mercredi 27 janvier 2010

La vie continue...


Vous allez me dire: pourquoi cette photo? Pourquoi l'image de cette jeune femme enceinte à n'en plus pouvoir (elle est censée accoucher dans une dizaine de jours)? Simplement pour vous dire ce que le titre vous a déjà dit: la vie continue. Pas la mienne ou la vôtre, pas celle du peuple qui souffre, pas celle du personnel médical qui s'échine à la tâche, mais la vie dans son essence même. En dépit du drame haïtien, en dépit de la mort qui nous touche, même à distance, la vie continue. Cet enfant à naître a été conçu bien avant la catastrophe. Et il naîtra en plein dans ses effluves. Il en recevra l'onde de choc sociale. Mais cela ne l'empêchera nullement de vivre. Cela ne l'empêchera sûrement pas de bénéficier de l'amour de ses parents et d'un environnement familial sécurisant. (La jeune dame est l'une de nos bonnes infirmières et rien n'indique qu'elle est susceptible de perdre son emploi, relativement bien rémunéré, au cours des prochains mois, donc, stabilité financière = stabilité familiale.) Tout ça pour vous dire que la vie, en dépit de ce drame, continue d'éclore de tous les côtés à la fois et, avouez-le, ça force l'admiration. En tout cas, la mienne, puisque je ne peux parler pour vous qui êtes loin et flous.

Je trouve assez fascinant de voir que pour une vie qui s'éteint, une autre s'allume. En fait, la proportion n'est pas égale, car la vie prévaut: pour chaque mort, c'est environ 2,4 vies qui s'allument. Les statistiques en temps réel (!) telles que compilées par Worldometers valent la peine qu'on s'y arrête un peu. Amusant et instructif. Mais je m'écarte.

Ce matin, je parle à une autre jeune fille, amputée celle-là juste en bas du genou (non, ce n'est pas celle de la photo d'il y a quelques jours, mais une autre). Je lui demande comment elle va. "Pa pi mal", me répond-elle en souriant. Je lui demande si elle a mal; elle n'a pas mal. Puis je lui dis que lorsque sa plaie sera guérie, on lui mettra une prothèse et elle pourra à nouveau marcher à peu près normalement. C'est là qu'elle me demande, en parlant de la prothèse: "Ki kote m'ap jwen sa?" Je lui dis de ne pas s'en faire, que ceux qui se sont occupés d'elle ne vont pas la laisser sans prothèse et que tout va s'arranger. Elle me croit. J'espère juste ne pas lui faire une promesse électorale... Et la vie continue, même éclopée...

Et puis il y a les adventistes. Vous allez me dire que ce n'est pas tout à fait dans le même ordre d'idée et vous aurez tort: car les adventistes, dans leur déni de ce qui se passe présentement dans le pays, sont une autre manifestation de la vie qui s'exprime, en dépit de la crise et de l'insécurité qui prévalent. Je ne peux pas vous dire si l'assistance à leurs assemblées est nombreuse; mais je peux vous dire qu'à tous le soirs que le bon dieu amène (et il en amène à tous les jours), il y a une "preacher" assez en voix, rien à envier à ses collègues mâles, laissez-moi vous le dire. Pour gueuler, elle a le style. Elle chante faux comme ça ne se peut pas, mais elle aime le micro, c'est bien clair. Heureusement, ces ébats vocaux ne durent pas trop: vers 8h-8h30, c'est fini. Et le clou, c'est la chanson thème: "À Toi la gloire...", entonnée avec force, enthousiasme, énergie, cœur et détermination. Chaque fois qu'elle attaque la chanson--car c'est vraiment de cela qu'il s'agit: une attaque--, je crains pour un autre tremblement de terre. Car on ne sait jamais comment la terre peut réagir à de tels excès sonores... Qui sait? C'est peut-être suffisant pour déplacer les plaques tectoniques!... Mais encore une fois, cet élan lyrique finit par s'estomper et la nuit peut enfin reprendre ses droits au silence et à la paix.

Enfin, une petite mention pour dire que Kyra, notre très chère, a finalement fini par arriver, qu'elle a déjà retroussé ses manches et qu'elle est prête à mettre la main à la pâte. Et si ce n'est pas la vie, ça, dites-moi ce que c'est!

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