jeudi 10 avril 2008

Le côté noir de l’espoir


J’ai dit précédemment qu’en Haïti, le proverbe «Lespwa fè viv» sert souvent de cri de ralliement. Les gens s’accrochent à l’espoir, souvent bien ténu, que les choses iront mieux demain, que les problèmes trouveront une solution. Il s’agit là certainement d’une qualité souhaitable, qui permet, alors même que les ressources s’amenuisent, de s’accrocher à la vie malgré tout.

Mais un autre proverbe, français celui-là, dit que «l’excès en tout est un défaut.» Peut-on faire des excès d’espoir? À la vue de la situation qui prévaut actuellement dans tout le pays, je dirais que oui. Et c’est alors que l’espoir devient noir.

Qu’est-ce que le côté noir de l’espoir? Rien à voir avec la couleur des gens, en tout cas! Le côté noir de l’espoir, c’est l’homme qui dépense l’argent de son salaire au casino avec l’espoir de gagner sans perdre; c’est la femme victime de violence conjugale qui continue d’espérer que son mari va finir par changer; c’est la fille qui s’accole au monsieur riche en croyant qu’elle va finir par l’aimer; c’est un peuple qui a faim et qui s’imagine que le gouvernement va lui donner à manger... Le côté noir de l’espoir, c’est l’espoir totalement irréaliste, l’espoir fondé sur des illusions, sur l’ignorance. Or, cette forme d’espoir me semble pire que le désespoir. Alors que le désespoir est apathique et source de dépression, l’espoir noir est source de frustrations, lesquelles conduisent aisément à la révolte. Qui ne résout jamais rien, tout le monde le sait bien…

C’est un peu ce qui se passe ici. Le discours du président Préval, tout intelligent et sensé qu’il soit, n’a pas passé et n’a qu’engendré une vive frustration : celle pour le peuple haïtien d’avoir été floué, trompé, trahi. Pourtant, un récent article de Radio-Canada fait état d’augmentations à l’échelle mondiale, où le riz, dit-on, a quadruplé en cinq ans. L’article, que j’ai fait passer à la ronde, a ouvert bien des esprits : un malheur, lorsqu’il est partagé par d’autres, devient moins grave, du coup. Mais l’espoir des pauvres reste toujours noir : il faut se venger, il faut que quelqu’un, quelque part, paie, il faut que la foule, farouche, ait l’impression d’avoir accompli «quelque chose», même si ce n’est qu’un désordre dont tout le monde souffre déjà. Et les coups de feu continuent de ponctuer la nuit, sans qu’on en connaisse trop les conséquences... Mais les vitrines cassées, les tables et les bancs du marché écrasés, le pont couvert d’huile, le désordre de la ville, tout parle d’espoir noir.

Mais comme toujours, l’espoir reluit : comme le dit si bien l’un des chauffeurs : «Tou sa ki cho a’p vinn fret» Tout ce qui monte redescend; après la pluie le beau temps, et j’en passe, vous voyez le topo. Donc, on se dit que la semaine prochaine, peut-être, si Bondye vle, les choses vont commencer à rentrer dans l’ordre. Mais pour l’instant, on continue d’espérer, en souhaitant ne pas atteindre la limite de l’espoir noir.


2 commentaires:

  1. Pourquoi pas des petites vacances au Québec? Il y a longtemps qu'on vous a vu et la neige est presque toute fondue à Mont-St-Hilaire. En ce qui nous concerne, il faut dire que le climat social est très relaxe en République dominicaine la semaine dernière. Nous ne sommes même pas sorti du village du Club Med.

    Sans vouloir minimiser la tension que vous devez vivre, je présume qu'en tant que gestionnaires d'un hopital, votre sécurité doit être un peu moins en péril que l'homme d'affaires encravate et veston????

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  2. faites atention a vous...

    j'te lis

    Jérôme

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