vendredi 28 décembre 2012

Des poubelles qui choquent


J’ai lu cet article, puis cet autre et enfin celui de Marie-Claude Lortie (que j'aime bien) et j’ai eu un frisson de révolte. Ce qu’on y dit, en rapport avec le gaspillage de la nourriture, je le savais tout comme vous le savez, j’en suis sûr, mais se le faire exposer comme ça, dans toute son indécence, ça fait mal. Car les amis, vous savez où je demeure : dans ce pays qu’est Haïti, manger n’est pas une activité, mais bien une nécessité dont dépend la survie. Et je puis vous assurer que tout le monde, sans exception, connaît l’importance de manger quand il y a à manger car on ne sait jamais s’il y en aura demain. Or, la nourriture ici coûte cher. Notez que lorsque je parle de nourriture, je ne parle pas des croustilles (chips), des tablettes de chocolat ou de la crème glacée, mais bien de la nourriture essentielle ici : l’huile, les pois, le riz, la farine… Toutes ces denrées sont chères et leur prix continue de monter.

Pendant ce temps, au Québec (mais aussi dans le reste du Canada et aux États-Unis), on dissimule au regard les énormes conteneurs à déchets dans lesquels on jette ce qui suffirait à nourrir plusieurs Haïtiens. Remarquez, je ne dis pas qu’il faudrait acheminer ces excédents alimentaires jusqu’en Haïti, car bien que la chose soit faisable (après tout, l’avion ne met que quatre heures à faire le trajet entre Montréal et Port-au-Prince), elle n’est pas nécessairement souhaitable, pour des tas de raisons qu’il serait trop long d’expliquer. Mais la double réalité n’en est pas moins choquante pour autant. D’un côté (au nord) la pléthore de produits qu’on étale à l’indifférence du consommateur — celui-là même dont je vous parlais hier — et qui doivent être à la hauteur de ses attentes; de l’autre (au sud), trois ou quatre oranges formant une petite pyramide le long d’une rue sale. D’un côté, des abus de nourriture tels qu’ils engendrent des véritables maladies; de l’autre des gens qui ne mangent pas à leur faim. Car ici, en Haïti, les gens ne mangent habituellement qu’un seul repas substantiel par jour. S’ils en ont les moyens, bien sûr. Sinon, ce sera un chaque deux jours…

Ce matin encore, tandis que, assis dans la voiture, j’attendais ma compagne, je discutais avec un de ces gamins qui ne manquent jamais de venir voir s’ils ne peuvent pas me soulager de quelques sous. «M’grangou» (j’ai faim), fait-il en se tapant sur le ventre. «Mwenmen tou» (moi aussi), lui réponds-je en faisant de même. Il rit : «Ou pa grangou, vant-ou plen!» (Tu n’as pas faim, ton ventre est plein!). Je ris avec lui. Difficile en effet de prétendre que je souffre de la faim avec les réserves adipeuses que je garde autour de ma ceinture. Alors d’un ton docte, je lui cite le proverbe : «Vant vid se mizè, vant plen se traka!» (le ventre vide, c’est la misère, le ventre plein, c’est les soucis). Sourire béat du garçon : «Ou pale menm jan ak Ayisyen!» (Tu parles comme un vrai Haïtien!). On rit tous les deux. Ma compagne met un terme à ce passionnant échange et nous retournons à la maison.

Et comme toujours après de semblables épisodes, je me demande si le gamin avait vraiment mangé ce matin-là. On ne peut pas les encourager à mendier, car ils en deviennent totalement dépendants. La plupart du temps, c’est une tactique pour escroquer quelque menue monnaie. La plupart du temps. Car il arrive parfois que ce petit garçon dise la vérité : qu’il n’a pas mangé et qu’il n’a pas grand chance de pouvoir le faire s’il ne «tape» pas un blanc ou un «gwo nèg».

Et pendant ce temps, au Québec, on cache la nourriture qu’on jette parce qu’on sait que cela est honteux, scandaleux. Mais ça ne fait rien : après tout, que ne ferait-on pas pour satisfaire un consommateur avide de fraîcheur, de propreté et d’emballages aseptisés? Oh! Et j’oubliais : soucieux des dates de péremption!

Autre temps, autres mœurs, mais autre pays, autres réalités. La nourriture ici, ne se gaspille pas. Jamais. Il est temps qu’on se rende compte que dans nos sociétés d'abondance, quelque chose cloche… Et en passant, je vous suggère l'article de Marie-Claude Lortie qui sonne assez juste à mon oreille...

Et avec ça, l'heure de la bière qui approche...

jeudi 27 décembre 2012

Ces cadeaux qui embarrassent


C’est en lisant cet article ce matin que m'est venue l’idée de ce texte. Vous connaissez mon opinion sur la tradition des cadeaux autour de la fête de Noël et vous savez ce que je pense du mercantilisme et de la consommation que cet autre article ici touche directement.

Je vous l’ai déjà dit : Marx avait, dans les années 1840, déclaré sans ambages que l’argent, comme moteur de société, allait fatalement disparaître puisqu’il aliénait l’homme et que son pouvoir était trop despotique. Marx prévoyait qu’à la suite de cette rébellion contre l’argent et la propriété, la société moderne allait mettre en place un système de partage que, plus tard, des brillants ont nommé «système communiste» et dont ils se sont emparés pour leurs fins personnelles, avec un succès mitigé, il faut bien le dire. Mais ce «système communiste» s’est vite retrouvé dans l’autre coin du ring, face au «système capitaliste», lequel était censé contribuer à accroître la liberté des humains, style «plus d’argent = plus de liberté». On fait encore miroiter ces slogans à la gomme de sapin et certains s’y laissent encore prendre. Pourtant, je vois les deux articles mentionnés ci-dessus comme un signe que la conscience populaire s’éveille. Voyez par vous-mêmes : hier, la question du mini-sondage de La Presse était : «Irez-vous magasiner aujourd'hui pour profiter des aubaines du Boxing Day?» Eh bien j’ai trouvé bien intéressant de voir que sur 10,479 répondants, 92% avaient répondu non. Ces pseudo-aubaines n’attirent que les petits poissons naïfs, semble-t-il. Mais plus significatif est ce désir de vendre les cadeaux de Noël sur eBay ou ailleurs! J’adore. Pas pour les acheter, mais non! Mais parce que ça veut dire quelque chose. Ça veut dire que le cadeau a perdu son sens de don du cœur et n’est plus maintenant qu’un objet mercantile, échangeable, remboursable ou vendable. La valeur de l’objet se mesure à son prix, et non à l’intention de la personne qui l’a offert. Intéressant, n’est-ce pas? J’y vois pour ma part une évolution, un progrès dans la bonne direction.

Hélas! C’est un bien petit pas. Car de l’avis du prof de sociologie cité dans l’article de Marie-Michèle Sioui, le système actuel en est bien un de consommation, c’est-à-dire de production de bébelles que les gens, en bons consommateurs, se sentent obligés d'acheter sous peine de voir le système s’écrouler sous son propre poids, victime de la surproduction. Et j’avoue que j’aime particulièrement cette observation du professeur qui permet d’espérer que les choses puissent changer un jour : «Mais en travaillant dans d'autres sociétés, je me suis rendu compte que ce comportement-là est appris dans une large mesure. C'est surtout l'effet d'une éducation et d'une socialisation.» En d’autres termes, en inculquant aux jeunes d’autres valeurs que celles de la consommation, il y a espoir : le monde peut changer.

Dernièrement, sur un «post» facebook disparu depuis, je lisais que les objets étaient faits pour être utilisés et les gens, pour être aimés. Je ne suis pas vraiment d’accord. Les objets ont la valeur qu’on leur donne qui peut être l’utilité, c’est vrai, mais aussi ce qu’on appelle couramment la valeur sentimentale. Et de ce fait, on peut vraiment aimer un objet soit pour ce qu’il est, soit pour ce qu’il représente pour nous. Mais la valeur d’un objet n’est jamais son prix. Je n’ai rien contre la possession d’objets, entendons-nous bien : j’en ai contre la consommation excessive qui fait acheter des objets dont on n’a même pas besoin, qui n’ont aucune valeur sentimentale et qui n’ont comme valeur, qu’un bon rapport qualité-prix. D’où l’intérêt du «Boxing Day», sans doute… Somme toute, si vous n'avez pas aimé vos cadeaux, vous pouvez vous en débarrasser sans remords : tout le monde le fait maintenant...

En tout cas, un Noël sans cadeaux, je vous jure que ça se passe très bien. En autant qu’il y ait du cipâte au menu…

lundi 24 décembre 2012

Un autre Noël


Et alors? Êtes-vous comme moi chatouillé par l’odeur affriolante du cipâte qui cuit langoureusement? Je vous le souhaite, car s’il est un symbole du temps des Fêtes d’antan qui reste toujours vivant, c’est bien ce mets traditionnel, bien de chez nous et j’entends par là de ce Québec qui m’a vu naître. Incidemment, c’est le témoignage d’une anglophone,  Carole Blier-Schlueter, qui résume le mieux cette réalité : «This wonderful dish is a very old recipe originating from Quebec. It is a huge meat pie which is served for the Christmas Holiday. A delight!!!» Reconnaissance sincère s’il en est une et à laquelle je me rallie sans restrictions : c’est un vrai délice. Le cipâte (ou cipaille comme maman s’évertuait à l’appeler, histoire de bien «perler») est un plat qui se mange tout aussi bien à n’importe quelle époque de l’année, remarquez, mais que, pour ma part, j’associe toujours au temps des Fêtes, plus spécifiquement à Noël, puisque à la maison paternelle — maternelle devrais-je plutôt dire —, c’était après la messe de minuit qu’on s’en empiffrait. Et je vous garantis qu’après une marche, même courte, sous le froid de la nuit, jamais adéquatement habillé (puisqu’on sortait de la messe n’est-ce pas), qu’on rentre à la maison et qu’on y est accueilli par cette odeur, l’appétit s’excite et je vous jure, mes frères, oubliez les 70 jeunes vierges, le paradis, c’est ça!

Cela dit, il faut bien admettre que les tropiques ne « sentent » pas Noël comme nos pays nordiques. Et non, ce n’est pas à cause de la modestie des décorations de saison, ni à cause des différentes odeurs culinaires comme à cause du climat. Noël n’est vraiment pas une fête tropicale. Je l'affirme. Je vous ai dit déjà que, même dans une conception païenne, Noël était grandement célébrée dans les pays nordiques parce que, oui oui, vous y êtes, c’est la fête du retour de la lumière! Sous les tropiques cependant, la différence est trop minime pour qu'on la souligne. Quant à ce cher petit Jésus censément né ce jour-là, là encore, on le présente dans une crèche entourée de neige (!), tableau qui écarte radicalement les tropiques... Mais qu'importe, puisque la fête reste une belle occasion de manger le cipâte!

Incidemment, ne me demandez surtout pas le rapport entre ce plat copieux et la naissance de Jésus, je n’en sais strictement rien. Mais bon. Quelle différence cela fait-il en bout de ligne? Les traditions sont faites pour être maintenues envers et contre toute logique car leur fonction en est une de renforcement de la culture et de l’identité sociale. C’est une des raisons pour lesquelles, même sous les tropiques, nous nous efforçons de perpétuer cette tradition, l’autre étant bien sûr le plaisir des sens. Néanmoins, je vous concède que ce plat riche en hydrates de carbone et en protéines s’accorde mieux avec une température extérieure sous le point de congélation qu’avec les 28°C que nous avons ici en cette saison… Mais ça fait rien, c’est bon quand même!

Quant aux cadeaux qui font aussi partie des traditions, je maintiens que leur statut est beaucoup exagéré. Noël est maintenant une fête commerciale au même titre que la St-Valentin ou l'Halloween et les marchands comptent évidemment sur les consommateurs compulsifs pour élever sensiblement leur chiffre d’affaires. Rien de bien romantique ni de bien culturel là-dedans, mais tradition tout de même. Car oui, il y en a qui aiment ça... Mais pas nous. De toute façon, nous avons tout ce qu’on peut désirer et même davantage, alors…

Un autre Noël donc, notre sixième en cet endroit du monde où nous avons élu domicile. Comme d’habitude, rien de spécial au programme, mais quelques jours de congé restent toujours fort appréciés, quoi qu’on en dise. À toutes et à tous, ma compagne et moi-même souhaitons un Noël de paix et d’harmonie capable de vous donner chaud au cœur.

JOYEUX NOËL!!!

P.S. La photo représente le cipâte dans sa phase préliminaire; je vous en donnerai une autre lorsqu’il sera prêt…

vendredi 21 décembre 2012

La fin du monde, quoi d'autre?


Je voudrais éviter le sujet que cela me serait bien difficile. Tout le monde en parle, certains avec le sourire, d’autres non sans une certaine excitation, d’autres enfin avec l’espoir que ce soit vrai : la fin du monde.

J’en ai parlé antérieurement, mais puisqu’aujourd’hui est le jour J, je pense qu’il vaut la peine que j’y revienne brièvement, non pas pour en discuter la pertinence ou le fondement scientifique, mais plutôt pour y mettre mon grain de sel, si modeste fût-il. Arrêtons-nous deux minutes : on parle bien de la fin du monde, c’est-à-dire la destruction totale du monde tel que nous le connaissons, incluant l’humanité dans son ensemble — mis à part quelques survivants, pour leur plus grand malheur d’ailleurs — de même que la vie végétale et animale. La fin du monde, c'est forcément quelque chose de gros, d'énorme. Ce ne peut être un fait isolé que les autres pays regarderaient à la télévision : il faut que ce soit universel. Alors dites-moi donc comment un tel événement dont l’envergure dépasse l’imagination pourrait se produire dans le cadre d’un jour, un maigre petit jour de tout juste 24 heures… Pas évident, hein? Eh bien vous avez tout compris de mes réserves, pour ne pas dire de mon scepticisme...

Je puis vous dire pour l’avoir vécu qu’une catastrophe majeure peut vraiment se produire sans prévenir, comme ce fut le cas du fameux tremblement de terre du 12 janvier 2010 (et non du 10 janvier, comme une journaliste de la Presse l’a écrit hier). Rien ne laissait prévoir cet éternuement géologique qui a mis le pays — la capitale surtout — sens dessus dessous. Oui, c’était une catastrophe, et pas tant pas par l’ampleur de l’événement (7,0 sur l’échelle sismique cela n’a rien d'exceptionnel) que par les désastres qu’il a entraînés. Je sais ce que vous allez me dire : que c’est Haïti, que tout était bâti un brin sur rien et que c’est l’effet domino qui a fait s’écrouler le château de cartes que sont les constructions haïtiennes. Tout cela est vrai. Tout comme il est vrai que les choses auraient été bien différentes si le même séisme avait eu lieu à Los Angeles, par exemple, ou au Japon, là où les constructions sont conçues pour résister à ces grands frissons telluriques. Mais — et c’est là où je veux en venir — vous comprenez alors pourquoi j’ai des réserves pour une catastrophe qui, au cours d’une seule journée, détruirait entièrement le monde, TOUT le monde, et ce, sans aucun signe annonciateur!... Ça me paraît bien difficile à avaler… Je ne dis pas que c’est impossible, remarquez, mais disons que ça me semble très, très, très peu plausible.

Il reste encore quelques heures avant qu’aujourd’hui devienne hier. Nous sommes donc encore dans le domaine du possible, bien que chaque heure qui passe le réduise d’autant. Mais je puis vous affirmer que le spectre de cette fin du monde annoncée ne pèse pas lourd pour moi dans cette journée qui n’en marque pas moins le solstice d’hiver de l’hémisphère nord, un événement astronomique que je considère digne de mention puisqu’il signifie, entre autres, la fin de la croissance de la noirceur et le retour du pendule. Pas grand-chose à l’échelle eschatologique, c’est vrai, mais voir les jours qui rallongent, c’est un peu comme savoir que l'avenir va arriver comme prévu, à l'heure dite et sans roulements de tambour...

Et je trouve ça rassurant... Pas vous?

mardi 18 décembre 2012

Une affaire de toilette

Non, je ne parlerai pas de la tuerie américaine. Ni de sa version chinoise — au couteau, pensez-y bien — car tout le monde en frissonne encore et bon, ces choses-là arrivent, comme on le dit souvent pour meubler le silence gênant. Car à la vérité, que dire?... Alors je passe.

Je choisis plutôt de vous parler d’un petit projet que nous avons présentement en chantier à notre petit hôpital. À un petit hôpital, les petits projets conviennent, vous ne trouvez pas? C’est un projet qui me trotte en tête depuis bientôt six ans et que j’ai sans cesse remis à une date ultérieure, non pas parce que c’était un mauvais projet, mais plutôt parce que je n’étais pas convaincu de la solution envisagée. Le projet? Remplacer nos latrines actuelles par des toilettes. Comme vous le voyez, rien pour en faire tout un plat, mais assez pour en faire quelques hors-d’œuvre.

Faut vous dire d’abord que nos latrines m’ont toujours fait honte. Sales, mal conçues et mal entretenues, sources d'odeurs vertigineuses, elles ne peuvent accommoder que ceux ou celles qui sont vraiment à l’extrême limite de leur retenue. Exiger que les gens y aillent plutôt que de faire leur pipi à l’air libre tient presque de la torture mentale, surtout lorsqu’il s’agit de personnes âgées. Problème donc, que j’ai souvent voulu résoudre mais dont la solution m’échappait. Fallait-il simplement les refaire? L’idée avait un certain mérite, car sa réalisation promettait d’être rapide et peu coûteuse. Mais qu’est-ce qui empêcherait ces nouvelles latrines de devenir semblables à celles qu’elles remplaceraient? Rien. Je rejetai donc l’idée en faveur de toilettes à la turque, communément appelées «toilettes à pédales», ces modèles si populaires en Europe il n’y a guère et qui le sont toujours d’ailleurs dans certains petits endroits. Et en Turquie, bien sûr... Quand on sait où poser les pieds et qu’on prend le temps de sortir du bassin avant de tirer la chasse d’eau, ces toilettes sont merveilleuses d’efficacité et, de surcroît, très hygiéniques puisque aucune partie du corps ne touche les surfaces. Évidemment, il faut pouvoir s’accroupir, ce qui peut causer problème dans nos pays nordiques, mais jamais ici en Haïti. Si bien que j’estimais — et j'estime toujours — l’idée bonne, mais faute de moyens techniques, je l’ai mise de côté pour finalement aboutir à ce que vous connaissez tous et toutes, la toilette standard. Qui, pour plusieurs raisons, est loin d'être idéale, mais on verra bien...

Nous n'en sommes qu'à la première partie du projet, laquelle consiste à aménager une fosse septique apte à recevoir ce qu’on lui destine. Évidemment, les avis diffèrent quant à la taille de la fosse et les détails de sa construction. C’est finalement Internet qui aura eu gain de cause grâce à un petit schéma tout ce qu’il a de simple qui permet de visualiser comment cela doit fonctionner. Là encore, ce n’est qu’après quelques mois d’usage qu’on pourra voir si ça marche convenablement. Pour les puristes, je dirai simplement que l’endroit où nous avons creusé cette fosse n’aurait jamais passé le test de percolation si nécessaire en nos pays…Mais bon. On verra, je le redis.

C’est un projet que je comptais bien terminer avant la fin de l’année, mais comme c’est parti, je pense qu’il empiètera hardiment sur 2013… Mais l’essentiel est que ce soit fait, n’est-ce pas?

À suivre...

samedi 15 décembre 2012

Transat Tours en Haïti?


J’ai lu cet article hier. En ai été saisi. Puis, j’en ai discuté avec ma douce moitié qui en a été saisie elle aussi. J’imagine que Transat Tours a dû analyser la chose en profondeur avant de sortir publiquement avec cette annonce, mais tout de même, pour nous, vu l'état du pays, disons que ça nous laisse sceptiques… J’espère seulement que, comme tous les sceptiques, nous serons confondus par le succès de l’entreprise. Mais pour l'heure, les doutes sont de mise…

J’ai abordé la question du tourisme en Haïti à quelques reprises dans cette chronique. Une dizaine de textes de facture variable. Mais qui reviennent toujours au même leitmotiv : le tourisme peut marcher ici comme partout ailleurs. Pourquoi alors ces réticences vis-à-vis l’annonce de Transat Tours? Simplement parce que ça me semble une affaire de charrue devant les bœufs. Car malgré l’annonce de l’ouverture du Royal Oasis, un hôtel de grande classe à Port-au-Prince, il me semble qu’on va vite. Style «prêt pas prêt, j'y vais!» J'avoue avoir peur que ce soit un peu trop vite et que, comme plusieurs heureuses initiatives, l'essor touristique meure dans l’œuf.

On parle en effet d’une expérience novatrice, destinée aux touristes qui apprécient le mariage «découverte et détente». Détente, à l’hôtel, sur le bord de la piscine, oui, j’y crois. Mais pas ailleurs. Y’a pas de détente à se promener dans ces rues surpeuplées où les scènes du quotidien sont au mieux  sources de stress, au pire choquent carrément. Je sais, je sais : vous allez me dire que ça, c’est la partie «découverte ». Je veux bien, mais je ne suis pas sûr… «Ce que nous offrons, ce n'est pas seulement du sun and sand, expliquait jeudi, la porte-parole d'Air Transat, Debbie Cabana, à la suite de l'annonce par le transporteur de ce nouveau forfait. On n'isole pas le touriste. L'idée, c'est de lui faire redécouvrir le pays.» Et plus loin : «Transat se défend bien, avec sa nouvelle formule, de vouloir verser dans le tourisme voyeurisme». Tout ça est bien beau, mais dans la réalité haïtienne, il me semble que ça sonne creux.

Car pour ceux qui ne connaissent pas, Port-au-Prince, la capitale du pays, n’a rien de bien affriolant : rues bondées, circulation difficile à tout moment, odeurs nauséabondes, étalage excessif de pauvreté, sans oublier le risque toujours présent de se faire braquer ou d’être pris dans une fusillade… La capitale, c’est là où l’on va pour affaires et pour nous, c’est bien le seul intérêt qu’on y trouve. Les touristes auront-ils droit à un tour de ville guidé? Je vois mal la chose, mais bon… Quant au voyeurisme, il me paraît bien utopique de croire que l’on peut passer à côté. Tous les touristes sont, par définition, voyeurs. En fait, c’est précisément ce qu’ils veulent : voir. La réalité toute nue, sans filtre. Mais sans risque, n’est-ce pas? Faudrait quand même pas choper une balle perdue ou attraper la typhoïde, hein! Les touristes en auront-ils pour leur argent?

Mais en dépit de mes réserves, ma compagne et moi sommes d’accord qu’à «1,379$ par personne pour une semaine, comprenant hôtels, excursions et deux repas par jour», ce n’est pas si cher, compte tenu qu’un simple aller-retour Montréal—Port-au-Prince peut parfois coûter plus, selon les périodes d'achalandage. Mais il ne faut pas oublier non plus que pour moins de $1,000, on peut trouver, à Cuba ou en République Dominicaine, un tout-inclus les pieds dans le sable... Haïti sera-t-elle à la hauteur? Seul l'avenir le dira... 

J'espère seulement que les premiers qui s'y risqueront ne seront pas du type qui, à leur retour, clament bêtement: «Chu t’allé en t’haïti la semaine passée!... On n'a pas trop mal mangé, c’tait pas pire… »

dimanche 9 décembre 2012

Erreur de jugement


Je vous raconte ce qui suit pour vous illustrer une fois de plus ce que je vous ai déjà dit mais qui n’en finit jamais de nous surprendre et parfois de nous choquer. Je parle ici de la résignation haïtienne.

Jeudi dernier, alors que je suis à bavarder dans la cour avec quelques personnes, une dame arrive et après s’être poliment excusée pour l’interruption, m’annonce qu’elle vient de se faire avoir par un chauffeur de taxi-moto qui l'a proprement filoutée de 1000 gourdes (25 $) en prétextant qu’il allait lui faire de la monnaie. Puis il a filé sur sa moto sans demander son reste... Chacun y va de son grain de sel, plusieurs condamnent la malhonnêteté du chauffeur et tous s’entendent pour déplorer la naïveté de la dame. Laquelle n’a plus d’argent pour les soins médicaux de sa fille, vous vous en doutez bien. Je lui dis de ne pas s'en faire trop et de passer me voir. Quelques minutes plus tard, je la reçois dans mon bureau et lui exonère les frais de chirurgie de sa fille, lesquels se montent à environ 35 $. Un peu plus tard, la dame revient avec son ordonnance médicale : j’accepte encore une fois de l’exempter de payer, même si ce n’est pas bien cher. Jusque là, tout va. Mais lorsque je l'ai revue passer ma porte une troisième fois, j'avoue que j'ai commencé à perdre patience et lorsque j'ai constaté que c'était pour se faire exonérer un test de laboratoire d’environ deux dollars, là je me suis dit : «Ça fera.» Et j'ai tancé la dame en lui disant que je ne croyais pas qu’elle n’avait pas ce montant pour le test, qu'elle abusait de ma crédulité et que si c’était vraiment le cas, elle devrait s’en passer tout simplement. Non, mais des fois... La dame, fort contrite, est partie penaude sans demander son reste. Je l'ai vue encore à quelques reprises, mais n'en ai pas fait de cas. Or, hier matin, samedi, voyant la dame toujours assise sur son banc, j'ai demandé à ma compagne (qui l'est aussi au travail) d'aller aux nouvelles. C'est alors que j’ai appris que la fille de la dame n’ayant pas passé le test de laboratoire, le médecin refusait de lui donner son congé médical! J’en suis devenu tout chose… Je croyais vraiment qu’elle avait de quoi payer ce test, moi!… Lourde bourde pour quelques gourdes! Erreur de jugement de ma part, je le reconnais bien volontiers, mais avouez qu’à la place de la dame, vous eussiez insisté un peu là!

C’est pour cela que je vous dis : cette résignation des gens du peuple — surtout les petites gens — surprend et rend mal à l’aise. Alors qu’il suffirait seulement de parler, d’expliquer brièvement la situation, genre «je viens de loin et je n’ai plus d’argent» ou dans le cas que je vous narre «le médecin a besoin du test du labo et je n’ai pas d’argent pour le payer», ces gens se taisent, baissent la tête — s’attendent sans doute à se faire battre en sus — et s’éclipsent le plus discrètement possible. Et le pire, c’est que le personnel infirmier, tout à fait au courant des exigences du médecin et de l’état incomplet du dossier de la patiente, ne va pas plus loin, ne pose aucune question et ne cherche en aucune façon à connaître le pourquoi de la chose. «C’est comme ça.» On se résigne et on attend que ça passe. Et tant pis si la personne reste malade, tant pis même si sa vie en dépend, on ne dit rien, on attend que les choses se tassent d’elles-mêmes et que le temps fasse son œuvre, en bien ou en mal, bondye konnen…

Oui, c’est vrai, la résignation de ce peuple force l’admiration, je l’ai dit précédemment. Mais parfois, elle énerve au plus haut point! Quand elle devient de la soumission excessive, entre autres. Comme si des relents d’esclavagisme traînaient toujours dans l’air du temps…

De quoi s’en sentir bien malheureux…

jeudi 6 décembre 2012

Corruption, dites-vous?


Ce qui suit est presque un complément de programme à mon texte précédent. En effet, on parle beaucoup de corruption, ces temps-ci, et qui dit corruption dit argent, n’est-ce pas? Car autrement, on corrompt avec quoi? Des faveurs sexuelles? Peut-être dans certains cas, mais pas majoritairement; et d’ailleurs, ces faveurs ne sont-elles pas monnayables en bout de ligne? L’argent donc, est source de corruption. L’argent et les faveurs qui vont avec. Sexuelles si vous y tenez, mais il y en a d’autres, bien entendu… Quoi qu’il en soit, vous comprenez ce que je veux dire et c’est ça qui compte.

Or, la corruption (et ici, je vous invite à consulter l'article assez intéressant de Wikipédia sur le sujet), quelle que soit la forme qu’elle emploie, agace, choque, irrite, bref déplaît souverainement probablement parce qu’à sa base, se trouve l’injustice et l’iniquité. Ainsi, l’une des formes de corruption les plus répandues, c’est le copinage Cronyism en anglais (avec beaucoup plus de détails) — où l’on favorise des amis sans égard à leur mérite. En fait, cette pratique s’oppose à la méritocratie, laquelle dit bien ce que son nom implique. Notez que le copinage se distingue du népotisme qui favorise les liens familiaux plutôt que les copains, mais l’effet reste le même, alors inutile de chipoter. Plus grave est la kleptocratie (kleptocraty en anglais), autrement dit un gouvernement de voleurs, lequel représente une forme de corruption à grande échelle mais dont tellement de gens profitent qu’elle s’en solidifie et devient souvent indécrottable. Et finalement, la plus courante, celle à laquelle on pense quand on entend parler de corruption : les fameux pots-de vin (bribery) qui ramassent tout ce que vous voulez sauf du vin…

Tout ça pour vous dire que ces diverses formes de corruption ne passent pas inaperçues. Mais comme elles sont la plupart du temps le fait des dirigeants ou en tout cas, de personnes en situation de pouvoir, elles restent souvent impunies et leur existence même ne s’en trouve aucunement menacée. Jusqu'à ce que le chat sorte du sac, comme c'est arrivé au Québec au cours des derniers mois.

Or, hier, au hasard de mes lectures, voilà que je tombe sur l’article de Haiti Press Network qui souligne la piètre performance d’Haïti d’après l’évaluation annuelle de Transparency International. Cependant, dit l’auteur, il faut se consoler car la performance d’Haïti est supérieure à celle de l’an dernier… Rien là pour surprendre. Haïti est corrompue, c’est un fait notoire et connu de tout le monde. Mais l’est-elle autant que ce vil Québec, toujours enclavé dans ce non moins vil Canada? Curieux, j’ai vérifié. Et devinez quoi : le Canada se classe 9e sur 175, ce qui est quand même respectable, vous ne trouvez pas? Qui plus est, au cours des dix dernières années, ce score est resté à peu près le même — tout comme celui d’Haïti d’ailleurs, ce qui me fait croire que le statut du pays ne change pas tant que cela. Donc, Haïti est 165e, à 5 positions de la queue (à cause des pays qui arrivent ex-æquo) et le Canada, 9e, devant la plupart des pays européens, devant les États-Unis (19e), en fait, à cinq positions de la tête seulement, quand même...

Alors quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense, le Canada, et par extension le Québec, n'est pas si corrompu que les médias ont bien voulu le laisser entendre. Certes, il y a eu des irrégularités scandaleuses (d'où les scandales provoqués, incidemment), mais globalement, je pense qu'il faut savoir faire la part des choses. Et si vous avez encore des doutes, venez vivre ici en Haïti, venez parler avec ses gens, venez voir ce qui se passe et vous saurez... Vous saurez à quoi un cancer ressemble...

mardi 4 décembre 2012

Bien mal acquis...


J’ai déjà parlé d’argent en ces lieux d’écriture qui me sont chers. Plus d’une fois, et pour cause : le sujet reste toujours d’actualité. Mais aujourd’hui, ce que je viens de lire me fait sourire et me choque à la fois. Lisez ça sans rire : «Lorsque les policiers de l'escouade Marteau se sont présentés chemin des Cageux à Laval pour une perquisition dans le luxueux condo occupé par Gilles Vaillancourt, sa cousine, propriétaire officielle des lieux et aussi sa voisine, a jeté dans les toilettes une liasse de billets de banque.» Comme si c’était de la cocaïne ou de l’héroïne ou quoi encore… Mais le plus drôle est dans la phrase suivante : «Comme il s'agissait notamment de nouveaux billets fabriqués en polymère, ceux-ci ne se sont pas désagrégés. Ils ont plutôt flotté, bloquant aussi la cuvette des toilettes.» Ne me dites pas que vous ne trouvez pas la chose cocasse! J’ajoute par ailleurs que, si la quantité de billets était suffisante — et je pense que l’on peut assumer qu’elle l’était, sinon pourquoi la panique —, même si les billets avaient été en papier, leur simple masse aurait tout de même bouché la toilette, tout autant que n’importe quelle masse de papier mouillé. Mais le point n’est pas là : la dame a tenté de se débarrasser de cet argent en le détruisant et ça les amis, c’est tout de même significatif! Car je ne sais pas pour vous, mais pour nous, c’est clair qu’on n’a pas les moyens de jeter l’argent par les fenêtres! Et même, par les fenêtres, c’est un moindre mal car il s’en trouvera sûrement pour profiter de cette manne inespérée… Mais dans les toilettes? Excusez-moi, mais ça fait chier!

Je sais, je sais, vous allez me dire ce que je vous ai déjà dit, à savoir que l’argent n’a pas d’odeur et que le fait qu’il soit passé par une toilette, fût-elle pleine de ce que vous imaginez, ne lui enlève en rien sa valeur; je ne concède pas le point. Mais tout de même, quand on en est rendu à jeter l’argent, il y a quelque chose qui cloche, vous ne pensez pas? Surtout que, puisque les billets sont en polymère, on peut raisonnablement assumer qu’il s’agit ici de billets de 100 $, ce qui n’est rien pour améliorer la situation!

L’argent ne fait pas le bonheur; tout le monde connaît le proverbe. On pourrait en conclure qu’il est dès lors parfaitement vain d’en poursuivre le cumul, mais en vérité, l’argent se fiche éperdument du bonheur. Tout le monde connaît ce que j’appellerai le syndrome Séraphin, où l’argent (l’or dans son cas) ne sert plus de monnaie d’échange, mais devient bel et bien l’objet d’une vénération, voire d’une adoration malsaine et maladive. Ces gens de pouvoir qu’on connaît maintenant comme des corrompus avaient-ils vraiment besoin d’accepter tout cet argent qu’ils savaient sale et qu’ils éprouvent maintenant le besoin de laver dans leur toilette? Pouvaient-ils simplement dire non merci? Pouvaient-ils ne pas succomber à l’appât du gain facile? Franchement, je ne sais pas. N’étant pas moi-même un parangon de vertu, je me sens mal placé pour juger celui ou celle qui accepte un alléchant pot-de-vin en échange d’un petit passe-droit. Moralement, ce n’est pas correct, nous sommes d’accord. Mais humainement, car c’est là le fond de l’affaire, humainement, pouvons-nous décemment lancer la première pierre à tous ces corrompus du pouvoir? Pouvons-nous affirmer sans l’ombre d’un doute que, mis dans une situation similaire, notre vertu s’élèverait haut et fort et prendrait le pas sur toute tentative de fermer les yeux sur une situation croche? Pas sûr, pas sûr… En tout cas, je ne veux pas juger, mais si vous touchez de l’argent, mérité ou non, il me semble que c’est sûrement pour faire mieux que de le jeter aux ordures, car ça, c’est une gifle cinglante au visage de tous ceux, toutes celles qui travaillent dur pour en obtenir. Il y a tout de même des limites… Et même si l’on me dit que la «cousine» n’est pas en cause, qu’elle n’est pas impliquée dans ces affaires louches, le seul fait qu’elle ait agi de la sorte la rend, à mes yeux, indubitablement coupable. À moins que ce soit une autre illustration du proverbe qui dit que «Bien mal acquis ne profite jamais».

Mais de grâce, si vous avez de l'argent en trop, plutôt que de le "flusher", comme on dit, vous pourriez peut-être vous arranger pour nous envoyer un petit chèque? Je vous garantis qu'ici, il serait utilisé à bon escient...

samedi 1 décembre 2012

Violence à Jérémie


Je sais que vous ne vous sentirez pas concernés. Et je ne vous en tiendrai pas rigueur, simplement parce des choses qui se passent dans un autre monde, sur une autre planète presque — la planète Haïti — ne comptent pas vraiment pour vous dans votre monde déjà dans l’effervescence de Noël. En fait et pour parler franchement, même pour nous, les événements de Jérémie sont distants et de peu d’importance. Pourtant, pour ceux qui y sont impliqués, l’affaire n’est pas rose. En deux mots, il semble que l’entreprise de construction qui travaillait à la réfection de la route reliant Les Cayes à Jérémie ait déclaré qu’elle abandonnait le projet. Il n’en fallait pas plus pour déclencher l’ire des gens de Jérémie, lesquels sont passablement isolés du reste du pays — faute d’une route adéquate, justement. Branle-bas de combat, donc, pneus qui brûlent, pierres, matraques, balles, tout y est et toute la semaine, la ville a été le théâtre de manifestations violentes qui ont fait des morts, oui. Voyez ce qu’en dit Frantz Duval, éditorialiste du Nouvelliste :
« Pris dans les innombrables colloques […], les membres du gouvernement se sont fait prendre de vitesse par une rumeur : la route ne sera pas construite, les équipements de OAS [l’entreprise brésilienne chargée des travaux] retournent au Brésil. Il n’en a pas fallu plus pour que, de colère en protestation, il y a (sic) mort d’homme et un déploiement inédit de la Police nationale d’Haïti dans une ville de province… »
Sans oublier la route (mauvaise, soit mais route quand même) complètement bloquée pour la circonstance, isolant de ce fait la ville encore plus. Et tout ça pourquoi? Pour protester. Contre une décision dont on ne connaît même pas le fond. Est-ce seulement vrai? Est-ce définitif? Est-ce un simple changement d’équipes de travail? Comme l’ajoute M. Duval : « On aurait pu éviter que le sang coule pour cette affaire de route qui finira bien par être construite. » C’est là le point essentiel : la route finira bien par être complétée, car les travaux sont déjà avancés. Et finiront bien par finir un jour… Simple question de patience. Mais ce n’est pas ce qu’on veut entendre. N’oubliez pas le proverbe : quand on veut battre son chien, on dit qu’il a la rage. Quand on veut taper sur le gouvernement, toutes les occasions sont bonnes. On dit — et j’ai tendance à croire qu’il y a là un fond de vérité — que toute cette histoire a été fomentée par des opposants au président Martelly et qu’elle sent la politique à plein nez. Exciter la grogne publique, la diriger contre l’actuel gouvernement, créer le chaos, mobiliser la police et lui donner mauvaise presse, tout cela ne peut servir que les intérêts de ceux qui veulent déstabiliser le pays. Pour leur propre compte, il va sans dire. Car à quoi sert le pouvoir, sinon à s’enrichir outrageusement?

Tout cela pour vous dire que bien que le ciel soit encore bleu sous l’égide de Martelly, on sent que ses beaux jours sont comptés. « Un président touristique », remarque l’un de nos employés. On trouve maintenant qu’il voyage trop, qu’il multiplie les rencontres de haut niveau sur la scène internationale, bref qu’il ne gouverne pas là où il devrait le faire. Et s’il demeurait au pays, on dirait sans doute qu’il n’a pas l’envergure d’un chef et qu’il reste trop dans son petit cocon douillet… Allez donc plaire à tout le monde…

En tout cas, les événements de la semaine dernière à Jérémie illustrent bien mon point : le bateau gouvernemental commence à prendre l’eau et le moment n’est peut-être pas loin où sa flottabilité va être compromise… Et je vous avoue que le fait de s’y attendre ne rend pas pour autant la perspective plus intéressante. Mais bon. La vie en Haïti, c’est ça aussi…

mercredi 28 novembre 2012

Ti-commerce


Quand je vous dis que rien n’est facile en ce pays…

Je prends aujourd’hui l’exemple des marchandes qu’on tente, sans grand succès, d’expulser des rues et des (rares) trottoirs qu’elles occupent — qu’elles squattent, pourrait-on dire — avec un entêtement féroce. La scène dont on parle ici se déroule à Pétion-ville, le quartier huppé — enfin, relativement — de la capitale. Mais en fait, le problème est majeur dans toutes les villes du pays : les étals des marchandes tapissent les rues et rendent la circulation automobile difficile, pour ne pas dire carrément dangereuse. Le mot d’ordre de la mairesse de Pétion-ville est pourtant non équivoque : «La chaussée aux véhicules, les trottoirs aux piétons et les marchés aux marchandes et marchands.»  Mais comme toujours, il y a loin de la coupe aux lèvres, dans ce pays où l’individualité est défendue farouchement et où personne n’hésite à monter aux barricades si on les pousse un peu trop… Or, l'éviction des marchandes ne se fait pas sans heurts. Ainsi, au début du mois, une marchande de Pétion-ville a été tuée par des agents de la mairie, ce qui a entraîné quelques échauffourées que vous n’auriez pas aimées. Ni nous non plus d’ailleurs. Si bien que malgré une volonté administrative qu’on sent ferme, le problème persiste toujours et même, s’envenime.

Il faut bien avouer que les trottoirs ou le bord de la chaussée ne sont pas des endroits idéals pour monter un étalage des produits qu’on veut vendre. L’espace y est des plus réduits, le contrôle des produits est difficile, les conditions physiques sont contraignantes (vous allez où quand l’envie de pipi vous prend?) et la présence des voitures et camions rendent l’entreprise hardie, voire hautement risquée. Et pourtant, c’est là que ces dames (en majorité) veulent faire leur «ti-commerce», comme on dit en créole (ti kòmes). Car c’est là qu’elles sont habituées de le faire et c’est là qu’elles croient, à tort ou à raison, qu’elles ont le plus de chance de rapporter un peu d’argent à la maison, en fin de journée. Et les marchés publics dans tout ça? Ben les marchés, pour moi, c’est tintin, ne serait-ce que pour les conditions d’insalubrité mentionnées ici. «Viandes couvertes de mouches, produits étalés à même le sol près de tas d’immondices, les marchés de la région métropolitaine poussent un peu partout et dans les pires conditions hygiéniques notamment à Pétion-ville», affirme Haïti Press Network. Pas tellement invitant, n’est-ce pas… Plus loin, on ajoute : «Les conditions d'hygiène sont totalement inexistantes. Il n'est pas étonnant de tomber sur des vendeurs qui font leurs besoins physiologiques dans des marmites et des objets en plastique et les jettent dans l’enceinte du marché malgré parfois que certains marchés soient dotés de toilettes.» Alors ça y est? Vous voyez le tableau? Ça vous dit d’acheter vos pommes de terre ou vos tomates dans ces conditions? Moi pas tellement…

Et pourtant, pourtant, quel choix ont ces pauvres gens? Faut bien vivre, n’est-ce pas? Dans un pays où le chômage atteint des sommets inégalés, faut bien que les gens trouvent une façon quelconque de joindre un peu d’argent… C'est ainsi que certains kidnappent ou pillent, alors que d’autres installent courageusement leur petit étal de mangues ou de produits cosmétiques, c’est selon. Mais d’une façon ou d’une autre, ce n’est pas facile. Et croyez bien que je suis un peu gêné de taper sans cesse sur le même clou, mais il faut bien dire la vérité, même si elle n’a rien ici de séduisant. Comme le disait récemment le maire de Québec, M. Labeaume, présentement en visite en Haïti : « Le problème d'Haïti est que leur misère n'est plus à la mode. ».

Je n’aurais pas su mieux dire…

samedi 24 novembre 2012

Les impôts, c'est dur...



L’impôt sur le revenu, vous aimez ça vous autres? Non, je ne vous demande pas si vous en voyez la nécessité ou si vous en acceptez la légitimité, mais si vous aimez ça recevoir votre talon de chèque et constater que l’État s’est allégrement servi à même ce qui vous appartient, ou en tout cas, ce que vous croyez qui vous appartient. L'impôt n'est qu'une taxe, une de plus, mais assez costaude celle-là… Je ne crois pas que vous aimiez cela… Cependant et comme je l’ai sous-entendu dans ma phrase précédente, j’assume que vous en comprenez la raison d’être : nos impôts alimentent les coffres de l’État qui peut ainsi payer pour les produits et les services collectifs : routes et transports publics, collecte des ordures, nettoyage des rues, distribution d’eau potable, soins de santé… vous comprenez ce que je veux dire. Mais comprendre que le gouvernement soit justifié de prélever sa part de votre salaire pour le bien de l’ensemble et aimer ça sont deux choses fort différentes, un peu comme le fait de comprendre la nécessité de prendre une pilule ne signifie pas qu'on en apprécie le goût amer…

Cependant, comme tout le monde (ou à peu près) paie ses impôts, comme le système est connu et, disons-le, un peu craint, comme le salaire net reste habituellement suffisant pour joindre les deux bouts, eh bien l’amère pilule passe. Mais ici en Haïti? La pilule est simplement recrachée…

Pour plusieurs raisons : d’abord, personne ne sait à quoi servent les impôts ou les taxes sur certains services qui sont prélevées un peu arbitrairement (comme si c’était tout à fait affaire de libre-arbitre, genre contribution volontaire). Ainsi certains restaurants ajouteront la taxe sur la facture du repas, d’autres non. Gageons que ceux qui l’ajoutent ne l’envoient pas nécessairement au gouvernement…! Mais bon. Quant aux produits de consommation courante, jamais on oserait ajouter une taxe qu’au reste personne ne paierait! Si bien que l’impôt sur le revenu reste, pour l'État, la façon la plus répandue de puiser dans les goussets des pauvres pour remplir ses coffres. Répandue, mais ô combien décriée! Et à juste titre, il faut bien le dire. Car si, dans nos pays nordiques, la contribution à l’impôt n’est jamais agréable — qui a envie de se faire étiqueter de bon «contribuable»? — elle sert au moins à «quelque chose» (et ici, notez bien l’utilisation des guillemets parce que ce «quelque chose» reste souvent flou et vaporeux); tandis qu’en Haïti, l’argent de l’État ne sert visiblement qu’aux dépenses de l’État et de ses fonctionnaires, c’est en tout cas ce que tout le monde pense. Et sans doute pas sans raison… Mais bon.

En tant qu’organisation, nous devons nous soumettre aux lois du pays et, donc, prélever l’impôt du maigre salaire de nos employés, si difficile à expliquer qu’en soit la pratique. Or, comme si ce n’était pas assez, j’ai reçu la semaine dernière un avis officiel de la non moins officielle Direction Générale des Impôts qui mentionnait entre autres qu’à compter de novembre, il faudrait prélever 2% de plus du salaire des employés! Vous allez me dire que 2% ce n’est pas grand-chose et qu’il n’y a pas là de quoi en fouetter un chat, mais le principe choque. La hausse, pour tout le monde, est proprement injustifiable, même si l’État la justifie en invoquant un fonds d’urgence (1%) et un fonds d’aide sociale (1%). Personne ne veut ou ne peut croire que l’argent supplémentaire prélevé à même le fond de leur poche servira à des fonds publics qui leur seront potentiellement utiles. Et même si la preuve m’en manque, je suis porté à croire que c’est sans doute la vérité…

Haïti fait bien des efforts pour s’organiser. Je l’ai dit et je le redis. Et l'une des conditions de cette réorganisation, c'est l'argent. Lequel n'a pas d'odeur, si vous vous souvenez, et qui ne pousse pas dans les arbres, comme vous le savez. Mais le prendre dans la poche des pauvres? Je ne sais pas mais ça me fait tiquer. Mais comme en Haïti tout le monde est pauvre, à quelle autre source peut-on puiser?

Quand je vous disais que rien n'était facile en ce pays...

jeudi 22 novembre 2012

Êtes-vous au courant?...


Tout le monde connaît l’expression. Mais ici, c’est dans un tout autre sens que je l’utilise. Ce que je veux dire ici, c’est : «Êtes-vous à l'électricité ou bien au mazout ou au bois?» Courant... Électricité, vous me suivez? Oui, bon, la formulation n'est pas courante, mais elle dit bien ce qu’elle dit. Dans nos pays, la question ne se pose même pas : personne ne se passe du courant électrique, cette énergie si propre et si fiable qu’on ne rend même plus compte du miracle qui se passe lorsqu’on actionne un interrupteur et que la lumière jaillit. De quoi se prendre pour Dieu-le-Père lors des 7 jours de la création, tiens... «"Que la lumière soit!" et la lumière fut.» Mais ici en Haïti, ce n’est pas tout le monde qui peut accéder à cette forme d’énergie, quelquefois par manque de moyens financiers mais parfois aussi, simplement parce que la ligne électrique n’atteint pas la zone où les gens habitent. Et ça, les amis, c’est vraiment une source de frustration bien plus importante que les dégâts causés par une tempête tropicale, fût-elle Sandy. Imaginez un peu, gens du bas du fleuve : vous demeurez disons à Mont-Joli. Or, la ligne électrique s’arrête d’un côté à Rimouski, et de l’autre à Matane. Que diriez-vous? Trouveriez-vous la chose acceptable? Eh bien c’est exactement la situation actuelle le long de la route nationale en Haïti : la ligne va d’un côté de A jusqu’à J et de l’autre de Z jusqu’à P, de sorte que K, L, M, N, O n’ont pas de courant. Trouvez-vous ça juste, vous autres? Moi pas tellement. Ni les gens des communes visées non plus d’ailleurs. Bien entendu, ces bonnes gens manifestent leur mécontentement avec fougue et passion en bloquant la route nationale environ un jour sur deux mais rien n’y fait : la ligne brille toujours par son absence.

Mais il faut comprendre que la situation n’est pas facile pour la compagnie nationale d’électricité : Électricité d’Haïti, mieux connue sous son sigle EDH. Coûts de production excessivement élevés, faible taux de recouvrement, fraude et vol de courant, équipements désuets… la liste est longue et explique sans doute le déficit de 10 milliards de gourdes (environ 250 millions de dollars US) pour la seule année 2010-2011. Mais la compagnie, qui admet perdre environ 18 millions de gourdes chaque mois ($450,000 US, ce qui n'est quand même pas rien) entend redresser la barre et se remettre dans le chemin de la rentabilité. Sauf que ce redressement fera mal. Pour plusieurs familles haïtiennes, le seul moyen de s’offrir l’électricité est de partager le compteur. Évidemment, cette situation conduit à des inévitables abus et l’EDH a vraiment l’intention d’éradiquer cette pratique et de mettre tout le monde au pas — entreprises incluses. Mais je le redis, les mesures que comptent prendre la compagnie nationale d’électricité ne passeront pas aisément, surtout qu’à l’heure actuelle, les tarifs n’ont rien à voir avec ceux que l’on connaît au Québec, par exemple. L’électricité, dans ce pays où les centrales hydroélectriques sont rares, provient trop souvent d’énormes génératrices — c’est le cas de la ville des Cayes, notamment — qui consomment des quantités astronomiques de carburant, sans compter les frais de maintenance et de remplacement des pièces qui s’usent. Et je ne parle pas des bris mécaniques imprévus… Or, c’est au client qu’on refile la facture de cette production électrique à grands frais, et dans un pays où l’argent se compte sur les doigts, disons que ce n’est pas facile de payer ces frais. En plus et si je me fie aux commentaires répétés que j’entends, les erreurs de facturation sont fréquentes, difficilement vérifiables et toujours au profit de l’EDH, si bien que plusieurs s’en fâchent et, je pense, non sans raison. Quant à ceux qui réclament la ligne électrique, si désagréable que soient les moyens de pression qu’ils utilisent (ils bloquent hardiment la route, je le répète, et sont armés) disons qu’ils n’ont certainement pas tort…

Quand je vous disais qu'il n'y avait rien de facile dans ce pays...

dimanche 18 novembre 2012

Rien n'est facile


Pas d’Internet au bureau! Le drame, je vous dis pas! On ne sait pas trop pourquoi, mais c’est arrivé comme ça, lundi dernier, vers les 8 h et depuis, tout le monde se plaint — je parle de tout le monde habituellement connecté, vous l’aviez compris… Or, comme notre connexion se fait via un système qui se trouve aux États-Unis et qui nous situe aux États-Unis, eh bien disons que c’est un peu plus compliqué d’avoir le service qu’on serait normalement en droit d’attendre de notre fournisseur. Donc, frustration sur toute la ligne.

Je me sers d’ailleurs de cet exemple, banal en soi mais pas moins irritant pour autant, pour vous illustrer une fois de plus combien la vie dans ce pays n’est pas facile. Les produits et services sont là, certes, mais le service après-vente est inexistant, tout comme les pièces de rechange. Par exemple, une pièce fautive d’un robinet impose de changer tout le robinet et c’est le cas pour une pièce de frigo, de climatiseur, de pompe à eau, de cuisinière à gaz, de toilette, de lessiveuse, alouette… La batterie de votre perceuse sans fil ne se charge plus? Il n’y a plus qu’à jeter la perceuse, car les batteries de rechange ne se trouvent pas! Parfois, ce sont des petites choses simples comme une rondelle d’étanchéité pour un robinet : introuvable! Il faut se résoudre à en fabriquer une et souhaiter qu’elle fasse le travail… Frustrant, dites-vous? Je suis d’accord. Et le pire, c’est que le matériel qu’on trouve est souvent de deuxième ordre, voire de sixième ordre, donc plus susceptible de briser que du matériel de qualité. Or, ce matériel est souvent aussi cher sinon plus que ce qu’on trouve au Canada ou aux États-Unis. En fait, les outils qu’on trouve proviennent souvent du Dollarama à $1, mais 10-15 fois plus chers! Après on se demande ce qui va mal dans le pays…

Non vraiment, je vous le dis : y’a rien de facile dans ce pays. Un ébéniste pourra vous demander près de $400 pour une porte simple en bois dur. Exagéré, dites-vous? Même pas : le bois dur, rare au pays, coûte une petite fortune. Puis l’ébéniste devra payer pour la préparation (dégauchissage et rabotage), faire tous les tenons /mortaises à la main, tailler les panneaux soulevés, rainurer les montants et le cadre, assembler le tout, sabler, vernir, ajuster la porte dans son cadre, fixer les charnières et la serrure et finalement, monter la porte et son cadre dans le trou où elle est destinée. Comptez ça comme vous voulez, mais je vous assure que ça ne revient pas excessivement cher de l’heure… Sauf que $400 pour une porte, ce n’est pas donné, surtout pour des gens dont le salaire mensuel tourne autour de $150! Vous feriez comment, vous, pour arriver? Pour moi, je déclare forfait.

C’est pour cela qu’il ne faut pas juger l’indien avant d’avoir chaussé ses mocassins, comme disait notre grand Félix national. Par extension, on pourrait dire qu’on ne peut pas juger l’Haïtien avant d’avoir, comme lui, marché pieds nus dans les épines, la boue et pire encore...

Et pendant ce temps, à Port-au-Prince, les étudiants manifestent toujours contre le meurtre injustifié de l’un des leurs — peut-être même deux, on ne sait plus trop. Mais c’est plutôt violent, ces manifestions-là… Et je vous annonce que ça ne se passe pas à coups de casseroles…

vendredi 16 novembre 2012

Suis-je trop sceptique?


Je peux difficilement passer sous silence l’article de mon homophone. Pas pour en rire cette fois, car le sujet est triste. Mais en même temps, on ne peut s’empêcher de se poser la question : comment une telle chose a-t-elle pu se produire? Naïveté excessive? La dame prétend qu’elle ignorait qu’elle transportait de la cocaïne. Heureux les ignorants, dit-on, car le Royaume des Cieux est à eux. Mais bon. Peut-on être à ce point ignorant? Personnellement, je n’ai jamais palpé de cocaïne, mais si on me donnait demain un volumineux sac de poudre blanche (un kilo, c’est quand même pas rien!) en me disant que c’est de l’inoffensive poudre de perlimpinpin que je dois néanmoins camoufler minutieusement pour passer la douane, ben disons je serais sceptique… Or, la dame a manifestement avalé la couleuvre sans déglutir. Peut-on être crédule à ce point? Disons que j’ai quelques réserves, surtout lorsqu’il s’agit d’une quinquagénaire qui a tout de même un certain vécu derrière elle! Car quoi, à 50 ans, la dame ignore qu’à frauder la douane avec un tel colis, elle risque la prison? Même les ados savent cela! Comment expliquer la chose, alors? Arrogance envers la douane haïtienne? Admettons... Mais même si c'était le cas, comment penser que les choses vont passer comme dans du beurre à la douane canadienne, où les chiens font souvent partie du comité d’accueil des passagers en provenance d’Haïti? Franchement, je vous le dis tout net : je ne comprends pas. Il y a dans toute cette sordide histoire quelque chose qui m’échappe. Un kilo de cocaïne? Ben voyons! Soyons sérieux, là! Un gramme, à la rigueur, elle aurait toujours pu prétendre que c’était une erreur, une distraction, une étourderie, un oubli, que sais-je… Mais un kilo? Dissimulé dans sa petite culotte spéciale??? Ça me paraît extrêmement gros, tout ça. Et après il faudrait jeter le blâme de son incarcération en prison haïtienne sur le gouvernement canadien??? Vraiment, trop, c’est trop. Et l’indignation de Mme Duchaine, qu’on sent derrière tout ça, me semble un peu déplacée dans le contexte, car si la situation de la prisonnière n’est pas rose, on peut difficilement en rejeter le blâme sur qui que ce soit, admettons-le. Et c’est pour cela que je vous dis : une personne de son âge douée de raison ne peut décemment continuer à dire qu’elle n’est qu’une pauvre victime d’une sourde machination! Au moins, qu’elle ait la décence d’avouer qu’elle espérait tout simplement ne pas se faire prendre et là, je serai plus sympathique à sa cause. Car tout le monde le fait à un moment ou à un autre : on triche. L’impôt, la douane font partie de ces services gouvernementaux que plusieurs se sentent à l’aise de frauder sans malice. C'en est presque un jeu. Qui n’a pas passé une bouteille de vin supplémentaire? ou un fromage? ou un saucisson? Mais quand on le fait, on sait que si l’on se fait prendre, il faudra en payer le prix! Sauf que sachant que la sanction est proportionnelle à la faute, on peut tout de même choisir de tenter sa chance. Mais avec un kilo de poudre blanche bien cachée dans sa petite culotte??? Faut être drôlement culotté!!!

Vraiment, je suis sincèrement malheureux pour la dame. Je connais, pour les avoir vues de mes propres yeux, les conditions des détenus dans les prisons haïtiennes et sur ce point, on s’entend que ce n’est pas de la tarte. Mais généralement, on n’y arrive pas sans raison, dans ces prisons! Alors oui, c’est triste; oui, c’est douloureux; mais injuste? Non. La dame se dit innocente, mais même avec toutes les circonstances atténuantes imaginables, il me paraît bien difficile de l’innocenter. Et je serai le dernier à lui jeter la première pierre, justement parce que je sais comment les choses se passent ici, mais cela n'enlève rien au fait qu’elle a couru après… Désolé.

Et le fait qu’elle soit Québécoise, Russe ou Hollandaise ne change rien à l’affaire, bien malheureusement…

dimanche 11 novembre 2012

« Pas un cyclone »...


Je vous invite à prendre connaissance de ce court article, qui illustre bien ce que je voulais dire l’autre jour lorsque je parlais de l’impact d’un ou d’une journaliste sur la valeur d’une nouvelle. Ce qui est rapporté n’est quand même pas rien : la presse étrangère (Agence France Presse) parle de 16 morts et si l’on se fie à la version plus officielle, le décompte ne serait que 10 décès, mais tout de même, dix morts dus à la pluie, ça me paraît tout de même digne de mention, digne d’être relaté, sans doute à grands frais dans notre presse nationale si c'était chez nous, mais ici, simplement relégué au rang de fait divers.

Ce qui fait que je me suis posé la question : pourquoi? Et sans vouloir dire que j’en détiens la réponse, je partage avec vous ma petite idée, à savoir : on ne sait où jeter le blâme. On dit : «Suite à un front froid combiné à un creux de surface, de fortes pluies se sont déversées pendant des heures, dans la nuit du jeudi 8 novembre au vendredi 9 novembre, sur plusieurs départements du pays, notamment sur le Nord.» Ailleurs, on précise : «Monsieur Semelfort [le responsable du Centre national de météorologie d'Haïti] a fait remarquer qu'il ne s'agit pas d'un cyclone.» Il ne s’agit pas d’un cyclone, donc le NHC américain n’en a pas parlé, donc ça n’a pas de nom, donc ce n’est rien d’important. À peine digne de mention. Et pourtant, pas moins de dix personnes en sont mortes, sans compter les importants dommages matériels! Mais puisqu’il s’agit d’une simple dépression météorologique, on ne peut décemment demander à des journalistes professionnels de couvrir l’événement! En fait, cette question du mal qu’on nomme — qu’on nomme, j’insiste, c’est-à-dire à qui l’on donne un nom, on pourrait presque dire qu’on baptise — revêt une importance capitale quand il s’agit de comptabiliser les dommages. En d’autres mots, une simple inondation due à la pluie n’est rien en comparaison d’une autre due au passage d’une Sandy ou d’un Isaac. Car là, on a un ou une coupable! Incidemment, j’avais mentionné la chose dans un texte précédent, à savoir, ce n’est pas tant la violence d’un ouragan comme la fragilité d’Haïti qui cause le véritable problème. Évidemment, la combinaison des deux facteurs ne peut qu’entraîner des conséquences catastrophiques, et il faut prier le Ciel que ça n’arrive jamais. Mais le point important ici, c’est que le pays est immensément vulnérable, surtout la capitale, coincée entre les montagnes et la mer. Or, on dirait que les seuls incidents qui intéressent les médias, ce sont ceux annoncés, identifiés, nommés, les autres étant simplement balayés sous le tapis. Pourtant, une dizaine de morts et des centaines de sans-abris, il me semble que c’est tout de même quelque chose, vous ne croyez pas?

Mais cela démontre ce qu’une blogueuse anglophone (Amy Wilentz) soulignait : un dicton qui circule parmi les correspondants étrangers veut que un décès américain équivaudrait à 20 décès européens, à 100 décès asiatiques ou sud-américains, à 1000 décès africains, ou quelque chose d’approchant. Les morts en Haïti sont monnaie courante et comme je l’ai mentionné la semaine dernière, quand il n’y en pas assez, on en rajoute, pour faire bonne mesure et pour que «ça se vende mieux»...

Mais la réalité n’en reste pas moins tragique avec ou sans battage médiatique et ça, je pense, il ne faut pas l'oublier.

mercredi 7 novembre 2012

Made in USA


Mon sujet d’hier se voulait léger. Celui d’aujourd’hui, sans être lourd, fait certainement plus sérieux, car je veux jeter mon grain de sel et vous passer quelques commentaires sur la saga électorale américaine (qui a coûté la bagatelle de 2,6 milliards de dollars — milliards, vous avez bien lu — mais nous sommes à l'échelle du gigantesque, ne l'oublions pas).

Mettons d’abord les choses en perspective : les États-Unis forment un pays assez particulier. Sans nom, puisque leur désignation d’états unis n’est pas un nom. Canada, France, Haïti, ça, ce sont des noms de pays. Mais que des états s’unissent et se proclament unis ne leur donne pas un nom pour autant! Voici donc les états unis d'Amérique du Nord, tout comme il pourrait y avoir les états unis de l'Amérique du Sud. Mais les États-Unis font maintenant partie de la géographie tout autant que de l'histoire et tout le monde sait de quoi l'on parle lorsque l'on parle des États-Unis d'Amérique, mieux connu internationalement sous le sigle USA. Voici donc une nation à l’histoire jeune et au cheminement particulier, qui lui a fait accéder à la démocratie dès l’adolescence et dont les libertés individuelles sont farouchement défendues par une Constitution que n'aurait pas désavouée les philosophes grecs. De nos jours, plus de 300 millions de personnes l’habitent, mais leurs racines sont ténues, car la plupart n’y sont arrivées qu’à la fin du 19e – début du 20e siècle. Les États-Unis, c’est la terre de l’espoir, the land of opportunities, comme on dit, là où tout est possible et où l’on peut rêver d’une vie meilleure : le fameux American Dream. Si bien que les gens y sont venus de partout sur la terre — de l’Europe, bien sûr, mais aussi de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique latine. La population du pays est, par conséquent, cosmopolite par définition et forcément distincte dans ses racines. Car on aura beau dire, un Japonais-Américain ne peut pas penser comme un Ukrainien-Américain ou un Haïtien-Américain. Or, c’est pourtant ce melting pot que le président doit représenter et il est bien évident que ce n’est pas si évident que ça!

On dit des États-Unis qu’ils sont divisés. Comment pourrait-il en être autrement? Les états qui composent le pays sont peuplés de gens qui ne sont que peu ou pas apparentés. Unis sous la même bannière, peut-être, mais unis par une idéologie commune? Vraiment pas. C’est pour ça que l’élection américaine est toujours imprévisible. L’idéologie démocrate se distingue vraiment de celle républicaine, bien davantage que celle qui divise les libéraux des conservateurs au Canada. Or, à la clé, il y a la religion et, bien entendu l’argent. Or, de ce côté, tout ne va pas pour le mieux dans le pays de toutes les chances. Le déficit est énorme — incommensurable serait plus juste — et le taux de chômage, à près de 8%, très élevé. Si bien que pour plusieurs, le sort d'Obama était joué et les Américains iraient du côté du milliardaire agressif, chauvin et puritain, tellement représentatif d'une certaine Amérique. Mais pas d'une autre. Et cette autre, plus forte, a choisi de maintenir au pouvoir cet homme que nous connaissons maintenant comme un homme honnête et empathique. Mais il s'en est fallu de peu!

Tout de même, je ne peux m’empêcher de penser que le président Obama risque gros. Car si on ne peut le déplanter par le biais du processus électoral, il existe d’autres solutions, draconiennes soit, mais historiquement validées... Pensez à Lincoln ou à Kennedy, pour ne citer que les plus connus… Reste que le choix américain reflète aussi un changement des temps. Une maturation sociale. Un président noir, élu pour un second mandat alors que l'économie branle sérieusement dans le manche, c'est quand même significatif. L'avenir dira ce qu'il en sortira, mais au moins, nous connaissons l'intégrité de l'homme et nous savons qu'il ne baissera pas les bras. C'est déjà ça d'acquis dans un pays que tout le monde regarde et qui reste la nation la plus puissante au monde.

Et Haïti, là-dedans? Eh bien gageons qu'Haïti ne dirait pas non pour faire partie des États-Unis, tout comme le souhaite Porto-Rico!

mardi 6 novembre 2012

Rien de trop beau


Je ne voulais pas avoir l’air de monter une fois de plus aux barricades, mais l’article que je viens de lire m’a tellement fait sourire, rire même, que j’ai décidé de vous le commenter. Non, je ne suis pas fâché. Juste cynique face à cet article qui illustre, une fois de plus, l’énorme différence entre votre pays — qui est aussi celui qui m’a vu naître et que je chéris toujours à certaines heures et en certaines saisons — et celui que j’habite et dont les mœurs m’étonnent toujours.

Ici en Haïti, une manifestation n’est jamais une partie de plaisir. Bon, à la rigueur, pour quelques «tèt cho» ou pour des jeunes qui n’ont rien à faire et qui peuvent courir vite, c’est une activité excitante et exaltante, capable de faire secréter l’adrénaline en quantité industrielle. Et la testostérone aussi. Mais qui n’est pas sans danger (pas la testostérone), car ici, bien que la police s’efforce de tirer à boulets de plastique, il s’en trouve toujours qui, dans le feu de l’action — et croyez-moi, l’expression n’est pas qu’une image littéraire, car le feu est omniprésent — tirent de vraies balles qui font de vraies blessures, parfois même fatales. Cela fait partie du jeu. Quant aux coups portés de part et d'autre (matraques, bâtons, machettes, bouteilles vides...), ils pleuvent littéralement, et personne ne s’en formalise car tout cela fait partie du jeu, je le répète — pour autant que l’on puisse parler de jeu, bien entendu. Car c’est un jeu violent, voire extrêmement violent genre sport extrême à l'issue incertaine. Si bien que pour les gens ordinaires, à plus forte raison pour les étrangers que nous sommes, une manifestation n’est pas une chose qu’on prend à la légère ni une activité à laquelle on prend part : simplement, on se barricade et on attend que ça passe.

Or, les manifestations du printemps dernier au Québec, bien que nettement plus joviales et inoffensives, n’étaient pas sans un substrat de violence, précisément contre les policiers dont la tâche est toujours de maintenir l’ordre et de limiter la casse. Bien sûr, il y a eu des débordements. Il y a eu des excès. Il y a eu des dégâts matériels importants et quelques coups de matraque bien — ou bien mal — appliqués. J’ai tout de même trouvé que, considérant le nombre de manifestations ainsi que le nombre de manifestants présents et l’arrogance dont ils faisaient preuve, les choses s’étaient déroulées avec un minimum de dommages collatéraux, comme il est de bon ton de dire, maintenant.

C’est pour cette raison que l’article de la Presse m’a tant fait sourire aujourd’hui. Celui-là même qui s’échinait sans doute à dénoncer l’iniquité publique et les abus de pouvoir des riches et de la droite (un aspirant poète, pensez-y) exige aujourd’hui des dommages-intérêts qu’on peut certainement qualifier de substantiels : plus d’un demi-million de dollars!!! Si vous ne voyez pas un paradoxe là-dedans, c’est que je ne sais pas ce qu’est un paradoxe. Lisez-moi ça sans rire : «Un étudiant de l'UQAM, blessé à la tête lors d'une manifestation anti-capitaliste […] réclame plus d'un demi-million de dollars en indemnités.» Anticapitaliste, ça veut bien dire contre le capitalisme, non? Et le poète réclame $505,000 pour «dommages physiques et moraux»! Wow! Rien de trop beau pour la classe ouvrière, n'est-ce pas!

Ce qui m’étonne dans cette histoire, c’est justement que la presse nous la livre. Et pas comme un fait divers ou insolite, non, mais bien comme un article majeur, une nouvelle importante, un fait qui mérite notre attention voire notre indignation. Et comme si ce n’était pas assez, le journaliste nous dépeint même les problèmes à l’enfance de cette pauvre victime du capitalisme outrancier!... Avez-vous l’impression que ce journaliste est impartial, vous? Moi, j’ai comme des doutes… En passant, avec ce nom (Ewan), m’étonnerait pas qu’il soit Haïtien, l’auteur. Avouez que ce serait drôle, surtout dans le contexte de la violence des manifestations haïtiennes!

En tout cas c’est bien la preuve que «nul n’est poète dans son pays». Quoi? Que dites-vous? Ce n’est pas ça le proverbe? Bon peut-être, mais prophète, poète, c’est kif-kif, vous ne croyez pas?

dimanche 4 novembre 2012

N'importe quoi



C’est rare que ça m’arrive, mais là, vraiment, ça fera. J’en ai ma claque de ces journaleux qui se prennent pour des journalistes, qui débarquent en Haïti pour la première fois, qui ne sont même pas fichus d’orthographier correctement le nom ici d’une ville importante (*Miraguan au lieu de Miragoâne) du pays et qui véhiculent des informations à la véracité discutable, pour ne pas dire carrément fausses. C'est vraiment n'importe quoi! Et vous qui lisez ces porteurs de l'information, comment pouvez-vous distinguer le vrai du faux? Comment pouvez-vous exercer votre esprit critique?

Je parle de Gabrielle Duchaine — avec laquelle, est-il utile de le préciser, je n’ai aucun lien de parenté, ni aucune affinité journalistique d’ailleurs — et de son dernier article, racoleur comme une vieille pute : «Après Sandy, la grogne s’amplifie en Haïti». Et voilà. C’est dit, donc c’est sûrement vrai. Et sur quelle base s’appuie cette journaliste chevronnée (?) dont les textes précédents nous parlaient du tourisme en Équateur? Rien. Du vent. Pas de références, pas de personnalités compétentes, pas de données vérifiables. Que des gens rencontrés au hasard de son parcours, avec lesquels j’assume, jusqu’à preuve du contraire, qu’elle n’a même pas pu parler sans un interprète qui a sans doute, d’après ce que je sais des interprètes haïtiens, interprété à sa façon les dires de l’un ou de l’autre. Résultat, cette conclusion alarmiste : la grogne monte suite au passage de Sandy. Vraiment, je vous le dis, à vous qui n’êtes pas cons : ça fait chier. Et comme si ce n’était pas assez, voilà que la dame, pour faire bonne mesure, nous parle maintenant de 100 morts — 50 ne font vraiment pas sérieux pour une tragédie haïtienne — mais qui viennent d'où, on n'en sait rien. Et d'abord, pourquoi est-elle la seule à avancer ces chiffres? Et les autres médias, haïtiens ou internationaux? Sont-ils tous dans l’erreur? Je sais bien qu’on veut plus de morts, histoire de frapper l'imagination du public, mais tout de même...

Les récoltes du pays ont été détruites, c’est vrai. La situation alimentaire du pays est précaire, c’est un fait. Mais le gouvernement a réagi, notamment en proclamant l’état d’urgence pour un mois, ce qui lui donne plus de latitude pour agir sans délai. En outre, cette situation ne date pas d’hier, comme le rappelle cet extrait du Nouvelliste :
La période de sécheresse avait déjà causé des pertes énormes dans le secteur de l’agriculture, évaluées à près de 80 millions de dollars américains. Alors que les évaluations n’ont pas encore terminé [sic], la tempête tropicale Isaac a causé des pertes estimées à environ 70 millions de dollars dans le même secteur, a rappelé l’agronome Gary Mathieu, responsable de la CNSA [Coordination nationale de la sécurité alimentaire], informant que l’ouragan Sandy en a fait pour 104 millions. 
Or, l’aide internationale est bien au fait de la situation et déjà, si l’on en croit cet entrefilet de Haïti Libre : « Aujourd'hui est arrivé à Port-au-Prince le bateau d'aide d'urgence du Venezuela pour Haïti, avec à son bord 530 tonnes de denrées non périssables et 116 tonnes de machinerie lourde pour aider à enlever les décombres. » Et l'aide s'organise et les choses devraient rentrer dans ce semblant d'ordre qui caractérise le pays sous peu.

Concernant le choléra, que madame Duchaine semble connaître comme le fond de sa poche, pour ne pas dire un autre endroit plus vulgaire, voici ce que je lis, toujours dans Haiti Libre que je ne saurais trop vous recommander, soit dit en passant :
Tarik Jasarevic, le Porte parole de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré « [...] Dans de nombreux endroits, de mauvaises conditions sanitaires pourrait augmenter le risque de maladies d'origine hydrique telles que le choléra. Sandy a détruit sur son passage 20 Centres de Traitement du Choléra (CTC) [...] À Baradères, les équipes de Médecins sans Frontières-Hollande, PAHO/WHO, International Medical Corps (IMC), et le Ministère de la Santé d'Haïti continuent d'assurer la permanence pour soigner les personnes atteintes [...] Une augmentation du nombre de cas de choléra a été signalée, particulièrement dans le Sud, le Sud-est, la partie Sud du département de l'Artibonite, et l'Ouest du pays [...] Cette augmentation des cas n'a pas encore pu être attribuée au passage de Sandy et les équipes de terrain continuent de participer au suivi de la situation.
Bref, vous comprenez que la situation est difficile, soit, mais pas inhabituelle pour ce pays qui en a vu d’autres. Rien à voir avec le séisme de janvier 2010! Et pourtant, à lire l’article de Gabrielle Duchaine, on se demande si le passage de Sandy n’a pas fait pire… Vraiment, ça ne fait pas sérieux, et je trouve ça bien dommage, surtout lorsque l'article apparaît sur lapresse.ca.

Que nous réservent les mois à venir? Bien malin qui pourra le dire. Mais pour nous qui vivons ici, il est bien clair que ce n’est pas à jouer les alarmistes qu’on fera avancer la cause haïtienne.

samedi 3 novembre 2012

Le jour des Morts


J’avais composé un texte. Que j’ai choisi de ne pas vous présenter. Ne m’en voulez, de grâce. Appelez cela de l’autocensure. Il en faut de temps à autre. Vous savez ce que dit le proverbe : «Toute vérité n’est pas bonne à dire» Kant ne serait sans doute pas d’accord, mais il est des vérités qu’il vaut mieux taire, surtout lorsqu’on s’adresse à un public varié dont on ne peut connaître les réactions, les jugements et les conclusions. Je vous dirai seulement qu’il s’agit d’un fait divers haïtien, mais dont la teneur est susceptible de choquer vos âmes nordiques, alors je passe. Par respect, autant pour ce peuple que je côtoie journellement que pour vous et votre bon sens commun. Voilà l’art de s'excuser en plusieurs mots mais vous savez que j’y excelle.

Changement de sujet donc, et allégement du ton.

Hier, Fête des Morts. Vous allez me dire que ça n’a rien de bien léger et pourtant, ici, on ne dramatise pas avec la mort. On la vit, simplement — je ne parle pas du défunt, bien entendu, lequel serait mal placé pour la vivre —, on chagrine, on se ruine en dépenses cérémoniales extravagantes et puis on passe à autre chose. La fête des Morts, dans cette perspective, ne se veut qu’un rappel respectueux de ceux et celles qui ne sont plus. Je vous l’ai dit précédemment, les Haïtiens ne fêtent pas l’Halloween, cette fête un peu macabre que n’aurait certainement pas désavoué Saint-Saëns qui a écrit cette délicieuse Danse Macabre où les squelettes s’entrechoquent joyeusement sur fond de xylophone. On dit que sa mère, invitée à la première, s’est évanouie en voyant la scène… Autre temps autre mœurs… Mais je digresse. L’Halloween donc a peu à voir — en fait, rien à voir avec la fête des Morts en ce pays, laquelle, je le redis, n’est qu’un hommage respectueux aux défunts. Une fête célébrée dans toute l’Amérique latine d'ailleurs, tout spécialement au Mexique où la fête prend des allures d’événement majeur. En Haïti, mon ami Antonio disait justement hier que l’on ne voit plus les Gede, ces joyeux lurons, dignes fils du Baron Samedi, le Loa de la mort dont les manifestations s’accompagnaient traditionnellement des tambours qui résonnaient sans relâche dans les cimetières. Je vous invite à visionner ce petit vidéo qui date déjà de quelques années et qui ne nous en apprend guère, mais qui illustre tout de même mon propos. Je vous suggère également cet article, tiré de Haiti Press Network. Cela dit, il faut bien reconnaître que les traditions vaudous sont en perte de vitesse dans le pays, sauf bien sûr quand on en fait des exhibitions touristiques, ce qui est bien malheureux, ne dites pas le contraire. Autres temps, autres mœurs, vous dis-je…

Quoi qu’il en soit, c’est congé, tout comme l’était le premier du mois, Toussaint oblige. Un long week-end de quatre jours que tout le monde apprécie y compris nous, ne serait-ce que pour nous permettre de continuer notre lente remontée vers un état de santé plus normal...

Et avec tout ça, octobre appartient déjà au passé et novembre nous ouvre ses bras temporels...

Un petit changement d'heure, avec ça?

mercredi 31 octobre 2012

Un mal qui s'étire


J’ai évoqué précédemment la maladie comme raison de mon absence. Ou plutôt comme d’un sujet possible que j’aurais pu aborder. Mais qui a envie d’entendre parler de maladie, je vous le demande? Pourtant, tout bien considéré, je pense que le sujet mérite un petit détour parce qu’il illustre, une fois de plus, les particularités de vivre en ce pays. Et contrairement à ce que dit Pierre Calvé dans sa chanson, vivre en ce pays, ce n’est vraiment pas comme vivre aux États-Unis. En plus, on peut dire que cette maladie conclut bien octobre et le stress qu'il nous a concocté.

Tout a commencé par une petite fièvre, laquelle fut suivie d’une monumentale congestion. Bref, le rhume habituel, dont vous êtes tous et toutes familiers et dont j’ai déjà traité dans ces pages. J’avais donc décidé de vous en épargner les détails, me contentant de vous narrer ce rêve qui en a fait sourire plus d’un, plus d’une et c’était justement là l’intention. Donc, estimant que j’étais aux prises avec une nouvelle attaque du fameux rhinovirus, j’avais décidé de mettre en pratique les recommandations de Alfred de Vigny dans la Mort du Loup :
Gémir, pleurer, prier, est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le sort a voulu t’appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.
Mais ce rhume n’en finissait plus de s’étirer et, bien que prêt à mourir sans gémir, le sort ne semblait guère me préparer à cette ultime étape. Or, un matin, voici que je me lève après avoir vidé une autre boîte de papiers-mouchoirs (et non, je n’ai pas mouché mon cerveau, n’en déplaise aux cyniques), je constate que mes épaules sont couvertes de ces petits boutons qui sont sans rapport avec le rhume. Je vérifie l’ensemble des symptômes — congestion, fièvre répétitive, céphalées et éruptions cutanées — et ne peux que conclure à l’évidence : il ne s’agit pas d’un rhume, mais bien d’une manifestation de la fièvre Dengue, que nous avons déjà attrapée, ma compagne et moi, lors de notre premier séjour haïtien. Avouez que cela fait quand même plus sérieux.

Sans entrer dans les détails de cette affection virale, je vous dirai qu’elle n’est pas si bénigne qu’elle en a l’air, vue comme ça. Mais en principe, on y survit — à moins d’être aux prises avec sa forme hémorragique, et ça c’est une tout autre histoire —, mais la fièvre à répétition, les maux de tête, la congestion et surtout, surtout le rash qui nous incite à nous gratter sans relâche en font une maladie peu attachante. Heureusement pour nous, cette fois-ci, les démangeaisons n’étaient pas de la partie, et c’est ce qui me l’a rendue supportable. Mais à la longue, y’en a marre, comme disent les Chinois sur la Grande Muraille. Et on aspire au retour de l’homéostasie, à la santé et l’énergie retrouvée.

On dit qu’il vaut mieux être riche et en santé que pauvre et malade. Je pense qu’on sera tous d’accord là-dessus. Cependant, s’il faut choisir entre riche et malade ou pauvre et en santé, j’opte sans hésiter pour le second. Car à quoi peuvent servir des millions si l’on est cloué au lit, le souffle court à se nourrir de ses propres sécrétions?

Pauvre, on s’en tire. Malade, on se tire… Ou en tout cas on a presque envie de le faire...