dimanche 29 décembre 2013

Pour clore 2013...


Finalement, Noël a passé, comme n’importe quel autre jour, et voici maintenant la fin de l’année qui frappe à nos portes. Déjà! On a beau dire, mais un an, c’est vite passé et 2013 n’a pas échappé à cette réalité astronomique : 365 jours d’orbite autour de notre soleil et nous voici de retour au même point — ou presque si l’on exclut l'ajout de cette année aux précédentes. Nous arrivons tout juste de la plage (photo ci-dessus prise tout à l'heure) et me revoici.

Car c'est le moment du bilan, un exercice que j’aime bien faire à cette période. Tout comme les médias y vont de leurs revues des événements et des points forts de l’année, j'aime bien faire une rétrospective dans ma tête de l'année qui s'achève. Car il faut se souvenir. Comme je le disais à ma chère compagne pas plus tard qu'hier soir, le passé n’est jamais mort : il est comme la page d’un livre que l’on tourne et sur laquelle on ne reviendra pas, mais dont il faut tout de même se souvenir si l’on veut poursuivre agréablement la suite de l’histoire, à plus forte raison la deviner…! Or, si nous ne savons pas ce que 2014 nous réserve, on peut tout de même prédire que l’année s’inscrira sûrement dans le prolongement de 2013 — simple question de logique et de gros bon sens.

Eh bien pour nous, le bilan, il est simple : la balance est positive. Nous avons, une fois de plus, profité de ce qui passait et consolidé nos acquits. Cela suffit. Mettre la barre trop haute est le plus sûr moyen de rater le saut, de se décourager et de renoncer. Je l’ai déjà dit : on apprend de ses échecs, certes, mais on bâtit sur ses réussites — pas sur les échecs. Nos objectifs étaient modestes et réalistes et je suis bien content que nous les ayons atteints, tout simplement. Alors voilà, vous savez tout de ce bilan de 2013.

Et la vie continue. Ce ne sont évidemment pas les fêtes de fin d’année qui peuvent y changer quoi que ce soit, à moins que ces fêtes s’assortissent d’événements majeurs, style cette fin du monde annoncée pour le 21 décembre 2012, vous vous souvenez? Tout le monde en parlait, plusieurs y croyaient même et pourtant... Rien de tout cela en 2013, mais des situations mauvaises un peu partout sur la planète et des conflits impossibles qui en disent long sur le degré de maturité des peuples... Le pape peut bien prier pour la paix dans le monde, tiens...

Entre-temps, la vie ici se poursuit au quotidien et les jours s’empilent. Si l’on regarde les grands titres de la presse haïtienne, on peut croire que le pays est vraiment sur la voie de la croissance, que le bilan est positif; mais la simple lecture d’un fait divers comme ceci vous replonge dans la dure réalité de ce pays : « 17 voyageurs clandestins haïtiens ont péri dans la nuit du 24 au 25 décembre près des îles Turks and Caïcos, une trentaine de rescapés sont détenus sur l’île. C’est le quatrième naufrage d’une embarcation de voyageurs haïtiens depuis le mois d’août. » Pire encore, ces huit femmes qui sont mortes dans la bousculade autour de la distribution des cadeaux d’un organisme de bienfaisance. Et quel cadeau : «…une marmite de riz, une marmite de haricots, une bouteille d’huile et une boîte de jus Sweety. » Pas une voiture décapotable ou un ameublement de salon! Juste un peu de nourriture! Je sais bien qu’on meurt de n’importe quoi, mais franchement là, arrêtez, je vous en prie! Car si ce n’est pas un drame, ça, dites-moi ce que c’est!... Évidemment, ces faits divers-là ne feront jamais partie des brochures ou des brochettes touristiques qu’on veut offrir aux étrangers et pour cause : on veut attirer les touristes, pas les rendre tristes à pleurer! Et pourtant...

Et pourtant, on voudrait tellement que ces choses-là n’existent pas… Que souhaiter de plus pour la nouvelle année?

dimanche 22 décembre 2013

Bientôt Noël!


Que dire en cette saison spéciale qui n’a pas déjà été dit par l’un ou l’autre de vos chroniqueurs préférés? Les bons vœux, l’appel à la paix, le petit Jésus, la crèche, le sapin de Noël (sur lequel Stéphane Laporte a pondu un fort bon texte, comme d’habitude), le début de l’hiver, les cadeaux obligés, le mauvais temps au nord, les excès de bouffe et d’alcool… et quoi encore, tout a été abordé ou presque!

Ici, comme je vous l’ai déjà mentionné dans un texte précédent, Noël est plus tranquille que chez vous, peu importe où ce chez-vous se trouve. Tout de même et cela dit, il faut admettre que, pour une ou des raisons que je ne saurais expliquer, Noël cette année nous semble plus festif, plus joyeux que les années précédentes. On sent une effervescence dans l’air qui n’était pas aussi présente avant. Ou bien c’est nous qui voyons les choses d’un autre œil? Peut-être... Ce qui ne veut pas dire que les choses sont au beau fixe au pays des Haïtiens, mais en cette période de «paix sur la terre», l’ambiance est à la fête — pas au crêpe-chignon.

Hier, en ville, notre virée hebdomadaire avait une odeur particulière, celle de l’excitation. Les rues étaient congestionnées, les gens étaient partout, des étrangers emplissaient leurs voitures de victuailles — Haïtiens, mais étrangers tout de même (très probablement la diaspora qui débarque toujours en cette saison), bref, oui, ça sentait les Fêtes, ou à tout le moins une fête. Et tout ça dans une ambiance bon enfant où les sourires scintillent au soleil. Car elle est toujours là, notre fidèle étoile diurne, et son rayonnement est particulièrement perceptible sous cette latitude, début de l'hiver ou pas, mais ça, vous le savez déjà et vous n’aimez pas que je vous le rappelle, alors je passe. Et puis vous avez compris que je veux seulement vous dire que toute cette effervescence est bien agréable.

Certains chroniqueurs haïtiens — Frantz Duval, pour ne pas le nommer — divergent d’opinion. Il écrit : « Nous sommes à quelques jours de la Noël et du Nouvel An. À déambuler à travers la ville, on ne le dirait pas. Le centre-ville, la région métropolitaine en général, affiche une déprime que les rares guirlandes et ampoules allumées ne guérissent pas. Il n’y a pas d’air de fête ni de décorations…» Plus loin, il en rajoute : « Noël en 2013 est fade. La fin de l’année est vide de couleurs, de lumière, de chants joyeux.» Constat amer s’il en est un, et sans doute trop sévère car bien que les problèmes habituels soient toujours là — on le sait —, la parenthèse qu’offre la période de Noël et du Nouvel An permet de les oublier momentanément. Tenez, vendredi, nous avons payé aux employés leur boni annuel (un mois de salaire supplémentaire) en sus de leur salaire du mois. Eh bien je puis vous dire que personne ne s’en est plaint! Bien sûr, on sait, tout le monde sait que cela ne résout rien, mais un peu d’argent supplémentaire fait quand même du bien là où il passe. Évidemment, pour tous ceux qui n’en ont pas assez — la majorité du peuple — c’est un peu plus raide, mais Noël est quand même là pour tout le monde et l’effervescence marque les riches tout autant que les pauvres. Et si vous ne me croyez pas, venez vous rendre compte par vous-mêmes...

Ce qui m’amène à vous souhaiter un fort agréable Noël, quelles que soient vos allégeances religieuses ou vos convictions politiques. L’heure est aux réjouissances et aux abus de bonnes choses : les regrets et les critiques viendront après…

JOYEUX NOËL!

dimanche 15 décembre 2013

Si le chapeau vous fait...


La journée avance à grands pas et l’intention fort louable que j’avais de produire mon texte dominical s’en trouve menacée, alors aussi bien m’y mettre sans plus attendre si je veux avoir le temps avant l'heure de la bière...

Le sujet du jour, non ce n’est pas la différence de température entre le nord et le sud, laquelle en a fait rager plus d’un, plus d’une, sur facebook… Mais aujourd’hui, un peu dans la ligne directrice de la semaine dernière, je vous parle encore de littérature, plus précisément du cas Dany Laferrière dont l’accession au panthéon de la littérature française, la fameuse autant que vétuste Académie française, rejaillit sur ses compatriotes, tant québécois qu’haïtiens. Bien que je sois sincèrement content pour M. Laferrière, je comprends mal pourquoi et comment nous, le peuple, pourrions partager la fierté de cet écrivain qu’on honore justement parce qu’il est écrivain — pas parce qu’il est de telle ou telle nationalité!… Et pourtant, la presse haïtienne tout autant que celle du Québec s'en flatte le nombril et en profite pour rappeler à ses lecteurs et à ses lectrices que le monsieur est Haïtien ou Québécois, voire Canadien, c'est selon, comme si l’honneur qu’on lui fait — et qu’il mérite tout à fait, je le redis — avait à voir avec la nation qui l’a vu naître ou qui l’a accueilli sous son froid manteau. C’est là une mécanique qui m’échappe.

Je n’ai pas tout lu ce qu’on écrit depuis cette fabuleuse nomination — quelques échantillons ici et là m’ont suffi — mais une phrase, dont je n’arrive plus à retrouver la source, le citait, répondant à la question de savoir s’il se considérait Québécois, Canadien ou Haïtien. «Je suis écrivain.» J’espère qu'il a vraiment dit cela, car il me semble que cette simple affirmation correspond à ce qu’un écrivain — un artiste dans l’âme — doit ressentir. Laferrière a su, mieux que plusieurs, écrire ce qu’il avait envie d’écrire et bien que, personnellement, je ne sois pas particulièrement porté sur l’auteur, il faut bien dire qu’il a du corps et qu’il a su «cent fois sur le métier, remettre son ouvrage.» Alors oui, indéniable consécration pour un écrivain de langue française, l’Académie française, et pourquoi pas? Voilà un petit velours des plus confortables. Mais s’enorgueillir collectivement que Laferrière soit Québécois ou Haïtien? Là, je ne comprends plus. Les personnes exceptionnelles le sont-elles par droit de naissance, par la société qui les a nourries ou simplement par leur entêtement à persister même en dépit des difficultés? Ne dit-on pas que c’est à l’œuvre qu’on reconnaît l’artisan? Voilà ce que je pense et ce que j’aime penser que les bonzes de l’Académie ont vu chez Dany Laferrière : un écrivain francophone digne de ce nom. Il n’est pas le seul, mais il est bon et cela seul devrait suffire à l’encenser.

À la rigueur, je peux comprendre qu’on veuille se servir du succès du monsieur pour démontrer aux jeunes Haïtiens qu’avec courage et détermination, on peut s’en sortir, tout Haïtien que l’on puisse être. «[…] Dany Laferrière à l’Académie française, dans le fauteuil de Montesquieu et de Dumas fils, c’est un exemple pour prouver à nos jeunes, ici, en Haïti, que le travail, l’intelligence, la volonté payent », écrit Gary Victor, un vieil ami du nouvel académicien. Mais son chemin, M. Laferrière l’a fait lui-même et je pense que là est tout son mérite — pas dans son appartenance sociale ou ancestrale.

Et tu parles d’un joli clin d’œil aux prétentieux!

samedi 7 décembre 2013

Livres et consommation


Ce qui suit est un peu en complément à mon dernier texte (dimanche dernier). Un peu. Je n'ai pas envie de vous parler de Mandela, non pas parce que l’homme ne mérite pas les éloges qu’on écrit sur son compte, mais bien parce que je vous parie ma chemise que la plupart de ces beaux textes ont été préparés il y a déjà plusieurs mois, probablement du temps où il était bien malade et où tout le monde s’attendait à ce qu’il en meure. Mais on ne peut pas parler du type à l’imparfait quand il vit toujours, n’est-ce pas? Et donc il faut attendre qu’il soit mort, qu’il n’en ait plus rien à cirer, avant de l’encenser comme il se doit. Je trouve ça un peu agaçant… Mais bon. C’est le système qui le veut, alors…

En revanche, cette histoire de prix unique du livre, bien que sans rapport avec notre contexte haïtien, m’interpelle car le livre reste encore, pour moi, le véhicule essentiel non pas de la culture mais de l’imaginaire et l’idée derrière cette politique de prix unique devrait être de promouvoir le livre, de le rendre plus facilement accessible, c'est-à-dire moins cher n’est-ce pas? Eh bien non! Pas du tout! Car l’idée du prix unique, c’est pour empêcher Costco ou Wal-Mart de vendre un livre moins cher que les autres détaillants! Le raisonnement savant derrière cette volonté, c’est que si les prix sont les mêmes chez Costco que dans une petite librairie de quartier, les gens iront plutôt acheter dans cette dernière. Ben voyons! Costco, Wal-Mart et similaires sont des «grandes surfaces». Autrement dit, des endroits où l’on trouve de tout, aussi bien des rideaux de douche que des steaks, des kayaks de mer autant que des ordinateurs, des DVD et… des livres. Or, que l’on aime ou non ces grandes surfaces, il faut bien admettre que les prix y sont plus bas — oh! Pas tous, on s'entend, mais en bout de ligne, oui, on y fait des économies. Et je ne vois vraiment pas pourquoi ces économies ne devraient pas s’étendre aussi aux livres puisque l’intention de l’acheteur ici n’est pas de faire vivre un commerçant, mais plutôt de se procurer le produit désiré au meilleur prix possible. Et quoi qu'en dise mon cher Foglia, j'estime qu'il se trompe : «Je ne suis pas certain que [le projet de réglementation du prix du livre] aidera les librairies indépendantes, du moins cela empêchera les Walmart de se servir de la littérature pour vendre des rideaux de douche.» N'exagérons rien, de grâce. Le livre n’est rien d’autre qu’un produit de consommation et si vous ne me croyez pas, essayez de passer à la caisse sans le payer… Pour moi, consommateur, la seule chose qui m’intéresse, c’est le rapport prix-qualité. Et si je puis payer moins cher à qualité égale, je vais le faire sans hésiter. Or, on me dit que je vais maintenant devoir payer plus cher, pour que les petits libraires puissent survivre. Je trouve la couleuvre raide à avaler…

Et je ne suis pas seul. Lysiane Gagnon, Mario Roy et Alain Dubuc sont tous d’accord : l’idée est, au mieux farfelue, au pire, complètement tordue. Ainsi, pour Mario Roy, «Ça ne marchera pas.» Lysiane Gagnon est plus réservée: «Les gens qui auraient impulsivement acheté un best-seller en vente chez Costco et qui auraient peut-être ainsi pris goût à la lecture, se rabattront-ils sur une petite librairie de quartier? Douteux.» Quant à Dubuc, il n'y va pas par quatre chemins : «Le livre n'est pas une marchandise comme les autres, mais il reste un produit de consommation, soumis à des comportements bien documentés. Et qu'arrive-t-il quand le prix d'un produit est plus élevé? On achète moins. […] Et c'est ainsi qu'on risque de réduire l'achat de livres dans une société où on lit moins qu'ailleurs. Drôle de politique culturelle. Drôle de politique sociale.» Voilà une opinion que je partage tout à fait. Et qui confirme encore une fois que la politique, fût-elle canadienne, québécoise ou haïtienne est mue par des intentions obscures dont les citoyens et les citoyennes font toujours les frais, d’une façon ou d’une autre.

Mais y a-t-il dans ce constat quelque chose de nouveau sous le soleil?

dimanche 1 décembre 2013

Là où le bât blesse


La semaine dernière, ma grande amie Monique a partagé sur son mur Facebook un article très intéressant que je vous recommande vivement si la problématique de l’analphabétisme vous intéresse. La situation décrite concerne le Québec, mais vous avez deviné qu’elle s’applique tout aussi bien à n’importe quel pays et qu’elle sera d’autant plus grave si le pays est pauvre et peu développé, comme c’est le cas de notre chère Haïti.

J’attire particulièrement votre attention sur ce court, mais ô combien éloquent extrait de l’article : «Si une société n’est pas éclairée par le savoir, disait en substance Condorcet, elle se condamne à être trompée par des charlatans.» D’où la réflexion de l’auteur que les coûts de l’analphabétisme sont, bien sûr, économiques, mais également politiques et avec l’insatisfaction politique qui, ici présentement, monte et monte, on ne peut qu’être d’accord avec l’auteur : «[…] ne pas savoir lire, c’est être très handicapé pour accéder à l’information et au savoir et, partant, avoir beaucoup de mal à exercer sa citoyenneté.» Or, c’est précisément la situation générale en Haïti et l’on comprend dès lors que les choix politiques que peuvent — et doivent — faire les citoyens et les citoyennes reflètent cette carence et donnent des résultats parfois assez discutables. Résultats que les intellectuels, éduqués, utilisent à leurs propres fins, vous l’avez compris…

En fait, c’est là le fond du problème : en Haïti, les nantis, minoritaires, sont aussi les mieux éduqués, les plus cultivés et les plus éveillés, et ce, pour la raison que je vous ai déjà exprimée : la fréquentation scolaire, dans ce pays, est très chère. Donc, une famille à l’aise pourra inscrire ses enfants à de bonnes écoles alors que les pauvres ne pourront se permettre que des ersatz d’écoles, plus occupées à enrichir leurs coffres qu’à éduquer. Résultat : un clivage énorme entre ces deux couches de la population. Or, comme c’est la minorité qui détient le savoir, c’est la minorité qui dirige le pays, pas seulement politiquement, mais aussi sur les plans économiques et médiatiques, pour ne citer que ceux-là. Dès lors, quoi de plus facile que de manipuler le peuple et de lui faire croire ce que l’on veut? Il suffit de quelques affirmations bien scandées, de quelques faits distillés dans des données invérifiables et un président devient bon pour la casse…

Je l’ai dit à maintes reprises : je ne fais pas de politique. Mais la politique ne s’en fait pas pour ça et ce que l’on met sur son dos pour justifier les abus de pouvoir et la corruption endémique reste toujours étonnant — et je parle ici de n’importe quelle nation, car je cherche encore le pays dont les dirigeants seraient absolument honnêtes et dévoués au bien-être du peuple seulement. En fait et pour tout vous dire, voilà précisément la raison pour laquelle je ne fais pas de politique : pour moi, c’est bonnet blanc et blanc bonnet car les humains sont… humains, tout simplement.

Heureusement, les dirigeants sont élus, c’est-à-dire choisis et pour une période déterminée, de sorte que l’on peut toujours en changer quand le mandat arrive à son terme. Mais ici, en Haïti, on n’a pas toujours la patience d’attendre ce moment et les assoiffés de pouvoir (et de l’argent qu’il sous-tend, est-il besoin de le préciser) montrent déjà des dents acérées et des griffes pointues… Qu’en sortira-t-il? Certainement rien de bon. Mais comme disait l'autre, nil novi sub sole : rien de nouveau sous le soleil, fût-il chaud et haïtien...

Cela dit, l’on ne peut qu’espérer que le peuple, ce grand perdant, pourra un jour accéder à un niveau d’éducation qui lui permettra vraiment de comprendre la mécanique en jeu et d’éviter de se faire honteusement berner…

Alors oui, un taux d’analphabétisme qui frise les 50% au Québec, c’est tragique, mais en Haïti, ce serait merveilleux, je vous le dis tout net.

dimanche 24 novembre 2013

Sus aux moustiques!


Coup d’œil rapide sur la météo montréalaise ce matin : moins 8 — moins 18 en ajoutant le facteur éolien (lequel pèse lourd dans la balance, tout le monde le sait)… «Sortez vos tuques et vos mitaines», dit le lecteur de nouvelles à Radio Canada… Voilà le froid qui arrive… au pays du froid! Gens du nord, vous savez ce qui vous attend pour les prochains mois et je sais que vous ne vous en plaindrez pas. Ou si peu… Car si vous souffrez le froid, au moins n’avez vous pas à vous soucier des moustiques…

Car ici, c’est la saison. Le temps est encore chaud, mais pas trop; les pluies sont régulières mais pas torrentielles si bien que les mares abondent, autant de pondoirs pour ces chétifs mais intemporels insectes. Vous allez me dire que c’est sans doute la même chose à chaque année et vous aurez raison — mais en partie seulement. En fait, c’est précisément la raison pour laquelle je vous en parle aujourd'hui : cette année je me fais bouffer comme jamais!

Sarcastiques, s’abstenir. On sait que ces charmantes petites bêtes repèrent leur proie (tout ce qui est chair et sang) à l’odeur et sont particulièrement sensibles à celle des parfums, savons et similaires. Je me suis efforcé de limiter l’usage de ces produits, mais mis à part les réflexions indélicates de ma chère compagne, l’effet en fut nul : je continue de les attirer comme un morceau de sucre attire les fourmis.

Je vous passe le cycle de vie de ces animaux — allez voir Wikipedia si vous voulez vraiment tout savoir — mais je dois quand même vous donner quelques précisions sur la nature de cet irritant. Car c’en est un, n’en doutez pas!

D’abord, on parle ici de moustiques diurnes, donc différents des anophèles (dont j’ai déjà parlé brièvement ici) qui sont nocturnes et vecteurs de la malaria et bien agaçants, il faut bien le dire. Mais le jour, d'après ce qu’il semble, on serait en présence ici de l’aèdes, plus précisément de l’Aedes aegypti, que l’article de Wikipedia décrit assez bien (pour plus de détails, voir l’article en anglais). Mais ce que l’article ne dit pas, c’est que : (1) l’insecte est parfaitement silencieux et d’une délicatesse exceptionnelle lorsqu’il se pose sur vous pour faire le plein de bon sang. Ce n’est que lorsqu’il retire sa pompe et s'apprête à décoller que l’on sent une vague sensation de picotement. (2) Sa piqûre est indolore mais cause une irrésistible démangeaison qui ne s’estompe que très lentement. (3) Le moustique est extrêmement rapide et agile, donc très difficile à tuer de la manière traditionnelle : la claque. Si bien, que nonobstant le fait que le moustique véhicule la très pénible — et parfois mortelle, je le souligne — fièvre Dengue, sa présence seule est hautement irritante, assez pour modifier le plan de s’asseoir dehors avec un bon livre, par exemple — à moins, bien sûr, de s’asperger d’un anti-moustique au parfum douteux…

Remarquez que je ne me plains pas : à chacun ses irritants. Mais franchement, avoir cinq piqûres qui démangent en même temps, c’est une forme de supplice que ne désavoueraient pas certains barbares…

Mais comme tous les irritants, on frotte, on gratte et ça passe. Et on passe à autre chose.

Car on sait qu’il y a pire…

lundi 18 novembre 2013

Congé!


Deux mois ont passé depuis notre retour. Deux mois seulement. Et pourtant, après cette période relativement courte, nous avons l’impression de n'avoir jamais quitté le pays et les souvenirs du Québec et de ce que nous y faisions se sont estompés dans la chaleur tropicale. Qui diminue, soit dit en passant. Car oui, il fait moins chaud maintenant, surtout la nuit, et l’on ne s’en porte que mieux, vous vous en doutez bien. Rien à dire de ce côté, donc. Rien à dire non plus côté boulot, lequel s’exécute sans se faire demander, au rythme des jours et de l’afflux de problèmes. Bref et pour tout vous dire, tout va, et pas trop mal à part ça.

N’ayant rien à me plaindre, l’on pourrait croire que je n’aurai rien à dire. Mais les habitués de ces chroniques savent que rien n’est plus loin de la vérité… Car j’ai toujours quelque chose à dire, même si parfois, je m’écarte des préoccupations tropicales typiques du sud et des frustrations qui en découlent : politique, économie, santé sont autant de sujets qui m’ont fait tantôt râler, tantôt rire, tantôt pleurer et je ne me suis pas privé de le partager avec vous. Mais présentement, je l’avoue, la vie au sud est tout ce qu’il y a d’ordinaire. Peut-être pas pour longtemps si les choses continuent sur leur pente descendante, mais pour l’instant, c’est acceptable. Mais l’insatisfaction, et je parle ici de l’insatisfaction politique, monte. S’amplifie. Prend forme. S’organise. Ainsi les manifestations d’aujourd’hui, bien que modestes, laissent penser que les choses n’en resteront pas là et que la pression sur le président haïtien risque de devenir intenable. Ce qui n’est pas nouveau, remarquez, mais pas agréable pour autant. Car les manifestations ici dégénèrent aisément et peuvent devenir assez inconfortables, surtout quand on en ignore les véritables motifs.

Encore une fois, je le redis : je n’entends rien à la politique et lorsqu’on me dit que le président fait ceci ou cela de travers, je ne conteste ni approuve, me contentant de baisser pudiquement la tête pour masquer le regard bovin qui trahirait mon ignorance de ces choses. Cela dit, une chose est sûre : ce n’est pas demain que l’on trouvera un saint président. Ou un président saint si vous préférez. Qu’il soit sain d’esprit est déjà beaucoup d'ailleurs (clin d’œil ici au maire de Toronto)… Le président (ou le premier ministre, c’est selon) n’est pas parfait? Ce n’est pas grave, en autant qu’il fasse son travail. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, n’est-ce pas? D’un travail qui doit se faire et le mieux possible, compte tenu des moyens du bord. Or, Haïti peine encore et toujours à se relever du tremblement de terre de 2010 et franchement, compte tenu de l’ampleur de la catastrophe, quatre ans, c’est peu et ce serait peu pour n’importe quel pays. Le président Martelly a hérité d’une tâche qui n’a jamais pesé sur ses prédécesseurs, le dernier séisme datant de plus de 200 ans. Une tâche titanesque. Je pense qu’il s’en est fort bien acquitté jusqu’à présent et, sans être un saint, a tiré les marrons du feu alors qu’ils étaient encore brûlants. Pour un chanteur populaire, je trouve que c’est tout de même pas mal du tout. Mais il semble que ce ne soit pas là l’opinion de tout le monde… On verra bien comment les choses évolueront...

Heureusement, cela ne nous empêche nullement de profiter de ce jour de congé (commémoration de la bataille de Vertières) qui prolonge le week-end et nous octroie une autre journée de farniente dont on ne saurait se plaindre.

Car le prochain, c’est le 25 décembre…

dimanche 10 novembre 2013

Aux grands maux...


Me revoici. Je vous épargne ces excuses qui n’en seraient pas vraiment et j’entre sans plus de préambule dans le sujet du jour, dont la photo ci-dessus vous parle déjà.

Vous vous souvenez sans doute de ce texte que je vous ai pondu en février dernier et qui vous décrivait le supplice sonore que nous faisaient subir ces oiseaux grégaires que sont les quiscales noirs (quiscalus niger). Et que je me suis bien juré de combattre hardiment. Style le feu par le feu. Les grands moyens. Si bien que, les oyant dans toute la gamme de l'expression sonore de leur joie de se réinstaller dans notre voisinage, j’ai fait venir le spécialiste de l’émondage du coin, boss Tèt Bwa (Tête bois, oui, c’est ça, et il semble que ce soit son vrai nom à part ça…). Le but de l’intervention : émonder l’arbre au sein duquel ces bruyants volatiles façonnent leur nid et le faire avant que les petits naissent. Car on ne voudrait pas faire souffrir ces oisillons qui sont encore sans voix et qui n'ont rien demandé, pauvres petits...

Ainsi, après avoir donné des instructions claires à mon émondeur  — du moins le pensais-je — nous avons vaqué à d’autres occupations dont je vous parlerai un autre jour. À notre retour, le travail était fait, et le mal également, comme la photo ci-dessus l’illustre bien...! M’entretenant avec mon bûcheron, je lui signale que, comme émondage, c’est un peu excessif... Avec un aplomb que seule l’absence de tout doute peut engendrer, il me répond que ce n’est rien et que dans un an ou deux, l’arbre se sera refait. Et le pire, c’est que, d’après ce que nous voyons ici, je pense qu’il a raison. Et le meilleur, c’est que les oiseaux ont bien jacassé ce matin, mais ne sont pas restés. Sont-ce les bouts de tissu rouge qui les ont effrayés, comme le soutient mon bon homme? Je ne saurais dire, mais l’effet seul suffit à me mettre en joie : on ne les entend plus! Bien sûr, il est encore trop tôt pour dire si ce silence se maintiendra. Mais l’espoir est permis. Et si ça marche, l’arbre mutilé en aura valu la peine, si triste qu’en soit le présent spectacle. Car c’est ce que dit le proverbe, n’est-ce pas : « Aux grands maux, les grands remèdes. »

Cela dit, je ne veux pas me réjouir trop vite car quoi qu’en dise mon  coupeur d’arbres, les oiseaux sont, en général, hautement adaptables et les chances qu’ils déménagent simplement dans l’arbre voisin sont tout à fait réelles voire réalistes : après tout, un arbre en vaut bien un autre, pas vrai? Et non, nous n’allons pas couper tous ces arbres pour venir à bout des quiscales. Mais livrer bataille? Ça les amis, vous pouvez y compter. Et on verra bien qui aura le dernier mot…

Et là-dessus, un petit bain de mer et un rum sour en bonne compagnie pour compléter ce petit dimanche...

dimanche 13 octobre 2013

Quand la faux fauche...


Dimanche dernier, après vous avoir raconté ma nuit sans sommeil, nous sommes partis à la plage faire un brin de causette avec notre cher ami Antonio et un brin de trempette dans la Mer des Caraïbes, les deux activités allant fort bien ensemble. Un dimanche d’insouciance, donc, sous le cuisant soleil de l’époque. Un dimanche comme bien d'autres, jusqu’à ce coup de téléphone de l’un de nos employés m’apprenant que sa fille de 15 ans vient d’avoir un accident de voiture. Je lui demande naturellement si elle est blessée et il me répond qu’en fait, elle est morte. Bête comme ça. Je vous avoue que le reste de la conversation m'échappe et que j'y ai gauchement mis un terme. Plus tard, j’apprendrai que les circonstances de l’accident, bien que pas tout à fait nettes, tiennent au mauvais état mécanique du véhicule, au nombre de passagères derrière (dans la boîte du petit pick-up), à la route de montagne, à la présence d’un obstacle — en l’occurrence un véhicule en panne — et, sans doute aussi, à l’inexpérience du chauffeur, lequel a perdu la maîtrise de son pick-up dont les soubresauts ont expulsé la moitié des passagères sur la route, les tuant sur le coup. Au total, six jeunes filles, toutes à peu près du même âge (15 ans) y ont perdu la vie. Six sur treize. Des jeunes filles innocentes, issues de bonnes familles avec de bons parents, amoureuses du Bon Dieu et sérieuses à l’école qui tout à coup ne sont plus. Pour nous ce ne sont que des étrangères — y compris la fille de notre employé — et pourtant, le drame nous affecte. Si bien que je n’ai pas besoin de vous dire combien il affecte les pauvres parents…

Les funérailles, communes pour ces jeunes victimes, ont eu lieu hier; la ville en était presque paralysée. Mais d’après ce qu’on nous a dit, ce furent de belles funérailles où l’on a beaucoup pleuré, crié, prié, sans oublier quelques évanouissements du plus bel effet. Car oui, des funérailles par ici, il faut que ce soit beau; triste, mais beau. Grandiose si possible. Et celles-là le furent sans qu’on ait eu besoin d’en rajouter, comme on le fait parfois.

Je vous dis cela comme on me l’a raconté, car non, nous n’y sommes pas allés. Pas parce que le drame nous laisse indifférents, mais plutôt parce que nous ne nous sentons pas vraiment à l’aise avec les épanchements de douleur des Haïtiens. Ici, dans ce pays, comme je vous l’ai déjà dit, la douleur s’exprime que c’en devient douloureux pour les autres. Mais c’est un exutoire qui fonctionne et tôt, plutôt que tard, la vie reprend son cours. Car elle le doit.

La mort n’est jamais facile à gérer, surtout quand elle touche des vivants qui sont encore loin d'avoir atteint leur espérance de vie. Comme ce fut le cas encore cette semaine à notre petit hôpital, cette fois avec un petit enfant de trois ou quatre ans qui, incapable de respirer à cause d’une tumeur cancéreuse qui bloquait le passage de l’air, est mort en salle d’opérations. La mère avait été prévenue que l’opération était très risquée, que l’enfant risquait d’en mourir mais puisqu’il était déjà condamné, elle s'était raccroché au fil ténu de l'espoir. En vain. Et sa douleur, les amis, faisait vraiment mal à voir. Mais qu'y pouvons-nous?

Est-ce pour cela qu’aujourd’hui, dimanche, ça ne nous disait pas vraiment d’aller flâner à la plage?…

dimanche 6 octobre 2013

Insomnie


Qu’est-ce qui a bien pu me réveiller, comme ça, au beau milieu de la nuit? Je ne le sais pas. Il est 2h15. Pas 14h15, ne vous y trompez pas, c’est bel et bien la nuit, dans toute sa splendeur. Car oui, la nuit est splendide. Toujours est-il que me voici réveillé. Dehors, c’est le silence, un silence rare en ce pays grouillant de vie et la vie, eh bien c’est rarement silencieux, n’est-ce pas… En fait, c’est à se demander si ce n’est pas ce silence qui m’a fait remonter à la surface de ma conscience, lac tranquille que rien n’agite. Tout à coup, un coq, loin, s’époumone et s’égosille. Sans écho. Personne, pas même ses stupides congénères, ne lui répond. Le silence se refait, absorbant ces petites perturbations comme si de rien n’était. Quelques grillons se frottent les ailes, et leur chant se mêle à mes acouphènes dans une harmonie qui n’est pas déplaisante. C’est le silence, mais pas absolu. Un silence qui n’est pas une absence, mais bien une présence négative, qui pourrait être oppressante si elle n’était pas si familière, mais qui, en l’occurrence, se révèle apaisante et propice à l’éclosion des pensées. Et non, je ne parle pas des fleurs. Mais je suis sûr que vous avez, vous aussi, à un moment ou à un autre, ouvert les yeux sur la nuit noire et laissé les pensées dériver dans le silence sans autre intention que de les regarder aller, ces pensées, et les voir se ramifier, se dédoubler, se complexifier, puis s’estomper au profit de celles qui viennent de naître. Fascinant... Les synapses s’excitent et le dormeur n’en est plus un…

Personnellement, j’avoue que j’aime bien ces épisodes d’activité cérébrale nocturne. J’aimerais seulement qu’ils soient plus courts. Or, il semble que le cycle du sommeil nous y reconvie à toutes les deux heures environ, de sorte qu’une fois éveillé, il faudra attendre que cette période soit passée avant de sentir à nouveau l’invitation de Morphée. Et si on manque le bateau, eh bien le prochain est deux heures plus tard, soit à l’heure du lever. Insomnie dites-vous? Si l’on veut. Mais qui n’a rien d’obsédant ni d’angoissant. En fait, ce peut même être assez agréable.

Me voici donc bien éveillé et pas mécontent de l’être dans ce silence rare en cet environnement urbain. Car ne l’oubliez pas, les amis : nous vivons en ville et bien que notre cour se donne des airs de campagne, les bruits de la ville, auxquels s’ajoutent ceux du monde rural, sont constants et composent une espèce de toile de fond sonore qui, au fil du temps, nous devient familière et rassurante. Le silence ici étonne. À plus forte raison lorsque le courant est coupé…! Et tout à coup, le son d’un tambour le brise et voilà que des voix s’élèvent dans une mélopée triste et insistante : quelque part, une cérémonie vaudou a lieu. Le silence n’est plus, certes, mais ces sons emplissent l’air nocturne d’une beauté sauvage et vaguement métaphysique. J’écoute, toujours fasciné par ces chants simples et gratuits qui, loin de couper le fil de mes pensées en font surgir d’autres qui m’emportent sur d’autres fleuves.

Je regarde l’heure : il est maintenant 4h30. J’ai manqué le train de 4h15 qui aurait pu me reconduire au sommeil, mais je n’en ai cure : la nuit est belle et vaut la peine qu’on s’y arrête. Les chants se sont tus, les tambours aussi. Les coqs se mettent en voix, comme s’ils savaient, malgré la grande noirceur, que le jour n’est pas loin. Une voiture passe. Puis une autre. La vie diurne s’amorce timidement avant de prendre sa folle vitesse de croisière. Mango brait. Des chiens aboient comme pour dire au jour de se hâter. Mais il est déjà là, le jour, et malgré sa faible lumière, il écrase la nuit sans merci et l’enterre sous son exubérance. À côté de moi, ma compagne s’étire paresseusement et, toujours engourdie, me demande comment fut ma nuit.

« Excellente », lui dis-je.

dimanche 29 septembre 2013

Réacclimatation




Dimanche dernier, à peu près à la même heure, j'écrivais ceci:

Déjà une semaine a passé. La première depuis notre longue absence et, comme vous vous en doutez sûrement, elle a passé à la rapidité de l’éclair. Il a fallu nous réajuster à tant de petits détails que nous n’avons rien vu du temps — à part en sentir la chaleur, il va sans dire. Car la fin de septembre nous donne encore des températures au-dessus de 30° C avec un taux d’humidité qui frise le sauna, alors oui, il fait chaud. Très. Mais heureusement, nos bureaux climatisés sont là, havre d’une fraîcheur artificielle, soit, mais qui vaut mieux que le four naturel extérieur. 
Cela dit, si la chaleur est étouffante, le travail, lui, ne l’est pas. Colette, notre digne secrétaire, s’est révélée tout à fait à la hauteur de nos attentes de sorte que nous n’avons qu’à reprendre le fil où il est rendu sans avoir à détricoter ce qui s’est fait pendant notre absence. Voilà qui est plaisant et, avouons-le, rassurant.
Mais pour une raison obscure, le texte est resté inachevé et la semaine a passé sans que j'aie le temps de m'y remettre. Aujourd'hui, autre dimanche et le dernier du mois de surcroît, j'y reviens et malgré sa banalité, je vous le finis pour que vous puissiez à tout le moins savoir que tout se passe assez bien au pays des Haïtiens.

Ainsi, le pays va plutôt bien, oui, même si la tension politique monte et que l’insatisfaction commence à gronder sourdement. On accuse le présent gouvernement de bien des choses, notamment de taxer et de surtaxer les petites gens de tous les côtés et de s’enrichir grâce à l’argent de la drogue alors que le peuple croupit toujours dans la misère noire. Et justement, parlant de drogue, un homme d’affaires du coin bien connu s’est présenté à la police avec 56 kilos de marijuana, affirmant qu’il avait trouvé les ballots flottant sur la mer en face de sa propriété… Vrai? Pas vrai? Je vous laisse en décider... Quoi qu’il en soit, la police, faute de preuves tangibles (après tout, le type s’est présenté de son propre chef) a dû le relâcher, mais plusieurs trouvent la couleuvre grosse à avaler… Car ne nous leurrons pas : la drogue reste une source de revenus alléchante pour qui n’en craint pas les conséquences. Or, quelle meilleure façon d’agir en toute impunité que de s’acoquiner avec des personnages haut placés? Et d’après ce qu’on dit de ce monsieur, il serait l’ami du président, rien de moins… Tout ça pour vous dire qu’il n’y a rien de nouveau sous le chaud soleil haïtien : les riches s’enrichissent tandis que les pauvres s’appauvrissent. En fait, ils s’appauvrissent encore davantage en s’endettant pour payer les frais d’inscription scolaire de leurs enfants, début des classes oblige (mardi prochain). Malgré toute la bonne volonté gouvernementale sur le papier de rendre l’éducation accessible à tous, la réalité est tout autre et les écoles privées, sans égard à leur qualité, foisonnent et imposent des tarifs outrageants, même pour les nantis. Les pauvres, eux, en sortent exsangues. Triste réalité, je vous le dis, et d’autant plus triste qu’on ne peut rien y faire sauf avaler la pilule, si amère qu'elle soit...

Vous croyez qu'il y a là matière à découragement? C'est que vous ne connaissez pas les Haïtiens : qu'importe demain si l'on peut aujourd'hui résoudre le problème de l'inscription scolaire. Demain est un autre jour et on s'arrangera bien... Et ma foi, on peut difficilement leur donner tort, n'est-ce pas?

dimanche 15 septembre 2013

Cap au sud


Mi-septembre. Certains oiseaux ont déjà entamé leur long voyage vers le sud, là où le climat est plus facile. Mais savent-ils vraiment ce qu’ils font et la raison pour laquelle ils le font? On peut en douter. Ce n’est pas notre cas : nous sommes tout à fait conscients que notre proche départ nous éloigne du climat nordique, de sa géographie et de ses habitants, de ses fêtes commerciales au goût douteux (je pense à l’Halloween, entre autres) et de ses aberrations politiques. Bientôt nous serons loin de tout ça, pour nous replonger dans le climat tropical d’Haïti, de sa géographie et de ses habitants et des aberrations politiques qui sans être les mêmes que celles du Québec, n’en sont pas plus logiques ni plus sensées. En d’autres termes et comme disait l’autre : plus ça change, plus c’est pareil. En fait, il n’est certainement pas faux de dire que «À part le soleil, c’est partout pareil.» Mais voilà : il y a le soleil et il faut quand même avouer que bien des choses sont moins pénibles au soleil — pas seulement la misère comme le chante Aznavour.

Nous rentrons donc. Le temps est venu, non pas parce que les jours raccourcissent ou que la température descend — après tout nous ne sommes pas des oiseaux, même si nous passons souvent pour de drôles d’oiseaux —, mais bien parce que nous l’avions décidé et avons agi en conséquence. Car je le dis souvent à qui veut l’entendre : ce n’est que lorsqu’une décision se transforme en action qu’on la reconnaît comme telle; sinon ce n’est qu’un projet, un souhait, un rêve…

Ces temps-ci, on nous demande souvent s’il nous plaît de retourner là-bas. Question judicieuse, s’il en est une, car en vérité, nous n’affichons pas l’enthousiasme de jeunes qui vogueraient vers d’autres cieux pour la première fois. Pour ma part, je me souviens encore de ce premier grand départ et j’avoue que le taux d’excitation était nettement plus élevé qu’il ne l’est présentement. Cela dit, nous sommes tout de même contents à l’idée de renouer avec une vie qui nous est familière et qui, malgré ses petits écueils, reste stimulante à tous égards. Ainsi, nous savons que les mois à venir passeront à la vitesse grand V, ne serait-ce que parce que nous devrons mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps passé sous le ciel nordique. Qui plus est, même si le retour signifie aussi la fin des vacances, la nature même de notre travail le rend souvent imprévisible et peu routinier, ce qui n’est pas déplaisant, ne me dites pas le contraire…

Mais nous n’y sommes pas encore. Il nous reste encore le temps de ranger la maison, de faire nos valises et de boucler le tout. Et le bilan? Eh bien il est positif, notre bilan. Nous sommes assez satisfaits de nos accomplissements et avons refait le plein de «québéniaiseries» — certainement assez pour les prochains mois! Cependant et malgré nos bonnes intentions, nous n’avons pas revu tous ceux et toutes celles que nous espérions revoir pour des raisons variables. Heureusement, ceux et celles que nous avons eu le plaisir de rencontrer ont pu compenser la tristesse de n’avoir pas vu les autres. Et puis on se dit que ce sera pour une prochaine fois. Car il y a toujours une prochaine fois, n’est-ce pas? En tout cas, nous y comptons bien.

Tout ça pour vous dire qu’après ce long interlude, nous sommes prêts à nous remettre dans le fil de l’action de notre vie haïtienne, dont je vous narrerai les détails au fil du temps et de mon humeur. À vous tous et toutes qui resterez sous cette latitude, je souhaite un bel automne — c'est la plus belle saison lorsque le soleil illumine les couleurs dont se parent les arbres. Un peu frisquet, mais bon, je sais que vous aimez cela...!

dimanche 8 septembre 2013

C'est bien de valeur


Puisque j’ai rouvert la porte de ces lieux d’écriture, aussi bien en profiter…

Et en ce dimanche frais (10° C au thermomètre), quoi de mieux qu’un modeste projet d’écriture, les pieds sur la «palette» du poêle (enfin pas tout à fait, sinon il y aurait des odeurs de pied de cochon qui flotteraient dans l’air…), en attendant que le soleil perce l’épais couvert de nuages et fasse un peu sentir sa présence? Car le début de septembre, en ce pays, c'est déjà le début de l'automne!

Mais ce n’est pas de climatologie dont je veux vous entretenir aujourd’hui — bien que le sujet m’intéresse toujours, vous vous en doutez bien. Aujourd’hui, dimanche, jour du Seigneur, il m’apparaît opportun de commenter un peu l’actualité à travers les perspectives brumeuses de la religion. Et non, je ne parle pas de la Syrie, pays musulman aux prises avec une guerre civile qui, comme toutes les guerres civiles, mutile le pays sans raison, mais bon, ces choses-là arrivent sans que l’on comprenne trop pourquoi. Mais plus près de nous, il y a ce maintenant fameux projet d’une charte québécoise qui baliserait — en fait, restreindrait serait plus juste — le port de signes distinctifs religieux. Projet avec lequel une majorité de Québécois se disent d’accord, ce qui ne laisse pas de m’étonner…! Car de vous à moi, se faire servir dans un bureau de l’État par une dame portant un foulard d’une jolie couleur assorti à sa blouse me paraît difficilement provocateur ou scandaleux! Bien sûr, le voile intégral est une tout autre affaire, une affaire de bon sens. Mais le foulard? En fait, je vous dirai qu’entre une bonne petite Québécoise «de souche» empotée et arrogante et une musulmane polie, compétente et efficace, le choix n’est pas difficile à faire… À cet égard, je vous cite les propos de Lysiane Gagnon dans son article «Une grenade contre Montréal». Parlant de ces foulards que portent les musulmanes pour couvrir leurs cheveux, elle écrit :
«En quoi cela vous dérange-t-il? Avez-vous absolument besoin de connaître la couleur des cheveux de la femme qui vous ausculte ou qui vous remet votre permis de conduire? Où est le scandale, quand la fonction publique est remplie à ras bord de tatouages, de piercings et d'autres ornements drôlement moins hygiéniques, sans parler des sacres qui servent de musique de fond dans les couloirs de nos hôpitaux?»
Voilà qui est fort bien dit. Car que sont les tatouages et les piercings, sinon une forme d’affichage identitaire? Et voyez-vous un gouvernement interdire le tatouage (ou seulement son affichage public)? Ce serait signer son arrêt de mort! Mais puisqu’il est question ici de religions et de religions étrangères, on se sent fort aise d’en réguler la pratique, au nom de la pureté des «valeurs québécoises». Car ce que la future «Charte» veut nous dire, c’est que oui, les pratiques des autres religions sont dérangeantes et oui il faut les interdire, à tout le moins dans les espaces publics. En 2013!... Je vous le dis tout net, j’ai un peu de misère avec ça. Le seul fait qu’on parle ici de religion m’énerve. La présence ou l’absence de signes religieux transforme-t-elle les personnes qui les portent? Or, à mon sens, c’est précisément ce que le projet de cette charte sous-tend : le jugement de valeur qu’on porte sur «les autres», un jugement qui, une fois soutenu par une charte, risque d’en devenir que plus tranché, plus intolérant. Et pourtant, et comme le souligne fort justement Mme Gagnon : «Ce n'est pas parce qu'on n'a pas de religion qu'il faut refuser aux autres le droit d'en avoir une.»

Les Québécois ont l’envieuse réputation d’être un peuple tolérant, accueillant même et pourtant, la religion des autres nous dérange, ou en tout cas et selon le postulat de base qui a donné le ton à cette volonté de rédiger une charte, elle nous dérangerait puisqu’il faut en interdire les manifestations extérieures. Permettez-moi d’être sceptique. Et de ne pas aimer.


lundi 2 septembre 2013

Coucou c'est moi!


Me revoici! Vous croyiez que je vous avais abandonnés, hein? Deux mois déjà depuis mon dernier texte... Mais non. J’ai simplement pris une pause qui s’est avérée plus longue que prévue, mais comme on dit en Haïti : "se pa fòt mwen" — ce n’est pas ma faute. Ainsi et pour me justifier, je pourrais vous dire que :

- je me suis fait voler mon ordinateur;
- aucune connexion Internet n’était disponible;
- j’étais en panne d’inspiration;
- je me suis cassé les doigts;
- je me suis brûlé les mains;
- j’étais malade et alité;
- j’étais en prison pour refus de payer ma contravention;
- nous avons eu trop de visiteurs;
- nous avons eu trop de travail dehors;
- nous avons passé trop de temps devant la télévision;
- il faisait trop beau dehors;
et bien d’autres motifs tordus que je vous laisse imaginer.

Mais je pense que je me dois d’être honnête avec vous, fidèles lecteurs et lectrices : la seule raison de mon silence, c’est que l'écriture ne me tentait pas. Voilà, vous savez tout. J’ai exercé mon libre-arbitre et ai simplement décidé de nous ménager, à vous comme à moi, une pause. Et je ne nierai pas que plusieurs des justifications énumérées ci-dessus ont effectivement pesé dans la balance, mais quand on veut, on peut, n’est-ce pas? Souvenez-vous de l’après tremblement de terre de janvier 2010. Je vous traçais un portrait quotidien de ce que nous vivions et pourtant je vous jure qu’on ne chômait pas! Mais je tenais à cette narration des faits, ne serait-ce que pour pouvoir m’y référer plus tard. Ce que je fais régulièrement, d’ailleurs. Mais cette fois, j'ai choisi de mettre ma production écrite au point mort, quitte à la reprendre quand le goût m'en reviendrait. N'y voyez pas le signe d'un quelconque essoufflement, des bavards comme moi, ça ne s'essouffle pas. Mais une pause, pourquoi pas?

Toujours est-il que ces «vacances» — notez les guillemets — tirent à leur fin et que le retour au sud est pour bientôt. L’expérience fut concluante et nous aura permis de faire ce que nous avions planifié, notamment quelques travaux manuels qui s’imposaient depuis déjà quelques années mais pour lesquels le temps manquait, vu la courte durée de notre séjour en terre québécoise, habituellement. D’où incidemment la décision de rester plus longtemps cet été.

Un été qui s’achève déjà, ce qui ne laisse pas de me surprendre, car il me semble que ce fut plutôt un long prélude à l’automne qui, avec ce début de septembre, est indéniablement dans l’air. Même les oiseaux semblent le sentir : ils vident allégrement les mangeoires que c’en est ruinant pour notre portefeuille, mais bon, ce sont «nos» oiseaux et ils ont ce droit. Pas tous cependant. Pas le pic bois (pic chevelu). Ma compagne a fait sa croisade personnelle de chasser cet intrus qui semble prendre plaisir à vider la mangeoire sans s’en nourrir. Mais c’est qu’il a la tête dure, notre pic, au propre comme au figuré; et malgré toutes les tactiques utilisées, il revient quand bon lui semble et sans craindre les foudres de ma belliqueuse compagne. C’est un combat perdu d’avance, je lui ai dit cent fois, mais elle en fait un point d’honneur et de principe alors je dois me résigner, n’est-ce pas… Et d'ailleurs, je sais que c’est ce que vous feriez à ma place…

Cela dit, le temps a passé, à son rythme intemporel comme toujours, mais pour nous, bien vite. Si bien que déjà (ou enfin, tout dépend du bout de la lorgnette...), il faut songer au départ qui, comme toujours, nous remplit de sentiments confus — mixed feelings, disent nos voisins du sud. Nous sommes toujours contents de retrouver notre milieu tropical, mais toujours tristounets de quitter nos quartiers nordiques, malgré l’arrivée imminente du froid et de la grisaille.

On s’y fait, c’est toujours comme ça. Et ça ne nous empêche nullement de profiter du temps présent… en chauffant le poêle!...

dimanche 30 juin 2013

Contravention


Se rajuster à la vie nordique, même temporairement, n’est pas toujours aussi facile qu’on pourrait le croire à prime abord. Il y a le climat, bien sûr, mais il n’y a pas que le climat : les règles sociales ne sont pas les mêmes et leur non-respect entraîne souvent une forme de punition qui n’est jamais bien agréable — comme toute punition qui se respecte d’ailleurs.

La police, entre autres, est en ce pays beaucoup plus présente qu’en Haïti, et sa fonction première, semble-t-il, n’est pas de «protéger et servir», comme l’affichent la plupart des polices du monde, mais plutôt de distribuer les contraventions routières qui font mal, surtout au porte-monnaie, comme quoi la police a depuis longtemps compris ce que je vous ai répété cent fois, à savoir que l’argent n’a pas d’odeur.

Comme tout le monde, je commets parfois quelques écarts à la loi qui n’ont rien de bien méchant ni de subversif, mais qui sont davantage une forme d’expression de la liberté individuelle, liberté que nos sociétés avancées sont censées garantir, incidemment. Sauf sur la route, bien entendu… Ainsi et parmi les légères entorses au code que je me permets, il y a les excès de vitesse, griller un feu rouge, ne pas faire son stop les quatre roues arrêtées (et dites-moi : qui fait un stop comme ça?), doubler sur une double ligne, les excès de vitesse (je les mentionne deux fois non sans raison) et, la plus constante et la plus inoffensive : le refus de porter la ceinture de sécurité.

Les voitures d’aujourd’hui comportent toutes un dispositif sonore qui vous rappelle que vous n’avez pas bouclé votre ceinture et la seule façon de contourner ce petit irritant sans retirer le relais coupable, c’est de la boucler, d’une façon ou d’une autre. Si bien que je boucle la ceinture derrière mon siège et comme ça, pas de bip incessant. Or, hier, alors que j’arrivais à un stop — que je comptais bien faire selon les règles, je le précise —, se dresse tout à coup un piéton qui, curieusement, porte l’uniforme de la police… Le temps que j’essaie d’attraper la ceinture de sécurité (coincée derrière mon siège), j’étais déjà à sa hauteur, couvert de ridicule, mais sans ceinture… En bon policier, le monsieur s’est gentiment moqué de moi, mais ne s’est pas privé de me refiler la contravention associée à cette infraction. Aïe!

Vous aurez deviné qu’il s’agit là d’une différence majeure entre le Québec — et par extension l’Amérique du Nord et l’Europe — et Haïti, pays où la police, qui représente vraiment les forces de l’ordre, a les mains pleines à veiller au maintien de l’ordre, justement, car le pays reste, sous ce chapitre, plutôt fragile. Le nombre de policiers par rapport à la population du pays étant nettement insuffisant, disons que les éventuelles contraventions ne sont pas prioritaires et du reste, pourquoi le seraient-elles? Le pays ne va pas plus mal pour cela et de toute façon, le peuple est tellement pauvre que la majorité des contrevenants choisiront un court séjour en prison plutôt que de se taper une amende salée. Ce qui n’est pas le cas par ici : en bon citoyen, je vais payer mon billet d’infraction et accepter la punition puisque, beau joueur, j’avoue ma faute. On dit que «faute avouée est à demi-pardonnée», mais je vous assure qu’en ce qui concerne les contraventions, rien n’est plus faux. Mon repentir n’intéresse en aucune façon les forces policières : seul mon argent compte…

Et d’ailleurs et pour tout vous dire, je ne me repens point. Fautif je suis, c’est vrai, mais repentant, non. Et puis, le policier a trouvé la chose tellement drôle que juste pour avoir égayé sa journée maussade, c’en valait presque la peine…

Presque. Totalement, c’eût été s’il m’avait laissé continuer mon chemin sans perdre son sourire et surtout, sans m’offrir cette #!!! »/$%*??&;^* de contravention…

mercredi 26 juin 2013

Outil ingénieux



J’espère que vous ne pensiez pas que le 400e texte — le texte précédent — signifiait la fin de ces ébats littéraires dont j’ai pris l’habitude au cours des cinq dernières années! Il se trouve encore tellement de choses à dire (à défaut de les faire), qu’il n’y a qu’à s’arrêter et voilà : l’inspiration vient. Incidemment, c’est précisément en ces propos que répondait Woody Allen à la question de savoir s’il avait toujours de l’inspiration pour ses films…

Ainsi, aujourd’hui, en ce jour gris — un de plus — où la température peine à grimper au-dessus de 14° C, m’est venue l’idée de vous parler de cet outil, dont vous voyez la photo ci-dessus. Car si j’apprécie à leur juste valeur tous les outils électriques qui rendent le travail plus facile, je reste fasciné par l’ingéniosité humaine qui a conçu et façonné des outils manuels qui sont précisément le prolongement de la main et dont la conception originale se perd dans la nuit des temps. En fait et selon certains philosophes, cette ingéniosité constitue une caractéristique fondamentale qui distingue l’homo sapiens des autres primates; ainsi est né l'idée de l’homo faber, c’est-à-dire l’homme qui «fait ben», selon un modèle que tous les Québécois connaissent de près ou de loin...

Mais je reviens à cet outil merveilleux d'ingéniosité conçu pour arracher les clous. On le confond parfois avec le «pied de biche» à cause de sa forme, mais ce n'est pas vraiment ça, l'outil n'étant utile que pour extraire les clous enfoncés complètement dans le bois. Pour ma part, cet outil n'est rien d'autre qu'un «cogneux», et je ne suis pas le seul à le désigner ainsi. Car c’est ce qu’on fait avec : on cogne. Tellement que j’en ai l’avant-bras en compote et une presque-tendinite à l'épaule…

Le principe est simple : il suffit de prendre l’outil une main en bas (attention : en bas de la garde, sinon vous allez vite comprendre votre douleur!) et l’autre en haut; puis, par un simple mouvement de va-et-vient avec lequel tout le monde est familier, on frappe le haut sur le bas, ce qui fait pénétrer les tenailles de l’outil sous la tête du clou; ne reste plus qu’alors à soulever le clou en se servant du levier du pied (de la biche). Vous avez compris le principe? Une fois que le clou est sorti à demi, on passe à l’autre, tandis que ma compagne et assistante utilise un autre outil — le pied de biche, le vrai, mieux connu ici sous le nom de barre de démolition (et mieux encore comme barre à clous) pour retirer les clous, le but du travail étant de retirer tous les clous des madriers de façon à pouvoir récupérer ces derniers. Car la récupération, ce n’est pas juste une affaire de choisir le bon bac et d’y jeter ses ordures en se donnant bonne conscience…

Donc, me voici en train d’arracher les quelque 600 clous qui maintiennent les madriers de surface à ceux qui structurent notre galerie. Les clous, tiens, parlons-en. En effet, je n’utilise presque jamais le clou traditionnel lisse; je lui préfère sa version améliorée, le clou vrillé (ou en spirale, si vous préférez), dont le pouvoir de rétention est de beaucoup supérieur et dont le principal inconvénient est justement qu’il est difficile à extraire une fois enfoncé. Mais lorsqu’on cloue, ce n’est pas pour déclouer, pas vrai? Sauf quand on change d’idée, bien entendu… Si bien que je suis à la tâche, et malgré mes vieux os qui s’en plaignent en leur langage, je poursuis. Car pour refaire, il faut commencer par défaire. C'est un peu affaire de mettre la charrue derrière les bœufs...

Et l'étape ne sera pas terminée aujourd’hui, en ce jour gris où les moustiques s’en donnent à cœur joie, car nous ne sommes ni pressés ni stressés et demain est un autre jour. Après tout, ne sommes-nous pas en vacances?

Et avec ça, l’heure de la bière qui approche… (soupir!)

dimanche 16 juin 2013

Tous les palmiers


Bien que le titre semble présenter un texte qui ferait suite à celui sur les flamboyants, il n’en est rien. En fait, il évoque plutôt à cette chanson de Beau Dommage que tout le monde au Québec connaît et a fredonné allégrement à une époque ou à une autre : «Tous les palmiers, tous les bananiers / vont pousser pareil quand j' s'rai parti…» Eh bien, c’est exactement ce qui va se passer : les palmiers, les bananiers, les frangipaniers, les amandiers vont continuer leur cycle de vie comme si de rien n’était malgré notre absence. Car oui, nous nous absentons, nous quittons aujourd'hui nos quartiers cayens (des Cayes).

Rien d’exotique, cette fois, simplement notre habituelle sortie vers nos pénates nordiques, notre second chez-nous en quelque sorte. Car nous y sommes en pays de connaissance : les arbres d’abord, puisque nous sommes dans un milieu forestier; puis les oiseaux, les fleurs, les insectes, incluant les incontournables mouches noires et leurs petits copains les maringouins; mais surtout, surtout le lac avec sa vie sauvage et humaine — sauf qu’on se demande parfois laquelle est laquelle… Mais c’est un beau et bon lac, suffisamment vaste et profond pour que s'y maintienne un écosystème sain dont tout le monde profite, surtout en cette saison où le climat s’y prête un peu mieux. La baignade, entre autres, y devient possible, mais non sans courage car la température de l’eau reste au mieux radicalement vivifiante, au pire un défi aux systèmes respiratoire et sanguin. Vous avez compris que pour nous, habitués à la tiédeur de la mer tropicale, se baigner dans le lac ne reste qu’un vague projet à l’issue incertaine… Mais s’il se réalise, vous pouvez être sûrs que je m’en vanterai — bien modestement, comme d’habitude… En revanche, en arpenter les abords en canoë reste une activité qui s’accorde bien avec le farniente.

Car c’est là la raison de ces vacances : farnienter. Niaiser. Se vider la tête des problèmes haïtiens pour les remplir des problèmes nordiques. Qui ne sont pas les mêmes, je vous prie de me croire. Surtout lorsque partir signifie tout préparer, y compris l’imparable et l’imprévisible. Oui bon, je sais que ça peut sembler exagéré, mais en fait, il faut vraiment penser à tout. Heureusement pour nous, notre personnel est de mieux en mieux apte à fonctionner sans nous sous la solide gouverne de Colette, notre chère assistante. Et puis disons-le : les communications via Internet nous rendent la vie tellement plus facile… Si bien que nous sommes confiants que tout ira bien. En tout cas, nous voulons y croire.

Un autre départ donc, qui commence aujourd’hui par cette route que nous connaissons bien des Cayes à Port-au-Prince mais qui n’en reste pas moins dangereuse pour autant; demain, après une rencontre professionnelle que j’espère profitable, c’est le vrai départ, celui qui nous fera sortir du pays. Et vive les vacances!

Un mot encore avant de vous quitter. Ce texte, fidèles lecteurs et lectrices, est le 400e de cette série entamée en 2008, soit un peu plus de cinq ans. Vous allez me dire qu’il n’y a rien d’exceptionnel à cette performance et je serai tout à fait d’accord avec vous. En fait et pour tout vous dire, ça n’a rien d’une performance, puisque j’écris pour mon plaisir et non pour la compétition, mais tout de même, 400 textes, c’est pas mal, non? Bien sûr, j’ai été très inégal tout au long de ce parcours mais je pense avoir néanmoins réussi à vous dépeindre à grands traits notre vie au sud, dans ce fascinant pays qu’est Haïti.

Merci de m’avoir lu, merci de continuer à le faire…

jeudi 13 juin 2013

La flamboyance du flamboyant


D’entrée de jeu, je le confesse : je ne suis pas un maniaque des fleurs. Je suis plutôt du type «arbre», pour autant que cette distinction existe. Parlez-moi d'érables, de bouleaux, de frênes, voire de peupliers faux-tremble, de mélèzes ou de sapins et je suis partant. Mais les fleurs, même du temps du "Flower Power", m'ont toujours laissé un peu froid. Quand Rivard chante «J'avais des fleurs dans les cheveux / Fallait-y être niaiseux», c'était exactement mon opinion à l'époque. Ce qui ne veut pas dire que je n'apprécie pas les fleurs, bien au contraire. Le parfum de certaines fleurs, leurs couleurs, leurs formes, sont autant d’éléments qui les rendent appréciables même si on n’en est pas maniaque. Ainsi et pour tout vous dire, j’adore les pissenlits à cause de leur couleur, les iris et les trilles à cause de leur forme, les pensées à cause de leur parfum. Mais parlant de parfum, connaissez-vous celui, capiteux, de la fleur du frangipanier? Un vrai parfum envoûtant, exotique à souhait… Je vous dis ça parce que nous en avons un dans la cour qui en est à sa première floraison et qui s’en gonfle d’orgueil, on le voit bien… Mais le plus beau, c’est l’un des flamboyants qui, lui aussi, a décidé cette année que le temps était venu de nous offrir ses fleurs. Rouges. Rouge flamboyant, en fait…

Faut que je vous dise que les flamboyants ont une valeur particulière pour nous. En effet, à l’occasion de notre première venue en ce pays de la démesure, je travaillais comme enseignant à l’école Flamboyant! La petite école était en effet bordée de ces arbres majestueux qui n’avaient rien de flamboyant à l’époque puisque leur saison était terminée. C’est à l’été suivant que j’ai pu comprendre et apprécier la raison de leur nom : l’arbre devient rouge et sous une certaine lumière, brille de mille feux — flamboie, pourrait-on dire — et se fait assez remarquer, disons. Assez pour qu’on ait le goût d’en avoir dans sa cour, ce qui est exactement ce que nous avons fait : nous en avons planté quelques-uns, il y a environ quatre ans. Immédiatement, je vous entends me dire que quatre ans, c’est bien peu pour que des chétifs arbustes puissent prétendre à une maturité suffisante pour leur faire porter leurs fleurs. Mais les flamboyants poussent à vue d’œil et… voyez vous-mêmes le résultat!

En plus, l’arbre a tendance à produire des branches horizontales qui, évidemment, procurent l’ombre que tout le monde cherche sous les tropiques, un point apprécié à sa juste valeur. Et justement, parlant de valeur, il faut bien avouer que l’arbre n’en a aucune aux yeux de mes amis haïtiens. D’abord, il ne produit aucun fruit comestible, et déjà, l’intérêt vient de baisser radicalement; puis, sa matière ligneuse est extrêmement pulpeuse et donc impropre à une quelconque utilisation commerciale : on ne peut rien faire avec ce bois; enfin, l’arbre produit des racines puissantes et peu profondes qui s’étendent dans toutes les directions et qui cassent tout pour se frayer un chemin vers l’humidité. Bref, pas le genre d’arbre que l’on veut juste à côté de la maison, si joli fût-il lorsque ses fleurs s’excitent.

La raison pour laquelle je vous parle de ces arbres, c'est qu'ils sont symboliquement liés à notre vie au sud et qu'ils représentent cette beauté sauvage et naturelle qui n'existe que pour elle-même. Que l'arbre soit utilisé dans plusieurs pays tropicaux à des fins ornementales n'enlève rien au fait que ce n'est pas là son intention : il est comme ça et c'est tout. Et parfois, j'avoue que cette beauté gratuite nous réconcilie avec l'état du monde...