samedi 30 janvier 2010

N'en jetez plus, la cour est pleine!

 

Je vous ai dit naguère que je ne lisais que rarement les chroniques journalistiques. L'affaire des orthopédistes réclamant 800 $ par jour m'a fait grincer des dents, comme vous l'avez lu, mais c'est une exception. Cependant, comme les journalistes étrangers sont présentement au pays, je trouve intéressant de voir ce qu'ils en ont à dire. Lisez le texte de Patrick Lagacé, aujourd'hui. Et vous me direz ce que vous en pensez. Pour moi, il est bien clair que le pauvre Patrick est à bout. Pu capable. Sursaturé. Haïti n'est pas pour lui. Dommage qu'il n'ait pas fait son texte sous forme de blogue: j'aurais pu y aller de mon grain de sel, comme je m'amuse à le faire quelquefois. Mais son amertume fait pitié à voir. Comme il souffre, ce pauvre homme! Coincé dans le carcan de ses repères nord-américains, il ne comprend pas et il en perd l'équilibre. Patrick confond la compassion avec la passion d'un con. Car pour être passionné, on peut dire qu'il l'est, notre cher Patrick!...

De son texte, je retiens une seule phrase: «Assez, s'il vous plaît. Assez.» Sous-entendu: «Chu pu capable d'en prendre.» «Je suis au bout de la tolérance.» «C'est trop dur.» J'espère que Patrick a fini son odyssée haïtienne et qu'il va sagement rentrer dans ses quartiers montréalais, sécurisé par les odeurs familières (et non la merde et la pourriture) et les «scandales» qui éclatent quotidiennement au Québec et qui alimentent sa prose et lui procurent un job. Haïti n'est pas pour tout le monde, je l'ai dit et je continue de le dire à quiconque veut venir s'y frotter. Il n'est pas pour Patrick, ni pour Agnès Gruda, ni pour les journalistes du monde entier qui tentent de faire leur job, mais qui n'ont pas le temps ni nécessairement le goût de comprendre... Je ne leur en veux pas de faire le travail que leur job commande. Au contraire, je compatis, car ici présentement, ce n'est pas un boulot facile. Mais quand ils sont visiblement au bout du rouleau, alors il faut qu'ils quittent le milieu et le plus vite possible avant de commencer à dire des conneries et à porter des jugements péremptoires sans base valable.

Car pour plusieurs, disons-le sans détour, c'est trop. Et je ne parle pas seulement des suites du séisme: le pays, en temps normal, est tellement truffé d'excès en tous genres qu'il sature les sens des nouveaux arrivants. Il y a trop de monde; trop de chaleur; trop de pluie; trop de pourriture; trop de désordre; trop de bureaucratie; trop de problèmes. Et depuis le séisme: trop de morts, trop de blessés, trop de sans-abri, trop d'aide humanitaire mal coordonnée, trop d'argent mal géré, trop de "fait-ben" prétentieux, trop d’optimistes exaltés, trop de pessimistes, trop d'opportunistes qui profitent de la situation pour s'engraisser, trop de religieux qui exploitent la crédulité publique, trop de "bleeding hearts" (que je ne sais comment traduire), et quoi encore. Tout cela sature les sens. Et si on persiste, eh bien c'est la sursaturation et le déversement qui s'en suit fatalement.

Haïti, en temps normal, agresse. Depuis le tremblement de terre, ça choque.

Et nous autres, là-dedans? Ben disons qu'on tient le coup justement parce qu'on a développé une forme d'immunité. Un peu comme pour la tuberculose: on peut réagir positivement au test PPD sans pour autant en être atteint: la bactérie est là, mais incapable de se développer, contenue par le système immunitaire (comme c'est mon cas, incidemment). Eh bien le pays, c'est un peu comme ça. C'est complètement fou, mais notre système résiste. Pour l'heure, en tout cas. Je pourrais également vous donner l'exemple d'une personne ordinaire qui arrive sur les lieux d'un grave accident de voiture dans lequel, disons, une victime a été amputée et dont le bout de jambe gît sur la route. La vue de cette amputation peut suffire à paralyser la personne ordinaire. Mais pas le médecin ou la personne habituée à ce genre de spectacle, qui sauront faire les gestes efficaces, au-delà du dégoût, de la peur ou des moyens limités. Et ce dont Haïti a besoin en ce moment, ce sont ces personnes immunisées. Pas insensibles, comprenons-nous bien. Mais résistantes à cette invasion microbienne de la misère et de la douleur.

Une situation dure, c'est vrai, ne nous cachons rien. Pour certains, trop dure. Pour d'autres, juste dure.

1 commentaire:

  1. C'est le problème.

    Patrick Lagacé, il a le droit d'avoir le mal du pays mais il pourrait se passer d'essayer de le partager. C'est vraiment dommage qu'on ne puisse pas lui répondre. On ne peut pas lancer autant de conneries sur un pays qu'on ne connait pas vraiment, sur Cyberpress, et refuser que tout commentaires soit publier en se justifiant d'en avoir ras-le-bol du politiquement correcte.

    C'est vraiment le problème. Ils débarquent tous en Haïti et aussitôt arrivé il essai de nous faire un dessin du pays. Alors que même après les 2 mois que j'ai passé avec vous en Haiti, je peinerais. Et le pays n'était même pas en situation de crise !


    Et pour ton post précédent concernant le rémunération des orthopédistes, j'aime autant même pas en parler !

    Je vous souhaite bonne chance et beaucoup de courage à toi et Chantale.


    Mathieu

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