lundi 22 mars 2010

Faudra-t-il aider l'aide?


Vous le savez maintenant: même si nous n'avons que peu de contacts avec la presse papier ou télévisée, nous sommes très au fait de ce qui se passe dans le monde grâce au miracle (car oui, c'en est un) de la technologie informatique moderne. Certes, les sources peuvent en être discutables. Mais pour quelqu'un qui sait décoder l'information avec un certain sens critique, les articles glanés sur le Web peuvent se révéler une excellente source pour nous inviter à réfléchir.

Tout ça pour vous dire que je viens de tomber aujourd'hui sur cet article de Louise Leduc sur Cyberpresse. Je vous l'ai dit dès le début de l'après-séisme : l'aide humanitaire, c'était un joyeux bordel où tout le monde tentait à sa manière de prendre son pied. Et puis l'effervescence du début s'estompe, le gaz carbonique se disperse et on se met à regarder les choses d'un œil plus attentif et plus critique. Et ma foi, ce que l'on constate n'est pas toujours digne d'éloges ou de mentions honorables... Même venant d'organisations qu'on assume sérieuses et bien structurées, les vides sont évidents. Notez en passant ce que disait l'un de mes profs de philo : c'est souvent au cœur de l'évidence que se cache le vide... Or, je dois dire que la chose s'est avérée depuis la Catastrophe. Juste pour vous donner un petit exemple qui nous touche directement : quelques jours après le séisme, les militaires de la MINUSTAH sont venus et, sans dire un mot, se sont mis à monter des tentes pour les réfugiés. «Quels réfugiés?» ai-je poliment demandé. «Les réfugiés», m'a-t-on répondu d'un ton qui n'admettait pas la réplique. Je me suis dit que je n'étais sans doute pas au fait des plans qu'on avait en haut lieu pour faire face à cette terrible catastrophe (probablement la "need-to-know basis") et, poli, je me suis tu. Pas moins de quatre tentes style chapiteaux furent montées dans la cour. Les a-t-on utilisées? Oui. Environ une dizaine de personnes y sont passées. Et pas des réfugiés, vous vous en doutez bien. Certaines d'ailleurs avec des intentions qui n'avaient rien à voir avec la convalescence, mais bon, nous avons tout de même gardé les choses sous contrôle. Mais voyant l'usage qu'on en faisait, j'ai appelé la MINUSTAH la semaine dernière pour leur demander de bien vouloir venir récupérer leurs tentes. En vain. En bout de ligne, c'est nous qui avons démonté ces tentes et les avons entreposées en attendant que les propriétaires viennent les chercher. Et je vous parie une bouteille en verre contre un ver dans le fond d'une bouteille (de Mezcal, bien sûr) que ce ne sera pas demain qu'ils viendront... Et pourtant, de tous les côtés, on crie qu'on manque de tentes... Il y a d'autres organisations aussi que je pourrais nommer, mais bon, évitons de froisser les susceptibilités locales, n'est-ce pas. L'essentiel est que vous puissiez comprendre ce que je veux vous illustrer. Donc, oui, c'est bien vrai, l'efficacité des organisations reste au mieux discutable, au pire, une source de raillerie. Et l'argent qu'on y gaspille? Je vous dis pas...

Les Haïtiens ne sont pas plus fous que d'autres: ils comprennent vite que s'il n'y a pas de contrôle, tout le monde peut faire comme il veut. Au plus fort la poche, comme on dit... Et comme l'a fort judicieusement souligné le premier ministre haïtien, si l'on gave le peuple, on ne leur rend nullement service : on en fait des opportunistes et des profiteurs.

Quant à la compétition entre les ONG, la redondance des services offerts, la non-communication, le tape-à-l'oeil médiatique, oui, tout cela est vrai. Et pire encore. Mais cela fait partie du jeu, que voulez-vous?... C'est pour cela que je vous disais que mieux vaut une petite organisation qui limite le champ de ses activités plutôt qu'une grosse boîte internationale qui veut appliquer ici des principes qui ne valent rien. Finalement et comme partout ailleurs, l'habit ne fait pas le moine, même s'il s'agit d'un habit organisationnel qui semble parfaitement seyant...

De quoi donner l'idée de lancer sa propre fondation, tiens...

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