenu comme il est censé être : bleu à n'en plus pouvoir.

Réunion générale ce matin, donc. D'abord et comme toujours, il fallut un certain temps avant que l'auditoire soit représentatif de l'ensemble, mais environ une demi-heure après l'heure annoncée de la réunion, plus de la moitié des employés étaient là et j'ai donc commencé à m'adresser à eux en termes simples mais bien sentis.

Je vous épargne le détail de mes propos : qu'il vous suffise de savoir qu'ils sonnaient justes (parce qu'ils l'étaient) et que finalement, le message de tristesse et d'amertume que je voulais transmettre a bien passé et a été bien compris. Si bien que la réunion s'est terminée dans une effusion d'affection tout à fait haïtienne qui a balayé les derniers relents de grisaille que je ressentais à leur égard. Une belle réunion, donc et vous pouvez me croire sur parole ou aller vous faire cuire un œuf.

Cela dit, nous n'avons rien réglé, nous n'avons pas changé le monde ni même refait l'hôpital. Mais nous nous sommes entendus et cela seul compte. Bien entendu, j'aurais bien aimé que les instigatrices du mouvement de protestation contre les conditions de travail soient là, mais sans surprise, elles n'y étaient pas. Il est tellement plus facile d'exprimer son mécontentement par derrière, tout le monde vous le dira... Mais je sais mieux maintenant où va la fidélité des employés et pour l'instant, je sais m'en contenter. Je vous l'ai déjà dit et donc vous le savez : «Est bien fou du cerveau qui prétend contenter tout le monde et son père» (La Fontaine). Je pense qu'il faut savoir faire la part des choses et considérer que, à défaut de la totalité, une majorité confortable est tout à fait révélatrice et il faut savoir s'en contenter. Je m'en contente donc, quitte à corriger la situation plus tard, si possible et si nécessaire. Cependant, ne nous leurrons pas : ce ne sera jamais parfait; les employés ne seront jamais des modèles de perfection, le travail ne sera jamais effectué dans le respect absolu des consignes, les salaires ne seront jamais suffisants et les conditions de travail ne seront jamais idéales. Mais en autant que tous comprennent qu'il ne sert à rien de pester contre le travail et qu'il vaut nettement mieux le faire dans la joie que d'y aller à son corps défendant, c'est l'essentiel. Et je pense que cette partie-là de mon discours a été bien comprise.

Mon discours, justement, parlons-en. Non, je n'ai pas de discours préparé d'avance. À ma compagne qui s'en étonne toujours, je réponds que ce que j'ai à dire importe peu, l'essentiel étant de le dire. Forcément, il y a dans ce discours des redites, des inepties, des omissions et des digressions. Forcément, les idées ne s'enchaînent pas toutes dans un ordre logique formel. Mais rien de cela ne compte, car ce que tout le monde entend, ce que tout le monde attend, c'est la vérité. Que mes propos sonnent juste. Que ma façon de dire vienne de mon fond, qu'elle traduise ce que je pense et ce que je ressens. Et j'avoue que je me fie entièrement sur mes Haïtiens pour capter cette sincérité; ce matin n'a pas fait exception : tous et toutes ont bien compris de quoi il retournait et je pense que la mise au point a porté ses fruits.

Comme quoi il n'y a pas que les manguiers qui portent leurs fruits...

vendredi 30 mars 2012

Le goût de l'amer


Aujourd’hui, l’heure est aux comptes. Oh! Pas avec vous, bien sûr, lecteurs patients et lectrices clémentes, mais plutôt avec certaines employées — notez ici le féminin — qui ne semblent pas apprécier mon dévouement exemplaire (et modeste, bien entendu) et mes efforts répétés pour leur obtenir ce petit quelque chose sur lequel elles crachent aujourd’hui avec un dépit ostentatoire. Notez en passant que ce texte fait suite à ma montée de lait de février dernier, alors si vous n'avez pas particulièrement apprécié ce dernier, vous pouvez vous épargner ce qui suit. Car oui, s'y trouve un certain goût de l'amer, qui n'a rien à voir avec le goût de la mer, vous vous en doutez bien...

Je ne vous parle pas souvent de mon travail, et pour cause : le travail, bien que raison fondamentale de notre présence en ce pays, n’est pas toujours intéressant pour les autres et je me garde bien de vous lasser avec des propos qui, s’ils me sont importants, vous apparaitraient souvent dérisoires. Donc, la plupart du temps, je passe. Mais cette fois, je partage avec vous car c’est un peu frustrant. En effet, pour ceux et celles qui ne le savent pas, ça fait maintenant plus de cinq ans que nous tenons les rennes de ce petit hôpital aux Cayes. Cinq ans entre l’arbre et l’écorce, à danser un tango qui n’est pas toujours facile. Ceux, celles qui ont ou qui ont eu des positions similaires savent de quoi je parle : les préoccupations patronales et celles des employés sont rarement les mêmes, ou si elles le sont, ne sont pas vues du même bout de la lorgnette. Pour les patrons, les salaires représentent la grosse dépense institutionnelle et il faut la contrôler tant bien que mal pour éviter le crash. Pour les employés, les salaires sont toujours trop petits et mal ajustés au coût de la vie, lequel grimpe toujours. Bien entendu, puisque nous vivons en Haïti, nous en connaissons les réalités économiques mieux que nos patrons du Canada, cela va de soi. C’est pour cette raison que depuis notre venue, je me suis efforcé de démontrer aux patrons que les salaires étaient trop bas et que les employés méritaient mieux. Ce ne fut pas facile. Mais petit à petit, les ajustements ont eu lieu. En fait et sans vouloir me vanter, en cinq ans, les salaires ont plus que doublé, soit une augmentation de plus de 130 %, voire davantage dans certains cas (202 % pour les employés d’entretien). En plus, je leur ai fait obtenir le boni annuel qui, à toutes fins utiles, correspond à un mois de salaire supplémentaire. Bref, je le dis sans vanité, leurs conditions de travail se sont sensiblement améliorées depuis notre arrivée et sont enfin rendues à un point où elles se comparent, souvent avantageusement, à celles des autres organisations. Mais comme je vous l’ai mentionné dans une chronique précédente, ce n’est pas assez. Ce n’est jamais assez.

Je ne dis pas que ce n’est pas vrai. Dans un pays en développement, le niveau de vie est forcément moins élevé que dans un pays développé. Mais les coûts de la vie sont également plus bas, ce qui fait que les personnes arrivent tout de même à tirer leur épingle du jeu même si les salaires n’ont rien de faramineux. Sauf en Haïti. Car ici, tout est cher, souvent au-delà de ce que le salarié moyen peut payer. Je vous ai parlé des frais de fréquentation scolaire, des frais d’hôpitaux, des frais funéraires, des frais de location d’une maison, des coûts de construction ou du prix de la nourriture, pour ne citer quelques domaines où l’argent disparaît comme neige sous le soleil haïtien; la vie ici n’est pas facile, personne ne prétendra le contraire. Et depuis cinq ans, j’ai fait ce que j’ai pu pour contribuer à améliorer un tant soit peu ces conditions de vie des employés de l’hôpital. Tout ça pourquoi? Pour récolter aujourd’hui des attitudes hautaines et distantes, froissées de ne pas avoir eu plus et prêtes à m’en faire porter le blâme. Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ça ne me paraît pas très juste…

Mais bon, il semble que ce soit le lot des petits chefs de jouer les boucs-émissaires et de recevoir les doléances d’en bas et les reproches d’en haut, alors il faut s’y résigner… It goes with the territory, comme ils disent à Yellowknife…

Reste que parfois, on se demande ce qu’on fait dans ce jeu dont on ne peut jamais sortir gagnant…


mercredi 28 mars 2012

Les accidents arrivent



«Otite séromuqueuse». Voilà, vous savez tout de la suite de mon texte précédent. La remontée a commencé, la perception auditive s’améliore, les bourdonnements s’estompent, bref, ma chère compagne se remet petit à petit. Merci de votre compassion.

Mais ce n’est pas de maladie dont je veux vous parler aujourd’hui. En fait, et bien que j’aie déjà rédigé une partie de texte sur un autre thème, c’est en lisant Foglia et sa série accidents que je me suis décidé à réagir là-dessus. Rarement le cher homme donne-t-il dans le pathos comme ça. Mais depuis le premier de ces textes, il nous plonge dans le sordide et le macabre et franchement, j’avoue ne pas en comprendre trop la visée. Car oui, un accident de voiture dans lequel des personnes meurent est toujours une chose horrible, terrible, accablante et tellement, tellement inutile et injuste. Mais cela, nous le savons tous et toutes, alors avons-nous besoin de ces narrations d’un goût pour le moins douteux? Remarquez que je ne dis pas qu’il faut s’enfoncer dans le cocon de l’inconscience, fermer les yeux et se laisser bercer par cette mélopée si bien connue : «ça n’arrive qu’aux autres». Non. Je ne dis pas cela. Mais il me semble que s’abreuver de ces horribles accidents aux issues encore plus horribles ne fait pas avancer la cause d’une conscience plus aiguisée du danger. Car un accident, ne l'oublions pas, reste toujours un accident, n’en déplaise à M. Foglia. Un accident, par définition, c’est le contraire d’une intention et bien que l’effet puisse parfois être le même, la cause fait toute la différence. Or, même les jeunes qui sont saouls ou gelés comme des balles n’ont pas, a priori à tout le moins, l’intention de tuer quelqu’un en montant dans leur voiture à 3 h du matin et en roulant à 180 km. Inconscience, arrogance même, nous sommes d’accord. Mais intention? Non. Et disant cela, je ne veux pas qu’on croit que je me fais l’avocat du diable ou le défenseur des jeunes défoncés qui tuent au moyen d’une voiture. Ils sont responsables et leur responsabilité va bien au-delà de ce qu’une cour de justice peut déterminer en termes de limite de cette responsabilité. Pas question de les déresponsabiliser donc, pas question de minimiser les conséquences de leurs mauvais choix. Mais on ne doit pas pour autant perdre de vue que l’accident est, par définition, ce qu’on n’a pas prévu, voire ce qui n’était pas prévisible. En fait, selon le dictionnaire, un accident est «un événement fortuit ou imprévu qui interrompt le cours attendu des choses.»  J'aime assez. Un accident de la route, c’est ça. Peu importe les circonstances extérieures, l’accident n’est pas volontaire, il est… accidentel.

Et parlant de circonstances extérieures, laissez-moi vous dire que nos routes haïtiennes n’en manquent pas : trous, bosses, roches tombées du versant de la montagne, branches cassées, obstacles de tout genre, chèvres, bœufs, ânes ou chevaux, sans oublier les poules ni l’obstacle le plus stressant : l’humain, pour qui la route nationale n’est qu’une extension de la place publique. Ajoutez à cela les autres véhicules qui roulent sans phares, sans avertisseur, sans rétroviseurs, voire sans freins et vous saurez à peu près tout. Dire que la route ici est un danger est vraiment peu dire : c’est un jeu de roulette russe. Pourtant, même à la roulette russe, les chances de ne pas mourir sont nettement supérieures à celle de tomber sur la balle fatidique… Remarquez d’ailleurs que le mot fatidique trouve ici tout son sens : c’est le destin qui frappe. C’est le destin qui tue. Si bien que, conscient de cette fatalité qui ne nous appartient pas, je pense qu’il faut se résigner à admettre que, peu importe les mesures que l’on pourra prendre pour les prévenir ou les éviter, il y aura toujours des accidents.

Et l’inconscience, l’ignorance, le je-m’en-foutisme? Eh bien là, je suis d’accord : il faut punir et assez sévèrement pour que la leçon porte ses fruits. Mais on ne punit pas l’accident. On ne punit pas ses causes ou ses agents: on en souffre seulement...

samedi 24 mars 2012

Quand la machine se dérègle



Vous le savez maintenant : cette tribune me convient et je m’y sens à l’aise de vous raconter ce qui retient mon attention. Aujourd’hui, c’est l’état de santé de ma chère compagne, lequel n’est pas vraiment bon. Eh oui, ces choses-là arrivent. Or, tout le monde sait que la santé reste notre bien le plus précieux, pour autant que l’on puisse parler ici d’un bien… Mais que je vous raconte.

Tout a commencé dimanche dernier où, au réveil, elle m’apprend un peu en riant qu’elle est subitement sourde d’une oreille «c’est bien, me dit-elle à la blague, comme ça je n’aurai plus qu’à boucher une seule oreille pour ne pas t’entendre.» Quelle comique, n'est-ce pas... Le cas ne semble présenter rien d’alarmant donc et l’on se dit que la chose rentrera dans l’ordre au cours de la journée. Mais le lendemain lundi, rien n’a changé : elle est toujours aussi sourde. On consulte notre ORL — l’un de nos deux ORL, en fait — qui lui fait passer un audiogramme (lequel confirme l’absence de perception auditive de l’oreille gauche) et qui lui prescrit un glucocorticoïde (prednisone, si vous voulez tout savoir). L’effet est presque immédiat et l’ouïe lui revient progressivement. Mais voilà qu’apparaissent tout à coup des effets secondaires indésirables qui imposent que l’on stoppe immédiatement le traitement. Résultat, retour de la surdité, retour à la case départ, comme on dit. Le médecin rajuste le tir et maintenant, il ne reste plus qu’à attendre.

Mais qu’est-ce donc que cette surdité unilatérale soudaine? Une brève recherche sur le Web apporte toutes les réponses voulues que, bon prince, je partage aujourd’hui avec vous sans frais supplémentaires.

Tout d'abord et ce qui ne laisse pas de surprendre, c'est que tout comme son nom l'indique, l'affection est subite et totalement surprenante, dans le sens : une vraie surprise. Puis, on apprend que ses causes sont aussi multiples que variées — on parle de plus de 100 causes possibles —, mais il semble que la cause infectieuse (virale) soit la plus fréquente (60% des cas, selon ce que j'ai lu), alors faute de mieux et jusqu'à preuve du contraire, va pour l'origine virale. D'où incidemment le traitement au prednisone prescrit par le médecin. Le pronostic n'est pas si dramatique qu'on pourrait le croire : dans un forte proportion des cas, l'ouïe redevient normale après quelques jours ou quelques semaines, alors il est permis d'espérer que tout va rentrer dans l'ordre d'ici peu. Voilà. Vous savez tout. Ou presque. Pour en savoir plus, vous pouvez jeter un coup d’œil sur ce site (en anglais) ou simplement taper "Sudden hearing loss" sur votre moteur de recherche préféré (ixquick pour moi) et vous aurez l'embarras du choix, dont certains articles très fouillés et très techniques, preuve que le sujet captive certains et certaines spécialistes.

Mais le problème ne s'arrête pas à une simple surdité de l'oreille gauche, laquelle serait tolérable sans l'autre mal qui l'accompagne voire en découle : les étourdissements et les bourdonnements. Je ne vous apprends sans doute rien en vous disant que les oreilles — je ne parle pas des pavillons ici —, sont aussi le moteur de l'équilibre, et il semble qu'une oreille qui se ferme aux sons stoppe aussi son mécanisme d'ajustement de l'équilibre et ça se met alors à tourner comme un derviche et non, ce n'est pas la terre. Si bien que la station debout est pénible, voire risquée et comme la plupart des activités s'accomplissent dans cette station, aussi bien dire qu'on est limité. Enfin, le moindre bruit — et Dieu sait s'il y en a ici — produit un bourdonnement cacophonique des plus irritables, je le crois sans preuve. Donc, si vous avez compris quelque chose à mes jérémiades, vous en conclurez que ce n'est pas vraiment une période agréable pour ma pauvre compagne...

Mais bon. Que faire? N'ap swiv, comme on dit ici. Les médicaments sont sa bouée et on ne peut qu'espérer qu'ils seront suffisants pour la maintenir à la surface jusqu'à ce que le vent de la guérison se mette à souffler et la ramène au havre de la santé...

mercredi 21 mars 2012

C'est le printemps!


À lire les grands titres de l’actualité québécoise ces temps-ci, on pourrait presque croire que c’est Haïti qui s’est transportée au nord…! Surtout si l’on additionne la température exceptionnelle qui prévaut actuellement…! Des températures qui ont de quoi étonner, surtout lorsqu’on les compare aux moyennes saisonnières habituelles, lesquelles se situent autour de – 4°C pour la période, alors disons que ces excès — au-dessus de 20°C — ont de quoi surprendre. Évidemment, personne là-bas ne s’en plaint…! La «grève» étudiante, cependant, bien que pas dangereuse en soi, est un irritant pour bien des gens, et pas juste pour les dirigeants politiques. Remarquez que je mets le mot entre guillemets car comme l’a si bien dit Stéphane Laporte dans l’un des brillants billets, une grève ce n’est pas vraiment ça. Manifestations étudiantes donc, grosses parties de plaisir même, surtout avec le temps qu’il fait; et vogue le navire…

Mais je le redis, ce sont des manifestations qui, si elles finissent par lasser, restent tout de même pacifiques à toutes fins utiles. On ne mettra pas Montréal à feu et à sang pour que les hausses soient revues à la baisse, du moins je ne le crois pas. Tandis qu’ici, lorsque ça éclate, personne ne sait vraiment comment les choses vont tourner. Il s’agit là d’une différence majeure entre nos deux pays et je ne crois pas qu’un seul des manifestants actuels se trouverait à l’aise, transposé dans l’une de ces manifestations dont Haïti est parfois si friande. Alors qu’on me comprenne bien lorsque je parle de situation explosive en Haïti : tout peut arriver. Au Québec, on reste dans les limites du raisonnable, de l’acceptable, et c’est précisément pour cela que les gens acceptent. Remarquez encore que je ne prends pas position pour ou contre les étudiants, non pas parce que je n’ai pas d’opinion sur le sujet, mais simplement parce que je ne me sens pas du tout concerné par la chevauchée estudiantine.

Si je vous parle de manifestation, c’est que nous devions en essuyer une dimanche dernier, mais tout comme celle prévue pour le 8 mars, elle s’est évanouie sans avoir le temps de prendre forme. Personne ne s’en plaint, vous l’avez deviné. Encore une fois, la stratégie du chef de l’État est brillante et porte ses fruits. Je ne le défends pas, remarquez, mais je dois admettre qu’il sait tirer les marrons du feu sans se brûler et ça, c’est déjà admirable, croyez-moi. Évidemment, on est sur une corde raide, le pays est sur la corde raide et tout peut arriver, je le redis, mais entretemps, on avance quand même par petits pas. C’est toujours ça de gagné.

Si bien que le travail se poursuit à peu près normalement — il y a toujours des petits problèmes, ai-je seulement besoin de vous le rappeler — et tout le monde vaque à ses occupations habituelles. Le printemps a fait son entrée annuelle hier, bien discrètement d’ailleurs puisque pour vous, gens du Québec, c’était l’été avant le temps! Reste que cette belle température peut vous aider, habitants nordiques, à comprendre le charme d’un climat serein comme celui d’Haïti, où il fait toujours beau, même quand il pleut. Je parle du climat physique, bien entendu. Car le climat social est tout autre… Mais bon, on prend ce qu’on peut quand on le peut, n’est-ce pas?

Alors bon printemps à tous et à toutes!

samedi 17 mars 2012

Il n'y a pas de saison heureuse


Une fois de plus, je pars du texte de Frantz Duval, éditorialiste au journal Le Nouvelliste - et dont j'emprunte le titre même -, pour vous signaler une situation que vous ne pouvez pas vraiment imaginer. Nous non plus d'ailleurs, car ce n'est pas la nôtre, sauf que nous l'avons constatée de nos propres yeux, alors il faut bien l'admettre... Dit simplement et c'est là la conclusion de l'article de M. Duval : «Il pleut, ne pleurons pas plus que de raison, la sécheresse n'est pas une meilleure saison.» Misère d'Haïti, de Port-au-Prince tout spécialement, où s'entassent tant bien que mal plus de 3 millions d'habitants dans une ville en grosse partie détruite et pas encore reconstruite, soumise à des intempéries excessives. Un proverbe haïtien résume assez bien le sort du peuple : «Vant vid se mizè, vant plen se traka» (Le ventre vide, c'est la misère, le ventre plein, c'est un tracas). En d'autres termes, on passe aisément en ce pays de Charybde en Scylla, de la sécheresse excessive à la pluie excessive, et les problèmes ne font que changer sans diminuer en intensité. D'où l'article de M. Duval, que je ne saurais trop vous recommander, si vous voulez une belle image de la situation qui prévaut actuellement à Port-au-Prince et que décrit d'ailleurs avec plus de détails et quelques photos cet article.

Car présentement, il pleut. Non, ce n'est pas la saison des pluies et en fait, cette fameuse saison possède des contours si flous qu'elle est vraiment difficile à cerner. En principe, le gros de la pluie est censé tomber en août-septembre, mais il peut aussi pleuvoir des cordes à peu près n'importe quand et lorsqu'il pleut sans discontinuer, ces tonnes d'eau qui s'abattent rendent la vie déjà pénible encore plus difficile, voire précaire. Car oui, on en meurt quelquefois. Pourtant, la pluie tombe depuis toujours, phénomène naturel s'il en est un, alors pourquoi serait-elle source de tracas maintenant plus qu'autrefois? Je dirais les conditions de vie, tout simplement. Elles se sont détériorées depuis le tremblement de terre, je ne vous apprends rien, et les excès de pluie qui transforment les rues et les sentiers en coulées de boue deviennent parfois meurtrières. Mais c'est surtout le désespoir qui, avec la pluie, s'installe à demeure. Ce sentiment que le Ciel s'acharne et qu'on n'y peut rien. La pluie est bénéfique, certes, mais elle est davantage source de problèmes, à commencer par les toits qui coulent et les rues transformées en bourbiers. Le soleil, c'est mieux. D'ailleurs et comme le dit un autre proverbe : «Kay koule tronpe soley men li pa tronpe lapli.» (La maison [dont le toit] coule peut tromper le soleil, mais elle ne trompe pas la pluie). La pluie révèle les défauts d'une armure bien fragile contre ces intempéries excessives... Alors on se résigne et comme toujours, on attend que ça passe... Mais si vous lisez l'article de Frantz Duval – et je vous exhorte à le faire – vous allez comprendre que cette résignation est rendue encore plus difficile à cause du changement d'heure! Je vous l'avais dit dans mon texte précédent et Duval l'exprime aussi : «Cinq heures de la nouvelle heure, rien n'a changé, sinon le rythme de la vie. On se réveille avant les aurores pour affronter le noir, la peur au ventre...» Car oui, il fait noir encore à 5 h, en fait, il fait presque noir encore même à 6 h, alors pour les avantages de la nouvelle heure, ben on repassera... Car la noirceur, source de peur, s'accroît tout comme la peur lorsque la pluie déverse ses torrents et retarde l'arrivée de la lumière...

Conditions de vie difficiles, dites-vous? C'est peu dire. Mais c'est la réalité alors rien ne sert de fermer les yeux pour ne pas la voir...

Aux Cayes, nous avons eu aussi quelques bonnes pluies au cours de la semaine; mais rien pour nous mettre à genoux, rien pour empêcher les activités quotidiennes de s'accomplir. D'où mon commentaire initial que la situation décrite par Duval ne s'applique pas à nous. En tout cas pas encore. C'est un cadeau du Ciel. Qu'il faut apprécier pleinement en attendant qu'il nous tombe sur la tête...

mardi 13 mars 2012

Avancer l'heure


Des fois, on se questionne… On cherche à comprendre le pourquoi des choses. À voir une logique même si elle n’est pas apparente. C'est le propre de tout esprit cartésien. Parfois, cette recherche porte ses fruits et l’on se couche alors moins niais, heureux d’avoir compris quelque chose qu’on ne comprenait pas avant analyse. D’autres fois, même si l’on examine les faits avec soin, on ne comprend toujours pas. C’est le cas du passage à l’heure avancée que le gouvernement haïtien vient de promulguer et qui est entré en vigueur ce dimanche dernier, comme pour vous tous, gens du nord.

Sauf que, pour vous, gens du nord, ce passage est logique et sensé. Certes, les nuits sont toujours plus longues que les jours, et ce, jusqu’à l’équinoxe du printemps à peu près (car comme vous le savez sans doute tous et toutes, l’équinoxe ne correspond pas toujours à l’équilux, n’est-ce pas), laquelle se produira cette année le 20 mars. Par la suite, la durée du jour va croissante et dépasse de beaucoup celle de la nuit. Mais il y a un décalage vers le matin, de sorte qu’à l’heure dite «normale», il ferait jour à 3 h du matin sous nos latitudes nordiques, ce qui est un peu tôt, admettons-le. En ce sens, l’heure avancée est une convention tout à fait sensée qui permet effectivement de profiter d’un maximum de lumière naturelle aux heures qui correspondent aux activités diurnes normales. Mais ici, sous cette latitude, le phénomène n’est pas du tout le même et si les jours s’allongent, leur durée est à peine supérieure à ce que l’on a en plein mois de décembre — au pif comme ça, je dirais environ une heure au total. Alors dites-moi : vaut-il vraiment la peine de changer l’heure pour tenir compte de cette différence? Et l’heure qu’on avance, ne la perd-on pas le matin? En tout cas, c’est bien l’impression que nous avons car depuis dimanche matin, à notre heure habituelle du lever (6 h), c’est encore la nuit, parce que maintenant, à l’heure avancée, 6 h correspond au temps qu’il était à 5 h auparavant. Vous me suivez? Si bien que hier matin, tout le monde se plaignait d’avoir à préparer les enfants pour l’école en pleine noirceur et dites-moi maintenant où est l’avantage. Une heure supplémentaire le soir? Qui s’en soucie? Tout le monde a fini ses activités et se prépare pour la nuit. Car ne l’oublions pas : en Haïti, on se lève et se couche tôt et la journée se passe principalement avant midi. D’où sans doute la raison pour laquelle, dès midi, on dit «bonsoir!» lorsqu’on se salue. Alors l’heure supplémentaire du soir, qu’est-ce qu’on en a à cirer, je vous le demande?

Mais tout le monde le fait, alors pourquoi pas Haïti? C’est en tout cas la seule explication que j’ai pu trouver à l’arrêté présidentiel : imiter les autres. Sauf que les autres ont une raison astronomiquement valable que nous n’avons pas. Bien sûr, on annonce aussi que la mesure vise à faire faire des économies d’énergie au pays, mais ça aussi, ça sent le réchauffé… Car d’abord, l’énergie est distribuée au compte-gouttes, dans ce pays, et ensuite, quand on veut l’économiser, c’est simple : on coupe le courant et le tour est joué!

Mais, comme toujours, malgré quelques protestations bien polies, on s’adapte et on abdique. On se lève à la noirceur, on se débarbouille en vitesse et on attend que le jour se lève dans sa splendeur habituelle.

Au fond, qu’est-ce qui a vraiment changé?

dimanche 11 mars 2012

Échappé belle!


C'est vrai : nous l'avons échappé belle. On a bien cru qu'on allait devoir y passer, mais par une savante concoction politique comme seuls les rusés renards savent les faire, la montagne a fini par accoucher, et tout comme dans la fable, en est sortie une souris. Pfft! Partie en fumée, la manifestation qu'on nous avait annoncée et qui semblait promettre... Surtout que, si vous vous souvenez, je vous avais mentionné cette date du 8 mars comme une date à retenir en tant que jour annoncé d'une autre manifestation pro-Aristide, donc contre le président actuel. Mais rien de tout ça n'est arrivé. Même l'ambassade du Canada nous informait, en après-midi, que le président Martelly ferait une annonce officielle vers les 16h et qu'il fallait se préparer au pire. À Port-au-Prince, c'était la débandade et le sauve-qui-peut de ce que l'on percevait comme le feu à un joli baril de poudre. Mais il n'a pas explosé. Au grand soulagement de tout le monde – tout le monde que nous connaissons à tout le moins –, l'annonce présidentielle a fait taire les forts en gueule au point où ils en ont eu l'air un peu niais. Piégés, les contestataires. Ils ont été eus.

J'avoue avoir été impressionné par cette manœuvre bien fignolée, un peu cabotine certes, mais d'une efficacité redoutable. Le président, sans doute conseillé par des maîtres aux échecs ou au poker, gardait bien ses cartes, laissant planer le doute sur son état civil. Pour ceux et celles parmi vous qui l'ignorent, la loi haïtienne ne permet pas à une personne détenant une double nationalité de briguer une fonction politique quelconque, à plus forte raison la présidence du pays. Or, c'est précisément ce dont on accusait Michel Martelly. Pourtant, alors qu'il eût été bien facile dès le début de dissiper ces doutes, Martelly temporisait et se faisait prier, laissant croire, ce faisant, que son statut n'était pas conforme à la loi. Le coup de théâtre fut donc d'apprendre que le sieur Martelly n'était finalement que citoyen haïtien et que, par conséquent, en aucune façon il ne contrevenait à la loi du pays. Certains, bien entendu, sont loin d'être convaincus. Sont restés sur leur appétit, pour ainsi dire... Mais en vérité, le jeu de Martelly a permis de désamorcer une bombe politique qui, si elle avait éclaté, risquait fort de mettre le pays à feu et à sang. Comme si le pays avait besoin d'une guerre civile en prime...

Évidemment, vous aurez compris que ce n'est qu'un sursis. Les adversaires du président, temporairement déboutés, vont se regrouper et trouver autre chose à clamer ou à réclamer et ça va repartir. Mais l'accalmie s'apprécie, je n'ai pas besoin de vous le dire...

Reste que, sans vouloir faire de politique, on ne peut que s'étonner que les guerres intestines passent avant la reconstruction du pays. Tous ceux à qui j'en ai parlé hochent la tête et soupirent de tristesse à l'idée que le pays pourrait retomber dans l'anarchie parce que des politiciens trop gourmands tirent trop fort sur l'étroite couverture qui abrite le pouvoir de l'État. Et pourtant, c'est là la triste histoire du pays, et elle se poursuit. Inexorablement. Et pourtant, vous le savez maintenant, vous qui me suivez à travers ces écrits, ce pays a tellement à offrir...

En tout cas, l'explosion de violence de jeudi soir n'a pas eu lieu et cela seul compte. Chaque petite victoire de la paix sur la violence doit être comptabilisée minutieusement, car c'est la somme de ces petites victoires qui, en bout de ligne, pourra engendrer une paix assez solide pour résister aux caprices des élus dont la seule ambition est de remplir leur poche ou de s'approprier le pouvoir. Car la paix, c'est le terrain stable sur lequel on peut bâtir. Mais le sol politique d'Haïti est sablonneux, vaseux, poreux, meuble. Pas facile dans ces conditions d'ériger une construction solide, vous l'aurez compris... Pas besoin d'être devin ni expert en macroéconomie pour savoir que le pays va devoir traverser des zones de turbulence au cours des jours, des semaines ou des mois à venir. On peut juste souhaiter que ces turbulences ne soient que passagères et qu'elles demeurent maîtrisables. L'avenir nous le dira.

Une petite prière, avec ça?...


jeudi 8 mars 2012

Étrange Haïti


WOY! Vous croyez que j’ai fait erreur? Que je voulais écrire «wow», mais que le doigt m’a fourché? Eh bien non. D’abord, considérant la distance sur le clavier entre le W et le Y, c’eût été difficile. Ensuite, parce que je viens de lire l’interjection et l’ai reconnue pour ce qu’elle est, c'est-à-dire une façon bien haïtienne d’exprimer les choses surprenantes ou déroutantes. En fait, l’interjection correspond souvent au «tèt chaje» (tête chargée) qui décrit toute situation délicate ou difficile. Voilà. Maintenant vous savez tout et je sens que votre connaissance du créole s’affine…

Mais ce n’est pas une leçon de créole que je vous présente aujourd’hui, mais bien quelques commentaires sur cet article de Chantal Guy, lequel fait écho à mon dernier texte.

D’abord, est-il nécessaire que le précise aujourd’hui, j’aime les propos de cette dame et j’aime la façon dont elle les dit : sans affectation, sans enjoliver, mais sans sécheresse non plus. On sent qu’elle aime le pays et qu’elle aime venir s’y frotter. D’ailleurs, si vous lisez son texte sur le carnaval, vous admettrez qu’il est visible qu’elle a apprécié, même si elle a trouvé ça assez chaud et complètement fou. Nous, c’est un peu pour ça qu’on s’est éclipsés pour l’événement : la folie collective. Ça s’est bien passé cette fois, mais c’eût pu être assez rock 'n roll et là, je ne parle pas de la danse, soyez-en sûrs.

Mais je reviens à son texte Haïti, île magique. Dont je n’aime pas le titre, soit dit en passant, car il ne correspond à aucune réalité. D’abord, soyons précis : Haïti n’est pas une île, mais bien une partie de la grande île d’Hispaniola qu’elle partage avec la République Dominicaine. Déjà, c’est une particularité digne de mention, car il s’agit ici de la seule île divisée en deux pays dans cette région du globe, peut-être même dans le monde entier (je n’ai pas vérifié). Cette division de l’île repose, bien entendu, sur des conventions historiques qui en disent long sur la perception qu’en avaient les rois de France et d’Espagne... Quant à la qualifier de magique, je ne suis pas vraiment d’accord. Il n’y a pas de magie à des gens qui peinent chaque jour pour trouver à manger pour eux ou pour leur famille; il n’y a pas de magie à subir des pluies torrentielles pour ensuite se faire cuire sous un soleil de plomb; il n’y a pas de magie à un camion sans freins qui fauche une foule comme des quilles sous l’impact d’une boule de bowling. Il n’y a qu’une dure réalité, pas facile pour personne et souvent incompréhensible pour nous les étrangers. D’où, incidemment, la difficulté pour ces étrangers de venir au pays juste pour y faire un tour, comme on irait en République Dominicaine ou ailleurs. Ici — et là, j’abonde dans le même sens que Chantal Guy —, on vient en s’appuyant sur un contact qui connaît le pays et qui dispose de certaines ressources visant à faciliter le séjour. Pour nos récents visiteurs, ce fut nous. Pour d’autres, ce sont les organisations plus ou moins non gouvernementales. Mais le touriste isolé risque de se sentir… isolé! Alors oui, je suis d’accord avec elle quand elle dit : «la meilleure façon de découvrir Haïti, c'est d'être introduit.». C’est ce que nous avons fait avec nos visiteurs : nous les avons introduits; le reste s’est fait tout seul.

Autre chose qu’elle dit et que je trouve conforme à la réalité haïtienne : «Il est d'ailleurs étonnant pour le voyageur habitué aux grands centres urbains de constater à quel point Haïti n'est pas une société "multiculturelle". Il découvrira rapidement ce que signifie être une "minorité visible"». J’ajouterais : bien visible, visible comme blanc sur noir, visible comme le nez au milieu du visage. Dans ce pays, les Blancs sont impossibles à dissimuler, impossibles à assimiler, impossibles à faire passer pour des habitants indigènes. Être blanc de peau ici, c’est être étranger, et assez curieusement, avec plus d’avantages que d’inconvénients. Car les Haïtiens, à tort ou à raison, sont infiniment cléments envers les Blancs en général et pas seulement parce qu’ils nous associent à l’argent. Souvent, c’est tout simplement parce que nous sommes des étrangers, tout simplement. Car une chose est sûre, à part quelques exceptions, les Haïtiens ne sont vraiment pas xénophobes.

Enfin, parlant d’Haïti, Chantal Guy écrit : «Une vie ne suffirait pas à comprendre ses mystères, ses paradoxes et ses absurdités.» Alors là les amis, nous sommes d’accord et pas rien qu’un peu! Car ce qui fait l’exotisme d’Haïti, ce ne sont pas ses plages alléchantes ou ses montagnes luxuriantes, mais bien le peuple et sa façon de vivre. Presque chaque jour, arrive un petit événement qui surprend, qu’on ne comprend pas et qui nous rappelle, mieux que n’importe quel message public, que nous sommes toujours des étrangers dans un pays étrange.

Étrange mais ô combien fascinant...

mardi 6 mars 2012

Ayiti cheri


Vous le savez maintenant, j’aime mieux vous parler des beaux côtés du pays que de sa noirceur. Or, après avoir lu et vu le blogue de notre amie Diane qui revient de Jacmel et dont je vous recommande la lecture, voilà que je tombe sur l’article de Frantz Duval qui réfère à ce clip sur YouTube, lequel est plutôt bien fait, surtout considérant qu’il s’agit d’un travail d’amateur.

Quant à l’article de Duval, il ne tombe pas dans la complaisance et le gratte-bedaine, mais annonce franchement la couleur et dit les choses comme elles sont. Plusieurs détails de l’actualité laissent en effet penser que le mauvais temps pointe à l’horizon et l’auteur le sait fort bien. Mais le pays n’en reste pas moins enchanteur pour autant et le petit clip (4:25 minutes) nous en donne un bel échantillon. Je vous le recommande fortement.

C’est d’ailleurs ce contraste qui est difficile à saisir. D’un côté, le pays merveilleux, avec ses beaux paysages et ses gens chaleureux; de l’autre, des imbroglios politiques interminables et des problèmes sociaux endémiques. Les deux cohabitent et bon, il faut bien le dire, ce n’est pas une cohabitation facile. En d’autres termes, présentement, dans l'état actuel des choses, on ne peut pas avoir l’un sans l’autre et franchement, c’est bien dommage parce que tout le monde, étrangers comme Haïtiens, se passerait volontiers des soubresauts politiques ou sociaux qui secouent sporadiquement le pays. Je l’ai dit et je le répète : il n’y a rien qui empêche Haïti de devenir une destination touristique prisée au même titre que son voisin, la République Dominicaine, ou n’importe quelle autre île de cette partie du monde. Tous les petits pays qui composent les Caraïbes vivent sinon complètement, à tout le moins en grosse partie des revenus du tourisme. Tous, sauf Haïti, bien entendu… Et je vous avoue que c’est triste car tout le monde y gagnerait. Une vraie "win-win situation", comme diraient nos amis américains. Mais nous ne sommes pas encore là…

Pourtant, il suffirait de peu pour que l’engouement des touristes se répande. Quelques visiteurs qui partagent leur expérience haïtienne, un ou deux journalistes qui publient une bonne critique, quelques promoteurs honnêtes et la roue se mettrait à tourner dans le bon sens. Mais pour cela, il faut que les tensions politiques se tassent. C’est une condition essentielle : il faut un minimum de stabilité pour que les gens qui ne connaissent pas le pays puissent y venir et s’y sentent à l’aise. Le reste ira tout seul. Enfin, presque…

Vous allez me dire que vous connaissez la chanson, puisque je vous l’ai déjà chantée à quelques reprises. Mais l’air me plaît et le fond vaut le détour, n’en doutez pas. Et si vous en doutez, eh bien venez vous rendre compte par vous-mêmes et vous verrez si vous n’êtes pas conquis…

Comme le dit si bien mon frérot (celui qui vient de venir nous voir et que je cite ici même si je risque une poursuite pour droits d’auteur) : «J'espère que tout [le brassage politique] restera dans des limites raisonnables, c'est tellement beau là-bas quand les gens sont en paix.»

Que dire de plus? Que dire de mieux?

samedi 3 mars 2012

Les eaux de mars


Pour célébrer l’arrivée du mois de mars, le mois associé au printemps en nos contrées nordiques, j’aurais voulu un petit quelque chose de léger, pimpant, printanier quoi! D'où mon titre, incidemment, lequel se rapporte à cette magnifique chanson que vous connaissez peut-être... Mais malgré la présente accalmie, le mois s’annonce chaud. Et je ne parle pas de la température... Déjà, mercredi dernier, nous avons eu droit à une manifestation pour souligner l'anniversaire de la destitution d'Aristide, le 29 février 2004... Oh! Rien de bien violent, cependant, mais tout de même, on a chahuté joliment et on s'en est pris ouvertement au président Martelly, le chouchou tant adulé du peuple depuis sa victoire. Or, d'après la presse américaine, il semble que d'autres manifestations suivront en mars, en fait, on nous annonce même les dates du 8, 18 et 29 mars comme étant à retenir. Le mois sera politique donc, et risque de ne pas être très agréable ni productif...

Mais bon. Il faut s’y attendre. Le pays, depuis l’avènement de Martelly au pouvoir, attend. Attend quoi? Des miracles, bien sûr. Comme si l’homme n’avait qu’à étendre les bras et regarder le ciel pour que les changements tant espérés se produisent et que le pays accède tout à coup au niveau de vie de ses voisins nordiques. Et comme cela ne se produit pas, eh bien on s’impatiente. Et les manipulateurs ont alors beau jeu de jeter un peu d’huile sur cette impatience et d’y mettre le feu, car le feu, vous le savez, purifie et fait place nette. Place nette pour un autre qui ne sera pas mieux, mais qu’on regardera aller pendant quelque temps avant de lui lancer la première pierre… Et tourne la roue…

Mais je ne saurais aller plus loin sans vous citer Frantz Duval et son éditorial dans le Nouvelliste, dont je vous ai déjà rapporté les écrits d'ailleurs :
«La semaine a été chaude. Les nouvelles rudes. Les rumeurs nombreuses. Les faux pas encore plus. Une mauvaise nouvelle chasse l'autre. L'actualité s'essouffle à suivre les trébuchements de nos chefs ou les tentatives d'estocade des hardis. Certains pensent que cette avalanche de gaffes cache une stratégie. D'autres la mettent au crédit d'une équipe experte en devinettes qui compte les œufs dans les entrailles des poules. Du grand n'importe quoi.»

Voilà un petit paragraphe qui résume plutôt bien le début de ce mois sur la scène politique. Et vous avez compris qu'on peut maintenant s'attendre à n'importe quoi. Les hostilités semblent ouvertes, à présent, et les flèches vont voler de tous les côtés. Mais bon. Si l'on attend que ce pays accède à la prospérité et à la stabilité avant de s'y frotter, on risque d'attendre longtemps... Un peu comme si l'on choisissait d'attendre que des palmiers poussent au Québec avant de s'y rendre... Reste à souhaiter que les éventuelles perturbations seront limitées et pas trop dommageables, car de l'avis de plusieurs – incluant le mien –, les choses prenaient du mieux, depuis quelque temps. Est-ce déjà la fin? Souhaitons que non. On s'en reparlera à la fin du mois...

Reste que nous entamons déjà le troisième mois de l'année, qui n'en compte que 12, au cas où vous en douteriez encore. Si bien que une fois ce mois passé, c'est le quart de 2012 qui se sera évaporé... Je ne sais pas pour vous, mais ma compagne et moi en discutions encore ce matin : le temps passe vite! Vite au point où l'on doit déjà commencer à penser aux vacances dont il me semble nous revenons tout juste... Peut-être est-ce à cause de la visite que nous avons reçue en ce début d'année et qui nous a fait sentir en vacances?... Quoi qu'il en soit, il faut commencer à planifier : dates possibles, billets d'avion, location de voiture... Tout est présentement à l'étude et sera conditionnel à la date de la prochaine visite patronale.

D'ici là, nous allons suivre les jours, les semaines et composer avec ce que la vie haïtienne va nous offrir, entre autres, les fabuleuses mangues franciques dont je vous ai parlé antérieurement et qui, cette année tout spécialement, remplissent les arbres (les manguiers je veux dire, au cas où vous vous poseriez des questions). Déjà et bien que la saison ne fasse que débuter, nous nous en délectons, comme quoi les émois politiques n'affectent en rien la régularité de la nature...

C'est quand même rassurant de pouvoir s'appuyer sur une certaine régularité, vous ne trouvez pas, vous autres?