vendredi 22 janvier 2010

"Avez-vous besoin d'aide?"


Aujourd'hui, j'étais parti dans une autre direction (moi, vous me connaissez maintenant: toutes les directions sont bonnes) mais l'article que je viens de lire sur Cyberpresse (ici) et la situation à laquelle nous sommes confrontés chaque jour un peu plus m'amènent à bifurquer. C'est qu'il me faut aborder le thème délicat des volontaires.

Je vous l'ai dit à plusieurs reprises depuis le début de cette catastrophe: l'aide internationale est là, sous forme de volontaires plus ou moins expérimentés unis par cette volonté d'aider. Et nous en avons besoin. C'est indéniable et c'est appréciable à la fois. Mais comme je l'expliquais ce matin à des médecins de Terre des Hommes (je pense mais n'en suis pas certain--il en passe tellement ces jours-ci), nous ne sommes pas pro-actifs dans cette affaire, mais plutôt simplement réactifs. Nous réagissons avec une efficacité variable, et c'est justement là le problème. Tout le monde ne réagit pas de la même façon au malheur généralisé et bien que la bonne volonté ne manque pas, elle n'est parfois pas suffisante. Finalement ces gens ce matin, qui me demandaient comment ils pouvaient nous aider, je les ai simplement emmenés du côté des malades hospitalisés et leur ai dit: «Faites votre choix.» Je les ai revus tout à l'heure, au chevet d'un malade, et ils n'avaient pas l'air de s'ennuyer...

Mais souvent les gens nous demandent: «Peut-on vous aider?»  La réponse, c'est oui, bien sûr. Mais comment? Ce n'est pas toujours évident. L'argent, certes, aide et aidera à la reconstruction du pays. Mais pour les bras, c'est autre chose. Car imaginez un peu: vous arrivez dans le pays depuis le Canada; premièrement, la chaleur vous surprend; vous fait suer, vous écrase même. Et puis les foules, les masses de gens qu'on ne sait pas si elles sont enragées ou simplement bruyantes. Puis cette langue qu'on croyait si proche du français et dont on n'arrive pas à comprendre un traître mot. Et puis cette souffrance qu'on n'arrive pas à soulager. Ce chaos ingérable, les odeurs, la cacophonie, la moiteur de l'air, et toujours, toujours ces gens qui grouillent comme des mouches autour de vous-savez-quoi. Et l'odeur de ça aussi... Bref, on en vient à se demander si les volontaires ne sont pas trop nombreux... Car il faut les occuper, ces braves gens, leur donner une tâche, comme on donne un os à un chien affamé; mais une fois l'os rongé, le chien a toujours faim et il en veut encore! Ainsi en est-il de notre volontaire: sa soif de sauver le peuple haïtien est inextinguible. Épuisé, il veut en faire encore. Au point où, des fois, on se demande si le volontaire, venu pour participer à la solution, ne devient pas par son zèle une partie du problème... Car le problème, les amis, vous l'avez deviné, c'est la COORDINATION. Faire marcher les deux pieds en alternance, pas en même temps; faire pousser tout le monde dans le même sens ou tirer dans le même sens si vous aimez mieux. Mais faire en sorte que l'action soit concertée, effective à défaut d'être efficace à 100%. Je vous cite un joli petit proverbe haïtien sur la chose: «Chen gen kat pye, men li ka mache nan yon sèl chemen.» Alors? Ça y est? Vous avez compris? Non? Vous donnez votre langue au chat? Bon d'accord. En français donc: "Un chien a quatre pattes, mais il ne peut marcher que dans une seul chemin". La coordination, les amis, c'est ça.

Certes, vous allez me dire: «Mais ça ne vaut pas pour les médecins, quand même...» Eh bien au risque de vous surprendre, je vous dirai que oui, ça vaut aussi pour les médecins. Ainsi hier, débarque un neurologue. Wow. Les neurologues ici ne courent pas les rues. Mais soyons francs: avons-nous vraiment besoin d'un neurologue? Je vous le donne en mille: NON. Si bien que ce gentil monsieur s'est occupé à panser des blessures légères, un travail que toute bonne infirmière peut faire les doigts dans le nez (bien que ce ne soit pas souhaitable, mais bon, vous me comprenez). Et ce n'est là qu'un exemple. Alors je vous en prie, ne m'en voulez pas trop de ne pas requérir une aide humanitaire qui ne demande qu'à aider, soit, mais qui s'occupe peu du comment. À l'heure actuelle, l'aide humanitaire est là, mais se pile sur les pieds...

Donc, je vous suggère cet article (voir URL ci-dessus) de la Presse. Intéressant et en plein sur le bobo. Et parlant de bobo, je vous dis qu'on en a plein la vue, ces jours-ci, et la photo n'en est qu'un petit échantillon...

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