dimanche 24 février 2013

Aimez-vous votre patron?


Comme d’habitude, il est venu. Comme d’habitude, il a vu. Comme d’habitude, il n’a rien vaincu, tout simplement parce qu’il n’y avait rien à vaincre. Tout n’est pas affaire de bataille et les discussions que j’ai eues avec le patron ont été amicales et productives, j’ose le dire. En sortira ce qu’il en sortira, mais le passage en coup de vent de notre grand chef s’est bien passé — mieux en fait qu’en certaines autres occasions.

Il faut dire que le cher homme n’est pas de tout repos : son âge avancé d’abord — 84 ans, c’est tout de même respectable, admettons-le —, puis son caractère assez difficile, comme l’est celui d’une personne qui a passé sa vie à commander et à voir ses ordres obéis à la lettre. Ceux et celles parmi vous qui me connaissent sentent déjà qu’il y a là un os… Cela dit ne cherchez pas chez cet homme la moindre trace de sénilité : il a toute sa tête et elle est, ma foi, en très bon état de marche. Ce n’est quand même pas rien. Bien sûr, ce n’est pas toujours suffisant, surtout lorsque l’on tente de résoudre des problèmes dans un pays que l’on connaît mal et dont la langue nous est parfaitement inconnue, ce qui est précisément le cas de mon cher patron. Mais sa volonté d’aplanir les difficultés et de maintenir l’hôpital en bon état de marche vaut quand même plus qu’une mention honorable et j’avoue n’avoir aucun problème à lui prêter main forte dans la poursuite de cet objectif, mauvais caractère ou pas. Je vous passe les détails, mais nous avons fait du bon boulot, croyez-moi sur parole.

Sauf que l’exercice est essoufflant. Deux jours pour tout revoir, analyser, décider et agir conformément aux décisions prises, c’est chargé. Si bien que lorsque le moment de son départ arrive, nous sommes toujours soulagés de le voir aller, sachant que nous allons pouvoir retourner à nos vaches et à nos moutons sans tant s’en faire. Or, aujourd’hui, il s’en est fallu de peu que le cher homme, parti tôt ce matin en direction de l’aéroport de Port-au-Prince, nous revienne comme un boomerang en raison d’un blocage intégral de la route nationale — un autre, je sais. Fort heureusement, les manifestants ont été dispersés et la route, rouverte à la circulation. Mais trop tard pour le patron qui en a manqué son avion… Branle-bas de combat pour lui trouver une place sur le prochain vol en partance pour Miami, lequel n’était pas complet, loué en soit le Ciel! Rester bloqué à Port-au-Prince alors qu’on a prévu quitter le pays est toujours une source de frustration et d’amertume et un retour aux Cayes eût été désastreux sur le moral de tout le monde, y compris le principal intéressé, il va sans dire.

Tout ça pour vous dire que pareilles aventures, à 84 ans, n’ont certainement rien de réjouissant ni de facile. Et je me demande si, lorsque j’aurai atteint cet âge vénérable — et ici, rien n’est moins sûr — j’aurai aussi le courage de voyager en solitaire dans un pays dont je ne comprends pas les habitants et vice versa… Car il en faut. Il me semble qu’une chaise longue, un bon livre, un verre de vin et un air de Bach ou de Mozart conviennent mieux aux aspirations de l’âge avancé. Pas vous? Mais pour notre patron, c’est non.

Quoi? Vous dites que je n'ai pas répondu à la question que le titre de ce texte pose? Bien sûr que non! C'est à vous qu'elle est posée cette question, pas à moi!

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