samedi 22 février 2014

Une de plus


Eh bien nous y voici. Une de plus. Je parle des années, au cas où vous n’auriez pas saisi le référent subtil derrière le pronom. Et comme vous le savez maintenant, je ne peux pas décemment laisser passer l’occasion de souligner la chose publiquement en ces pages qui me sont chères, alors me voici, sans sujet autre que mon petit nombril qui vieillit encore un peu aujourd’hui et que le poids des ans fait se plisser encore un peu plus. Mais si peu…

Une autre année a passé, la septième dans ce pays où nous avons élu domicile, et comme toujours, on ne sait pas où elle s’en est allée. En fumée, je sais, c’est ce que vous allez me dire, mais il me semble que ça fait un peu cliché, vous ne trouvez pas? En tout cas, et pour les cyniques et les sceptiques, je vous le dis tout net : non, je ne me sens pas plus vieux. Et encore moins pluvieux!... (Je sais, je sais, je vous l'ai déjà servie, celle-là, mais que voulez-vous, je la trouve bonne, moi...)

Par contre, un qui devient nettement plus vieux (et qui est déjà pluvieux), c’est notre cher patron dont la visite tri-annuelle, écourtée cette fois-ci pour des raisons logistiques, s’est terminée hier. Mais à 85 ans bien sonnés, il faut avouer que c’est un peu normal. Pas d’écourter sa visite, mais de devenir vieux. En dépit de ce fait observable et observé, le cher homme voyage encore tout seul, fait hardiment Calgary—Houston—Miami—Port-au-Prince—Miami—Montego Bay (Jamaïque) avant de retourner à Calgary. À 85 ans, c’est tout de même appréciable et j’avoue bien candidement que je n’aspire même pas à de telles prouesses à cet âge vénérable car, entre vous et moi, qu’ossa donne? Mais c’est sa tradition, son habitude, son plan de travail et rien ne sert d’en discuter le fond avec lui, car rien ne lui fera changer d’idée sauf, comme il le dit lui-même, la mort, bien entendu.

Cela dit, il est tout de même réconfortant de voir que la vieillesse se passe bien différemment en ce siècle qu’elle se passait jadis et que les vieux font maintenant autre chose de se déplacer péniblement «du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit», comme l’a si bien dit Brel… Mais la pendule de la chanson ne s’arrête pas pour autant, vie active ou vie léthargique peu importe. Car quand elle s'arrête, c'est qu'on est mort. On n’y peut rien, alors basta.

Journée tranquille, donc, journée de vieux, diront certains, et ce ne sera pas faux. Il fait beau dehors, mais ici, vous le savez bien, il fait toujours beau ou presque. Le beau temps n’est donc pas un motif suffisant pour prendre le large et s’exciter les plumes, comme le faisait le poussin de tout à l’heure, que j'essayais d'attraper pour le remettre à sa mère. Si bien que la journée se passe tout doucement et je n’en attends pas plus. Le repas du soir, sans tomber dans la recherche excessive, tranchera tout de même de notre quotidien habituel et cela me suffit. En plus, nous avons, une fois de plus, voulu tenter la chance en nous offrant une bouteille de chateauneuf-du-pape. Peut-être celui-là sera-t-il buvable? On verra…

Bref, vous voyez le tableau. Bucolique vient à l’esprit. Et c’est ainsi qu’on se rend compte que plus les années passent, moins il semble nécessaire de se forcer à faire «quelque chose» de spécial, moins on a envie de grimper l’Everest pour se prouver qu’on est encore jeune, moins les performances deviennent source de fierté — plutôt une bien inutile source de fatigue et de puérile vanité. Vanitas vanitatum omnia vanitas, dit la bible : «vanités des vanités, tout est vanité.». Tout est futile et rien n’a vraiment d’importance, alors dites-moi : pourquoi ne profiterais-je pas de la journée pour ne rien faire?

Mais cela dit, j’aime quand même bien que ce soit mon anniversaire, alors à la bonne vôtre!

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