samedi 27 octobre 2012

Savoir s'entraider


La tempête a été pénible. Pour tout le monde, même ceux qui font partie des nantis. Le vent a soufflé fort, bien plus qu’on y est normalement habitué dans ce pays, et il a causé ce faisant quelques dommages, comme les lignes électriques brisées par les branches cassées. Mais ce ne fut rien en comparaison avec les tonnes d’eau qui nous sont tombées dessus. Or, je vous l’ai dit, une telle quantité d’eau ne s’absorbe pas, en tout cas, pas au fur et à mesure qu’elle tombe et si vous ne croyez pas à l’histoire biblique du déluge, eh bien vous n’avez qu’à passer dans notre coin et vous serez en mesure de comprendre pourquoi cet événement apparaît dans de nombreuses traditions de l’Histoire du monde. Bref, on a eu beaucoup d’eau et de nombreux endroits ont été inondés, dont la section de la maternité de l’hôpital général des Cayes.

Or, vous comprenez bien qu’on ne choisit pas le moment où l’on accouche et pluie pas pluie, quand le gâteau est prêt, faut qu’il sorte du four. Mais dans l’eau? Il me semble que, bien que certaines puissent y voir un accouchement original, voire originel, ce ne doit pas être très confortable. Et si l’accouchement pose un quelconque problème, que faire? Pomper l’eau avant d’aspirer le nouveau-né? Pas idéal. Alors quand l’administrateur de l’hôpital général m’a téléphoné pour me demander de les dépanner, je n’ai pas eu à me questionner longtemps sur la réponse à faire, si bien qu’en quelques minutes, tout ce beau monde — personnel médical et dames enceintes à divers degrés de grossesse — ont rapidement pris place dans une section de notre hôpital non utilisée.

Avoir une aile maternité nous change de l’ophtalmologie et de l’ORL; pour un, la clientèle n’est pas la même. Notez bien que j’utilise le terme «clientèle» volontairement, car ce ne sont pas des patientes, même si, en vérité, ces dames — souvent de très jeunes filles — font preuve d’une patience exemplaire. Mais elles ne sont pas malades. Certaines complications se produisent, oui, qui imposent de pratiquer les fameuses césariennes que tout le monde connaît, mais ça n’en fait pas des malades pour autant. Et considérant l’aboutissement de l’acte, le cri du nouveau-né, on ne peut pas dire qu’il ne s’agit pas là d’un moment extraordinaire qui balaie toute la douleur que la mère a pu exprimer, ici de façon très vocale et démonstrative, et qui confirme que non, il n’y a rien de malade là-dedans. Alors la maternité comme service, oui, je suis pour.

Il n’empêche que cette situation illustre bien comment les choses marchent, en cas de catastrophe : on se dépanne mutuellement. Et comme nous avons de l’espace et des bâtiments libres, disons que nous sommes souvent sollicités, pour des raisons d’importance variable. Ainsi, nous avons hébergé des enfants souffrant de malnutrition pendant quatre ou cinq mois (Terre des Hommes), avons fourni des services d’orthopédie après le séisme de 2010 (Expedicionários da Saúde — Brésil) et avons entreposé les voitures de la CRS et les épaves de la Police nationale le temps qu’ils fassent les travaux de pavage de leur cour. Entre autres. Car je ne parle pas des organisations qui viennent loger chez nous pour des raisons de commodité autant que de sécurité. Bref, notre rôle va bien au-delà des seuls soins de santé et je pense que c’est tout à fait normal et sensé dans les circonstances. Et tout cela se joue plus ou moins à l’oreille, sans qu’il soit besoin d’en faire des règles qui ne feraient sans doute qu’alourdir le processus. Car lorsque l’eau inonde, qui a envie de s’embarrasser de paperasse?

Et puis le soleil revient, sèche tout et la section maternité de l’hôpital général pourra bientôt retourner dans ses quartiers habituels, jusqu’au prochain déluge…

L’entraide, c’est ça, pas autre chose.

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