mardi 31 mars 2009

L'homme qui construisait des maisons II


Comme d’habitude, j’avais un texte joliment fignolé. Mais comme il arrive trop souvent hélas, il s’est volatilisé dans les méandres du cyberespace. Je dis «méandres», mais je sais très bien ce qui s’est passé. Cependant, loin de moi l’idée de vous embrouiller avec des notions dont, j’en suis sûr, vous vous contrefichez éperdument. L’essentiel est que mon texte est perdu, à jamais, et mon sujet était pourtant des plus intéressants, puisqu’il faisait suite à mon dernier texte, j’ai nommé l’innommable Raymond, alias «l’homme qui construisait des maisons».

C’est que Raymond vaut le détour. Dans un pays comme Haïti, les personnages colorés se suivent sans jamais se ressembler tout à fait : ce sont des marginaux et par définition, les marginaux ne se ressemblent jamais, tout le monde le sait. Sinon, comment pourrait-on parler de marginalité?

Donc, Raymond n’est pas comme «les autres». Raymond, bon ti-Québécois pure laine—il demeure à Trinité-des-Monts, à moins de 10 km de notre base pointuyenne, c’est vous dire—a décidé un jour qu’il voulait s’investir dans la dynamique haïtienne. Et comme je vous l’ai conté précédemment, pour s’investir, il l’a fait. Pas sans en baver, mais bon, le gars ne manque pas de courage, de détermination et d'idées. Raymond n’est plus une jeunesse, comme on dit couramment, mais il en gardé les qualités : un enthousiasme inébranlable et une énergie indomptable, entre autres. Animé de ces qualités, Raymond sillonne l’arrière-pays, s’arrête, considère, réfléchit, parle avec les gens, retrousse ses manches et construit, sans plus de chichis. Pas d’administration lourde et envahissante, pas de comptes à rendre—ou si peu—, pas de ‘boss’, Raymond agit à sa guise et sème le bonheur autour de lui.

Évidemment, faire le bonheur de l’un ne signifie nullement qu’on fait le bonheur de tout le monde. Les laissés-pour-compte sont plus nombreux que ceux, celles qui sont élus, ce qui entraîne forcément une certaine amertume pour les non-élus. En Haïti, tout le monde voudrait bien qu’un blanc leur offre, sur un plateau garni, une maison digne de ce nom. Mais si l’impossible a jamais eu un visage, c’est bien celui de la pauvreté haïtienne. On fait ce qu’on peut, sachant bien que l’effort ne représente, somme toute, qu’une goutte d’eau dans l’océan de ce qui va mal. Mais goutte d’eau tout de même…

Et Raymond s’ambitionne. Après le numéro 34, on fait la 35, puis la 36 et ainsi de suite. Et chaque fois, la croix bien plantée sur la porte : car Raymond croit. Son œuvre est inspirée, demande courage et force morale, mais ça marche.

Refaire le monde? Oui, c’est possible. Il suffit simplement de trouver et de mettre en chantier les Raymond dispersés à droite et à gauche…

En tout cas, chapeau mon Raymond! Lâche pas la patate, comme disent les Chinois!