mardi 3 avril 2012

Mangues assassines


Les mangues frappent dur ces temps-ci! Je sais que vous allez vous en étonner et que vous allez croire que j'exagère, mais la chose s’est réellement produite et m’a presque jeté en bas de mon vélo! Et puisque vous en voulez les détails, je vous les raconte sans plus tarder.

Certains d’entre vous le savent, d’autres pas, mais je circule toujours à bicyclette entre mon bureau et la maison. La distance n’est certes pas bien grande — quelques secondes tout au plus —, mais j’aime le vélo comme moyen de locomotion (attention, je ne parle de pas de sport ici et les esprits moqueurs peuvent aller paître dans les prairies néo-zélandaises) et quoi qu’on en dise, c’est nettement plus rapide qu’à pied. Sans compter qu’on évite de marcher dans l’étang qui se forme après toute pluie un peu copieuse et ne serait-ce que pour cette raison, le vélo vaut. Or, depuis le temps, j’ai mes habitudes et je passe à peu près toujours aux mêmes endroits, à peu près toujours à la même vitesse. Quelle ne fut pas ma surprise, samedi dernier, en me rendant à ma réunion avec les employés, de me sentir assailli par un groupe d'objets contondants qui me frappèrent au sommet du crâne! Qu’est-ce qui a bien pu me faire ça? Un peu étourdi, je m’arrête, descends de ma monture à roues et cherche la cause de cette agression. Serait-ce cette petite grappe de mangues (photo)? Je les tâte et au toucher, elles sont dures comme du bois. En outre, suspendues comme ça à leurs longues tiges, elles sont mobiles et articulées de sorte que j’en conclus, très scientifiquement n'est-ce pas, qu’il s’agit bien là de l’agresseur!

Sur le coup, je me suis mis à penser un peu comme Garo dans le Gland et la Citrouille de La Fontaine. Comment un fruit, par ailleurs succulent, peut-il avant sa maturité se transformer en arme assassine? N'est-ce pas là un paradoxe? Peut-être pas. Les bananes vertes ont aussi cette carapace inaltérable et je ne vous parle pas des noix de coco... Quoi qu’il en soit, heurté physiquement et encore plus dans ma dignité, je frottai mon crâne meurtri, me remis en selle et, fouettant hardiment mon destrier à pédales, m’en retournai à mon bureau où,  tout à la pensée de la réunion à venir, je me hâtai d’oublier l’incident…

Mais une fois la bosse résorbée, il faut bien reconnaître que l’incident mérite un petit détour, une petite parenthèse dans l’amas de situations sérieuses qui façonnent notre vie ici. Or, ce sont ces petites choses imprévisibles, ces petits champignons qui poussent spontanément et subitement au cœur de ces forêts de problèmes qui souvent, nous forcent à l’arrêt, à la pause contemplative et inquisitrice. Et tout à coup, la perspective s’élargit, les horizons s’ouvrent et l’on se rend compte que, en dépit des problèmes mentionnés précédemment, il y a encore et toujours ces interludes légers et primesautiers qui font sourire.

Il n’empêche que l’incident a porté ses fruits — c’est le cas de le dire — et que j’en tire aujourd’hui une morale bien instructive : avant de passer sous les branches des manguiers, toujours vérifier si des grappes n’y pendent pas paresseusement. Vous ne trouvez pas que c’est une belle connaissance supplémentaire à ajouter à ma collection? Et généreux comme toujours, je vous la passe, la partage avec vous pour que vous puissiez éviter cet écueil sans avoir à le subir. Non, ce n’était pas une fracture du crâne — j'ai la tête plus dure que ça, quand même —, mais un signe, comme tant d’autres quand on y regarde bien, que la nature fait bien les choses et qu’elle se passe fort bien de l’intervention humaine.

Quant aux mangues coupables, elles pendent toujours à leur tige et prennent le temps de mûrir tout doucement sans le moindre souci pour l’éventuel cycliste égaré.

Encore une chance qu’elles n’aient pas d’épines, les chères…

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