mercredi 3 mars 2010

L'attente

 

J'ai parlé hier de «toffer la brise», un joli québécisme bien expressif dont l'origine a évidemment à voir avec la culture maritime du Québec. Qu'on me permette de m'y attarder quelque peu. Car habituellement, l'expression réfère à une brise assez marquée, génératrice de fortes vagues et capable de déstabiliser le navire, mais dans notre cas, c'est plutôt le contraire : la brise est tellement faible qu'on se penserait dans la mer des Sargasses, là où peinaient jadis les voiliers, justement faute de brise. Eh bien c'est un peu l'impression qu'on a présentement : la navigation est difficile non pas à cause de l'agitation de la mer, mais à cause de son calme plat et aussi, il faut bien le dire, des algues qui l'encombrent. J'ai dit hier que nous sentions la fatigue, j'aurais plutôt dû parler d'usure. La répétition incessante des mêmes gestes, des mêmes propos, des mêmes problèmes sans solution use. L'action ne manque pas, pourtant, je le répète, mais c'est toujours la même action, à laquelle on a fini par s'habituer et qu'on considère maintenant comme «normale». Mais sa monotonie use. Et on se prend à attendre... Quoi, on ne le sait pas trop, mais on attend. Vous vous souvenez que je vous ai parlé de Godot, d'ailleurs, en janvier dernier. Sauf que ce n'est pas vraiment ce type d'attente somme toute basé sur l'espoir (espoir de voir Godot arriver), mais plutôt une attente vaine, un peu comme si nous étions enfermés dans une prison pour 108 ans... L'espoir n'est pas vraiment d'en sortir (à moins de planifier une évasion à la Prison Break, série qu'on écoute présentement avec un grand bonheur, merci Dr Pasteur!), mais de résister au poids des jours. Très «camusien» comme démarche, je le reconnais. Très Sisyphe. C'est le non-espoir et pourtant, ce n'est pas le désespoir. Vous me suivez? Dans le premier cas, il s'agit d'une simple absence d'espoir; dans le second, le désespoir devient une présence annihilante : on perd le goût d'agir, on déprime et on s'enfonce dans le noir. Rien de tout cela ici : on sait que les choses vont finir par changer, mais c'est un processus tellement lent qu'il nous use. On attend, tout simplement parce qu'on ne peut pas faire grand-chose d'autre et l'attente est pénible dans sa durée. Comme toutes les attentes d'ailleurs : queues avant de payer à l'épicerie ou au Costco local; attentes aux aéroports; attente des résultats d'un examen, bref vous me comprenez. Le problème--et c'en est un, croyez-moi--c'est qu'ici, on ne sait pas trop ce qu'on attend, comme je l'ai dit plus haut.

En attendant donc, on fait ce qu'il faut pour que les choses marchent : on aménage des espaces, on fixe les portes, on ramasse les boîtes imbibées d'eau (la pluie de samedi dernier a vraiment causé pas mal de dégâts), on trie, on brame des ordres, on parle aux gens, on achète ce qui manque, on soude, on cloue, on colle, bref on se tient occupés. Et les journées passent plutôt rapidement, laissez-moi vous le dire... À cet effet, certains (au masculin seulement et vous allez comprendre pourquoi) s'étonnent que, malgré un emploi du temps que je dis chargé, je trouve quand même le temps de vous écrire un petit quelque chose sur une base presque quotidienne. Se pourrait-il que je mente ou à tout le moins que j'exagère? Eh bien non. Et pour mes détracteurs, sachez que (1) j'écris sans trop de peine, car les phrases me viennent aisément. Faut dire que je ne recherche nullement la performance littéraire ici, alors le temps nécessaire à une ponte est d'autant diminué. C'est incidemment ce qui peut expliquer la différence de qualité d'un texte à l'autre : tout dépend de mon degré de fatigue et de saturation. (2) Pour écrire un texte comme ceux que je vous passe, j'ai une méthode : je commence le matin dès mon arrivée à mon bureau, puis, au fur et à mesure que la journée avance, j'y ajoute quelques lignes. Ce n'est donc pas un travail continu que je m'impose, mais plutôt un ensemble d'idées qui s'agglutinent sur un même thème. Quand arrive 16 h et que je n'ai pas grand-chose de produit, alors là, oui, je fais un petit effort. Sinon, au fil du temps perdu, le texte se construira presque de lui-même. Je fais pareil pour les Sudoku. En fait et pour vous dire la vérité, la difficulté, la seule et elle n'est pas majeure, consiste souvent à trouver un thème. D'où incidemment l'idée que j'avais émise, en début d'année, d'écrire sans thème, de jeter quelques idées en vrac tout simplement et de voir comment elles rebondissent. Mais depuis la Catastrophe, les thèmes ne me font pas défaut... Quant aux photos, vous avez compris qu'elles n'ont pas forcément rapport avec le texte, et pourquoi pas? J'aime bien vous donner une image, pour ouvrir la porte de votre esprit, si l'on peut dire, et vous mettre ainsi en appétit...

Pas vraiment un travail, donc, mais plutôt une activité complémentaire qui me change un peu les idées quand elles deviennent trop sombres ou trop touffues...

Aucun commentaire:

Publier un commentaire