samedi 8 février 2014

Une histoire d'yeux


Je vous raconte si souvent des inepties dans ces pages que vous devez vous demander parfois si c’est vraiment vrai qu’on s’occupe d’un hôpital spécialisé qui accomplit une tâche tout à fait remarquable dans les domaines de l’ophtalmologie (surtout) et de l’oto-rhino-laryngologie. Et pourtant, c’est bien la vérité et, incidemment, la raison d’être de notre vie au sud. Les malades affluent — nous voyons plus de 200 patients par jour — et les cas sont souvent difficiles, voire insolvables. Si bien que lorsque se pointe à l’horizon la visite d’une équipe ophtalmique américaine, nous en profitons pour mettre les bouchées doubles, si l’on peut dire, car ces étrangers, même s’ils sortent tout droit du froid et de la neige du Midwest, ne sont pas ici pour lézarder au soleil, mais pour travailler. Et les cas lourds, loin de les rendre nerveux, leur font se frotter les mains d’anticipation.

En outre et comme si leur enthousiasme ne suffisait pas, ils arrivent chargés de matériel et de produits qu’ils nous donnent gracieusement et porteurs de connaissances qu’ils ne demandent qu’à partager avec nos employés. Bref, un arrangement dont nous sommes les grands gagnants. Et les patients, bien sûr. Les patients qui, dans certains cas, se sont résignés à vivre avec leur misérable condition oculaire simplement parce que personne, dans le pays, ne peut réduire leur mal ou régler leur problème.

Ainsi en était-il de Garrisson, ce petit garçon dont notre amie Kyra s’est faite la marrraine et la protectrice. À l’âge de deux ans, atteint d’un rétinoblastome (cancer de l’œil), Garrisson a subi le traitement radical le plus souvent pratiqué en ce cas : l’énucléation, c’est-à-dire l’ablation de l’œil, tout simplement. Remède de cheval, me direz-vous, mais qui résout habituellement le problème, comme ce fut le cas avec ce petit garçon. Mais on a refermé la plaie sans lui mettre de prothèse et sans soucis pour le futur et Garrisson, guéri, n’en souffrait pas moins d’une déformation majeure du visage, la cavité orbitale s’étant contractée avec le temps.

Pour l’oculo-plasticien, ce n’était rien d’autre qu’un «beau cas». Cet habile chirurgien lui a greffé un morceau de fesse dans l’orbite et mis une prothèse temporaire qui pourra par la suite être remplacée par une autre plus adéquate. Mais déjà, le visage du garçon ressemble maintenant à un visage de jeune garçon de dix ans avec tout au plus, un bout de fesse dans l’œil… Non, sérieusement. La différence est majeure, bien que pas trop visible sur les photos ci-jointes. C’est qu’il faudra quand même un peu de temps avant que tout rentre dans l’ordre. Mais je vous le dis les amis : c’est un travail tout à fait remarquable que le chirurgien a fait là et si vous ne me croyez pas, eh bien c’est tant pis pour vous. Car le fait est là : certains patients, dont Garrisson, ont vu leur vie transformée littéralement cette semaine. L’équipe était vannée, mais contente. Qui ne le serait pas?

Garrisson avant
Garrisson tout juste après la chirurgie

 Et c’est ainsi que la première semaine de février s’en est allée : avec l’équipe médicale américaine, sans tambours ni trompettes, mais avec le sentiment que la raison d’être de notre petit hôpital s’est trouvée, une fois de plus, admirablement justifiée, comme s’il en était encore besoin, après trente ans de bons services…

Il me semble que la bière est encore meilleure dans ces temps-là, vous ne trouvez pas?

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