jeudi 11 mars 2010
Une petite prothèse avec ça?
Je vous ai parlé avant-hier du centre de santé Lumière, où l'on fabrique, entre autres choses, des prothèses. Tout est déjà en place; ne manque que la petite poussée pour combler les nouveaux besoins de prothèses. Et, bien sûr, pour montrer à ces handicapés à fonctionner avec une prothèse... À cet égard, je ne peux m'empêcher de vous présenter le cas de cette photo. Une petite fille. Trois ou quatre ans. Amputée. Mais voyez l'attitude du médecin (brésilien, est-il utile de le préciser); la compassion se lit sur son visage. Une compassion naturelle, pas forcée, pas obligée, pas apitoyée, pas supérieure : naturelle. Cette amputation-là ne date pas d'hier, vous vous en doutez bien. Je l'ai dit antérieurement, les amputations sont maintenant chose du passé. Et celles qui ont été réalisées ici vont très bien merci. Certaines ont connu un succès plus mitigé, pour des raisons variables, mais celles que nos amis Brésiliens ont effectuées sont réussies; il ne reste plus à présent pour le patient qu'à guérir et surtout, surtout, apprendre à vivre avec.
Or, comme le disait June, la directrice du programme Avantage qui s'occupe de faire des prothèses à l'Hôpital Lumière (dont je vous ai parlé sommairement avant-hier), ici les prothèses des membres supérieurs n'ont pas la cote, pour la simple raison qu'elles sont très rudimentaires (un simple crochet) et pas très esthétiques. Or, en Haïti, l'apparence compte, je ne vous le fais pas dire. Donc si la prothèse n'est pas esthétique, même si elle est fonctionnelle, elle ne sera tout simplement pas utilisée. Tandis que pour les membres inférieurs, il en va tout autrement. C'est une chose importante à savoir, quand on fabrique des prothèses... Donc, on mettra l'accent sur les prothèses des membres inférieurs. Mais j'en reviens à cette petite fille sur la photo (qui s'appelle Martina, en passant). Que faire? Lui mettra-t-on prothèse? Pas sûr, car l'amputation a été exécutée presque au ras de la hanche... Pour l'instant, me dit Sœur Guadalupe, elle va plutôt bien et est devenue la reine de l'orphelinat que gèrent les sœurs de la Charité de Calcutta. Mais après, qu'en adviendra-t-il? Nul ne le sait. Et c'est pour ça, entre autres, que dans ce pays, planifier n'a jamais la même signification qu'ailleurs. Le court-terme ici est vraiment court, de l'ordre de la journée, je dirais. Dès lors, on comprendra que le long-terme s'évalue en mois et non en années; là on parle de très long terme et de tout ce que ça peut comporter d'incertain. Tout est relatif, je ne vous l'apprends pas... Mais voir un enfant de cet âge amputé, je ne sais pour vous, mais moi ça me fait mal. On se prend à penser à la vie qui l'attend, surtout dans un pays comme Haïti... Mais d'un autre côté, peut-être s'ajustera-t-elle plus facilement qu'on pense, peut-être même que sa situation de handicapée lui permettra d'échapper à la grande misère, qui sait? En tout cas, je suis convaincu qu'on ne la laissera pas tomber, et ici, le pronom «on» trouve tout son sens dans l'indéfini et l'indéfinissable : «on» peut être n'importe qui.
Je reviens à ma photo et au Brésilien. Ce médecin a fait ici un travail tout à fait remarquable, comme la plupart de ses compatriotes d'ailleurs. Et je tiens ici à souligner que, non, ce n'est pas du parti pris, simplement un constat. Les Brésiliens, étrangers en terre haïtienne et je devrais dire plus étrangers que d'autres car ils ne font pas partie des visiteurs courants, ont livré ici non seulement une performance professionnelle irréprochable, mais aussi, je dirais même surtout, de l'amour. Oui mes amis, y'a pas d'autre mot pour ça. Et si vous ne me croyez pas, eh bien regardez attentivement la photo et voyez le regard de cet homme--pas ses yeux, on ne les voit pas; mais son regard qui se pose sur l'enfant. Si ce n'est pas de l'amour ça, je veux bien qu'on me dise ce que c'est... Et non, ce n'est pas qu'un simple geste professionnel. Et ils sont tous comme ça! C'est incidemment ce qui fait leur succès ici : ils sont proches des gens, et au diable la barrière linguistique. À force de sourires, de gestes et de mots répétés dans une langue ou dans l'autre, ils arrivent à établir le contact et les patients se sentent réconfortés par ces professionnels au grand cœur. C'est incidemment dans ces termes que j'ai décrit ce matin l'apport brésilien, dans une entrevue pour la télé brésilienne qui sera vue, m'a-t-on dit, par environ 40,000,000 de téléspectateurs, ce qui est quand même pas mal. Ai-je bien fait ça? De l'avis du journaliste, comme un pro. Il m'a d'ailleurs dit qu'il m'enverrait une copie du montage vidéo (voir lien ici sur YouTube). Mais le fait demeure que j'ai dit la vérité. Une vérité toute simple, comme la plupart des vérités d'ailleurs, et qui met en lumière la grande bonté de ces gens.
«Yo bon moun» : du bon monde. C'est comme ça que les Haïtiens parlent des Brésiliens.
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Bonjour Richard,
RépondreEffacerTrès touchant ton témoignage sur les Brésiliens.
J'aimerais voir ce vidéo dont tu fais mention quand tu viendras en mai.
Au revoir,
Micheline