mercredi 31 décembre 2008

Hors du pays IV & V


Jour IV—29 décembre (lundi)

Aimez-vous marcher?

Pour découvrir une ville, il le faut. Y’a qu’en marchant qu’on la sent, qu’on l’entend, qu’on la voit et qu’on la touche. Toutes les capitales du monde sont, par définition, des villes importantes. Mais toutes les capitales du monde ont aussi une histoire qui s’étale dans un quartier plus ou moins historique—comprendre : avec plus ou moins de vestiges de l’histoire de la ville. Or, si Santo Domingo est une ville moderne de quelque 3 millions d’habitants, c’est aussi la première colonie espagnole au Nouveau Monde et sa «zone coloniale» est classée patrimoine mondial par l’UNESCO. Et si vous trouvez que je vous épate avec mes connaissances, tapez «Santo Domingo» sur Wiki et vous allez être aussi savant que moi — sans doute plus.

Donc nous sommes partis à la marche avec pour objectif, un centre commercial. Visiter, c’est bien beau, mais il faut aussi penser à consommer un peu, non? Et un centre commercial se prête plutôt bien à cette activité. Mais notre destination était à une «belle tit-distance», comme disent nos amis haïtiens (et nos ennemis aussi, n’en doutez pas). Les ampoules, les sandales glissantes, les pieds en compote… j’y ai goûté. Mais chemin faisant, on muse le nez en l’air. La circulation est dense — nous sommes loin ici de la vieille ville et de sa zone coloniale — les boulevards sont larges et bordés de palmiers, les rues adjacentes sont tout ce qu’il y a de banal et ressemblent à n’importe quelle rue adjacente. Mais d’y voir les gens ordinaires vaquer à leurs occupations ordinaires nous donne le sentiment d’un ailleurs qui nous est étranger. Ici, dans ces rues et ruelles, nous ne sommes plus touristes : nous redevenons ce que les étrangers ont toujours été dans un pays qui n’est pas le leur : des étrangers. Certes nous comprenons — du moins lorsqu’elle est parlée pas trop vite — cette langue si chantante qu’est l’espagnol, mais cela ne suffit pas à nous faire passer pour des «locaux», beaucoup s’en faut. Et pourtant, physiquement, je dirai que vu la diversité du cheptel dominicain, on pourrait faire partie de la population locale. Car ici, à la différence d’Haïti, il y a de tout : des blonds et des blondes (superbes), des noirs — souvent Haïtiens, mais pas toujours, des bronzés et des pas, des qu’on jurerait des Européens et des qu’on jurerait Américains. Une vrai foire! Faut croire que les Espagnols d’origine n’en sont pas restés là… Et que les Indiens et les Indiennes étaient plutôt potables…

Quant à notre centre commercial, ce n’en était pas un «vrai», mais plutôt un «grande surface» genre Wal-Mart. En mieux. Nous avons trouvé tout ce que nous cherchions, et même plus, comme dirait la pub, mais cependant et comme toujours, nous fûmes raisonnables.

Pour le retour à l’hôtel, nous utiliserons les services d’un taxi, car il y a une limite aux prouesses…

Une bonne bière frette avec ça???

Jour V—30 décembre (mardi)

La frustration du centre commercial que nous n’avons pas vu et qui, paraît-il, se compare aisément aux centres nord-américains qu’on connaît nous décide à retourner dans cette direction—mais en taxi cette fois. La balade revient à tout juste $4.00 US, alors c’est dans nos moyens.

Eh bien le centre commercial est, en effet, une copie conforme d’un centre commercial typique, avec ses rangées de boutiques souvent redondantes—ici, ce sont les chaussures qui dominent—ses escaliers roulants et son tape-à-l’œil censé accrocher le consommateur. En fait, c’est tellement bonnet blanc, blanc bonnet qu’après 20 minutes, on a tout vu et on a juste une envie : sortir. Nous irons donc du côté de la zone coloniale qui, si elle concentre les touristes, a au moins le mérite d’être originale. Il y a de vieilles bâtisses, de vieux monuments, une belle architecture et des gens pas pressés, pour qui prendre une bière ou un café s’avère une activité à temps plein. Et le bavardage, bien sûr. Quand je pense que certains, certaines ont tenté de me convertir au «clavardage», comme on dit maintenant! Nenni! Pas du tout! Je sais me servir d’un clavier QWERTY moyennement bien, mais pour bavarder, rien ne vaut la présence humaine. Et assis à un café, à siroter une boisson revitalisante (bière, entre autres), c’est tout à fait propice. En fait, il m’est difficile de me concentrer sur ma compagne tant je suis distrait par les conversations de nos voisins de table. Non pas, encore une fois que nous comprenions tout, mais la qualité des échanges est d’une telle éloquence qu’on n’a pas besoin de comprendre dans les détails. Et la bière, l’ai-je dit, est bonne!

Aujourd’hui, nous aurons un peu de pluie. Oh! Pas assez pour nous empêcher de marcher, mais c’est quand même moins agréable, il faut bien l’admettre. Alors après un dernier tour de la partie piétonnière de la zone coloniale, nous rentrons et commençons déjà à penser au retour, qui s’amorce demain dès potron minet.

Des vacances? Certes. Pas longues, certes. Mais dépaysantes, reposantes, stimulantes, engraissantes, tonifiantes et en bout de ligne, pas trop chères, ce qui n’enlève rien à l’affaire, bien entendu.

Bonne Année tout le monde!

lundi 29 décembre 2008

Hors du pays III


Jour III—28 décembre (dimanche)

Je vous avais prévenu : dimanche, jour du Seigneur attitré, s’inscrit comme jour de farniente dans une suite qui l’est déjà. Je vous laisse imaginer le reste… Surtout quand la piscine de l’hôtel, avec son eau cristalline, scintille sous le soleil ardent. Ne manquent que le livre (je l’ai) et la chaise longue (fournie) pour que le compte soit bon. La farniente peut donc s’exercer sans contrainte, sans heurt, sans tremblement.

Mais le soleil fait rapidement monter la température corporelle, et la piscine semble le remède tout désigné à ce léger inconfort. Hélas! la température de l’eau, elle, n’a rien à voir avec celle de l’air et il faut du courage pour s’y mettre, comme on dit en espagnol (me voy a meter = je vais me baigner, et non «je vais me mettre», comme les tendancieux iront penser, sans doute). Enfin, le courage étant ma seconde nature, j’y parviens. Après quelques ébats nautiques, on se fait sécher comme lézards au soleil, histoire, comme les lézards, de faire remonter la température corporelle—extérieure, je veux dire, les puristes l’auront compris. Et histoire de ne pas souffrir de déshydratation, quoi de mieux qu’un petit rafraîchissement légèrement alcoolisé? Et lorsque la piña colada vous est servie dans un ananas évidé, le plaisir des yeux renforce d’autant celui de l’ingurgiter!

Toujours est-il que c’est ainsi que s’en est allée la journée. Puis vint le temps de manger et de passer quelques heures devant le petit écran, à écouter un vieux film—The Sound of Music, si vous voulez tout savoir. Et si vous voulez tout savoir, je vous dirai que c’est toujours aussi beau et aussi musicalement enlevant. Julie Andrews est magnifique et les enfants sont top. Franchement, pour un film de 1965, c’est vraiment réussi, y’a pas à dire. Voilà ma critique, et gratos à part ça!

Donc nous avons pris du soleil (mais il en reste en masse, faites-vous en pas!), avons passé le temps «tout dou-, tout dou-, tout doucement», comme dans la chanson (Blossom Dearie, pour ceux que ça intéresse). Comme ça, on s’est dit qu’on serait d’attaque pour notre journée du lendemain!

dimanche 28 décembre 2008

Hors du pays II


Jour II—27 décembre (samedi)

La nuit fut, comme prévu, réparatrice. La République fonctionne avec une heure de plus, ce qui signifie qu’il est déjà tard lorsque nous descendons prendre notre petit déjeuner. Et quel petit déjeuner! En fait, on serait mal venu de le qualifier de petit, car il rassemble, sous forme d’un somptueux buffet, tout ce qui se mange ou à peu près : les œufs sous toutes leurs formes, les viandes, froides ou chaudes et les fruits, tropicaux par nature, si je puis dire. Gorgés de café, repus jusqu’au coude, nous sommes prêts à renouer avec la zone coloniale dont nous avons gardé un souvenir plaisant.

La marche est agréable et la vie dominicaine nous change radicalement de ce que nous connaissons dans notre pays d’adoption. Nous retrouvons notre café d’il y a sept ans, le Condé, qui n’a pas changé pour deux sous même si les prix ont engraissé. Mais la bière est toujours aussi fraîche et les serveurs, toujours aussi avenants et professionnels. On muse, on traîne, on fait ce que font les touristes en cette saison, en ces lieux. La dominante linguistique est l’anglais, mais de temps à autre, on entend quand même parler français, allemand, italien, créole et, bien sûr, espagnol. Les Dominicains fument. Souvent le cigare, et pas des imitations : le puro, le vrai, est un véritable bâton de gendarme dont l’odeur puissante n’est pas du tout déplaisante, surtout dehors. Cependant, il faut vraiment du courage pour s’attaquer à pareil morceau! Quant aux autres, ils se contentent de la banale cigarette, mais quelle présence! Le tabac serait-il moins mauvais pour la santé ici? Ou bien est-ce que tout le monde s’en fout? En tout cas, les non-fumeurs qui aiment militer pour leurs droits en auront plein les bras!

Mais la bouffe est bonne et l’ambiance tout à fait européenne, alors de quoi nous plaindrions-nous? Le lunch, copieux et délicieux, s’avère plus qu’il n’en faut pour combler un creux qui n’avait rien de bien profond. Mais les vacances ne sont-elles pas associées à l’action de manger?

Tout à coup, la pluie nous douche. Enfin pas vraiment car nous sommes à couvert, mais pendant un court moment, l’ondée a tout trempé. Heureusement, nous pourrons retourner à l’hôtel sans expérimenter la marche sous une pluie torrentielle, laquelle n’est jamais si romantique qu’on pourrait le croire…

Le reste de l’après-midi, sur le bord de la piscine, se passe sans qu’on le voit et il est bientôt l’heure de la bière, avant que d’aller manger(!) une délicieuse pizza!

Et c’est ainsi que, le ventre plein, nous terminons cette première journée en sol dominicain, sans autre programme que celui de meubler le temps d’une façon spartiate. Et dire que demain, c’est dimanche…

Hors du pays



Eh bien? Vous pensiez bien que j’avais tout laissé tomber, n’est-ce pas? Avouez que l’idée a crû en votre esprit comme de la graine de pissenlit au printemps… Eh bien vous avez eu tort. Certes, je n’ai pas écrit beaucoup en décembre. C’est mon choix plus que n’importe quoi d’autre. Mais aujourd’hui, en vacances—si l’on peut appeler ces quelques jours de farniente «vacances»—je vous reviens et je vous raconte.

Jour I— 26 décembre (vendredi)

Nous avons quitté Les Cayes par l’avion du midi, et après un court vol sans histoire de tout juste 30 minutes, avons atterri à l’aérodrome de Port-au-Prince, d’où nous avons gagné l’aéroport international à pied. Nous avions pensé que, puisque nous ne changions pas de compagnie aérienne, nous n’aurions pas à changer d’aéroport, mais puisque nous quittons le pays, il faut passer par les envolées internationales. Notre marche d’une vingtaine de minutes nous a fait du bien, malgré le soleil de plomb; au moins, elle nous a dégourdis un peu. On attend quelques heures, et enfin, on s’embarque pour pas longtemps : pas même ¾ d’heure! C’est que la distance à vol d’oiseau entre les deux capitales n’est pas tellement grande, et si on prend du temps par la route, c’est justement à cause de la route elle-même!

Comment, vous n’avez pas encore deviné l’autre capitale? Celle de notre destination de vacances? C’est la voisine, bien sûr, Santo Domingo, capitale et métropole de la République Dominicaine.

Le taxi nous emmène en tout confort à l’hôtel Meliá, un palace qui trône face à la mer. Notre chambre, au 11e étage, ne manque pas de chien ni d’espace. Nous nous y plairons, nous le sentons. Ne reste plus qu’à dérouiller notre espagnol—ce que nous avons commencé à faire avec le volubile chauffeur du taxi—et à s’offrir un bon steak, notre repas traditionnel de «Vive les vacances». Morphée nous appelle et ce n’est pas un appel qui nous rend triste. Une journée de voyage, si courte soit-elle, reste toujours une journée fatigante, ne serait-ce qu’à cause des changements qu’elle entraîne. Mais nous sommes faits forts…

L’impression générale en est une d’une réminiscence plaisante : mais comme le temps a passé! Sept ans déjà, depuis notre dernière visite en terre dominicaine qui, pourtant, est si proche d’Haïti! Si proche et pourtant, si loin dans sa culture, ses mœurs et le niveau de vie de ses habitants. Car si la République n’est pas un pays riche, elle n’a tout de même rien de comparable à ce pays tout estropié qu’est Haïti. Ici, les pauvres sont discrets : on ne les voit pas hanter les rues comme c’est le cas chez le voisin. Ici, on peut prétendre que la pauvreté n’est pas là : pas en Haïti. Cela dit, reconnaissons-le, nous ne sommes pas venus pour régler le cas des pauvres, mais plutôt pour s’offrir quelques jours d’un luxe qui, s’il existe en Haïti, n’est quand même pas à la portée de toutes les bourses, et cela inclut la nôtre, hélas! Mais ici, en République, $100 US font long feu et nous procurent une belle valeur de petits délices, dont je vous reparle demain!