dimanche 29 janvier 2012

Le carnaval s'en vient


Je vous avais dit que je vous reviendrais sur le thème des orphelinats. Mais ce ne sera pas aujourd'hui. Comme vous, c'est dimanche, pas le temps de revenir sur un sujet aussi raide et exigeant, tant pour moi qui l'écris que pour vous qui le lisez. En fait et pour tout vous dire, rien qu'à voir le nombre de visiteurs d'une page, on peut aisément déduire de l'intérêt général et de l'aridité du sujet. Donc pas d'orphelinat aujourd'hui.

Aujourd'hui, eh bien c'est dimanche, nous commençons tout juste à nous remettre du départ de notre chère visite de janvier et déjà, il faut se préparer psychologiquement et logistiquement à l'arrivée de la prochaine. Mais c'est une préparation légère puisque cette affaire est personnelle et modeste. On ne peut pas en dire autant de la préparation du carnaval national qui aura lieu cette année les 19-20-21 février prochain. Déjà, je puis vous le dire, ce sera tout un événement. Une grosse affaire. C'est que, pour la première fois dans l'histoire des célébrations de cette fête qu'est le Mardi Gras – la plus importante en Haïti, et ce n'est pas moi qui le dis – l'événement se tiendra ici, aux Cayes, au lieu de Port-au-Prince. Par édit présidentiel, rien que ça. Jusque là, rien à redire, puisqu'il s'agit d'un événement festif qui se déroule dans la joie. Sauf que, après avoir parlé avec des officiels et des responsables de la Croix Rouge cette semaine, on s'aperçoit vite que toute célébration susceptible d'attirer 200,000 personnes supplémentaires (!) en ville risque fort d'engendrer quelques petits problèmes... Circulation, approvisionnements, logistique, évacuation des blessés en cas d'accidents ou d'échauffourées, gestion des foules, bref vous voyez ce que je veux dire... Rien de bien méchant là-dedans – c'est la fête, après tout – mais même une manifestation de joie publique comme celle du carnaval peut mal tourner quand les gens se font piétiner... Donc, on ne sait pas trop comment les choses vont s'articuler, mais on sait que ce sera difficile et le mot est faible sans doute. Or, l'événement, je le répète, est grandiose par nature, et trois jours et trois nuits non-stop, ben ça fait un gros party, disons... En tout cas et comme toujours, on verra.

Il n'empêche qu'il est difficile de ne pas être impressionné par cette volonté populaire de célébrer, surtout lorsque la fête est entérinée par le président lui-même. Comme si la célébration allait vraiment donner le coup d'envoi qu'on attend, celui qui lancera la machine économique à faire de l'argent. «Ayiti dekole, Okay devan» (Haïti décolle, Les Cayes en tête), c'est le thème du carnaval qu'on veut énergique et porteur d'espoir. Mais ici, en ville, personne n'est dupe. Le carnaval emplira certaines poches, oui, mais pas celles qu'on souhaiterait. Seuls ceux ou celles qui auront su se placer les pieds récolteront la manne festive... Mais ce n'est pas là la raison d'être de l'événement, n'est-ce pas? Alors pourquoi s'en plaindrait-on? L'ambition du gouvernement, c'est de faire du carnaval d'Haïti un événement international, comme celui de Rio ou de Québec, qui justement, bat son plein au moment où j'écris ces lignes... Autres latitudes, certes, mais même euphorie carnavalesque, mêmes excès d'alcool et même défoulement collectif. Non, je ne suis pas cynique, mais vous avez compris que je ne suis pas friand de ces manifestations populaires, fussent-elles une simple expression de joie collective. Nous nous contenterons donc d'observer de loin ce qui se passe, tout en souhaitant que les choses restent dans les limites du raisonnable. Et ici, ces limites sont souvent élastiques, alors...

Mais l'effervescence des préparatifs est belle à voir : on met la ville propre, on déplace les étals des marchands, on remplit les trous, on élague les arbres le long des routes qu'empruntera le cortège des chars, bref, on se prépare, et tout ça dans la joie et l'excitation qui accompagnent les fêtes à venir. Et pour nous mettre en appétit, chaque dimanche soir, on nous parade quelques camions à la sono totalement débridée qui annoncent à coup sûr la tempête sonore à venir. Mais c'est mieux qu'un ouragan, hein? En tout cas, c'est ce qu'on se dit... Et puis, il faut bien que je le mentionne, le carnaval nous donne deux jours de congé en prime et qui s'en plaindrait, je vous le demande?

mardi 24 janvier 2012

Les grands départs


Les grands départs, je l’ai déjà dit, sont toujours source de stress. Pour ceux qui les exécutent, bien sûr, mais aussi pour ceux qui restent derrière de même que pour ceux qui attendent en avant. Dans ce cas-ci, nous ne sommes pas les acteurs, mais bien ceux qui restent et qui soupirent de voir cette belle visite lever le camp temporaire qu’ils avaient gentiment établi en nos quartiers haïtiens. Et oui, ça rend triste.

Qu’est-ce que de la belle visite? D’abord, des gens pas compliqués. Des gens qui n’exigent rien et qui sont ouverts aux suggestions. Des gens à la conversation variée et capables de partager leur expérience. Des gens qui aiment et qui savent se faire aimer. Ceux-là nous ont comblés sous tous rapports. Sans jamais se plaindre, ils ont accepté notre rythme de vie, accepté le climat, l’environnement, les gens partout, la cacophonie de la ville et même, ma façon de conduire, bien qu’elle ait été cause de quelques soupirs… Mais je passe. L’essentiel est que ces bonnes gens nous ont permis de vivre deux semaines de presque vacances du seul fait de leur présence. Et nous en sommes bien reconnaissants. Même sous le chaud soleil haïtien, la chaleur humaine a toujours sa place.

Nous voulions leur donner un modeste survol de cette partie du pays que nous habitons et je pense que nous y avons réussi. Certes, il aurait aussi fallu présenter les autres régions, mais compte tenu des distances et de l’état des routes pour couvrir cette distance, nous avons dû nous en abstenir. Une prochaine fois peut-être? Pourquoi pas… Car bien que je prêche souvent pour ma paroisse (le sud du pays), il faut reconnaître que le nord est tout aussi joli et offre même au voyageur une page d’histoire impressionnante sous la forme de la Citadelle, ce château-fort que le roi Christophe - un peu fêlé -, dans un élan d'enthousiasme mégalomaniaque, a fait construire à grands frais… de vies humaines! En tout cas, l’endroit vaut le détour, je vous le garantis. Mais bon, c'est un peu loin... Quant aux plages du nord, elles n’ont pas grand-chose à envier à celles du sud, que je continue de préférer cependant, question justement de préférence personnelle.

Nos visiteurs ont également pu rencontrer certains de ceux, de celles que nous côtoyons ici. Qui sont toutes de fort bonnes personnes, faut-il que je le précise… Somme toute, ils sont venus, ils ont vu, ils ont mieux connu et ils s’en sont allés le cœur content et la mémoire pleine, du moins si on en les croit. Mais quoi qu'il en soit, ce fut bon pour notre moral, je vous le confirme.

Aujourd’hui, c’est le retour à la normale, non sans nostalgie, mais il faut ce qu’il faut n’est-ce pas… Le travail sait attendre, mais sa patience a tout de même des limites, tout le monde sait cela. Alors nous y sommes aujourd’hui avec sinon une énergie accrue, à tout le moins un empressement à faire ce qui était resté en souffrance — mais sans souffrir pour autant — à cause de la visite…! Si bien que les tâches s’exécutent tambour battant, à fond la caisse et la broue dans le toupet!

Tout ça pour vous dire que cette petite parenthèse nous a ragaillardis, enchantés et distraits tout à la fois. Ce n’est tout de même pas rien. En fait, c’est tout à fait appréciable, n'en doutez aucunement!

Et le plus drôle, c’est que ce n’est pas fini, car on en attend encore!...

samedi 21 janvier 2012

Orphelinats


Pour on ne sait quelle raison, il est question d’orphelinats, ces temps-ci. L’article du Nouvelliste ici et cet autre là font état des préoccupations locales, tandis que celui de Cyberpresse met en relief un autre aspect du problème.

Il faut dire que les orphelinats pullulent en Haïti, spécialement depuis le tremblement de terre, il va sans dire. Comme il arrive souvent, les enfants n’étaient pas nécessairement en compagnie de leurs parents, à l’heure du séisme, et certains ont survécu là où les parents sont disparus sous les décombres. D’où l’explosion du nombre d’enfants dans ces endroits qu’on désigne sous le nom d’orphelinats. Or, ces structures sociales ne sont pas d’égale qualité et plusieurs sont même douteuses, tant dans leur fonctionnement administratif que dans le soutien apporté aux enfants. Vous me direz que ce n’est certes pas l’apanage d’orphelinats d’opérer dans des paramètres administratifs flous et vous aurez raison : des écoles, des hôpitaux et de nombreux projets humanitaires fonctionnent parfois aussi avec plus ou moins de rigueur pour des résultats douteux. C’est le propre d’un pays en reconstruction, je pense. On ne peut pas toujours s’arrêter à des principes éthiques ou techniques quand on veut sauver le monde, n’est-ce pas… Il n’en reste pas moins que les orphelinats poussent ici comme des champignons et certains, j’ose le dire, sont probablement aussi vénéneux. Que l’État réagisse en fermant quelques établissements semble dès lors tout à fait logique et sensé et on ne peut qu’approuver cet effort d’épuration des mauvais champignons. Sauf que, bien malheureusement, ce sont les enfants qui en font les frais...

Le cas de Jacqueline Lessard est une autre affaire. Désolée de voir son orphelinat détruit, elle a eu le malheur (le bonheur en fait) de plaider sa cause auprès du public québécois, lequel est très généreux pour des causes comme ça (et non, ce n’est pas moi qui le dis). Conséquence, pas mal d'argent, une fondation, des principes administratifs plus rigides et des comptes à rendre, rien de ce que voulait Mme Lessard (sauf l'argent, bien sûr)! Est-ce à dire que son orphelinat détournait les fonds institutionnels à des fins personnelles? Pas nécessairement et pour ma part, je ne le crois pas. Mais une fondation doit opérer dans la transparence et ouvrir ses livres à qui veut les consulter. Or, quand on n’a pas de livres, disons que ça augure mal…

Par ailleurs, il est vrai qu’en Haïti, plusieurs transactions financières se font en argent sonnant, sans papier, sans facture, sans fiche, bref, sans traces. Ce qui ne veut pas dire que ce soit malhonnête : l’on marchande pour une douzaine de chaises, disons, et l’on paie le prix convenu en se serrant la main. Rien de tordu là-dedans. Sauf que dans nos pays, nous sommes tellement habitués à ces preuves tangibles des transactions que sont les coupons de caisse, les chèques, les reçus, les relevés de cartes de crédit et j’en passe, qu’il nous est difficile de ne pas associer les transactions en argent comptant à un commerce illicite ou croche, une pratique inacceptable pour une fondation qui se veut limpide et digne de foi. C’est bien dommage. Car en vérité, même pour une organisation, il est parfois difficile de fournir toutes les pièces justificatives qui, en principe, doivent étayer les rapports comptables. Notre petit hôpital ne fait pas exception et souvent, il nous faut composer avec la réalité de transactions faites de main à main, en argent sonnant. Mais si l'on s'astreint à entrer la dépense sur une feuille de route, la comptabilité peut alors s'effectuer à peu près normalement et c'est le système que nous utilisons, avec succès, je le dis sans fausse modestie.

Mais j'en reviens aux orphelinats : autant il s'agit là d'une institution essentielle composée de nombreux établissements étalés dans le pays, autant c'est une institution qui me paraît d'une gestion délicate et aisément discutable. Car toutes les manières de faire s'y retrouvent. De là à s'en sentir concerné, il n'y a qu'un pas, surtout lorsqu'on est donateur...

Et pourtant, les enfants, ces enfants sans famille, qu'est-ce qu'ils en ont à cirer des contraintes administratives?


mardi 17 janvier 2012

Haïti dans ses beaux atours


Certains, certaines auront pu s’étonner de mon silence en ces lieux d’écriture qui me sont devenus si chers. D’autres, plus perspicaces, se souviendront que nous avons de la belle visite, facteur mitigeant s’il en est un. En fait, si je mentais un peu, je pourrais invoquer la présence de ces charmants visiteurs pour justifier mon absence, mais mon honnêteté foncière m’impose de vous dire la vérité : j’ai la flemme. Comme la dernière fois d'ailleurs. Causée par la visite, sans doute, mais ce n’est pas la visite elle-même qui est cause de mon silence : seulement la paresse. Voilà, vous savez tout.

Et puis pour tout vous dire, toutes ces histoires de commémoration de l’anniversaire du fameux et infâme tremblement de terre de 2010 m’agacent un peu. Se souvenir pour mieux s’apitoyer? En ce qui me concerne, j’aime mieux passer. Et oublier, oui. Car de toute façon, se souvenir ne change pas grand-chose à l’Histoire et, à la différence de grands drames comme l’holocauste, ne peut rien changer au futur. Car la terre tremblera encore sans que personne n’y puisse rien. Et le pire, c’est que ça se fera sans crier gare, sans avertissement de l’endroit où le frisson tellurique se fera sentir, alors comme dirait notre humoriste national, «qu’ossa donne?» Tout de même et quoi qu’en disent les alarmistes, compte tenu que le dernier datait de plus de 200 ans, je me dis que nous avons le temps avant le prochain, et sans doute même le temps d’oublier…

Cela dit, je suis content que la presse internationale s’arrête à l’événement. Il me semble qu’on ne parle jamais assez d’Haïti, sinon pour en évoquer la misère et s’en apitoyer. Alors qu’il y a mieux à faire. Car Haïti avance, à petits pas, certes, mais avance tout de même et il faut s’en réjouir et partager ce progrès avec le reste du monde. C'est ça que les médias doivent véhiculer : les choses vont mieux en Haïti, le pays souffle et l’on se prend à espérer et à croire en un demain plus serein.

Ce qui n’empêche nullement de profiter maintenant de ce que le pays offre depuis toujours : paysages remarquables et gens chaleureux et souriants. Incidemment, je vous renvoie à cet article, déjà vieux d’un an, que Chantal Guy avait écrit lors de son passage au pays l’année dernière. Elle écrivait entre autres :
«Le potentiel touristique en Haïti est énorme. Il pourrait révolutionner l'économie du pays. Un seul touriste ici peut aider une dizaine de familles, et cela, sans passer par la charité. Ils n'attendent que ça, être payés pour leurs services, pour leur travail. Et ce tourisme pourrait se développer différemment de la mentalité des complexes de la République dominicaine. Car les richesses d'Haïti dépassent largement les belles plages: c'est une histoire, c'est une culture, c'est un mode de vie, c'est un esprit. Un pays qui n'a rien perdu de son âme, peut-être parce qu'il est depuis très longtemps isolé du reste du monde.»
Elle semble avoir compris ce que je m’évertue à vous expliquer. Et elle n’est pas la seule : nos visiteurs, sans doute sceptiques avant leur venue, sont maintenant mieux en mesure d’apprécier ce potentiel qui ne demande qu’à se développer. Reste à savoir si c’est l’œuf qui produira la poule ou le contraire. En termes clairs, certains affirment que ce sont les infrastructures appropriées qui attireront les touristes alors que d’autres soutiennent que ce sont les touristes qui justifieront la mise en place des infrastructures. Personnellement, je crois davantage à cette dernière vision : il faut d’abord que certains touristes moins craintifs, moins dédaigneux et plus ouverts viennent et montrent un intérêt pour ces belles et bonnes choses que le pays peut offrir. Et alors, la roue infrastructurelle pourra se mettre à tourner.

En tout cas nous en avons deux ici (je parle de nos visiteurs, pas de roues) qui, si on les croit, sont plaisamment surpris de ce qu’ils découvrent dans notre coin de pays. Et ma foi, ils ont vraiment l’air sincère…

lundi 9 janvier 2012

Mythes et réalités


L'article que je veux partager avec vous aujourd'hui date en fait de vendredi dernier. Mais j'avais la flemme et pas vraiment le goût de me plonger dans des commentaires qui, peut-être, n'auraient pas vraiment sonné juste. En outre, je venais tout juste de vous produire un petit texte la veille alors je me disais que vous n'étiez pas encore en manque... Enfin, les propos de l'article sont toujours d'actualité et toujours intéressants, surtout pour vous, lecteurs et lectrices, qui vivez loin et qui ne connaissez le pays qu'à travers ce que l'actualité en dit. Or l'actualité, trop souvent hélas, ne voit qu'en surface et juge aussi rapidement que péremptoirement, de sorte que le public est souvent trompé. Je vous l'ai déjà dit et vous savez que je m'élève souvent contre ces affirmations journalistiques fondées sur des visites au pays qui se mesurent souvent en heures. Les journalistes, ne l'oublions pas, sont des employés ou des pigistes qui n'ont qu'une idée, un objectif : vendre leur article à leur employeur ou à un client (dans le cas des pigistes) et gagner leur vie ce faisant. Or, ce qui va bien se vend mal, alors que ce qui va mal se vend très bien. En plus, écrire sur ce qui va mal est nettement plus aisé que son contraire, alors pourquoi chercher à démystifier ce qui est «vendeur»?

Mais les mythes dénoncés dans l'article valent qu'on s'y arrête. Car non seulement l'article remet-il les pendules à l'heure au regard de ces mythes, mais il nous permet de penser que s'il s'en trouve quatre ici, il s'en trouve sûrement d'autres. Je vous en donne quelques-uns plus bas. Mais d'abord, revoyons ensemble ces mythes démystifiés.

L'insécurité est certes le premier et sans doute le plus répandu. Il faut dire que les histoires sordides qu'on nous sert suffisent largement à alimenter l'idée que le pays n'est pas sûr et que la criminalité y fait rage. Et pourtant, selon les données mentionnées dans l'article, rien n'est moins vrai... Puis il y a cette histoire abracadabrante que les pauvres en sont réduits à manger de la terre pour tromper la faim qui les tenaille. Ici encore, si l'on fouille un peu, la vérité apparaît dans une tout autre perspective. Concernant l'épidémie de viols, je ne suis pas si sûr que ce soit un mythe... D'ailleurs, il est mentionné dans l'article que les données manquent pour confirmer ou infirmer l'hypothèse. Mais quoi qu'il en soit, ce n'est rien qui mérite de faire la manchette, comme la nouvelle l'a fait l'année dernière (je crois). Enfin, l'argent de la reconstruction qui disparaît n'est pas un phénomène nouveau : chaque fois que de fortes sommes sont en jeu, il y a forcément un certain pourcentage qui disparaît en fumée, mystérieusement. Mais ce n'est pas une situation qui se limite à Haïti : c'est partout la même chose et je pense qu'il faut être bien naïf pour s'en étonner. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que l'argent promis n'est ni tout dépensé, ni versé en entier et que c'est au fil des projets que l'argent peut être utilisé à bon escient. Bref, ce sont effectivement des mythes, ou si vous préférez, des idées reçues sans critique et sans faits pour les appuyer.

Et je pourrais vous en citer d'autres, par exemple : «Aller en Haïti, c'est s'exposer à tomber malade, peut-être même du choléra»; ou «les mendiants sont agressifs»; ou «les Haïtiens sont tous des voleurs»; ou «tout ce que l'on mange, tout ce que l'on boit est une menace pour la santé», et quoi encore! Mais tout cela est faux. Certes, les pays tropicaux entretiennent des maladies tropicales typiques : malaria, dengue, choléra et autres, mais ce ne sont pas des maladies que l'on attrape si aisément. Le choléra, bien que grave, reste dans les limites du contrôlable et du contrôlé et le spectre de l'hécatombe qu'on a brandi au-dessus de nos têtes l'an dernier était exagéré et relève maintenant du mythe. Quant aux maladies liées à l'eau ou l'alimentation, ici encore, elles se limitent à la traditionnelle diarrhée du voyageur (la turista), une gastroentérite ou un simple empoisonnement alimentaire bénin. Rien pour en faire une maladie!... Quant aux mendiants, ce sont des enfants surtout et comme pour tous les enfants, un peu de fermeté vient rapidement à bout de leur maigre insistance. Il reste les voleurs... Vaut-il la peine de relever cette généralisation odieuse et injuste? Et pourtant, j'avoue l'avoir entendue textuellement, celle-là... Mais bon. Ce sont ces mêmes gens qui vous diront que les Arabes sont tous des terroristes ou que les Noirs sont tous des sales. Parler à ces gens, c'est se salir. Pour ma part, je préfère m'abstenir...

En complément de programme et pour terminer sur une note plus positive, je vous renvoie à cet article (en anglais) qui décrit ce que je suis en train de vous dire de belle façon.

En tout cas, j'ai bien hâte de voir ce qu'en dira notre belle visite...

vendredi 6 janvier 2012

Les Fêtes sont finies


Vous croyez que je vais encore vous parler de l’Éphiphanie, eh bien vous vous trompez. Certes, c’est le bon jour. Et oui, c’est une fête religieuse importante, même si plus personne ne la célèbre. Pas en grandes pompes, en tout cas… Sans doute tout le monde a-t-il atteint son quota de fêtes et de célébrations… C’est bien amusant, comme ça, une fois de temps à autre, mais à la longue on s’en lasse et on aspire au retour à la normale, business as usual, comme disent nos voisins du nord.

L’année débute dans le calme. En fait, la nouvelle dont tout le monde parle présentement, c’est l’annonce du président Martelly concernant le carnaval du Mardi Gras (19-21 février prochain), lequel se tiendra… aux Cayes! Tout le monde s’en réjouit, mais tout le monde admet que ce sera l’enfer! Car on parle ici des célébrations nationales qui, traditionnellement, ont toujours lieu à la capitale. Il s’agit donc d’une première et bon, c’est assez excitant pour qu’on ne parle que de ça, même si l’événement n’aura lieu que dans plus d’un mois! Et ça, pour une fête, c'en est tout une! En fait, on dit du Mardi Gras que c'est la fête la plus importante du pays, c'est vous dire... Mais nous n'en sommes pas encore là.

Quant au reste, eh bien j’ai le sentiment que le message général en est un qui veut aller de l’avant, comme l’illustre fort bien ce texte joliment ficelé de Franz Duval dans le Nouvelliste. Je vous l’ai dit au moins cent fois : les Haïtiens ne sont pas défaitistes, mais plutôt fatalistes. Quand le malheur frappe, ils crient, ils pleurent, ils se plaignent à s’époumoner, mais après on tourne la page et on s’ajuste à la nouvelle réalité. C’est un peu ce que l’auteur invite les gens à faire, deux ans après le séisme historique : tourner la page et aller de l’avant. J’aime particulièrement ce passage :
«Nous devons prendre exemple sur les plus faibles d'entre les faibles, ceux qui avant comme après le tremblement de terre n'avaient rien. Aujourd'hui, ils ont une tente qu'ils rafistolent pour se protéger du froid ou des prochaines pluies. Ils ont trouvé un lopin de terre pour ériger une nouvelle cité improbable. Ils luttent et vivent. Vivent parce qu'ils luttent. » 
Évidemment, vous aurez reconnu, à peine altérés, les propos de Victor Hugo que je vous ai d’ailleurs rapportés en 2011, mais il faut bien admettre qu’ils trouvent ici tout leur sens. Lutter, non pas pour vaincre mais simplement pour ne pas perdre. Il me semble que comme message d’espoir, c’est bien. Ça sonne juste. Et ça augure bien pour le reste de l’année…

Mais bien sûr, tout peu changer, aussi rapidement que le temps qu’il fait. Lequel a d’ailleurs été exceptionnellement frais ces derniers jours, avec du vent comme on en souhaiterait tant en juillet ou en août... Tout le monde s’en est plaint, bien entendu, mais aujourd’hui déjà, le «temps normal» est revenu et le vent est tombé (présentement, il fait 31° C au thermomètre), alors tout baigne.

Tout cela pour vous dire que janvier et l’année 2012, par le fait même, débutent bien. Et le prochain enchaînement — notre belle visite — devrait permettre de poursuivre sur cette lancée, de sorte qu’on sera prêts à entamer février, lui aussi sous l’étendard de la visite, familiale cette fois. Mais je vous en reparle en temps et lieu. Pour l’instant, c’est vendredi et vivement la bière glacée…

mardi 3 janvier 2012

Bonne Année tout le monde!


Trois janvier déjà! On dit que le 3 fait le mois, sera-ce sous le signe de la vitesse que passera ce mois? Il y a fort à parier que oui. Commencer l'année en grande vitesse me paraît un peu casse-cou cependant, et j'espère que nous pourrons reprendre un rythme moins soutenu au fil du temps. Mais pour que le champagne mousse bien, pour qu'il produise ses petites bulles en bonne quantité, il faut la pression à l'intérieur de la bouteille. C'est la pression qui, relâchée, donne toute l'effervescence de cet élixir festif : sans pression, pas de bulles... Alors un petit stress comme ça, à la veille ou presque de l'arrivée tant attendue de notre belle visite, c'est comme une condition nécessaire à la présence de bulles lorsque l'événement se concrétisera. Et ça s'en vient vite... Je vous en reparlerai, n'en doutez pas.

Pour l'instant, l'année débute et ma foi, mis à part nos chers adventistes qui ont mis le volume un peu fort dans la première nuit de l'année, tout s'est passé sous le signe de la PAIX et de l'harmonie. On sait bien que les gens ordinaires ont eu pas mal de misère à joindre les deux bouts – ils en ont tout le temps – mais l'ambiance était à la fête, les gens étaient contents et tous ont célébré comme il convenait la fête de l'Indépendance du pays (le 1er) et celle des Ancêtres (le 2), la première traditionnellement associée à la soupe joumou. Non, je ne vous en donne pas la recette, mais grosso modo, il s'agit d'une purée de courge à laquelle on ajoute de la viande et des légumes et dont la composition varie passablement d'une famille à l'autre. C'est excellent. Et une tradition séculaire, puisqu'on en fait remonter la tradition à l'indépendance haïtienne.

Pour nous, pas de soupe joumou, mais de la dinde, laquelle est aussi une tradition du temps des Fêtes en ce pays qui nous a vu naître. Mais de vous à moi, une dinde, même modeste, c'est de la viande, ça mes amis! De sorte que le menu pour les trois prochaines semaines est maintenant tout tracé d'avance!...

Pas grand nouveau en ce début d'année donc, mais quelques situations préoccupantes, moins sur la scène nationale que sur celle internationale. Personnellement et bien que je n'y comprenne pas grand-chose, je n'aime pas tellement ce combat de coqs entre l'Iran et les USA, car comme tous les combats de coqs, le vainqueur en sort souvent aussi amoché que le vaincu... Ce n'est pas une situation à prendre à la légère et je ne suis pas le seul à le croire : la question du jour de Cyberpresse nous interroge : «Croyez-vous que l'Iran entrera en guerre avec l'Occident cette année?» La majorité des réponses affirmatives en disent long sur la perception des gens comme vous et moi... On veut bien être optimiste, mais pas sans réalisme. L'avenir nous donnera tort ou raison, mais je le redis : présentement, c'est préoccupant.

Heureusement, dans le pays, ça ne va pas trop mal (pa pi mal en créole). Rien n'est vraiment plus facile ni mieux organisé, mais il est permis de croire, d'espérer que l'année qui débute sera bonne et axée davantage sur le progrès que sur les petites guerres de clocher. Là encore, l'avenir nous le dira. En tout cas pour le présent, on ne peut pas se plaindre car tout va assez bien. En plus et au cas où vous l'auriez oublié, nous sommes encore en congé aujourd'hui et c'est donc un jour très agréable par définition. Non, nous ne ferons rien de spécial pour souligner le congé mais un congé reste un congé, nous sommes d'accord sur le point. Une journée relaxe donc, même si nous en profitons pour accomplir quelques petites tâches qui méritent d'être faites et même si ce n'est que demain que le travail reprend son cours normal.

Et le cours normal, ça veut dire aussi le train-train habituel et la question qui le sous-tend : est-ce qu'on remet ça encore pour une sixième année? La question n'est pas nouvelle – nous nous la posons chaque année depuis cinq ans – mais sa réponse n'est jamais définie car on ne sait jamais au juste pourquoi nous restons. Il y a bien ceci et cela, mais est-ce suffisant?

Et puis de l'autre côté, on se dit : Pourquoi pas?