samedi 31 mars 2012

Les nuages se dissipent


Vous pensiez sans doute que mon texte d'hier était le dernier de ce mois. Moi aussi, je vous l'avoue. Mais comme il était entaché d'une certaine amertume, j'ai voulu changer de goût. Si bien que ce matin, je rencontrais nos employés et employées afin de mettre les cartes sur la table. Bien m'en prit. En fait et en tout état de cause, il me faut ici faire amende honorable c'est-à-dire vous présenter mes plus plates excuses pour cette amère pilule que j'ai égoïstement partagée avec vous hier. Car aujourd'hui, les nuages se sont dissipés et le ciel est redevenu comme il est censé être : bleu à n'en plus pouvoir.

Réunion générale ce matin, donc. D'abord et comme toujours, il fallut un certain temps avant que l'auditoire soit représentatif de l'ensemble, mais environ une demi-heure après l'heure annoncée de la réunion, plus de la moitié des employés étaient là et j'ai donc commencé à m'adresser à eux en termes simples mais bien sentis.

Je vous épargne le détail de mes propos : qu'il vous suffise de savoir qu'ils sonnaient justes (parce qu'ils l'étaient) et que finalement, le message de tristesse et d'amertume que je voulais transmettre a bien passé et a été bien compris. Si bien que la réunion s'est terminée dans une effusion d'affection tout à fait haïtienne qui a balayé les derniers relents de grisaille que je ressentais à leur égard. Une belle réunion, donc et vous pouvez me croire sur parole ou aller vous faire cuire un œuf.

Cela dit, nous n'avons rien réglé, nous n'avons pas changé le monde ni même refait l'hôpital. Mais nous nous sommes entendus et cela seul compte. Bien entendu, j'aurais bien aimé que les instigatrices du mouvement de protestation contre les conditions de travail soient là, mais sans surprise, elles n'y étaient pas. Il est tellement plus facile d'exprimer son mécontentement par derrière, tout le monde vous le dira... Mais je sais mieux maintenant où va la fidélité des employés et pour l'instant, je sais m'en contenter. Je vous l'ai déjà dit et donc vous le savez : «Est bien fou du cerveau qui prétend contenter tout le monde et son père» (La Fontaine). Je pense qu'il faut savoir faire la part des choses et considérer que, à défaut de la totalité, une majorité confortable est tout à fait révélatrice et il faut savoir s'en contenter. Je m'en contente donc, quitte à corriger la situation plus tard, si possible et si nécessaire. Cependant, ne nous leurrons pas : ce ne sera jamais parfait; les employés ne seront jamais des modèles de perfection, le travail ne sera jamais effectué dans le respect absolu des consignes, les salaires ne seront jamais suffisants et les conditions de travail ne seront jamais idéales. Mais en autant que tous comprennent qu'il ne sert à rien de pester contre le travail et qu'il vaut nettement mieux le faire dans la joie que d'y aller à son corps défendant, c'est l'essentiel. Et je pense que cette partie-là de mon discours a été bien comprise.

Mon discours, justement, parlons-en. Non, je n'ai pas de discours préparé d'avance. À ma compagne qui s'en étonne toujours, je réponds que ce que j'ai à dire importe peu, l'essentiel étant de le dire. Forcément, il y a dans ce discours des redites, des inepties, des omissions et des digressions. Forcément, les idées ne s'enchaînent pas toutes dans un ordre logique formel. Mais rien de cela ne compte, car ce que tout le monde entend, ce que tout le monde attend, c'est la vérité. Que mes propos sonnent juste. Que ma façon de dire vienne de mon fond, qu'elle traduise ce que je pense et ce que je ressens. Et j'avoue que je me fie entièrement sur mes Haïtiens pour capter cette sincérité; ce matin n'a pas fait exception : tous et toutes ont bien compris de quoi il retournait et je pense que la mise au point a porté ses fruits.

Comme quoi il n'y a pas que les manguiers qui portent leurs fruits...

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