mercredi 11 avril 2012

De l'espoir et du désespoir


Ce qui suit est plus une réflexion personnelle, une forme de précision de ma pensée sur mon pénultième sujet, là où j'abordais une fois encore, en parlant des Haïtiens, la notion d'espoir. Or, j'ai reçu un commentaire d'un lecteur bien articulé qui suggère qu'il faudrait plutôt parler de désespoir dans le cas de ces gens qui s'embarquent pour ailleurs. Sa vision des choses m'a fait m'arrêter un peu plus sur la question et j'en partage aujourd'hui les grandes lignes avec vous.

En effet, il peut sembler curieux de parler d'espoir alors que le gens s'exilent. Mais je parlais d'espoir d'un monde meilleur qui, s'il ne se trouve pas en ce pays, se trouve sans doute ailleurs. C'est un espoir bien naïf, car rien ne dit qu'il s'agit là d'une vérité; mais c'est de l'espoir tout de même, car le simple fait de vouloir aller ailleurs signifie que l'on croit que cet ailleurs sera mieux. Espoir donc, et non désespoir. Le désespoir est négatif, sombre et apathique. Les gens désespérés ne font plus rien, ils se laissent aller, souvent tombent malades et souvent, meurent sinon de maladie, parfois de suicide. Le désespoir n'amène pas à l'action, mais plutôt à la passivité indifférente, au découragement. Dangereux le désespoir... L'espoir lui, fait vivre. Incidemment, j'aime beaucoup ce proverbe haïtien (lespwa fè viv), beaucoup plus que son pendant français (tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir), car dans le libellé haïtien, l'espoir devient source de vie, tandis que du côté français, l'espoir découle de la vie. Or, je pense que ce n'est pas ça. Ou en tout cas et si c'est parfois le cas, c'est un peu trop réducteur. Car c'est l'espoir qui représente l'énergie motrice; l'espoir qui permet à des gens de tenir le coup alors que tout inciterait à laisser tomber. L'espoir, c'est de l'énergie, alors que le désespoir, c'est son absence.

J'ai parlé dans un texte ancien de l'espoir noir, ou si vous préférez, du côté noir de l'espoir. C'était en rapport avec Star Wars et le côté obscur de la Force. La Force est là, accessible à ceux qui en suivent le chemin ardu. Mais comme on le sait grâce aux films, elle peut s'exprimer négativement, et c'est un peu ce qui fait peur : un espoir déchu, battu, écrasé n'aboutit pas vraiment au désespoir, mais plutôt à la révolte et au «tant qu’à y être»...

Certes, on me dira, mon ami en tête, que les gens qui quittent les pays dans des conditions si risquées — physiquement autant que politiquement, ne l’oublions pas — peuvent avoir atteint le fond du baril et se dire qu’ils n’ont plus rien à perdre. Mais pour avoir connu personnellement un type qui croyait dur comme fer en cet eldorado hors pays et qui, malgré mes mises en garde répétées, a englouti dans l’aventure toutes ses économies et bien davantage, j’affirme que l’espoir — que dis-je : la quasi-certitude d’une vie meilleure est à la source de ce désir d’exode. Quant à l’espoir noir, oui, il me fait peur. Car l’espoir déçu ressemble fort à une tromperie et qui aime se faire tromper, je vous le demande? C’est sans doute pour cette raison que les réactions du peuple à l’inertie gouvernementale sont si radicales parfois : on met tellement d’espoir dans l’État pour résoudre tous les problèmes courants qu’on tombe de haut quand l’État se révèle incapable d’accomplir les prouesses attendues et alors, on se fâche et on sort les armes...

C'est à se demander si, parfois, le désespoir apathique n'est pas préférable...


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