jeudi 8 mars 2012

Étrange Haïti


WOY! Vous croyez que j’ai fait erreur? Que je voulais écrire «wow», mais que le doigt m’a fourché? Eh bien non. D’abord, considérant la distance sur le clavier entre le W et le Y, c’eût été difficile. Ensuite, parce que je viens de lire l’interjection et l’ai reconnue pour ce qu’elle est, c'est-à-dire une façon bien haïtienne d’exprimer les choses surprenantes ou déroutantes. En fait, l’interjection correspond souvent au «tèt chaje» (tête chargée) qui décrit toute situation délicate ou difficile. Voilà. Maintenant vous savez tout et je sens que votre connaissance du créole s’affine…

Mais ce n’est pas une leçon de créole que je vous présente aujourd’hui, mais bien quelques commentaires sur cet article de Chantal Guy, lequel fait écho à mon dernier texte.

D’abord, est-il nécessaire que le précise aujourd’hui, j’aime les propos de cette dame et j’aime la façon dont elle les dit : sans affectation, sans enjoliver, mais sans sécheresse non plus. On sent qu’elle aime le pays et qu’elle aime venir s’y frotter. D’ailleurs, si vous lisez son texte sur le carnaval, vous admettrez qu’il est visible qu’elle a apprécié, même si elle a trouvé ça assez chaud et complètement fou. Nous, c’est un peu pour ça qu’on s’est éclipsés pour l’événement : la folie collective. Ça s’est bien passé cette fois, mais c’eût pu être assez rock 'n roll et là, je ne parle pas de la danse, soyez-en sûrs.

Mais je reviens à son texte Haïti, île magique. Dont je n’aime pas le titre, soit dit en passant, car il ne correspond à aucune réalité. D’abord, soyons précis : Haïti n’est pas une île, mais bien une partie de la grande île d’Hispaniola qu’elle partage avec la République Dominicaine. Déjà, c’est une particularité digne de mention, car il s’agit ici de la seule île divisée en deux pays dans cette région du globe, peut-être même dans le monde entier (je n’ai pas vérifié). Cette division de l’île repose, bien entendu, sur des conventions historiques qui en disent long sur la perception qu’en avaient les rois de France et d’Espagne... Quant à la qualifier de magique, je ne suis pas vraiment d’accord. Il n’y a pas de magie à des gens qui peinent chaque jour pour trouver à manger pour eux ou pour leur famille; il n’y a pas de magie à subir des pluies torrentielles pour ensuite se faire cuire sous un soleil de plomb; il n’y a pas de magie à un camion sans freins qui fauche une foule comme des quilles sous l’impact d’une boule de bowling. Il n’y a qu’une dure réalité, pas facile pour personne et souvent incompréhensible pour nous les étrangers. D’où, incidemment, la difficulté pour ces étrangers de venir au pays juste pour y faire un tour, comme on irait en République Dominicaine ou ailleurs. Ici — et là, j’abonde dans le même sens que Chantal Guy —, on vient en s’appuyant sur un contact qui connaît le pays et qui dispose de certaines ressources visant à faciliter le séjour. Pour nos récents visiteurs, ce fut nous. Pour d’autres, ce sont les organisations plus ou moins non gouvernementales. Mais le touriste isolé risque de se sentir… isolé! Alors oui, je suis d’accord avec elle quand elle dit : «la meilleure façon de découvrir Haïti, c'est d'être introduit.». C’est ce que nous avons fait avec nos visiteurs : nous les avons introduits; le reste s’est fait tout seul.

Autre chose qu’elle dit et que je trouve conforme à la réalité haïtienne : «Il est d'ailleurs étonnant pour le voyageur habitué aux grands centres urbains de constater à quel point Haïti n'est pas une société "multiculturelle". Il découvrira rapidement ce que signifie être une "minorité visible"». J’ajouterais : bien visible, visible comme blanc sur noir, visible comme le nez au milieu du visage. Dans ce pays, les Blancs sont impossibles à dissimuler, impossibles à assimiler, impossibles à faire passer pour des habitants indigènes. Être blanc de peau ici, c’est être étranger, et assez curieusement, avec plus d’avantages que d’inconvénients. Car les Haïtiens, à tort ou à raison, sont infiniment cléments envers les Blancs en général et pas seulement parce qu’ils nous associent à l’argent. Souvent, c’est tout simplement parce que nous sommes des étrangers, tout simplement. Car une chose est sûre, à part quelques exceptions, les Haïtiens ne sont vraiment pas xénophobes.

Enfin, parlant d’Haïti, Chantal Guy écrit : «Une vie ne suffirait pas à comprendre ses mystères, ses paradoxes et ses absurdités.» Alors là les amis, nous sommes d’accord et pas rien qu’un peu! Car ce qui fait l’exotisme d’Haïti, ce ne sont pas ses plages alléchantes ou ses montagnes luxuriantes, mais bien le peuple et sa façon de vivre. Presque chaque jour, arrive un petit événement qui surprend, qu’on ne comprend pas et qui nous rappelle, mieux que n’importe quel message public, que nous sommes toujours des étrangers dans un pays étrange.

Étrange mais ô combien fascinant...

Aucun commentaire:

Publier un commentaire