Aucun message portant le libellé éducation. Afficher tous les messages
Aucun message portant le libellé éducation. Afficher tous les messages
dimanche 1 décembre 2013
Là où le bât blesse
La semaine dernière, ma grande amie Monique a partagé sur son mur Facebook un article très intéressant que je vous recommande vivement si la problématique de l’analphabétisme vous intéresse. La situation décrite concerne le Québec, mais vous avez deviné qu’elle s’applique tout aussi bien à n’importe quel pays et qu’elle sera d’autant plus grave si le pays est pauvre et peu développé, comme c’est le cas de notre chère Haïti.
J’attire particulièrement votre attention sur ce court, mais ô combien éloquent extrait de l’article : «Si une société n’est pas éclairée par le savoir, disait en substance Condorcet, elle se condamne à être trompée par des charlatans.» D’où la réflexion de l’auteur que les coûts de l’analphabétisme sont, bien sûr, économiques, mais également politiques et avec l’insatisfaction politique qui, ici présentement, monte et monte, on ne peut qu’être d’accord avec l’auteur : «[…] ne pas savoir lire, c’est être très handicapé pour accéder à l’information et au savoir et, partant, avoir beaucoup de mal à exercer sa citoyenneté.» Or, c’est précisément la situation générale en Haïti et l’on comprend dès lors que les choix politiques que peuvent — et doivent — faire les citoyens et les citoyennes reflètent cette carence et donnent des résultats parfois assez discutables. Résultats que les intellectuels, éduqués, utilisent à leurs propres fins, vous l’avez compris…
En fait, c’est là le fond du problème : en Haïti, les nantis, minoritaires, sont aussi les mieux éduqués, les plus cultivés et les plus éveillés, et ce, pour la raison que je vous ai déjà exprimée : la fréquentation scolaire, dans ce pays, est très chère. Donc, une famille à l’aise pourra inscrire ses enfants à de bonnes écoles alors que les pauvres ne pourront se permettre que des ersatz d’écoles, plus occupées à enrichir leurs coffres qu’à éduquer. Résultat : un clivage énorme entre ces deux couches de la population. Or, comme c’est la minorité qui détient le savoir, c’est la minorité qui dirige le pays, pas seulement politiquement, mais aussi sur les plans économiques et médiatiques, pour ne citer que ceux-là. Dès lors, quoi de plus facile que de manipuler le peuple et de lui faire croire ce que l’on veut? Il suffit de quelques affirmations bien scandées, de quelques faits distillés dans des données invérifiables et un président devient bon pour la casse…
Je l’ai dit à maintes reprises : je ne fais pas de politique. Mais la politique ne s’en fait pas pour ça et ce que l’on met sur son dos pour justifier les abus de pouvoir et la corruption endémique reste toujours étonnant — et je parle ici de n’importe quelle nation, car je cherche encore le pays dont les dirigeants seraient absolument honnêtes et dévoués au bien-être du peuple seulement. En fait et pour tout vous dire, voilà précisément la raison pour laquelle je ne fais pas de politique : pour moi, c’est bonnet blanc et blanc bonnet car les humains sont… humains, tout simplement.
Heureusement, les dirigeants sont élus, c’est-à-dire choisis et pour une période déterminée, de sorte que l’on peut toujours en changer quand le mandat arrive à son terme. Mais ici, en Haïti, on n’a pas toujours la patience d’attendre ce moment et les assoiffés de pouvoir (et de l’argent qu’il sous-tend, est-il besoin de le préciser) montrent déjà des dents acérées et des griffes pointues… Qu’en sortira-t-il? Certainement rien de bon. Mais comme disait l'autre, nil novi sub sole : rien de nouveau sous le soleil, fût-il chaud et haïtien...
Cela dit, l’on ne peut qu’espérer que le peuple, ce grand perdant, pourra un jour accéder à un niveau d’éducation qui lui permettra vraiment de comprendre la mécanique en jeu et d’éviter de se faire honteusement berner…
Alors oui, un taux d’analphabétisme qui frise les 50% au Québec, c’est tragique, mais en Haïti, ce serait merveilleux, je vous le dis tout net.
dimanche 29 septembre 2013
Réacclimatation
Dimanche dernier, à peu près à la même heure, j'écrivais ceci:
Déjà une semaine a passé. La première depuis notre longue absence et, comme vous vous en doutez sûrement, elle a passé à la rapidité de l’éclair. Il a fallu nous réajuster à tant de petits détails que nous n’avons rien vu du temps — à part en sentir la chaleur, il va sans dire. Car la fin de septembre nous donne encore des températures au-dessus de 30° C avec un taux d’humidité qui frise le sauna, alors oui, il fait chaud. Très. Mais heureusement, nos bureaux climatisés sont là, havre d’une fraîcheur artificielle, soit, mais qui vaut mieux que le four naturel extérieur.
Mais pour une raison obscure, le texte est resté inachevé et la semaine a passé sans que j'aie le temps de m'y remettre. Aujourd'hui, autre dimanche et le dernier du mois de surcroît, j'y reviens et malgré sa banalité, je vous le finis pour que vous puissiez à tout le moins savoir que tout se passe assez bien au pays des Haïtiens.Cela dit, si la chaleur est étouffante, le travail, lui, ne l’est pas. Colette, notre digne secrétaire, s’est révélée tout à fait à la hauteur de nos attentes de sorte que nous n’avons qu’à reprendre le fil où il est rendu sans avoir à détricoter ce qui s’est fait pendant notre absence. Voilà qui est plaisant et, avouons-le, rassurant.
Ainsi, le pays va plutôt bien, oui, même si la tension politique monte et que l’insatisfaction commence à gronder sourdement. On accuse le présent gouvernement de bien des choses, notamment de taxer et de surtaxer les petites gens de tous les côtés et de s’enrichir grâce à l’argent de la drogue alors que le peuple croupit toujours dans la misère noire. Et justement, parlant de drogue, un homme d’affaires du coin bien connu s’est présenté à la police avec 56 kilos de marijuana, affirmant qu’il avait trouvé les ballots flottant sur la mer en face de sa propriété… Vrai? Pas vrai? Je vous laisse en décider... Quoi qu’il en soit, la police, faute de preuves tangibles (après tout, le type s’est présenté de son propre chef) a dû le relâcher, mais plusieurs trouvent la couleuvre grosse à avaler… Car ne nous leurrons pas : la drogue reste une source de revenus alléchante pour qui n’en craint pas les conséquences. Or, quelle meilleure façon d’agir en toute impunité que de s’acoquiner avec des personnages haut placés? Et d’après ce qu’on dit de ce monsieur, il serait l’ami du président, rien de moins… Tout ça pour vous dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le chaud soleil haïtien : les riches s’enrichissent tandis que les pauvres s’appauvrissent. En fait, ils s’appauvrissent encore davantage en s’endettant pour payer les frais d’inscription scolaire de leurs enfants, début des classes oblige (mardi prochain). Malgré toute la bonne volonté gouvernementale sur le papier de rendre l’éducation accessible à tous, la réalité est tout autre et les écoles privées, sans égard à leur qualité, foisonnent et imposent des tarifs outrageants, même pour les nantis. Les pauvres, eux, en sortent exsangues. Triste réalité, je vous le dis, et d’autant plus triste qu’on ne peut rien y faire sauf avaler la pilule, si amère qu'elle soit...
Vous croyez qu'il y a là matière à découragement? C'est que vous ne connaissez pas les Haïtiens : qu'importe demain si l'on peut aujourd'hui résoudre le problème de l'inscription scolaire. Demain est un autre jour et on s'arrangera bien... Et ma foi, on peut difficilement leur donner tort, n'est-ce pas?
mercredi 7 décembre 2011
Respect
Permettez-moi aujourd’hui d’aborder un sujet plus sérieux que celui de la réfection de notre cuisine. Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de respect. Oui, je sais, j’ai souvent survolé le thème au fil de ces textes, mais en lisant, lundi dernier, la chronique de mon ami Foglia sur la décivilisation, j’y ai vu une belle occasion de m’arrêter un peu sur le sujet. Mais d’abord, que je vous cite Foglia :
«Aujourd'hui, dans les écoles, on parle énormément de respect. En ce temps-là [années 50], on n'en parlait pas, le respect venait avec l'air qu'on respirait. Je ne sais plus où j'ai lu que l'école d'aujourd'hui est l'école du respect (enseigné comme le français et avec autant de succès), alors qu'hier on avait le respect de l'école, le reste coulait de source.»Je n’ai pas ici l’intention de faire le procès de la société québécoise (lire nord-américaine) dans ses rapports avec les jeunes. Encore moins celui de faire le procès des structures scolaires et du laxisme dont on les accuse. Mais le fait est : le respect s’en est évaporé. Pfft! Disparu dans l’air du temps, dans le changement de siècle ou de millénaire si vous préférez. Pourtant, le respect s’apprend, mais pas de la même façon que le français ou les mathématiques. Car non, le respect n’est pas inné. Il se développe et s’intègre aux rapports qu’on établit avec les autres. Sans le respect, la critique s’aiguise, blesse, tue. Les imperfections de l’autre deviennent autant d’irritants que l’on attaque à coups de machette ou de propos ignobles : l’autre a tort du seul fait qu’il n’est pas comme moi. Tu parles...
Pourtant, ici en Haïti, le respect est encore de mise. Dans les écoles, à l’église, dans les bureaux officiels, chez le médecin ou l’avocat, les gens respectent non seulement l’autorité inhérente à ces lieux, mais aussi ceux et celles qui la personnifient. Question d’apprentissage? Si l’on peut dire. Si l’on accepte que le mot soit ici synonyme d’éducation. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : ici, on éduque encore les enfants, à la maison et surtout, à l’école. On leur dit ce qui est bien, ce qui est mal; ce qui est correct, pas correct. Bref, vous me suivez. (Petite parenthèse ici : il est tout de même drôle que l’on parle encore et toujours au Québec du ministère de l’Éducation alors que cet aspect de la mission scolaire soit si négligé… Fin de la parenthèse.) En Haïti, les enseignants, qu’on appelle encore «maîtres» enseignent tant bien que mal, c’est vrai, mais sont toujours respectés, tant des enfants sous leur charge que des adultes, parents ou autres. Ici, d’un enfant non respectueux des consignes des adultes, on dira qu’il est «malelve» (mal élevé), épithète que même les petits voyous n’apprécient guère… Il n’empêche que les enfants apprennent tôt le respect qui devient rapidement un substrat culturel qui reste toute la vie.
Le respect est aussi, à notre petit hôpital, une valeur fondamentale de notre relation avec les employés. Le code du travail haïtien est on ne peut plus clair sur la question : les obligations du travailleur imposent de «traiter son patron et ses camarades de travail avec respect » et celles de l’employeur stipulent qu’il doit «traiter le travailleur avec respect en ayant soin de ne lui infliger aucun mauvais traitement, verbal ou de fait.» J’en fais ici un point d’honneur. Pas pour avoir l’air de, mais parce que je crois sincèrement en cette valeur, tout comme je crois qu’on doit s’efforcer de traiter les autres comme on s’attend à être traité. C’est la règle d’or libellée sous sa forme affirmative. Le respect, dans cette perspective, devient affaire de gros bon sens : on le donne parce qu’on le veut pour soi-même. Et je puis vous dire que ça marche.
Tout ça pour vous dire que, même si rien n’est jamais facile en ce pays, il y a tout de même des choses qui vont mieux qu’ailleurs. Ça me paraît digne de mention.
samedi 29 octobre 2011
Nesly va à l'école
Nesly va à l’école. Le titre fait manuel d’apprentissage à la lecture, vous ne trouvez pas? Ou en anglais, les premiers pas dans cette langue : Nesly goes to school et après, on voit les situations rencontrées et le vocabulaire prévisible qui s’y rattache. Mais rien de tout cela ici. Nesly a simplement décidé, à 27 ans, de retourner sur les bancs d’école et d’y faire un bout de chemin, notamment en complétant d'abord sa 7e année...
Pourquoi cette décision tardive? Je pourrais vous répondre : pourquoi pas? Mais la vérité est plus complexe. C’est qu’en Haïti, à la différence des pays plus développés, l’école est chère et donc, pas toujours accessible faute de moyens financiers adéquats. Si bien que l’on y commence jeune, oui (3 ans est courant), mais le parcours est souvent interrompu à un moment ou à un autre, quelquefois pour une courte période mais parfois aussi pour un bon ti-temps… Mais on n'oublie jamais l’école, vous savez cela, vous qui y êtes allés à satiété, et ici comme ailleurs, l’on y retourne à n’importe quel âge, sans souci de l’homogénéité de la classe. Ici, pas de classes de raccrocheurs, pas de cheminement particulier, juste les bancs d’école ordinaires. Mais personne ne s’étonne ni ne s’amuse de ceux ou celles qui reviennent s’y asseoir, car tout le monde est là pour apprendre. Et l’on apprend. Par cœur. On récite, on répète, on scande, on y met du cœur et la leçon s’exprime, à défaut de s’imprimer dans les connexions synaptiques. En d’autres termes et comme dans toutes les écoles de la planète, les notions abordées ne sont pas toujours utiles ni même intégrables mais elles ont le mérite de faire travailler le cerveau et d’accroître les connaissances. Or, connaître, c’est régner. Ça, c’est moi qui le dis, mais ce n’en est pas moins vrai que si ça venait de Descartes ou de Kierkegaard. Connaître, c’est régner, et le contraire est observable historiquement et quotidiennement : les ignorants se sont toujours fait et se font toujours avoir. Dans le sens dominer, écraser, soumettre, exploiter… je vous laisse choisir. La connaissance, c’est la liberté. L’école n’en est qu’une source parmi tant d’autres, c’est vrai — on peut acquérir des connaissances partout et de maintes façons — mais c’est une source traditionnellement acceptable et universellement acceptée. En tout cas, Nesly s’en trouve fort heureux…
Mais je reviens à la raison de la décision de ce cher homme de retourner sur les bancs d’école : tout simplement, il en a les moyens financiers, maintenant! Il travaille, n’est pas marié, n’a pas d’enfants à entretenir, ne fait pas de dépenses extravagantes, et se trouve logé à très petit prix à même nos ressources immobilières. Bref, malgré son petit salaire, il se tire fort bien d’affaire. Alors quand il est venu m’exposer son désir et me demander ce que j’en pensais, je n’ai pu que trouver l’idée bonne et je l’ai encouragé, tout en ajustant son horaire de travail en conséquence. Hier encore, je lui demande comment ça se passe. Très bien, me dit-il. Un peu rouillé, mais bon, ça se dissipe peu à peu. Et non, il n'est nullement mal à l'aise de se retrouver entouré d'une majorité de plus jeunes que lui dans sa classe ou d'avoir un enseignant plus jeune que lui.
En y pensant bien, pourquoi le serait-il?
S'abonner à :
Messages (Atom)