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lundi 20 janvier 2014
Esclavage en Haïti?
Cela fait quelques fois que je tombe sur ces cris haut poussés contre le traitement infligé à ces esclaves modernes que sont les «restavek». «Reste avec». L’expression dit bien ce qu’elle sous-tend : on parle ici de jeunes qui ne sont pas les enfants des adultes chez qui ils restent et qui, eh bien, «restent avec» eux, simplement parce que les parents biologiques n'ont pas les moyens financiers de subvenir aux besoins de leurs enfants. Les parents «placent» leur enfant dans une famille qui, en principe, donnera à l'enfant une chance de s'en sortir en échange de l'accomplissement de travaux domestiques. Jusque là, rien d’affolant ou même de tendancieux. Mais voilà que les médias, ces colporteurs de l’information, s’en mêlent et s’emmêlent, confondent restaveks et esclaves et s’indignent de cette inadmissible pratique, statistiques en tête. Un bémol s’impose. Qui fera baisser la note d’un demi-ton et la rendra moins criarde. Car comme je vous l’ai déjà dit, il me paraît bien risqué de juger l’indien sans avoir chaussé ses mocassins, de juger la vie haïtienne dans une perspective qu’on veut objective mais qui me paraît fortement biaisée. Je m’explique.
Haïti n’est pas un pays comme tant d’autres. Disant cela, j’entends déjà les plus pointilleux parmi vous me dire : «Qui es-tu pour affirmer une telle chose? As-tu vu tous les autres pays du monde?» Et vous aurez raison. Non, je n’ai pas vu tous les autres pays du monde — à peine une vingtaine, je dirais — et Haïti mis à part, n’ai vécu dans des milieux culturellement différents qu’à deux autres reprises : en Algérie et à Fort George, au pays des Cris, ces autochtones si loin de la culture canadienne ou québécoise. Donc non, aucune prétention d’expert ici. Cependant, lorsque je vous dis qu’Haïti est différente (car oui, Haïti est un pays féminin, comme la France ou l’Allemagne), j’avance que les façons de faire ici ne sont pas les mêmes qu’ailleurs. Dès lors, il me paraît difficile de juger. Les restaveks font partie d’une classe bien connue mais mal définie, aux contours flous et moralement variables; mais de là à les mettre dans le même panier que les esclaves, je pense qu’il y a une marge.
Certes, ces enfants ne sont pas tous traités de la même façon, on s’en doute. Quelle famille traite ses enfants de la même manière que le voisin? Certains restaveks bénéficient vraiment d’une qualité de vie supérieure à celle qu’ils auraient eu s’ils étaient restés avec leurs parents biologiques alors que d’autres souffrent d’abus de toutes sortes, avec toutes les variables possibles entre les deux. Dire que les restaveks sont des esclaves est donc aussi faux que de prétendre qu’ils ont tous la belle vie. D’où mon bémol. Et puis, n’oublions pas une distinction que je qualifierai de majeure : les restaveks sont tous des enfants ou des adolescents qui n’ont pas encore atteint l’âge de l’autonomie sociale. Lorsqu’ils vieillissent, ces jeunes s’insèrent tant bien que mal dans le monde qui les entoure et ont les mêmes droits que n’importe quel autre citoyen ou citoyenne. Tandis qu’un esclave reste un esclave, même à l’âge adulte…
Remarquez que je ne dis pas qu’il s’agit là d’une situation enviable pour ces enfants. Mais acceptable, oui. Dans le difficile contexte d’Haïti, des accommodements sont nécessaires et ce n’est pas l’État qui les fixe ni les gère : ici, les gens sont habitués à ne compter que sur eux-mêmes et sur leurs maigres ressources et pour ce qui les dépasse, ils invoqueront le Ciel bien plus souvent que l’État… Car LE problème d’Haïti, ne le perdons pas de vue, c’est sa grande misère. Et c’est de cette grande misère que découlent souvent des situations aberrantes, incompréhensibles, voire choquantes, spécialement pour nous, les nantis. Mais on dit que «Nécessité est mère de l’invention» et c’est sans doute ce qui rend les Haïtiens et les Haïtiennes champions du système D.
En tout cas et pour ma part, je ne peux m’offusquer de l’existence des restaveks pour la simple raison que c’est un système qui marche depuis l’indépendance du pays et l’affranchissement de l’esclavage — le vrai — et qui a engendré des gens ordinaires, pas des révoltés, des psychopathes ou des suicidaires. Ce n’est pas le système idéal, personne ne dira le contraire, mais c’est un système qui ne mérite pas d’être associé à l’esclavagisme. Je pense qu’il y a ici une nuance qu’il faut établir et respecter.
Dire que Haïti est le second pays au monde (la presse + 17-01-14) quant à la quantité d’esclaves est dès lors, simplement faux. Et Haïti ne mérite pas ça.
dimanche 13 octobre 2013
Quand la faux fauche...
Dimanche dernier, après vous avoir raconté ma nuit sans sommeil, nous sommes partis à la plage faire un brin de causette avec notre cher ami Antonio et un brin de trempette dans la Mer des Caraïbes, les deux activités allant fort bien ensemble. Un dimanche d’insouciance, donc, sous le cuisant soleil de l’époque. Un dimanche comme bien d'autres, jusqu’à ce coup de téléphone de l’un de nos employés m’apprenant que sa fille de 15 ans vient d’avoir un accident de voiture. Je lui demande naturellement si elle est blessée et il me répond qu’en fait, elle est morte. Bête comme ça. Je vous avoue que le reste de la conversation m'échappe et que j'y ai gauchement mis un terme. Plus tard, j’apprendrai que les circonstances de l’accident, bien que pas tout à fait nettes, tiennent au mauvais état mécanique du véhicule, au nombre de passagères derrière (dans la boîte du petit pick-up), à la route de montagne, à la présence d’un obstacle — en l’occurrence un véhicule en panne — et, sans doute aussi, à l’inexpérience du chauffeur, lequel a perdu la maîtrise de son pick-up dont les soubresauts ont expulsé la moitié des passagères sur la route, les tuant sur le coup. Au total, six jeunes filles, toutes à peu près du même âge (15 ans) y ont perdu la vie. Six sur treize. Des jeunes filles innocentes, issues de bonnes familles avec de bons parents, amoureuses du Bon Dieu et sérieuses à l’école qui tout à coup ne sont plus. Pour nous ce ne sont que des étrangères — y compris la fille de notre employé — et pourtant, le drame nous affecte. Si bien que je n’ai pas besoin de vous dire combien il affecte les pauvres parents…
Les funérailles, communes pour ces jeunes victimes, ont eu lieu hier; la ville en était presque paralysée. Mais d’après ce qu’on nous a dit, ce furent de belles funérailles où l’on a beaucoup pleuré, crié, prié, sans oublier quelques évanouissements du plus bel effet. Car oui, des funérailles par ici, il faut que ce soit beau; triste, mais beau. Grandiose si possible. Et celles-là le furent sans qu’on ait eu besoin d’en rajouter, comme on le fait parfois.
Je vous dis cela comme on me l’a raconté, car non, nous n’y sommes pas allés. Pas parce que le drame nous laisse indifférents, mais plutôt parce que nous ne nous sentons pas vraiment à l’aise avec les épanchements de douleur des Haïtiens. Ici, dans ce pays, comme je vous l’ai déjà dit, la douleur s’exprime que c’en devient douloureux pour les autres. Mais c’est un exutoire qui fonctionne et tôt, plutôt que tard, la vie reprend son cours. Car elle le doit.
La mort n’est jamais facile à gérer, surtout quand elle touche des vivants qui sont encore loin d'avoir atteint leur espérance de vie. Comme ce fut le cas encore cette semaine à notre petit hôpital, cette fois avec un petit enfant de trois ou quatre ans qui, incapable de respirer à cause d’une tumeur cancéreuse qui bloquait le passage de l’air, est mort en salle d’opérations. La mère avait été prévenue que l’opération était très risquée, que l’enfant risquait d’en mourir mais puisqu’il était déjà condamné, elle s'était raccroché au fil ténu de l'espoir. En vain. Et sa douleur, les amis, faisait vraiment mal à voir. Mais qu'y pouvons-nous?
Est-ce pour cela qu’aujourd’hui, dimanche, ça ne nous disait pas vraiment d’aller flâner à la plage?…
vendredi 25 janvier 2013
Des orphelinats pour des non-orphelins
Je vous vois lire ce titre, 80% des enfants dans les orphelinats ne sont pas orphelins, et je vois vos sourcils se hausser d’indignation. Voilà, vous dites-vous, un autre exemple de ces magouilles dont les Haïtiens sont férus et dont le pays s’est fait une spécialité. Mais vous aurez tort. Je vous ai déjà dit qu’il fallait «chausser les mocassins de l’Indien avant de le juger» (F. Leclerc). Ici, pour comprendre le phénomène de l’orphelinat et des orphelins, il faut comprendre un peu comment la famille fonctionne.
D’emblée, je vous le dis : elle ne fonctionne pas différemment de n’importe quelle autre famille occidentale : il y a le papa, il y a la maman et il y a les rejetons, en quantité variable. Le papa et la maman font leur possible pour s’occuper de leurs petits adéquatement, même si ce n’est pas toujours facile. Jusque là, ça va. C’est lorsque cette tâche devient impossible que rien ne va plus. Or, cela se produit plus souvent qu’on pourrait le croire, car en Haïti, les parents ne bénéficient d’aucune aide gouvernementale capable de soulager un tant soit peu la lourde charge financière de pourvoir aux besoins de ces enfants. La nourriture, les frais scolaires, les frais médicaux et le reste coûtent la peau des fesses et la plupart des familles doivent faire des pirouettes incroyables pour arriver à subvenir aux besoins de leurs enfants. Si l’un des membres supports tombe, c’est tout l’édifice familial qui est menacé. Si bien qu’il ne reste souvent PAS d’autre option que celle de se débarrasser de ses enfants. Notez bien que j’ai mis la négation en lettres majuscules parce que l’alternative, une fois simplifiée, revient à : ou bien on place les enfants ailleurs et on augmente leurs chances de survie — et attention, je parle ici de survie, comprenons-nous bien —, ou bien on les regarde dépérir, parfois périr, en famille. Triste alternative s'il en est une, mais pas moins vraie pour autant. Alors? Si vous étiez dans cette situation, vous feriez quoi vous autres?
J’en vois déjà, des parangons de rectitude qui diront, parlant des Haïtiens : «Ils ont rien qu’à ne pas faire tant d’enfants…» Beau raisonnement. L’eugénisme, ça commence comme ça… Trop d’enfants, trop de vieillards qui encombrent le système de santé, trop de maladies héréditaires, trop d’homosexuels, trop d’alcooliques et quoi encore! Je suis l’un des premiers à dire que la croissance démographique à l’échelle planétaire constitue déjà — et encore davantage dans un futur pas loin — le plus gros problème de survie de notre espèce. Mais en même temps, c’est la nature même de l’espèce humaine de se reproduire, n’est-ce pas? Si bien que les enfants, ce n’est pas demain la veille qu’ils cesseront d’apparaître, à moins d’une anomalie universelle qui empêcherait la procréation, un peu comme dans le film "Children of Men" (pas récent, mais que je vous suggère pour sa qualité)… Et les enfants, une fois qu’ils sont là, ben il faut «faire avec», n'est-ce pas, et c'est précisément là que le bât blesse la structure familiale haïtienne. Car il faut un minimum de moyens pour assumer cette charge et parfois, souvent même, ce minimum n'est simplement pas là.
C'est pour ça que je ne juge pas et je ne veux pas juger. Pour moi, tous les moyens sont bons, tant qu’ils offrent à l’enfant une chance de vivre son enfance et de devenir un adulte équilibré. La famille naturelle d’abord, bien sûr, mais aussi la famille élargie, la famille adoptive, la famille d’accueil, la crèche ou l’orphelinat s’il le faut. En autant que l’enfant ne soit pas dans la rue… Vous souvenez-vous, vous les plus vieux, qu'au Québec, on envoyait jadis les enfants au pensionnat, surtout quand ils étaient tumultueux? Et dans certains cas, je pense que les enfants n'y étaient guère mieux que s'ils avaient été dans un orphelinat... Mais c'était pour leur bien...
Eh bien les parents haïtiens aussi placent leurs enfants pour leur bien, en fait, pour qu'ils puissent simplement survivre; non parce qu'ils sont affreusement cruels... Et l'UNICEF aura beau faire de beaux discours, comme la citation ci-dessous, cette triste réalité ne changera pas demain...
«Pour sa part, L'UNICEF prône avant tout, la désinstitutionnalisation des enfants et la réunification familiale, ainsi qu'une approche multi-sectorielle, comprenant le secteur socio-économique, la justice, la santé reproductive et l'éducation, pour lutter contre ce problème.»Et un petit chausson pour tous les enfants de la terre avec ça!
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mardi 16 août 2011
Une image vaut mille mots
Il est rare que je vous fais un texte juste à partir de la photo. Mais il n’y a pas de loi qui m’en empêche, que je sache, et même si c’était le cas, je pense que j’aurais plaisir à l’enfreindre, tant la photo ci-dessus vient me chercher.
Car il faut vous dire que, depuis les quelque treize années passées à différents endroits du pays, nous avons eu le temps et la chance de nous y frotter, au pays. De faire connaissance avec sa géographie, son climat, ses méandres administratifs et, bien sûr, ses gens. Or, si vous vous souvenez, je vous ai souvent dit que ce qui fascinait le plus dans ce pays, ce ne sont ni les paysages, souvent à couper le souffle, ni la mer, ni le climat tropical mais bien le peuple. Les gens ordinaires qui vaquent à leurs occupations ordinaires et qui, ce faisant, nous présentent un joli morceau de vie. Mais comprenons-nous bien : ces gens vivent comme ils vivent et ne sont nullement en train de nous jouer une pièce de théâtre. Or, cette vie vécue au dehors, au vu et au su de tous les passants est souvent, j’oserais dire toujours, captivante pour les étrangers que nous sommes. Mais attention : rares sont les Haïtiens qui apprécient que nous, étrangers, désirions faire un cliché de leurs activités quotidiennes... Et à leur place, plusieurs, dont votre scribe préféré, protesteraient contre cette ingérence de l’étranger dans leurs affaires privées, même si elles ont cours en public. Simple question de respect. Même pour les enfants, il faut savoir s’y prendre, car s’ils acceptent assez bien de se faire prendre en photo, ils le font trop souvent mal, s’astreignant à prendre la pose qui est justement celle que vous ne voulez pas qu’ils prennent. Bref, faire de bonnes photos de gens, en Haïti, n’est pas facile, et je connais plusieurs professionnels qui s’y sont cassé les dents.
Et voilà que Whitney débarque…
Whitney est une jeune Américaine venue comme ça, juste pour voir comment les choses se passaient à une organisation voisine de la nôtre. Naïve, candide, toute menue avec son gros Nikon pendant à son cou, je me suis dit qu’elle allait sans doute essuyer de jolis quolibets de la part des Haïtiens qui en ont vu d’autres… J’avais tort. Non seulement a-t-elle ramassé des images époustouflantes des gens qu’elle a rencontrés au cours des quelques jours passés dans le pays, mais elle a en outre créé avec ces gens des liens qui forcent l’admiration. Comment? Simplement parce que Whitney n’effraie personne; elle parle avec des gens qui ne la comprennent pas (anglais) et qui lui répondent en créole (qu’elle ne comprend pas) et pourtant, pourtant, une communication s’établit et regardez encore la photo et vous allez comprendre. Une professionnelle? Non. Juste une personne simple et sincère qui crée un contact avec les autres et qui sait graver ce contact sur support numérique. La photographie de paysages n’est pas toujours facile, mais quand on y met le temps et que l’on connaît sa technique, on arrive à des résultats pas trop mauvais. La photographie de gens est une tout autre affaire. C’est le contact qui fait tout. C’est le rapport entre le sujet et le photographe qui fait la photo. Pas la technique — ou si peu; pas la patience, pas la maîtrise du volume, de la texture, du contraste ou de la couleur, pas même la composition. Une bonne photo nous fait sentir l’âme du sujet. Et je ne sais pas pour vous, mais pour moi, rares sont les photos qui m’apportent cette sensation. En tout cas, pas les miennes, à quelques exceptions près… Mais celles de Whitney m’ont laissé sans voix. Car ses photos, dont celle-ci-dessus n’est qu’un simple échantillon (je vous en mettrai d’autres), nous parlent, nous disent que ces gens, ces enfants, sont vrais, vivent et luttent, rient et pleurent, autrement dit s’efforcent comme tout le monde d’être heureux. Et avouez que c’est infiniment beau de voir ça..
mercredi 3 août 2011
Célébrer la vie
Aujourd’hui me paraît un bon jour pour vous pondre un petit quelque chose. Je ne vous ai encore rien donné en ce début de mois; c’est le 3 août et on dit que le 3 fait le mois; c’est aussi l’anniversaire de mon frère — 54 ans tout de même; la tempête tropicale Emily fonce droit sur nous; bref, il y a matière. Et pourtant, rien de tout cela ne mérite de faire l’objet de cette chronique.
Non. Ce dont je veux vous entretenir aujourd’hui n’est rien d'important. Rien qui fera l’actualité mais tout de même : Saulette est enceinte! Tout un événement! Ça fait un bon bout de temps qu'elle s'essayait, sans succès. Vous dire sa joie serait peu dire... Mais pourquoi donc, dans ce pays surpeuplé, le fait d'être enceinte est-il toujours vu comme une bénédiction? Car disons-le tout net : Haïti est surpeuplé et l'une des raisons du marasme économique, c'est précisément le trop grand nombre d'habitants face à des ressources limitées, pour ne pas dire inexistantes. La logique voudrait donc que l'on considère sensé de mettre un frein à la natalité. Sans aller jusqu'aux mesures draconiennes utilisées en Chine, on pourrait penser que le pays pourrait faire quelques campagnes pour décourager la procréation, ce qui aurait de surcroît l'avantage de limiter l'expansion du SIDA et des maladies transmises sexuellement (les fameuses MTS ou MST, c'est selon). Eh bien non. Au lieu de sensibiliser la population aux inconvénients d'un accroissement de la famille, on continue à dire que «Pitit se richès» : les enfants c'est la richesse (traduction pour les pas doués). Et les gens continuent de croître et de se multiplier et d'en être fous de joie.
Pourtant, un rapide calcul montre sans l'ombre d'un doute, que chaque enfant représente une charge économique non négligeable. Car ici, en plus des coûts accrus de l'alimentation (le lait en poudre est cher, je vous dis pas) et des vêtements (car les petits, on ne les habille pas avec rien, n'est-ce pas?), il faut, très tôt, compter avec l'école et ses énormes frais. En moyenne, pour le primaire, on parle de $200 US par année. Pour certains, c'est le sixième du salaire qui y passe. Imaginez un peu : quelqu'un qui, au Canada, gagnerait $48,000 devrait débourser $8,000 par enfant au primaire! Avouons que ça fait un peu cher... Et je ne vous parle pas des frais de santé, de déplacements et d'événements majeurs, comme les funérailles et les cérémonies de remises de diplômes à répétition. Ici, l'on diplôme de la maternelle, de la première année, du primaire, de la fin du programme fondamental, de la philo et par la suite, bien sûr, du collège ou de l'université, éventuellement. Le cas que j’ai rapporté précédemment illustre mes propos. Tout ça pour vous dire que les enfants, loin de signifier la richesse, constituent un réel facteur d'appauvrissement! Et pourtant, on continue de faire des enfants comme on ferait des petits pains chauds : en se pourléchant. Et l'annonce d'une naissance à venir est toujours un sujet joyeux, sur lequel tout le monde plaisante et que tout le monde bénit. Quant au nouveau-né, vous avez deviné qu'il est l'objet d'une réelle adoration.
Mais pourquoi s'acharner à faire des petits quand on sait ce qu'il en coûte? Je n'ai pas de réponse. Mais je soupçonne que faire des enfants n'a rien à voir avec l'économie, ni même avec la sexualité. Certes, avant, c'était automatique : les relations hétérosexuelles se faisant sans protection aucune, les conceptions étaient nombreuses et la volonté n'avait pas grand-chose à voir là-dedans. Mais de nos jours, la grande majorité des adolescents et des adolescentes sont bien au fait des choses de la vie et savent très bien que des relations non protégées non seulement peuvent propager des maladies non désirables mais également engendrer un petit. Mais cette dernière conséquence ne fait peur à personne, pas même à des jeunes filles de bonne famille. Ici, on enfante. Et dans une douleur franchement exprimée, j'en témoigne! Le reste viendra après. Serait-ce le triomphe de la vie sur la médiocrité? En tout cas, avec un taux de fertilité de 3,07 par femme (par rapport à 1,58 au Canada), on ne s'étonnera pas que la croissance démographique du pays soit galopante : 24,4 naissances par rapport à 8,1 mortalités, soit un taux net de 16,3. Au Canada, nous avons 10,28 naissances pour 7,74 mortalités, soit un taux net de 2,54! Je sais, je sais, je vous embête avec tous ces chiffres, mais ils n'en reflètent pas moins une réalité édifiante qui nous permet de mieux comprendre les enjeux haïtiens, présents et à venir. Dont le premier et le plus évident : plus il y a de monde, plus l'espace rétrécit. On se marche sur les pieds, on vit dans la promiscuité et les conflits internes éclatent aisément. Juste pour vous donner quelques chiffres encore (les derniers, promis), la densité de population en Haïti est d'au moins 250 habitants au kilomètre carré contre 3,73 au Canada (5,76 au Québec). Bien sûr, vous allez me dire que le Canada n'est pas un exemple, puisqu'il s'agit de l'un des pays les moins densément peuplés de la planète — rigueur du climat oblige. Mais tout de même, la différence est énorme. Et visible : en Haïti, il y du monde partout! On ne peut pas faire une petite promenade dans l'arrière-pays sans se croiser 50 personnes sur son chemin. Vous voulez vous soulager discrètement derrière un buisson? Levez la tête et vous verrez ces enfants qui vous observent sans vergogne! La solitude, en Haïti, ça n'existe pas! De toute façon, à quoi ça sert, la solitude?
Vous allez me dire que cette réflexion n’est pas vraiment optimiste. Je ne dis pas le contraire. Mais elle ne m’empêche pas moins de me réjouir du merveilleux qui accompagne chaque naissance en devenir. Les filles enceintes sont radieuses, fières de leur bedaine comme un roi de sa couronne et riches de cet énorme privilège qu’est celui de porter la vie.
Après? Après, on verra. Le Ciel y pourvoira. Le reste n’a aucune espèce d’importance.
Et Emily dans tout ça? Eh bien elle est là, la tempête, du moins sur la carte, car au moment où je mets un point final à ce texte, le ciel est toujours d'un bleu limpide et le soleil brille de tous ses feux...
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mardi 28 juin 2011
Une histoire qui fait mal
Je suis tombé par hasard sur cet article la semaine dernière. Le sujet est grave et j'avoue que je ne savais pas trop comment l'aborder. Ne le sais toujours pas d'ailleurs. Mais voilà que je suis présentement plongé dans le dernier roman d'Harlan Coben, Caught ou Faute de Preuves si vous préférez la traduction française, dont l'intrigue tourne autour de la pédophilie, alors je me suis dit : c'est un signe.
Car il faut bien le dire, il se passe dans le pays des choses pas toujours catholiques qui s'entremêlent justement avec des fervents catholiques (ou leurs équivalents). Il faut dire que le pays s'y prête affreusement bien. Alors que la pédophilie internationale est maintenant bien installée sur le Net et accessible incognito à travers des réseaux secrets de mieux en mieux protégés, celle qui prévaut en Haïti est, par la nature même des choses, forcément locale et désorganisée. Ce qui ne la rend pas moins insidieuse ni dommageable pour autant.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'en Haïti, il y a beaucoup d'enfants. Il y a beaucoup de monde, dont beaucoup peu ou pas informés et donc, beaucoup de naissances non désirées qui finissent souvent par un abandon simple du nouveau-né à la porte d'un hôpital ou d'un orphelinat. Car il y a aussi, en Haïti, beaucoup d'orphelinats. En fait, les bons samaritains à court d'idées choisissent aisément cette porte humanitaire car elle s'ouvre sans peine et comble un besoin que l'on sait criant. Notez bien que je ne critique pas ces orphelinats champignons : ils répondent indéniablement à un besoin social profond et sans cesse grandissant. Ainsi, notre ami Peter, dont je vous ai déjà parlé, a fondé dans la zone un orphelinat pour jeunes filles seulement et j'atteste que le projet est non seulement admirable, mais donne de très bons résultats. Les jeunes filles ne sont plus dans la rue, elles vont à l'école et apprennent un métier qui leur permettra, possiblement, de sortir des ornières de l'exploitation sexuelle toujours présente dans l'ombre. Car ce n'est pas évident pour les orphelins «de père et de mère», comme on dit couramment. De là à imaginer que des gens peu scrupuleux pourraient, sous le couvert d'un orphelinat crédible, exploiter la veine sexuelle, il n'y a qu'un pas, et certains le franchissent allégrement, surtout s'ils se sentent protégés par la couverture de la religion. Car en Haïti, rares sont les personnes qui doutent de la sainteté de la religion et de ses tenants officiels. Ainsi, prêtres, frères, soeurs et associés bénéficient spontanément d'une couverture d'innocence et de bonté divine qui leur permet d'agir en toute impunité ou presque. Personne en effet n'oserait remettre en question leur intégrité et pourtant...
Vue sous cette angle, la sordide histoire de ce pasteur américain ne surprend plus. Vous allez me dire que la justice a finalement eu gain de cause et que l'odieux personnage est maintenant mis à jour; vous aurez raison. Mais notez bien le temps qui s'est écoulé depuis ses débuts : 15 ans! Pendant 15 ans, le monsieur a joué au porte-parole du Tout-Puissant, aussi bien dire qu'il était lui-même tout-puissant et qu'il pouvait faire ce qu'il voulait, sans souci des représailles. Oui, je sais, c'est assez écoeurant. Mais la chose n'en est pas moins réelle pour autant. Et pour tout vous dire, sans doute pas si exceptionnelle que ça...
Car c'est là tout le problème : les orphelinats, je le redis, sont une nécessité, a fortiori depuis le tremblement de terre. On ne peut les fermer tous le temps d'enquêter sur leur pratique professionnelle. Or, par définition, les orphelinats sont situés à l'écart des centres, souvent dans des enceintes clôturées où n'entre pas qui veut. Ce qui s'y passe s'y passe à l'abri des regards indiscrets et des inquisitions sceptiques. Tout se fait en catimini et, répétons-le, trop souvent sous le voile opaque de la religion. J'avoue que j'ai, pour ma part, quelques impressions que je garde pour moi, mais qui m'empêcheront sans doute d'être surpris le jour où certain chat sortira de certain sac...
En tout cas, reste à espérer que le vilain Américain pourra se faire servir en prison les traitements qu'il a fait subir aux pauvres enfants sous sa tutelle. La loi du Talion était peut-être primitive, mais elle avait du bon, avouons-le...
Et mon bouquin? Je suis à peine à la moitié alors trop tôt pour vous dire... Mais Coben est habituellement bon, alors...
jeudi 18 mars 2010
Les enfants volés
Mezanmi! 3h30 déjà, et je n'ai rien de préparé, rien à vous dire, rien à vous conter. Que faire? Sauter un jour? Ce serait la solution facile... Mais non. Je persiste et signe, comme dirait l'autre.
N'ayant rien de préparé, je me permets de revenir sur un thème que j'ai déjà abordé, mais puisque la presse d'aujourd'hui en parle, je me dis que cela me donne certainement le droit d'y aller de mon grain de sel. En effet, j'avoue avoir été scandalisé par cette histoire. Comment ne pas l'être? Aujourd'hui, ces enfants, arrachés à leur famille -- pas orphelins, non! -- ont enfin pu retrouver leurs proches. Et les stratagèmes utilisés pour subtiliser ces enfants à leurs parents? Dégueulasse, rien de moins! Je cite: «Florence Avrilier, 32 ans, a retrouvé son petit garçon de huit ans. Elle avait gardé sa fille de douze ans, parce que les missionnaires lui avaient dit ne vouloir que les enfants de moins de dix ans.» Sans doute parce que les enfants de moins de 10 ans se vendent mieux!... Mais on est où là? Des fois je me dis que l'humanité n'a pas avancé de plus d'un pas de souris depuis l'avènement de l'homo sapiens. Certes, on a bien écrit la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, mais sa portée reste très limitée, surtout sur le plan juridique; cependant, ses articles en sont autant de guides de ce qui est correct ou pas. Ainsi, l'article 16, paragraphe 3 dit: «La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État.» Or, qu'ont fait ces «missionnaires»? Ils ont menti à des pauvres gens, ont brisé leur famille, les ont bernés volontairement ou par leur propre ignorance dans le seul but de s'approprier LEURS ENFANTS! J'en frémis encore. Tu parles d'une mission, oui! On se croirait à l'époque des invasions barbares, tiens. (Pas celles d'Arcand, vous l'avez compris) Et le pire, c'est que personne, dans ce groupe de missionnaires, ne s'est posé la question cruciale : «Avons-nous le droit de faire cela?» Tous se sont sentis en paix avec eux-mêmes, grisés par "l'opium du peuple". Des fois, je trouve nos voisins adventistes un peu exaltés. Sans doute chantent-ils faux à n'en plus pouvoir, mais au moins ils ne volent pas d'enfants, eux! Certes, on pourrait dire que le contexte de l'après-séisme a donné à ces missionnaires des circonstances atténuantes; après tout, c'était le bordel de tous les côtés, et les enfants n'étaient évidemment pas la priorité, surtout s'ils étaient en vie. Mais au contraire, je trouve que l'opportunisme dont ont fait preuve ces missionnaires est révoltant. Quoi! Profiter justement du désordre suivant le tremblement de terre pour escamoter en douceur des enfants haïtiens? Mais c'est machiavélique, ça!
J'ai parlé hier de la bonne conscience. Avouez que c'en est là le plus bel exemple. Ces Américains ne sont pas de mauvaises personnes; ce ne sont pas des bandits, du moins je ne le crois pas. Et pourtant, ils ont commis un acte hautement répréhensible, totalement immoral. Comment ont-ils pu ne pas se sentir coupables, ou à tout le moins, questionner leur démarche? La bonne conscience, les amis. La bonne conscience. On sort les enfants de leur misère, de leur trou à rats qu'est Haïti et on leur donne une gentille famille américaine avec télé HD. Comment ces enfants pourraient-ils ne pas être heureux? Comment ne pas croire que ce que l'on fait est pour la bonne cause? Comment ne pas imaginer que Dieu va tout comprendre et pardonner le petit tour de passe-passe pas trop trop légal -- mais qu'a-t-on à faire de légalité quand on «sauve» ces pauvres enfants? De moins de 10 ans, ne l'oubliez pas! Car à 11 ans, l'enfant peut se sauver tout seul! Vous suivez la logique, vous autres? Moi, ça me cause un petit problème et pour ne pas être vulgaire, je vais quand même vous dire: ça me fait chier.
Mais tout est bien qui finit bien. N'est-ce pas. À moins, bien entendu, qu'ils aient réussi ailleurs sans se faire pincer, ce qui reste tout à fait possible... L'article dit que Mme Silsby aurait tenté d'emmener un autre groupe d'enfants, quelques jours auparavant. Et si elle avait réussi avant, le saurions-nous? Je ne crois pas qu'il serait dans l'intérêt de la dame que l'affaire s'ébruite... Et ceux qui, à l'autre bout, ont reçu livraison de leur colis par le biais de la cigogne ne vont certainement pas s'en vanter, maintenant que les dessous sordides de l'affaire sont publics et ont soulevé l'ire générale...
Tout à l'heure, je parle avec deux petites filles--environ 6-7 ans--jolies comme tout, de parfaites candidates à ce trafic éhonté. L'une d'elles est en béquilles. «Tu n'as pas trop de misère à marcher avec ça?», lui demandé-je. «Oh non!» me répond-elle avec un sourire partiellement édenté (dents de lait qui tombent?), «c'est facile!» Et de me faire un petite démonstration. Spontanéité, sourire confiant, insouciance en dépit des béquilles. Dites, c'est pas beau, ça?
Qui osera me dire ce qui est bon pour ces enfants?
jeudi 11 mars 2010
Une petite prothèse avec ça?
Je vous ai parlé avant-hier du centre de santé Lumière, où l'on fabrique, entre autres choses, des prothèses. Tout est déjà en place; ne manque que la petite poussée pour combler les nouveaux besoins de prothèses. Et, bien sûr, pour montrer à ces handicapés à fonctionner avec une prothèse... À cet égard, je ne peux m'empêcher de vous présenter le cas de cette photo. Une petite fille. Trois ou quatre ans. Amputée. Mais voyez l'attitude du médecin (brésilien, est-il utile de le préciser); la compassion se lit sur son visage. Une compassion naturelle, pas forcée, pas obligée, pas apitoyée, pas supérieure : naturelle. Cette amputation-là ne date pas d'hier, vous vous en doutez bien. Je l'ai dit antérieurement, les amputations sont maintenant chose du passé. Et celles qui ont été réalisées ici vont très bien merci. Certaines ont connu un succès plus mitigé, pour des raisons variables, mais celles que nos amis Brésiliens ont effectuées sont réussies; il ne reste plus à présent pour le patient qu'à guérir et surtout, surtout, apprendre à vivre avec.
Or, comme le disait June, la directrice du programme Avantage qui s'occupe de faire des prothèses à l'Hôpital Lumière (dont je vous ai parlé sommairement avant-hier), ici les prothèses des membres supérieurs n'ont pas la cote, pour la simple raison qu'elles sont très rudimentaires (un simple crochet) et pas très esthétiques. Or, en Haïti, l'apparence compte, je ne vous le fais pas dire. Donc si la prothèse n'est pas esthétique, même si elle est fonctionnelle, elle ne sera tout simplement pas utilisée. Tandis que pour les membres inférieurs, il en va tout autrement. C'est une chose importante à savoir, quand on fabrique des prothèses... Donc, on mettra l'accent sur les prothèses des membres inférieurs. Mais j'en reviens à cette petite fille sur la photo (qui s'appelle Martina, en passant). Que faire? Lui mettra-t-on prothèse? Pas sûr, car l'amputation a été exécutée presque au ras de la hanche... Pour l'instant, me dit Sœur Guadalupe, elle va plutôt bien et est devenue la reine de l'orphelinat que gèrent les sœurs de la Charité de Calcutta. Mais après, qu'en adviendra-t-il? Nul ne le sait. Et c'est pour ça, entre autres, que dans ce pays, planifier n'a jamais la même signification qu'ailleurs. Le court-terme ici est vraiment court, de l'ordre de la journée, je dirais. Dès lors, on comprendra que le long-terme s'évalue en mois et non en années; là on parle de très long terme et de tout ce que ça peut comporter d'incertain. Tout est relatif, je ne vous l'apprends pas... Mais voir un enfant de cet âge amputé, je ne sais pour vous, mais moi ça me fait mal. On se prend à penser à la vie qui l'attend, surtout dans un pays comme Haïti... Mais d'un autre côté, peut-être s'ajustera-t-elle plus facilement qu'on pense, peut-être même que sa situation de handicapée lui permettra d'échapper à la grande misère, qui sait? En tout cas, je suis convaincu qu'on ne la laissera pas tomber, et ici, le pronom «on» trouve tout son sens dans l'indéfini et l'indéfinissable : «on» peut être n'importe qui.
Je reviens à ma photo et au Brésilien. Ce médecin a fait ici un travail tout à fait remarquable, comme la plupart de ses compatriotes d'ailleurs. Et je tiens ici à souligner que, non, ce n'est pas du parti pris, simplement un constat. Les Brésiliens, étrangers en terre haïtienne et je devrais dire plus étrangers que d'autres car ils ne font pas partie des visiteurs courants, ont livré ici non seulement une performance professionnelle irréprochable, mais aussi, je dirais même surtout, de l'amour. Oui mes amis, y'a pas d'autre mot pour ça. Et si vous ne me croyez pas, eh bien regardez attentivement la photo et voyez le regard de cet homme--pas ses yeux, on ne les voit pas; mais son regard qui se pose sur l'enfant. Si ce n'est pas de l'amour ça, je veux bien qu'on me dise ce que c'est... Et non, ce n'est pas qu'un simple geste professionnel. Et ils sont tous comme ça! C'est incidemment ce qui fait leur succès ici : ils sont proches des gens, et au diable la barrière linguistique. À force de sourires, de gestes et de mots répétés dans une langue ou dans l'autre, ils arrivent à établir le contact et les patients se sentent réconfortés par ces professionnels au grand cœur. C'est incidemment dans ces termes que j'ai décrit ce matin l'apport brésilien, dans une entrevue pour la télé brésilienne qui sera vue, m'a-t-on dit, par environ 40,000,000 de téléspectateurs, ce qui est quand même pas mal. Ai-je bien fait ça? De l'avis du journaliste, comme un pro. Il m'a d'ailleurs dit qu'il m'enverrait une copie du montage vidéo (voir lien ici sur YouTube). Mais le fait demeure que j'ai dit la vérité. Une vérité toute simple, comme la plupart des vérités d'ailleurs, et qui met en lumière la grande bonté de ces gens.
«Yo bon moun» : du bon monde. C'est comme ça que les Haïtiens parlent des Brésiliens.
vendredi 5 février 2010
Rien à voir avec vendredi, mais...
Oui, je sais, je vous ai fait faux bond hier. Non pas que je n'aie rien trouvé à dire--il y a toujours des choses à raconter--mais j'étais «bouké» comme on dit en créole, et on était en pénalité Internet, avec une vitesse de pas même 100 Kbps, alors aussi bien dire que c'était une connexion téléphonique tout au plus. Mais ce matin, c'est revenu, nous avons retrouvé notre vitesse habituelle d'environ 1,200 Kbps et tout le monde en est heureux. Reste que notre connexion, habituellement tout à fait adéquate, ne suffit plus vu l'affluence. J'ai demandé et averti tout le monde de ne pas faire d'abus de bande passante ou sinon, je les débranche, tout simplement. Notre système Starband fonctionne assez bien, mais comme pour tous les gros fournisseurs américains, nous avons une limite d'utilisation qui, lorsqu'elle est dépassée, nous fait tomber automatiquement en pénalité. Rassurez-vous, je ne vais pas continuer à vous raser avec nos problèmes Internet...
Car ce n'est pas d'Internet ou de bande passante que j'entends vous parler aujourd'hui, mais plutôt de ces Américains qui ont décidé de «sauver» des enfants haïtiens en les escamotant en République Dominicaine. La presse y a consacré plusieurs articles (dont celui-ci), et pour cause: l'affaire est proprement scandaleuse. J'espère que tous ces gens iront en prison et assez longtemps pour y penser à deux fois avant de «voler» des enfants, même si c'est pour leur plus «grand bien». Car c'est quand même aberrant de voir que ces gens se donnent le droit de juger et d'agir à leur guise, sans le moindre respect pour les us et les coutumes des autres, et je ne parle pas des lois. Or, la première chose à faire pour rebâtir le pays, c'est d'accepter comme fait établi que tout croche et tout «poké» qu'il puisse être, Haïti reste un pays, pas une province américaine! Lui prêter main forte est une chose. Mais penser à sa place en est une autre!... Haïti a besoin d'aide dans des proportions effarantes. Mais d'aide seulement! J'ai, pour ma part, énormément de difficultés avec ces bien-pensants qui décident ce qui doit advenir du pays sans jamais y avoir mis les pieds. Il faut lire les commentaires des gens qui suivent les blogues sur Cyberpresse pour voir à quel point les «experts» sont nombreux. À les entendre, on a qu'à les écouter et le sort du monde (incluant celui d'Haïti, bien entendu) est réglé! Savent tout. Comprennent tout. Et l'expriment avec conviction, passion, véhémence, même. Et se gonflent mutuellement de leurs savantes analyses et des conclusions non moins savantes qu'ils en tirent. Ah! c'est du propre, je vous jure... Eh bien n'attendez pas de moi, qui vit dans ce pays depuis seulement 10 ans, de vous expliquer ce qui s'y passe et ce qu'il faut faire pour arranger les choses, car en vérité, je n'en sais strictement rien. Trop con, dites-vous? C'est possible. Mais je pense plutôt que la somme des variables est tellement imposante que toute conclusion est forcément erronée. Alors «experts» abstenez-vous. De grâce. »Avant de juger l'indien», disait Félix, «chausse ses mocassins.» (Les Haïtiens ont aussi un proverbe qui dit la même chose, mais je l'ai oublié...) Mais vous m'avez compris, n'est-ce pas? C'est pourquoi je suis si choqué de voir un groupe religieux américain prendre les choses en main comme eux seuls savent le faire, dans l'ignorance la plus crasse des valeurs en jeu et avec l'arrogance qu'on leur connaît. En passant, avez-vous remarqué comme arrogance et ignorance font bon ménage? L'un est souvent à l'origine de l'autre, qui redevient la cause du premier dans un cercle nombriliste forcément vicieux...
Arrogance et ignorance: voilà pourquoi je suis plutôt réticent à l'idée de mettre le pays en tutelle, comme plusieurs «experts» le recommandent... Ça fait: «Poussez-vous les imbéciles et les ignorants et laissez les pros faire le travail.» Ça fait CIA ou NSA, vous ne trouvez pas, vous autres?
Mais pendant ce temps, le temps passe. Les jours se suivent, se ressemblent un peu sans être jamais les mêmes et avec le temps, ben les choses se tassent. "Avec le temps, va, tout s'en va..." (Ferré). Et pendant ce temps, Rickenson (photo) grandit parmi nous où il se sent presque en famille tandis que sa mère, hospitalisée, se remet de son amputation et de la perte de ses deux autres enfants... Le temps, vous dis-je.. Le temps guérit tout.
mercredi 19 mars 2008
« Pitit se richès »

Celui-là, vous ne l’attendiez pas, avouez! Traduction (pour les paresseux des méninges) : les enfants, c’est la richesse. Je vous ai dit dans ma chronique précédente que tout le monde n’était pas si malheureux que ça en Haïti, tout pauvres que soient les gens. Vous voyez maintenant pourquoi : les enfants représentent la richesse!
À prime abord, on peut douter de la validité du proverbe : après tout, financièrement, les enfants représentent un fardeau supplémentaire non négligeable. Ils faut les nourrir, les vêtir, les abriter, puis les envoyer à l’école (très coûteux, ça!), sans compter les inévitables problèmes de santé et les non moins évitables visites à l’hôpital qui s’ensuivent. Or dans ce pays pauvre, rien n’est gratuit, pas même les soins de santé… (J’y reviendrai.) Pourtant et malgré ce qu’il en coûte, tous s’entendent pour affirmer que « pitit se richès ». On comprendra dès lors que le taux de natalité ne soit nullement à la baisse et, conséquence directe, partout où se porte le regard, les enfants abondent. Et on les aime. On les prend, on les caresse, on les embrasse, on les gifle, on leur donne le fouet ou la férule, on leur tord les oreilles, selon les circonstances. Car les enfants sont aimés, pas idolâtrés. Ils sont respectés, mais on ne leur laisse pas faire les quatre cents coups pour autant. Et ici, point de propriété des enfants : les enfants sont des adultes en devenir, et tout adulte a le droit, sinon le devoir, de corriger un enfant qui agit mal, qu’il soit son parent ou non. Les enfants le savent et se le tiennent pour dit… Ce qui n’en fait pas des enfants tranquilles et effacés pour autant!
Mais l’essentiel n’est pas de savoir comment ces enfants vont tourner, s’il vont faire « quelque chose » de leur vie ou non; l’essentiel, c’est de les faire! Après tout, ne sommes-nous pas conçus pour cela? « Croissez et multipliez-vous », dit la bible. Qui a besoin d’encouragements supplémentaires?
C’est d’ailleurs ce qui a failli conduire à la catastrophe sidéenne : les relations sexuelles protégées étant complètement incompatibles tant avec la bible qu’avec le proverbe qui donne le titre de cette chronique — le but de la relation étant, rappelons-le, la procréation — la transmission du virus s’est rapidement accélérée. Mais heureusement, de bonnes campagnes de sensibilisation et d’information, alliées à des programmes de traitement très dynamiques ont renversé la tendance, si bien que les choses sont maintenant sous un contrôle relatif. Cependant, l’idée de « fè bagay » reste encore et toujours une excellente idée, ne serait-ce que pour passer le temps… Et puis, selon toute probabilité, on pourra ainsi avoir deux ou trois petits qui meubleront l’espace et le temps!
« Pitit se richès »; pas une richesse matérielle, on s’entend là-dessus, mais bien une richesse humaine, une richesse qualitative plutôt que quantitative. Qu’importe que les conditions de vie soient dures : les enfants, c’est l’espoir d’un monde meilleur pi devan, comme on dit par ici.
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