samedi 23 janvier 2010

Stress!


Le stress. C'est ce qui a causé le tremblement de terre à l'origine. Et maintenant que la planète s'est relâchée, ce sont les suites de ce séisme qui causent le nôtre. Tout le monde sait ce qu'est le stress, alors inutile que je m'attarde à jouer le scientifique. Et si vous ne le savez pas, eh bien vous savez combien il est facile de nos jours d'accéder à l'information (ici, entre autres). Je vous donne néanmoins la définition de Hans Selye, considéré (mais pas unanimement) comme le père des études sur le stress: "Le stress est l’état de l’organisme dont le bien-être est menacé et qui n’a pas de réponse immédiate pour réduire cette menace." Pas de réponse. Tout est là. Devant l'ampleur de ce qui nous arrive, nous restons sans voix. Et sans voie. Personne ne sait au juste quoi faire--à part soigner les blessés, bien entendu--ni comment s'en sortir. L'événement a causé le stress, mais maintenant, on s'y est habitué. Cependant, non seulement la menace demeure, mais on ne peut pas vraiment la réduire, de sorte que la tension continue de monter jusqu'à ce que, finalement, ça explose. C'est exactement ce qui a provoqué le tremblement de terre. Depuis 200 ans, la tension s'accumulait: fallait bien que ça pète à quelque part! Ce fut Port-au-Prince, mais c'aurait pu tout aussi bien être Les Cayes ou Cap Haïtien, à l'autre bout du pays. Voilà pour le stress géologique. Mais je le redis, le relâchement de ce stress géologique et la catastrophe qu'il a engendrée ont fait naître, chez les humains qui l'ont vécu, un stress majeur. Traumatisant. Au point qu'à l'heure actuelle, le stress, sous forme de peur entre autres, est collectif.

La peur, parlons-en. La peur, comme il me semble l'avoir dit, est souvent causée par l'ignorance, nous le savons tous. Ainsi, quand un enfant a peur, on le rassure, on lui explique que sa peur n'est pas fondée et le sentiment s'estompe, voire disparaît complètement. C'est ainsi que moi qui vous parle, je n'ai plus peur du bonhomme Sept-Heures (bogeyman, si vous êtes plus familier avec son alter-ego anglais). L'information a effacé ma peur. Mais ici? L'information est partielle, quand ce n'est pas partiale, et les gens ne savent plus qui dit vrai et qui raconte n'importe quoi. Or maintenant, les gens ici craignent une réédition du séisme du 12 janvier dernier. Pas quelques répliques, inévitables dans les circonstances, mais une vraie réédition, en pire de préférence. Alors, comme je l'ai dit (hier ou avant-hier, je ne me souviens plus), j'ai pris le temps d'expliquer à nos employés que le danger d'un autre tremblement de terre majeur était, à toutes fins utiles, inexistant. Je pensais que ma démonstration avait porté ses fruits. Mais hier, j'apprends que la majorité des employés, suivant en cela le population en général, passe la nuit au dehors! Jusqu'aux patients de notre hôpital qui ont insisté pour faire transporter leur lit dehors! J'étais estomaqué. Nouvelle réunion: j'ai dénoncé la crédulité populaire et la paranoïa collective. Et me suis engagé sur l'honneur à ce qu'il n'y ait pas d'autres séismes majeurs... Arrogance, dites-vous? Pas vraiment. Mais il faut que quelqu'un tranche, une fois pour toutes et d'une façon radicale. Il faut qu'on puisse dire: "C'est fini. On peut commencer à reconstruire." Car l'une des caractéristiques de la peur, qui la rend si nocive, c'est qu'elle est contagieuse! Alors il faut endiguer ce flot de panique, car la peur ne conduit nulle part sauf à la mort. La peur ne construit pas: elle détruit. Elle paralyse. Elle bloque la pensée créatrice. Elle soumet. Et finalement, elle tue, car oui, on peut mourir de peur. Donc, la peur reste un ennemi de plus à combattre.

Mais au moins, ce matin, j'ai eu la satisfaction d'entendre plusieurs employés me dire qu'ils avaient osé dormir dans leur maison la nuit dernière... C'est déjà ça de pris...

Cependant il faut bien comprendre que le stress est généralisé, et pour cause: avant, on ne savait pas trop où on s'en allait, maintenant, on ne le sait plus du tout. Et oui, je l'avoue, c'est stressant... Il faut aussi comprendre que ce stress n'est pas le nôtre: il nous dépasse par son ampleur. Rien à voir avec le stress d'avoir à subir un examen ou une entrevue de sélection pour un boulot: cette dimension de stress est gérable, si je puis dire. Mais le stress présent est comme une mer qui nous entoure et qui menace d'engloutir le petit îlot de stabilité sur lequel nous nous tenons, en retenant notre souffle et en attendant. Quoi? On ne sait trop. Mais on attend...

Godot (1) peut-être?

(1) En attendant Godot, Samuel Beckett. À voir absolument (ici), ou sinon, à lire et à déguster.

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