jeudi 21 janvier 2010

La langue longue


Aussi bien commencer tout de suite si je veux avoir le temps aujourd'hui d'écrire quelques lignes, car la journée s'annonce heavy, comme disent les Athéniens quand ils s'atteignent...

Mais avant de vous dire ce qui se passe, passez-moi une petite réflexion de nature plus philosophique. Après tout, j'ai bien le droit, puisque je ne vous en ai pas servi hier...

C'est à propos du courage. Plusieurs messages nous félicitent pour notre courage et j'avoue que ça me met un peu mal à l'aise. Non, non, ce n'est pas de la fausse modestie. Mais sommes-nous vraiment courageux? Et d'abord, qu'est-ce que le courage? Endurer l'enfer sans se plaindre? De toute façon, puisqu'on a de bonnes chances d'y aboutir, aussi bien s'y préparer, non? Se retrousser les manches et rebâtir ce qui vient d'être détruit? Garder l'espoir alors que l'espoir semble si vain? Eh bien les amis, si c'est ça le courage, c'est le peuple haïtien qui est courageux: pas nous. Nous, on ne manque de rien, du moins pas encore. Ça ne prend pas tellement de courage pour s'offrir une bonne petite bière bien fraîche ou pour surfer le Web... Et puis le courage, ce peut être bien des choses: de l'entêtement, de la vanité, de l'inconscience, de l'ignorance voire de la stupidité... Or, j'aime penser que nous ne sommes pas stupides... Donc, pour le courage, eh bien je ne sais pas. Peut-être sommes-nous tout bonnement tenaces? En tout cas, merci à tous ceux, toutes celles qui nous encouragent, car c'est sans doute là la source même du courage... Et puis, au fond, quelle importance la chose a-t-elle au regard de ce qu'il y a à faire?

C'est que là, nous sommes en train de nous organiser. Ou de nous faire organiser, c'est selon. Certains, certaines, mieux avisés que d'autres (lire: plus réalistes) ont compris que Port-au-Prince n'est pas la solution: Port-au-Prince, en fait, est le problème. Or, tous les efforts présents se concentrent sur la capitale, avec pour résultat que l'aide humanitaire s'empêtre. Certes, ça progresse, mais si lentement face à des besoins si criants qu'ils faut essayer de voir ce qui peut se faire ailleurs. Et ailleurs, entre autres, c'est ici. Donc, aujourd'hui, on planifie des équipes médicales qui vont s'installer sur notre terrain et faire ce qu'il faut, en l'occurrence: réparer les gens amochés, le plus souvent, sous forme de fractures ouvertes. Il nous faut des orthopédistes et, bien entendu, le matériel. Mais ça commence à s'organiser, je vous le redis. C'est qu'ici, notre hôpital est modeste, certes, mais tout à fait convenable. De plus, la cour est grande. Et ça, c'est plutôt rare en ville. En outre, maintenant que les soldats de la MINUSTAH campent ici, l'endroit est relativement sécuritaire, ce qui n'enlève rien à la chose, bien entendu...

Autre point important, sans rapport avec ce qui précède: la banque a rouvert aujourd'hui, et bien que la queue ait été démoralisante, mon chauffeur et homme de confiance Onès a fait le pied de grue jusqu'à ce qu'il puisse rapporter l'argent. Comme ça, nous avons commencé de payer les employés pour le mois, bien que ce soit un peu d'avance, mais bon, vu les circonstances, je pense que personne ne m'en voudra de cette décision...

Bref et pour me résumer (vous le savez bien maintenant: j'adore les pléonasmes et les répétitions), ça bouge. On s'essouffle un peu, bien sûr, mais il faut maintenir la cadence. Comme dans le film Flashdance, vous vous souvenez? La scène où cette jolie jeune fille (Jennifer Beals) danse sur un rythme effréné (Maniac, de Michael Sembello, je pense). Je vous dis que ça sue... Eh bien nous autres, c'est un peu ça. On se dit qu'on aura sûrement l'occasion de reprendre notre souffle plus tard. En tout cas, on l'espère!

1 commentaire:

  1. peut-être que c'est seulement dans le sens de ne pas vous décourager car vous vivez des moments pas faciles !

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