dimanche 16 février 2014

Une amélioration digne de mention


C’est quand j’ai lu l’article du Nouvelliste, suggéré par mon ami le Dr Pierre de Fond des Blancs, que je me suis décidé à y mettre mon grain de sel. Qui, comme toujours, pose un bémol là où la note est trop haute, un peu criante. Car même si, comme on l'affirme dans l'article, «aller en province n’est plus ce voyage d’enfer, dans lequel les gens et les marchandises sont entassés comme des sardines dans une cannette», les conditions ne sont pas aussi roses que l’article les dépeint. En fait, un commentaire à l’article dit : «Un certain contrôle serait raisonnable. Boutèy kleren chofè yo anba kousen an epi y-ap kondwi...» Eh oui, le chauffeur conduit avec une bouteille de clairin (alcool bon marché très populaire au pays [1]). Avouez que ce n’est pas tellement rassurant, surtout compte tenu des conditions routières en Haïti…

Les bus sont neufs, climatisés et confortables, c’est vrai, mais pour combien de temps? Récemment encore, notre ami Jim nous disait qu’à l’occasion de son dernier voyage, la toilette du bus était bouchée et les eaux (et leur contenu) débordaient joyeusement sur le plancher sans que cela n’arrête pour autant les gens de continuer à l’utiliser! (Incidemment, je me dis la même chose à chaque fois que nous sommes dans l’avion : les toilettes représentent un centre d’intérêt majeur auquel personne ne semble pouvoir résister, ne me demandez pas pourquoi…) Bref, une amélioration notable du transport en commun interurbain, comme on le dit, mais une amélioration seulement. Et qu’arrivera-t-il lorsque les bus ne seront plus neufs? L’entretien mécanique sera-t-il adéquat? Les sièges seront-ils toujours en bon état? Et les toilettes? Et la climatisation? Si je me fie à ce que l’on voit couramment, je reste sceptique… Mais c’est déjà beaucoup mieux que les bus traditionnels (photo ci-dessus, gracieuseté de Wikipedia) dont le principal mérite est leur esthétique très réussie, véritable symbole de l’esprit festif des Haïtiens, mais qui, sur la route, sont de véritables kamikazes totalement insouciants de leur vie ou de celle des autres. J’en témoigne.

Haïti est terre de paradoxes, je vous l’ai dit cent fois. En voici un : le pays est très peuplé — 350 habitants au kilomètre carré, ce n'est quand même pas rien — et pourtant, les routes, celles capables de porter ce nom, sont rares et de qualité très variable. Or, pas de routes, pas de contacts, d’échanges avec la capitale ou entre les villes : on reste chez soi et on s’accommode de ce qu’on y trouve. Les routes sont le système circulatoire d’un pays : elles doivent permettre aux gens d’aller et venir à leur guise. Mais Haïti est un pays de pistes incertaines — d’où incidemment la présence dominante de véhicules à quatre roues motrices : la garde au sol et la traction accrue sont ici presque une nécessité…—  et les routes, eh bien on y travaille. Pas vite, mais bon. Ainsi, d’ici peu, Jérémie, importante ville du pays, sera reliée par une route «normale» que les bus modernes pourront emprunter, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Mais cela n’enlève rien au fait que l’apparition de ces bus, tout comme celle naguère des téléphones cellulaires, marque un signe, un signe que les choses sont vraiment en train de changer pour le mieux. Je pense qu’en tout état de cause, il y a lieu de s’en réjouir.

(1) Voici ce que dit Wikipédia au sujet du clairin : «Le Clairin est une eau-de-vie produite à partir de la canne à sucre. Comparable au rhum, le Clairin n'est produit qu'en Haïti. Le Clairin est produit au fil du même processus de distillation que le rhum bien qu'il ne soit pas raffiné afin de séparer les divers alcools produits après la fermentation.»

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