lundi 15 mars 2010
Tombent les mangues
Connaissez-vous cette chanson d'Adamo intitulée Tombe la neige? C'est son titre qui a inspiré le mien. Car ici, ce n'est pas la neige qui tombe, mais bien les mangues, et laissez-moi vous dire que leur impact sur un patio fait de béton recouvert de céramique n'a rien à voir avec la neige! Surtout qu'en plus, plusieurs tombent d'abord dans le feuillage du palmier voisin (genre de palmier à l'huile, mais non, ce n'en est pas un; si quelqu'un peut l'identifier sur la photo dans le coin supérieur gauche, je n'en serai que plus heureux parce que moins niaiseux), dont les palmes sont épaisses et peu cartonnées, ce qui fait un bruit d'enfer, assez pour nous réveiller, pour tout vous dire. Et le matin, les mangues jonchent la terrasse au point qu'on croirait que des enfants ont eu beaucoup de plaisir, mais n'ont pas rangé leur désordre. La saison des mangues, je vous l'ai dit l'année dernière et l'année précédente, engendre une forme de folie collective chez les Haïtiens qui y voient comme une manne tombée du ciel. Ce qu'elle est d'ailleurs, et succulente en plus! Si bien que cette année, j'ai dû mettre des règles strictes interdisant aux gardiens de sécurité de venir chercher des mangues sur la terrasse entre 19h et 7h, car notre chambre donne maintenant de ce côté. Or, vous admettrez avec moi que d'entendre quelqu'un marcher subrepticement à minuit ou à 5h le matin, ce peut être vaguement inquiétant... Car oui, n'en doutez pas, les déplacements humains près de la maison, quelle que soit l'heure, me réveillent sur-le-champ. Vous savez ce qu'on dit du chat échaudé...
Tout ça pour vous dire que les mangues tombent et attention à ce qui se trouve en dessous. Vous connaissez tous les lois de la force gravitationnelle, n'est-ce pas... Au moins une chose qui n'a pas été affectée par le tremblement de terre, tiens...
La raison pour laquelle je vous parle de mangues est double : d'abord, c'est vrai que c'est une preuve que le tremblement de terre n'a pas tout transformé; la saison des mangues revient cette année comme s'il ne s'était rien passé. Ensuite et surtout, les mangues, c'est le fruit nourrissant et délicieux, c'est l'espoir de jours meilleurs, c'est un cadeau du Ciel qui met comme un baume sur la plaie sismique. On parle beaucoup de reconstruction du pays, ces temps-ci, et l'on parle de construction physique, bien entendu. Mais la reconstruction psychologique me semble tout aussi importante, car comment construire si le peuple est apathique, démoralisé, déprimé? Les Haïtiens, je l'ai dit à satiété, sont un peuple non seulement courageux, mais aussi tenace et pas facilement découragé. Il suffit de pas grand-chose pour les remettre sur pied, et la saison des mangues est certainement un pas dans la bonne direction. Un peu de «normalité», comme je l'ai dit naguère, ne nuit évidemment pas. Les deux derniers mois n'ont pas toujours été faciles, je m'en suis assez plaint pour que vous le sachiez, et le retour à une certaine «stabilité dans l'instabilité» s'apprécie d'autant plus qu'il est nécessaire. On ne peut pas toujours être en crise...
C'est incidemment ce qui nous a incités, mon inséparable et moi-même, à prendre un petit week-end de congé, hier et samedi. Oh! Nous ne sommes pas allés très loin, mais cela a suffi à nous faire sentir un peu ailleurs, un peu hors du rythme trépidant de ces deux derniers mois. Nous n'avons pas fait grand-chose, en fait et pour dire franchement, n'avons absolument rien fait, et c'était parfait comme ça. C'était calme -- nous étions les seuls clients -- et c'était ce que nous voulions. Même le climatiseur était silencieux, c'est vous dire...
Et aujourd'hui lundi, il y a comme un air de répit dans l'air. Les Brésiliens s'en sont allés vendredi dernier et leurs remplaçants ne sont pas encore arrivés -- une équipe réduite, cette fois, puisqu'elle ne comptera que quatre spécialistes. Mais je l'ai dit, le travail de crise est terminé et maintenant il faut s'assurer que les pots cassés qu'on a habilement recollés tiennent le coup...
Ne m'en veuillez donc pas trop si mes rendez-vous s'espacent. Peut-être n'aurai-je rien de neuf à vous raconter, peut-être serai-je seulement captif de ma paresse proverbiale, en tout cas, on verra...
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