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samedi 8 février 2014

Une histoire d'yeux


Je vous raconte si souvent des inepties dans ces pages que vous devez vous demander parfois si c’est vraiment vrai qu’on s’occupe d’un hôpital spécialisé qui accomplit une tâche tout à fait remarquable dans les domaines de l’ophtalmologie (surtout) et de l’oto-rhino-laryngologie. Et pourtant, c’est bien la vérité et, incidemment, la raison d’être de notre vie au sud. Les malades affluent — nous voyons plus de 200 patients par jour — et les cas sont souvent difficiles, voire insolvables. Si bien que lorsque se pointe à l’horizon la visite d’une équipe ophtalmique américaine, nous en profitons pour mettre les bouchées doubles, si l’on peut dire, car ces étrangers, même s’ils sortent tout droit du froid et de la neige du Midwest, ne sont pas ici pour lézarder au soleil, mais pour travailler. Et les cas lourds, loin de les rendre nerveux, leur font se frotter les mains d’anticipation.

En outre et comme si leur enthousiasme ne suffisait pas, ils arrivent chargés de matériel et de produits qu’ils nous donnent gracieusement et porteurs de connaissances qu’ils ne demandent qu’à partager avec nos employés. Bref, un arrangement dont nous sommes les grands gagnants. Et les patients, bien sûr. Les patients qui, dans certains cas, se sont résignés à vivre avec leur misérable condition oculaire simplement parce que personne, dans le pays, ne peut réduire leur mal ou régler leur problème.

Ainsi en était-il de Garrisson, ce petit garçon dont notre amie Kyra s’est faite la marrraine et la protectrice. À l’âge de deux ans, atteint d’un rétinoblastome (cancer de l’œil), Garrisson a subi le traitement radical le plus souvent pratiqué en ce cas : l’énucléation, c’est-à-dire l’ablation de l’œil, tout simplement. Remède de cheval, me direz-vous, mais qui résout habituellement le problème, comme ce fut le cas avec ce petit garçon. Mais on a refermé la plaie sans lui mettre de prothèse et sans soucis pour le futur et Garrisson, guéri, n’en souffrait pas moins d’une déformation majeure du visage, la cavité orbitale s’étant contractée avec le temps.

Pour l’oculo-plasticien, ce n’était rien d’autre qu’un «beau cas». Cet habile chirurgien lui a greffé un morceau de fesse dans l’orbite et mis une prothèse temporaire qui pourra par la suite être remplacée par une autre plus adéquate. Mais déjà, le visage du garçon ressemble maintenant à un visage de jeune garçon de dix ans avec tout au plus, un bout de fesse dans l’œil… Non, sérieusement. La différence est majeure, bien que pas trop visible sur les photos ci-jointes. C’est qu’il faudra quand même un peu de temps avant que tout rentre dans l’ordre. Mais je vous le dis les amis : c’est un travail tout à fait remarquable que le chirurgien a fait là et si vous ne me croyez pas, eh bien c’est tant pis pour vous. Car le fait est là : certains patients, dont Garrisson, ont vu leur vie transformée littéralement cette semaine. L’équipe était vannée, mais contente. Qui ne le serait pas?

Garrisson avant
Garrisson tout juste après la chirurgie

 Et c’est ainsi que la première semaine de février s’en est allée : avec l’équipe médicale américaine, sans tambours ni trompettes, mais avec le sentiment que la raison d’être de notre petit hôpital s’est trouvée, une fois de plus, admirablement justifiée, comme s’il en était encore besoin, après trente ans de bons services…

Il me semble que la bière est encore meilleure dans ces temps-là, vous ne trouvez pas?

dimanche 9 décembre 2012

Erreur de jugement


Je vous raconte ce qui suit pour vous illustrer une fois de plus ce que je vous ai déjà dit mais qui n’en finit jamais de nous surprendre et parfois de nous choquer. Je parle ici de la résignation haïtienne.

Jeudi dernier, alors que je suis à bavarder dans la cour avec quelques personnes, une dame arrive et après s’être poliment excusée pour l’interruption, m’annonce qu’elle vient de se faire avoir par un chauffeur de taxi-moto qui l'a proprement filoutée de 1000 gourdes (25 $) en prétextant qu’il allait lui faire de la monnaie. Puis il a filé sur sa moto sans demander son reste... Chacun y va de son grain de sel, plusieurs condamnent la malhonnêteté du chauffeur et tous s’entendent pour déplorer la naïveté de la dame. Laquelle n’a plus d’argent pour les soins médicaux de sa fille, vous vous en doutez bien. Je lui dis de ne pas s'en faire trop et de passer me voir. Quelques minutes plus tard, je la reçois dans mon bureau et lui exonère les frais de chirurgie de sa fille, lesquels se montent à environ 35 $. Un peu plus tard, la dame revient avec son ordonnance médicale : j’accepte encore une fois de l’exempter de payer, même si ce n’est pas bien cher. Jusque là, tout va. Mais lorsque je l'ai revue passer ma porte une troisième fois, j'avoue que j'ai commencé à perdre patience et lorsque j'ai constaté que c'était pour se faire exonérer un test de laboratoire d’environ deux dollars, là je me suis dit : «Ça fera.» Et j'ai tancé la dame en lui disant que je ne croyais pas qu’elle n’avait pas ce montant pour le test, qu'elle abusait de ma crédulité et que si c’était vraiment le cas, elle devrait s’en passer tout simplement. Non, mais des fois... La dame, fort contrite, est partie penaude sans demander son reste. Je l'ai vue encore à quelques reprises, mais n'en ai pas fait de cas. Or, hier matin, samedi, voyant la dame toujours assise sur son banc, j'ai demandé à ma compagne (qui l'est aussi au travail) d'aller aux nouvelles. C'est alors que j’ai appris que la fille de la dame n’ayant pas passé le test de laboratoire, le médecin refusait de lui donner son congé médical! J’en suis devenu tout chose… Je croyais vraiment qu’elle avait de quoi payer ce test, moi!… Lourde bourde pour quelques gourdes! Erreur de jugement de ma part, je le reconnais bien volontiers, mais avouez qu’à la place de la dame, vous eussiez insisté un peu là!

C’est pour cela que je vous dis : cette résignation des gens du peuple — surtout les petites gens — surprend et rend mal à l’aise. Alors qu’il suffirait seulement de parler, d’expliquer brièvement la situation, genre «je viens de loin et je n’ai plus d’argent» ou dans le cas que je vous narre «le médecin a besoin du test du labo et je n’ai pas d’argent pour le payer», ces gens se taisent, baissent la tête — s’attendent sans doute à se faire battre en sus — et s’éclipsent le plus discrètement possible. Et le pire, c’est que le personnel infirmier, tout à fait au courant des exigences du médecin et de l’état incomplet du dossier de la patiente, ne va pas plus loin, ne pose aucune question et ne cherche en aucune façon à connaître le pourquoi de la chose. «C’est comme ça.» On se résigne et on attend que ça passe. Et tant pis si la personne reste malade, tant pis même si sa vie en dépend, on ne dit rien, on attend que les choses se tassent d’elles-mêmes et que le temps fasse son œuvre, en bien ou en mal, bondye konnen…

Oui, c’est vrai, la résignation de ce peuple force l’admiration, je l’ai dit précédemment. Mais parfois, elle énerve au plus haut point! Quand elle devient de la soumission excessive, entre autres. Comme si des relents d’esclavagisme traînaient toujours dans l’air du temps…

De quoi s’en sentir bien malheureux…

samedi 27 octobre 2012

Savoir s'entraider


La tempête a été pénible. Pour tout le monde, même ceux qui font partie des nantis. Le vent a soufflé fort, bien plus qu’on y est normalement habitué dans ce pays, et il a causé ce faisant quelques dommages, comme les lignes électriques brisées par les branches cassées. Mais ce ne fut rien en comparaison avec les tonnes d’eau qui nous sont tombées dessus. Or, je vous l’ai dit, une telle quantité d’eau ne s’absorbe pas, en tout cas, pas au fur et à mesure qu’elle tombe et si vous ne croyez pas à l’histoire biblique du déluge, eh bien vous n’avez qu’à passer dans notre coin et vous serez en mesure de comprendre pourquoi cet événement apparaît dans de nombreuses traditions de l’Histoire du monde. Bref, on a eu beaucoup d’eau et de nombreux endroits ont été inondés, dont la section de la maternité de l’hôpital général des Cayes.

Or, vous comprenez bien qu’on ne choisit pas le moment où l’on accouche et pluie pas pluie, quand le gâteau est prêt, faut qu’il sorte du four. Mais dans l’eau? Il me semble que, bien que certaines puissent y voir un accouchement original, voire originel, ce ne doit pas être très confortable. Et si l’accouchement pose un quelconque problème, que faire? Pomper l’eau avant d’aspirer le nouveau-né? Pas idéal. Alors quand l’administrateur de l’hôpital général m’a téléphoné pour me demander de les dépanner, je n’ai pas eu à me questionner longtemps sur la réponse à faire, si bien qu’en quelques minutes, tout ce beau monde — personnel médical et dames enceintes à divers degrés de grossesse — ont rapidement pris place dans une section de notre hôpital non utilisée.

Avoir une aile maternité nous change de l’ophtalmologie et de l’ORL; pour un, la clientèle n’est pas la même. Notez bien que j’utilise le terme «clientèle» volontairement, car ce ne sont pas des patientes, même si, en vérité, ces dames — souvent de très jeunes filles — font preuve d’une patience exemplaire. Mais elles ne sont pas malades. Certaines complications se produisent, oui, qui imposent de pratiquer les fameuses césariennes que tout le monde connaît, mais ça n’en fait pas des malades pour autant. Et considérant l’aboutissement de l’acte, le cri du nouveau-né, on ne peut pas dire qu’il ne s’agit pas là d’un moment extraordinaire qui balaie toute la douleur que la mère a pu exprimer, ici de façon très vocale et démonstrative, et qui confirme que non, il n’y a rien de malade là-dedans. Alors la maternité comme service, oui, je suis pour.

Il n’empêche que cette situation illustre bien comment les choses marchent, en cas de catastrophe : on se dépanne mutuellement. Et comme nous avons de l’espace et des bâtiments libres, disons que nous sommes souvent sollicités, pour des raisons d’importance variable. Ainsi, nous avons hébergé des enfants souffrant de malnutrition pendant quatre ou cinq mois (Terre des Hommes), avons fourni des services d’orthopédie après le séisme de 2010 (Expedicionários da Saúde — Brésil) et avons entreposé les voitures de la CRS et les épaves de la Police nationale le temps qu’ils fassent les travaux de pavage de leur cour. Entre autres. Car je ne parle pas des organisations qui viennent loger chez nous pour des raisons de commodité autant que de sécurité. Bref, notre rôle va bien au-delà des seuls soins de santé et je pense que c’est tout à fait normal et sensé dans les circonstances. Et tout cela se joue plus ou moins à l’oreille, sans qu’il soit besoin d’en faire des règles qui ne feraient sans doute qu’alourdir le processus. Car lorsque l’eau inonde, qui a envie de s’embarrasser de paperasse?

Et puis le soleil revient, sèche tout et la section maternité de l’hôpital général pourra bientôt retourner dans ses quartiers habituels, jusqu’au prochain déluge…

L’entraide, c’est ça, pas autre chose.

samedi 6 octobre 2012

Le renard et le corbeau


Ceux et celles qui me lisent régulièrement savent le genre de services que nous offrons à la population. Services spécialisés en ophtalmologie et en ORL, services qui pourraient coûter une petite fortune (en fait, nous savons pertinemment que nos frais sont environ dix fois moindres que ceux demandés par les cliniques privées de Port-au-Prince), services souvent simplement introuvables. C'est donc dire que les patients viennent de partout dans le pays pour obtenir ces soins et souvent, n'ont pas les moyens de les payer. Notre politique est d'exonérer les pauvres et les indigents, mais chaque cas doit être analysé (l'affaire de quelques minutes) afin de s'assurer qu'on a bien affaire à un «vrai» pauvre car plusieurs cherchent à nous fourvoyer...

Hier, je reçois un appel d'une dame, une Américaine sans doute, qui se trouve dans une autre ville et se dit désireuse de payer pour l'un de nos patients qu'elle a pris sous sa charge. Elle me dit qu'elle a déjà envoyé de l'argent au jeune homme en question, mais que, à ce qu'il paraît, cela ne suffit pas et elle insiste pour en transférer davantage via les systèmes de transferts habituels. Comme je n'ai pas le dossier du patient sous les yeux, je ne peux ni confirmer ni infirmer ses dires et j'accepte donc qu'elle me fasse parvenir une somme capable de couvrir les frais éventuels de son protégé. On se quitte là-dessus et je me fais apporter le dossier du patient. L'ensemble de ses frais se monte à $20. Or, le jeune homme a déjà reçu $200 et la dame m'a avoué qu'elle me faisait parvenir $100 supplémentaires pour couvrir les autres frais! Je vérifie, trois fois plutôt qu'une : il n'y a pas d'erreur, le monsieur n'a pas subi d'opération et son traitement n'a pas nécessité de médicaments coûteux, si bien que la facture totale est juste. Où est passé le reste de l'argent? Bondye konnen, comme on dit... Mais avouons que ça sent l'arnaque à plein nez...

Ayant à nouveau la dame au bout du fil, je lui explique la chose, à savoir que le transfert qu'elle assumait nécessaire ne l'est pas du tout et qu'elle peut garder son argent. Je croyais qu'elle serait heureuse de ce dénouement, mais la voilà qui insiste : «Mon protégé m'a dit qu'il avait subi une opération qui avait coûté $200», clame-t-elle. Ce à quoi je lui réponds, bien poliment mais non sans un brin de malice, qu'elle s'est fait avoir, tout simplement, ce qui n'a rien de surprenant dans cette joute entre l'ingéniosité haïtienne et l'innocence blanche. La voilà offusquée maintenant, et je sens bien qu'elle ne me croit pas, mais alors pas du tout. Comment son protégé, à qui elle distribue l'argent comme des cartes à jouer, pourrait-il la tromper? Impossible! Donc, c'est moi qui lui mens, c'est évident. Or, elle a déjà fait le transfert et il lui faudra maintenant l'annuler pour récupérer son argent, ce qui semble l'agacer au plus haut point. Et c'est alors qu'elle me demande, le plus sérieusement du monde, de donner $100 au monsieur et que je me rembourse à même la somme qu'elle vient tout juste de transférer à mon intention! Entêtée, dites-vous? Nous sommes d'accord. Vous devinez ma réponse : la chose est tout à fait hors de question! Son protégé étant impliqué dans une entreprise visant à plumer la dame de quelques centaines de dollars, je ne m'en ferai certainement pas le complice, même avec la bénédiction de la dame...!

Il n'empêche que cette naïveté n'est pas rare. Les Blancs viennent en Haïti avec l'idée d'aider le peuple et quoi de plus simple et de plus direct que de mettre la main dans sa poche pour ce faire? Quelques dollars éparpillés ici et là donnent bonne conscience au Blanc bien nanti et lui donnent l'occasion de pouvoir dire à ses proches, lorsqu'il rentre chez lui, qu'il «aide» les Haïtiens. Cela est bien illusoire. Et souvent contre-productif. Pour nous qui avons depuis de nombreuses années perdu cette naïveté, aider est une tâche complexe qui n'a rien à voir avec le porte-monnaie et ce qu'il contient. Car il faut d'abord comprendre et ça, les amis, ce n'est pas toujours évident. Mais entre nous, nous savons que ce que nous faisons est correct; nous savons qu'il faut s'élever contre la fabulation et la corruption; nous savons que les pauvres, les vrais, restent dignes malgré leur pauvreté parfois atroce et nous savons que les aider, c'est d'abord les respecter. L'argent achète bien des choses, mais jamais le cœur des gens.

Ni la bêtise humaine, malheureusement... Et le renard le signale fort judicieusement au corbeau lorsqu'il lui dit que «Tout flatteur vit au dépens de celui qui l'écoute; cette leçon vaut bien un fromage sans doute.» Minimum, cher renard, minimum...

mercredi 30 mars 2011

Sont-ils tous malades?


Lisant l'article de mon ami Foglia hier (je l'appelle 'mon ami' même s'il ne me connaît pas, mais j'avoue que souvent, il me plaît assez dans sa façon de dire les choses), lisant cet article donc, je me suis pris à penser qu'il y avait là une belle différence qu'il convenait de souligner. Foglia, qui muse en Irak, a visité un gros hôpital et s'est étonné de le voir pratiquement désert. "Sont pas malades?" s'interroge-t-il. Pour finalement comprendre que oui, ils sont malades comme tout le monde, mais comme tout le monde, souffrent de maladies bénignes qui ne nécessitent pas les soins spécialisés qu'on retrouve dans un hôpital moderne. Les cliniques abondent et suffisent à traiter les cas bénins. Et la différence, les amis, c'est précisément là qu'elle se trouve : ici, les gens viennent à notre hôpital --  spécialisé, ne l'oubliez pas -- directement, sans même passer par le filtre des généralistes, du  médecin de famille ou même de la clinique de santé qui serait l'équivalent des CLSC chez nous. Non. On vient directement à l'hôpital, on attend des heures pour voir le médecin spécialiste qui, en moins de 3 secondes, diagnostiquera un banal rhume et renverra la personne souffrante chez elle avec comme ordonnance de simples ibuprofènes et peut-être un petit sirop pour faire bonne mesure.  Pas vraiment digne d'un spécialiste, me direz-vous et vous aurez parfaitement raison. Mais c'est ce que les patients veulent : voir le médecin. Celui qui fait autorité, qui a l'habit et qui, par conséquent, doit sûrement être moine, car ici, l'habit fait le moine, tout le monde sait cela. Sauf que si vous connaissez le proverbe, vous savez que la sagesse populaire qui le sous-tend est précisément de nous mettre en garde contre les porteurs d'habits qui peuvent, intentionnellement ou accidentellement, berner les plus sceptiques. Eh bien ici, en Haïti, on n'est pas facilement sceptique lorsqu'on se trouve devant un uniforme et ceux qui s'en vêtent le font dans le but précis d'exploiter la crédulité publique. Les charlatans ici sont légions, font de fort bonnes affaires et en plus, sont pratiquement sûrs de l'impunité. D'où l'importance de valider la qualité de nos professionnels. Or, ici, l'Institut Brenda Strafford possède une réputation de qualité. Qualité des soins, qualité des médicaments, qualité des lunettes, qualité de l'environnement, bref, les gens ont confiance qu'ils seront ici traités respectueusement et sans se faire exploiter. C'est incidemment ce qui nous fait accueillir des patients qui viennent d'aussi loin que Port-de-Paix ou du Môle-Saint-Nicolas, situés tout au nord du pays et bien plus près de Cap Haïtien. La réputation vaut le déplacement. Et sans doute aussi l'appellation justifiée de "patient", puisque de ces villes, il faut pas moins de trois jours de tap-tap pour arriver jusqu'ici...!

Notre réputation est aussi ce qui explique pourquoi les gens qui souffrent d'un banal rhume (ou d'une bénigne irritation oculaire due à la poussière) viennent jusqu'ici pour voir le médecin spécialiste. Et c'est ce qui explique pourquoi, au lieu de ne voir que les cas qui mériteraient vraiment l'attention des spécialistes, nous passons régulièrement le cap des 200 patients par jour -- plus de 300 certaines fois. Mais les gens sont contents, alors...

Cela dit, j'avoue que ce n'est pas très efficace. Un simple triage effectué par une infirmière moyennement compétente (les nôtres le sont toutes) permettrait de distinguer les cas simples de ceux requérant l'intervention du médecin. Mais le taux de satisfaction des patients chuterait radicalement, croyez m'en sur parole. La confiance ici est tout, je le répète. Et les gens sont prêts à payer les $2,50 US de frais de consultation pour voir le médecin qui résoudra leur petit problème ou, au minimum, y apportera un palliatif. Ils croient au médecin; sa parole fait autorité. Une infirmière, si compétente soit-elle, ne fait simplement pas le poids. Et en plus, la plupart des gens sont sexistes! Le docteur doit être mâle. Une femme ne peut qu'être infirmière. Et je ne blague pas! Heureusement cette drôle d'étiquette tend à disparaître, mais elle influence encore trop souvent le jugement des patients. Cela est tellement vrai que nous avions jadis un infirmier. Un seul. Qui, vous l'avez deviné, se faisait souvent passer pour le docteur, car il avait l'habit!...

Tout ça pour vous dire qu'en termes d'efficacité, l'Irak me paraît bien avancé par rapport à ce qu'on trouve ici. Vous allez me dire que ce n'est rien de surprenant, car l'Irak est tout de même plus riche qu'Haïti. Et donc, plus évolué. Oui oui, je dis bien donc. Ergo, si vous préférez. Plus riche = plus évolué. L'argent n'est pas tout, mais il permet tout de même de développer des structures qui coûtent... de l'argent! La pauvreté d'Haïti n'est pas juste une façon de parler : elle est une réalité qui freine le développement social, l'évolution de cette société, si vous préférez. Pauvre, on subit son sort; riche, on s'en sort.

Si bien que, comme le dit cette profonde maxime : "Mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade."

jeudi 4 mars 2010

Et une autre journée!

 

Les journées ne commencent pas toutes de la même manière. Ou la la! Quelle profondeur ici! Bon, bon. J'admets. C'est d'une trivialité un peu insipide, d'accord. Mais ça n'en reste pas moins vrai. Aujourd'hui, au lieu de commencer à m'installer à mon bureau, j'ai dû faire trente-six petites choses, si bien que la matinée y a passé. Mais si vous vous souvenez, je vous ai déjà dit que les plans ici devaient être adaptables : ce n'était pas pour rien dire.

Mais parlant de rien dire, je dois admettre qu'aujourd'hui, je ne me sens pas en veine d'inspiration. «Ma muse n'y est plus», comme le chante Ferland. Ordinairement, ma muse m'amuse. Ne me prenant pas au sérieux, je laisse errer mon esprit vagabond et me complaît dans les trouvailles hétéroclites sur lesquelles il s'attarde. Mais aujourd'hui, est-ce le temps sans soleil? sont-ce ces petits riens agaçants? est-ce cette vieille jambe qui m'élance? ou est-ce simplement la «chienne»? Faites votre choix. Mais cela dit, je vais quand même vous faire une rapide mise à jour.

Donc, si vous vous souvenez, les Américains sont là, marchant de concert avec les Brésiliens et ma foi, de l'avis des uns autant que de celui des autres, ça marche plutôt bien. Bien sûr, légère frustration de ne pas pouvoir utiliser la salle d'opération comme on le voudrait, mais nous avons convenu que les urgences restaient toujours des urgences et que, par conséquent, si nous arrive un petit garçon qui vient d'avaler une pièce de monnaie (5 gourdes), il faut qu'on s'en occupe sans délai, et pas pour la valeur monétaire de la pièce, vous vous en doutez bien. Aujourd'hui, donc, les Brésiliens / Américains n'ont pas pu opérer à leur goût pour la raison susmentionnée. Mais ça fait rien. Vont se reprendre demain. Faut dire que les cas actuels ne sont plus des cas urgents, justement, et peuvent attendre un jour, ou deux ou trente, comme c'est souvent le cas. Plusieurs de ces cas sont des opérations à reprendre, pour cause de travail bâclé ou d'infection. Eh oui, faut pas croire que, parce qu'un médecin se dit orthopédiste qu'il l'est vraiment et que son niveau de compétence est adéquat. En temps de crise on fait avec ce qu'on trouve, pas vrai? Or, c'est précisément ce qui s'est passé, et maintenant, on essaie de rafistoler les pots cassés--pardon, les os cassés, je veux dire. En outre, maintenant que le message a passé haut et clair que nous faisons de l'orthopédie ici, des gens viennent qui n'ont aucun rapport avec la Catastrophe. Ont simplement été victimes d'un accident de la route ou bien sont tombés d'un arbre, ou n'importe quoi. Mais on les traite quand même. Et gratos, ce qui n'enlève rien à l'affaire, vous en conviendrez. C'est ce qui explique que le flot de patients est assez régulier et comme les situations ne sont plus urgentes, on peut faire une planification des cas et établir un calendrier des interventions. En fait, ça marche vraiment plutôt bien, je le redis. S'il n'en tenait qu'à moi, je pense que nous pourrions continuer ce service pendant un bon petit bout de temps, en fait tant que nous avons un support professionnel et matériel extérieur. Mais comme vous l'avez compris maintenant, ce n'est pas moi qui décide, mais bien le gros chef, bien entendu. N'ap swiv...

Alors voilà. C'était court et pas très touchant, mais vous voilà aussi au courant qu'un technicien d'Hydro Q. Et vous tenir au courant reste mon intention première, n'en doutez pas. Car il faut que vous compreniez bien que nous ne sommes pas retournés à une vie «normale», beaucoup s'en faut, et on ne sait pas trop comment ça va tourner. Mais comme je l'ai dit hier, on attend...

lundi 1 février 2010

Bonjour février!


Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais vous laisser commencer février comme ça! Surtout que c'est un mois important, février. Le mois où les jours rallongent. Le mois de la Saint-Valentin... Le mois de mon anniversaire, aussi. Ça, c'est important! Pourtant, c'est un mois qui commence comme l'autre a fini : en plein drame. Car il s'étire, notre drame; il n'en finit plus de durer, à tel point que c'en devient rasant. Comme un bon film qui ne finirait pas: tout à coup on en a marre, on se lève et on passe à autre chose et tant pis pour la fin. C'est dans cet esprit que je vous ai livré le texte d'hier: il me semble que ça serait bien si l'on pouvait passer à autre chose. Mais hélas!...

Les médias commencent à se désintéresser de la chose, et c'est bien. Ils ont fait leur travail, ils ont véhiculé l'information, ils ont fait monter les cotes d'écoute ou similaire et maintenant, c'est "passons à autre chose". Encore une fois, c'est correct comme ça. Il faut que la page se tourne et que l'histoire ait une fin. Mais voilà: ici, elle n'en a pas encore. On ne sait pas ce qui s'en vient. On sent que nous sommes à la deuxième vague: après la catastrophe, il y a l'après-catastrophe qui, dans le cas qui nous touche ici, peut être aussi mauvaise (quoique moins spectaculaire) que la catastrophe elle-même. Car maintenant, les gens, pris par surprise par l'événement, ont eu le temps de remonter leurs culottes et voudraient bien que les choses rentrent dans un semblant d'ordre: le cosmos, par rapport à son contraire: le chaos. Malheureusement et quoi qu'on en dise, c'est toujours cahoteux et chaotique. Certains reçoivent à manger, d'autres pas, certains reçoivent des soins inadéquats, d'autres pas, comme en témoigne d'ailleurs cet extrait d'un article d'Ariane Lacoursière:
"Samedi midi, le Dr Pitchner opère un jeune homme de 18 ans dans son bloc opératoire. Le patient présente une immense plaie sanguinolente au coude droit. «Il s'est fait amputer dans un autre hôpital. Mais la plaie s'est infectée, explique le Dr Pitchner. Les grosses taches noires dans la plaie sont causées par l'infection.» Dans un ultime effort pour freiner l'apparition de tétanos, le Dr Pitchner vaccine son jeune patient. «Je le fais à tout le monde. Par prévention», dit-il."
Or cette situation, nous l'avons vécue ici, à notre petit hôpital, et disons que ce n'est pas tellement encourageant. Surtout que les amputations ne sont pas pratiquées par des charlatans, mais par des médecins étrangers, qu'on croit compétents et professionnels. Mais on est où là? Le Dr Ricardo, le chef de notre équipe de Brésiliens ici, m'a dit qu'il a vu des confrères d'un autre pays (que je ne nommerai pas) faire des choses très risquées pour l'infection. C'est vrai que ce ne sont que des Haïtiens ou des Haïtiennes, alors... Alors quoi? À quoi sert de soigner si l'on soigne mal? Du travail bâclé reste toujours du travail bâclé, qu'il faut reprendre à un moment ou à un autre et dont les conséquences sont parfois très lourdes. Alors pourquoi ne pas prendre le temps de faire les choses proprement du premier coup? Surtout qu'il ne s'agit pas de mesures compliquées ou onéreuses sur le plan financier, mais de simple gros bon sens. Ah! Je vous dis...

Et juste cela vous dit, mieux que n'importe quelle explication élaborée, à quel point les choses ne vont pas bien. Les médias voudraient bien pouvoir tirer un trait sur toute cette histoire, comme j'en ai tiré un hier sur janvier, mais on est encore loin du compte, je le répète...

Ne vous en faites pas: quand les choses auront baissé suffisamment pour qu'on puisse recommencer à respirer, je vais vous le faire savoir!

vendredi 15 janvier 2010

TGIF (Merci mon Dieu, c'est vendredi)

Un autre jour. Un TGIF, comme disent les anglophones. Mais devrait-on remercier Dieu pour un vendredi qui termine une semaine d'horreur? Certes, nous sommes toujours en vie, et en très bon état de conservation, je dois l'admettre. Et notre ville, Les Cayes, a été épargnée de belle façon. Mais toute cette souffrance complètement inutile à Port-au-Prince, ces milliers de morts pour rien, cette destruction presque totale de meubles et d'immeubles, tout cela n'incite guère à la gratitude. On aurait plutôt tendance à regarder en l'air et à crier: "Hé! Là-haut! Lâche-nous un peu les baskets!" Mais ça ne risque pas. Les Haïtiens, je l'ai déjà dit précédemment, sont d'une endurance inégalable. Leur stoïcisme n'est pas philosophique: il est quotidien. Vous voulez une image biblique? C'est Job sur son tas de fumier qui, après avoir tout perdu, continue de louer le Bon Dieu. Le peuple haïtien, c'est ça.

Mais l'étendue de la destruction est telle qu'il faudra du temps, beaucoup de temps seulement pour mesurer le temps nécessaire à la reconstruction. Quant à la reconstruction elle-même, il faudra compter en années... Mais on y viendra. Lentement, mais sûrement. Sans jamais fléchir. Parce que c'est la vie, tout simplement. Ici, on n'en discute pas les termes. On ne juge pas la vie en termes d'accomplissements ou de sens. On ne dit pas: "C'est trop dur, je vais en finir avec la vie"; on vit, simplement. On continue. On avance en piétinant ou en se faisant piétiner, mais c'est comme ça. Ça ne se discute pas. C'est la vie...

Et la vie ici aux Cayes est bien meilleure, indécemment meilleure que celle de bien d'autres. Nous avons de l'eau courante et potable grâce à nos puits. Nous avons de la nourriture assez pour tenir pendant quelque temps. Et je le dis en toute modestie: j'ai eu la sagesse de remplir notre citerne de carburant (1,200 gallons US soit environ 6000 litres) mercredi matin, de sorte que nous sommes bons pour un petit bout de temps. Sera-ce assez pour tenir jusqu'à ce que la situation retrouve un semblant de normalité? Je ne sais pas. Impossible à dire. Mais nous sommes vraiment privilégiés en ce moment, alors je pense que oui, on peut dire "Thank God It's Friday". La fin de semaine ne fera pas une grosse différence--comment pourrait-elle en faire une?--mais elle permettra à un peu plus de temps de passer et donc aux choses de se tasser un peu plus. Pas nécessairement pour le mieux, car je vous l'ai dit: j'ai la conviction qu'on s'en va vers du mauvais, qu'on n'a pas vu le fond du baril de putréfaction. L'avenir nous le dira. Déjà, le carburant manque et le reste va suivre... Or, vu l'état du port à Port-au-Prince, c'est pas demain la veille qu'on pourra décharger les navires...

Changement de propos, les patients venus de l'Hôpital Général ont rapidement rempli l'espace que nous avions de disponible. Et ce fut manifestement très apprécié. On m'a dit--et je le crois--que la situation à l'Hôpital Général est épouvantable: les blessés sont partout, on m'a parlé d'une jeune fille amputée qui était là, au beau milieu du corridor, sans qu'on s'en occupe; du sang et des vieux pansements jonchent le sol et le personnel est tout à fait débordé. Ici au moins, on offre aux patients un lit. Propre. Et une assistance infirmière permanente. Bref, on offre des soins de santé décents. Malheureusement, on ne peut pas prendre une grosse quantité de gens. Une trentaine environ... C'est peu, mais ce peu est mille fois mieux que rien. Car comme je l'ai dit, c'est petite bouchée par petite bouchée qu'on avale cette nourriture infecte.

Et dire que je n'arrêtais pas de vous répéter qu'on coulait ici des jours calmes et sans histoires...

lundi 29 juin 2009

Rebondissement de la balle...



Juin s’achève déjà. Un mois important, puisqu’il marquait, entre autres choses, la cinquantaine de ma douce moitié. Pour la circonstance, nous avions choisi d’aller passer une courte semaine au Québec, mais le destin a bien failli y opposer son veto…

Je ne vous ai jamais parlé de la balle. Pas la balle de ping-pong ou de tennis, mais la balle comme dans «arme à feu». Sept ans plus tôt, lors d’une nuit mémorable en Haïti, on nous avait tiré dessus («on» étant toujours indéfini). Trois coups de feu, trois balles. Sciemment, volontairement, intentionnellement. Presque à bout portant, genre 60-70 cm. Mais la chance, l’ange gardien ou l’intervention divine (au choix), nous avait épargnés. Presque. Car ma douce et tendre moitié avait quand même reçu l’un des trois projectiles dans le dos, lequel s’était logé dans l’os du bassin où il s’était stabilisé. Et comme il semblait vraiment stable, les recommandations médicales s’accordaient pour dire qu’il valait mieux ne rien faire que de passer au bistouri. Ce que nous fîmes. Les années passèrent et jamais la balle ne se manifesta d’une manière incommodante. Jamais, jusqu’à l’anniversaire de cet incident, soit le 16 mai dernier. Jour pour jour, pratiquement, sept ans plus tard, ma compagne s’est mise à avoir mal à "sa" balle. Et pas rien qu’un peu. Très vite, nous avons conclu que balle comprimait le nerf sciatique et qu’il n’y avait pas vraiment de solution temporaire, comme l’a d’ailleurs confirmé le médecin cubain qu’elle a consulté. Il faut donc retirer la balle. Mais nous sommes censés quitter le pays dans quelques jours, ne l’oublions pas...

Tout de même, l’intensité de la douleur ne nous donne pas le choix : le vendredi, Chantal s’envole pour la capitale où elle revoit le même médecin qui l’avait opérée l’année dernière (voir Se faire soigner en Haïti). En moins de deux, toute l’équipe médicale est en place et la balle est finalement retirée, non sans mal cependant. Mais pas pour la patiente. La balle extraite, le mal s’estompe. Le lendemain, elle est de retour au bercail (pas la balle!) et trois jours plus tard, nous nous envolons vers les cieux nordiques. Seuls quelques tiraillements viendront tempérer l’ardeur quinquagénaire de ma douce amie… (photos de la balle en dedans et au dehors, pour les sceptiques...)

La fête familiale fut une réussite totale, en grosse partie grâce à la clémence du temps. Habitués à la régularité de notre climat tropical, nous en oublions parfois les caprices de la météo nordique qui vous font passer d’une extrême à l’autre parfois en moins de 24 heures…

Quelques jours plus tard, une fois évanouies les vapeurs de la fête, nous reprenons l’avion pour retrouver nos pénates habituels, non sans nous adjoindre la charmante compagnie d’une petite chérie dont je vous parle ultérieurement, car elle mérite qu’on s’y attarde quelque peu…

samedi 21 juin 2008

Se faire soigner en Haïti


Je pose la question en tant que blanc, étranger, sorti tout droit d’un pays industrialisé, développé, dont la qualité du système de santé n’est plus à démontrer. Nous gérons un hôpital, soit; la qualité des soins que nous prodiguons est indéniable, soit; mais se compare-t-elle à celle que l’on peut avoir au Canada en général, au Québec en particulier?

Ce n’est pourtant pas pour tester la chose que ma digne compagne a pris la décision d’aller se faire charcuter à Port-au-Prince. Le système de santé de notre pays d’origine est excellent, point de doute sur la chose, mais il a aussi ses failles, dont les interminables délais avant d’obtenir le service requis. Surtout si le service en question n’est pas considéré urgent… Or, comme nous ne passons au Québec que de brefs instants que l’on veut de vacances, il faut bien admettre que l’entreprise visant à subir une chirurgie non urgente devient pour le moins hypothétique. Dès lors, la question se pose : peut-on obtenir une qualité de soins adéquate dans ce pays difficile qu’est Haïti, où les moyens sont limités?

L’opération chirurgicale, puisqu’il s’agit bien de cela, est routinière, même si elle est n’est pas mineure : hystérectomie totale. Le fibrome qui rend l’opération plus que souhaitable, mesure plus de 15 cm de diamètre à la sonographie et mérite donc qu’on s’y attarde. Sans doute moins impressionnant que la photo ci-dessus, mais quand même… (En passant, la photo représente vraiment un fibrome retiré du ventre d'une jeune haïtienne enceinte alors que nous étions à Fond des Blancs...)

Sur les conseils de notre médecin anesthésiste, l’opération se déroulera à l’hôpital Canapé-Vert, bien connu et bien réputé. Chambre privée climatisée et immaculée, soins attentifs, personnel compétent et dévoué, rien ne manque à l’appel. Serait-on ailleurs qu’en Haïti? Non. Car pour peu que les moyens le permettent, Haïti peut offrir la qualité, comme n’importe où ailleurs, je pense.

L’opération se passera bien. Plus longue que prévu, car le fibrome est plus massif et plus teigneux qu’on le croyait, mais la patience et l’habileté du chirurgien en viendront finalement à bout. Reste maintenant à vivre l’après. La convalescence... Or, comme cette opération conduit à une forme de ménopause rapide et radicale, «l’après» risque de nous donner quelques sueurs, tantôt chaudes, tantôt froides, comme toute ménopause qui se respecte. Mais cela, je pense que l’on apprendra à vivre avec. Surtout que les sueurs froides, dans ce pays, seront certainement les bienvenues…

L’essentiel est que le problème (en était-ce seulement un?) soit réglé. Certes la souffrance physique et financière qui l’accompagne ne rend certainement pas le remède attrayant, mais vu l’ampleur du mal, il faut un remède de cheval…

Somme toute, une expérience concluante. Haïti s’est révélée à la hauteur. La convalescence va se faire au rythme de toute convalescence et la vie au sud va reprendre son cours habituel… Fin du chapitre. Mais le livre de la vie au sud en comporte encore plusieurs non écrits, alors restez à l’écoute ou plutôt, en contact cyberspatial!