mardi 1 avril 2008

Institut Brenda Strafford



Il est temps aujourd’hui, ce me semble, de vous présenter (sommairement) notre milieu de travail. Ayant mentionné que le travail occupait une partie substantielle de notre vie, il me paraît approprié d’en évoquer les lieux.

L’Institut Brenda Strafford est un petit hôpital spécialisé en ophtalmologie et en oto-rhino-laryngologie. Le fait d’être spécialisé élargit considérablement son aire de services — à tout le pays, en fait, puisque nous recevons parfois des patients qui viennent d’aussi loin que Cap Haïtien, à l’autre extrémité du pays. Il faut dire aussi que la réputation de l’établissement y fait pour beaucoup. Réputation de qualité de soins de santé, oui, mais réputation de coûts abordables également. Car comme je l’ai déjà mentionné, les frais de soins de santé en Haïti ne sont pas couverts par un quelconque plan d’assurance ou de filet social. Les gens sont laissés à eux-mêmes, à leurs faibles ressources, à leur ignorance, à leur inquiétude.

Ceci explique la variation d’intensité des cas que nous pouvons rencontrer. Tantôt, les gens viennent pour un simple mal de gorge ou pour une poussière dans l’œil. Tantôt, ce sont des tumeurs énormes qui bloquent le larynx ou déforment le visage d’une façon que les plus mauvais films d’horreur ne peuvent pas même imiter. Non, je ne vous joins pas de photos. Le macabre est triste ici, triste parce que bien réel. On soigne, on opère, on corrige, on fait ce que la science moderne permet de faire. Parfois, on ne fait rien, parce qu’il n’y a rien à faire. Être médecin ici, c’est avoir une vocation bien particulière.

Mais pour ceux ou celles qui viennent pour pas grand-chose, la visite à l’hôpital est l’occasion d’une belle sortie, où l’on voit du monde et où le temps passe allégrement. Et les gens arrivent en tenue de ville, parés de leurs plus beaux bijoux, parfumés, nickelés et sérieux, sans oublier le fameux portable, bien entendu, que souvent, les gens font sonner juste pour le plaisir de l’entendre sonner… Or, les sonneries de téléphones cellulaires n’ont rien de particulièrement harmonieux, en tout cas, pas à mon oreille…

Les consultations vont toujours bon train. Les médecins sont diligents et vers 14h, les corridors sont à nouveau vides. Les quelque 200 personnes qui s’y tenaient, coincées comme des sardines, dans des conditions de chaleur souvent pénibles même pour des Haïtiens habitués à la chaleur, s’en sont toutes allées. Mais elles reviendront. Pour une autre poussière dans l’œil ou avec le petit garçon qui vient d’avaler le fil et l’aiguille avec lequel sa maman cousait…

Et toujours, toujours, cette patience et cette résignation qui forcent l’admiration…

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