jeudi 18 mars 2010

Les enfants volés


Mezanmi! 3h30 déjà, et je n'ai rien de préparé, rien à vous dire, rien à vous conter. Que faire? Sauter un jour? Ce serait la solution facile... Mais non. Je persiste et signe, comme dirait l'autre.

N'ayant rien de préparé, je me permets de revenir sur un thème que j'ai déjà abordé, mais puisque la presse d'aujourd'hui en parle, je me dis que cela me donne certainement le droit d'y aller de mon grain de sel. En effet, j'avoue avoir été scandalisé par cette histoire. Comment ne pas l'être? Aujourd'hui, ces enfants, arrachés à leur famille -- pas orphelins, non! -- ont enfin pu retrouver leurs proches. Et les stratagèmes utilisés pour subtiliser ces enfants à leurs parents? Dégueulasse, rien de moins! Je cite: «Florence Avrilier, 32 ans, a retrouvé son petit garçon de huit ans. Elle avait gardé sa fille de douze ans, parce que les missionnaires lui avaient dit ne vouloir que les enfants de moins de dix ans.» Sans doute parce que les enfants de moins de 10 ans se vendent mieux!... Mais on est où là? Des fois je me dis que l'humanité n'a pas avancé de plus d'un pas de souris depuis l'avènement de l'homo sapiens. Certes, on a bien écrit la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, mais sa portée reste très limitée, surtout sur le plan juridique; cependant, ses articles en sont autant de guides de ce qui est correct ou pas. Ainsi, l'article 16, paragraphe 3 dit: «La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État.» Or, qu'ont fait ces «missionnaires»? Ils ont menti à des pauvres gens, ont brisé leur famille, les ont bernés volontairement ou par leur propre ignorance dans le seul but de s'approprier LEURS ENFANTS! J'en frémis encore. Tu parles d'une mission, oui! On se croirait à l'époque des invasions barbares, tiens. (Pas celles d'Arcand, vous l'avez compris) Et le pire, c'est que personne, dans ce groupe de missionnaires, ne s'est posé la question cruciale : «Avons-nous le droit de faire cela?» Tous se sont sentis en paix avec eux-mêmes, grisés par "l'opium du peuple". Des fois, je trouve nos voisins adventistes un peu exaltés. Sans doute chantent-ils faux à n'en plus pouvoir, mais au moins ils ne volent pas d'enfants, eux! Certes, on pourrait dire que le contexte de l'après-séisme a donné à ces missionnaires des circonstances atténuantes; après tout, c'était le bordel de tous les côtés, et les enfants n'étaient évidemment pas la priorité, surtout s'ils étaient en vie. Mais au contraire, je trouve que l'opportunisme dont ont fait preuve ces missionnaires est révoltant. Quoi! Profiter justement du désordre suivant le tremblement de terre pour escamoter en douceur des enfants haïtiens? Mais c'est machiavélique, ça!

J'ai parlé hier de la bonne conscience. Avouez que c'en est là le plus bel exemple. Ces Américains ne sont pas de mauvaises personnes; ce ne sont pas des bandits, du moins je ne le crois pas. Et pourtant, ils ont commis un acte hautement répréhensible, totalement immoral. Comment ont-ils pu ne pas se sentir coupables, ou à tout le moins, questionner leur démarche? La bonne conscience, les amis. La bonne conscience. On sort les enfants de leur misère, de leur trou à rats qu'est Haïti et on leur donne une gentille famille américaine avec télé HD. Comment ces enfants pourraient-ils ne pas être heureux? Comment ne pas croire que ce que l'on fait est pour la bonne cause? Comment ne pas imaginer que Dieu va tout comprendre et pardonner le petit tour de passe-passe pas trop trop légal -- mais qu'a-t-on à faire de légalité quand on «sauve» ces pauvres enfants? De moins de 10 ans, ne l'oubliez pas! Car à 11 ans, l'enfant peut se sauver tout seul! Vous suivez la logique, vous autres? Moi, ça me cause un petit problème et pour ne pas être vulgaire, je vais quand même vous dire: ça me fait chier.

Mais tout est bien qui finit bien. N'est-ce pas. À moins, bien entendu, qu'ils aient réussi ailleurs sans se faire pincer, ce qui reste tout à fait possible... L'article dit que Mme Silsby aurait tenté d'emmener un autre groupe d'enfants, quelques jours auparavant. Et si elle avait réussi avant, le saurions-nous? Je ne crois pas qu'il serait dans l'intérêt de la dame que l'affaire s'ébruite... Et ceux qui, à l'autre bout, ont reçu livraison de leur colis par le biais de la cigogne ne vont certainement pas s'en vanter, maintenant que les dessous sordides de l'affaire sont publics et ont soulevé l'ire générale...

Tout à l'heure, je parle avec deux petites filles--environ 6-7 ans--jolies comme tout, de parfaites candidates à ce trafic éhonté. L'une d'elles est en béquilles. «Tu n'as pas trop de misère à marcher avec ça?», lui demandé-je. «Oh non!» me répond-elle avec un sourire partiellement édenté (dents de lait qui tombent?), «c'est facile!» Et de me faire un petite démonstration. Spontanéité, sourire confiant, insouciance en dépit des béquilles. Dites, c'est pas beau, ça?

Qui osera me dire ce qui est bon pour ces enfants?

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