mercredi 10 février 2010

Des hôpitaux pas vraiment honnêtes?

 

Déjà, la semaine s'envole. Dommage qu'elle n'entraîne pas dans son sillage la multitude de petits problèmes qui sont notre lot depuis ce triste événement.

Aujourd'hui, je me fais critique de l'actualité, encore une fois. Mais ne vous en faites pas : encore une fois n'est pas coutume... Lisez ceci, si vous ne l'avez déjà fait. Vous voyez que je ne vous racontais pas d'histoires quand je vous ai mentionné la chose dans mon texte de samedi dernier. Certains s'en défendent, mais la pratique de faire payer pour les fournitures médicales -- même lorsqu'elles sont fournies gratuitement -- reste courante. Raison invoquée: ben, faut ben faire nos frais... Mais la vérité est plus simple et peut se résumer à ceci: «pourquoi n'aurait-on pas notre part du gâteau, nous aussi?» Car le gâteau de l'aide internationale en impose par sa taille et l'on sait que certains s'empiffreront au détriment des autres. C'est toujours comme ça. Ce qui ne veut pas dire que ça devrait l'être. Faut comprendre que dans le pays, il y a deux types d'établissements de soins de santé, tout comme il y a deux types d'établissements scolaires: public et privé. Privé, dans le cas qui nous intéresse, ça veut dire non attaché au ministère de la santé publique et de la population (MSPP). Or, les soins de santé coûtent cher, c'est donc dire que quelqu'un, quelque part, se verra refiler le coût de ces soins, en totalité ou en partie. On voit donc se dessiner trois sous-groupes: (1) les établissements privés-privés (habituellement totalement haïtiens) où les coûts de fonctionnement sont défrayés par les usagers; (2) les établissements totalement subventionnés, où les patients ne paient rien (Paul Farmer et son méga-projet Partners in Health / Zanmi Lasante en est probablement le seul exemple); (3) les établissements partiellement subventionnés, dont les revenus proviennent à la fois des patients et de fonds privés, dans des proportions variables. C'est notre cas. Dans le cas des établissements privés-privés, les prix seront élevés, puisqu'ils doivent être suffisants pour défrayer tous les coûts de fonctionnement, incluant les salaires des professionnels. Ainsi, lorsque ma tendre moitié a subi son opération (voir Rebondissement de la balle) l'été dernier, les frais se sont élevés à plus de $6000 US, ce qui n'a rien de surprenant compte tenu de la délicatesse de l'intervention et la compétence des intervenants. Certes, vous me direz que $6000, c'est cher pour nous, donc, ce doit l'être encore plus pour les Haïtiens et vous aurez raison. Mais les mieux nantis et ceux qui ont une assurance-santé peuvent se permettre cela. Et puis, comme il faut que les revenus équilibrent les dépenses, eh bien y'a pas vraiment le choix. Et c'est là où les petits établissements, subventionnés par des sources extérieures, font toute la différence. Prenez notre cas, par exemple. L'Institut Brenda Strafford a été fondé en 1982 grâce aux fonds de la fondation du même nom et à son PDG, Barrie I. Strafford. Au fil des ans, les millions se sont suivis et aujourd'hui, bien que l'investissement de la fondation se soit stabilisé à environ 30% des coûts d'opération, cela reste une part généreuse et indispensable à la survie de l'institution. Cependant, comme nous maintenons une pratique de petits frais pour les usagers, l'équilibre est fragile et un événement comme ce maintenant fameux tremblement de terre peut précipiter les dépenses d'une façon vertigineuse. D'où la tentation, pour certains établissements, d'augmenter leur marge de profits en vendant les produits (le plus souvent les médicaments) qui leur ont été donnés. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, ce n'est pas correct. On ne peut pas toujours penser en termes d'argent et chercher à faire des profits sur le dos des pauvres malheureux. J'en connais pourtant qui le font sans vergogne... Mais je suis content de vous dire que nous, nous ne faisons pas cela. Et je suis bien content si l'ONU pense à sévir là-dessus, car il y a abus, très nettement. Évidemment et comme je vous l'ai dit hier, "il y a loin de la coupe aux lèvres", et cette intention, au reste fort louable, risque de tomber à plat faute de moyens. Car on a bien beau dire, mais si on fait une loi, encore faut-il de doter des moyens de la faire respecter...

Comme vous le voyez, ma critique n'est pas très mordante. C'est que, bien que je trouve la pratique déloyale, elle n'en est pas moins humaine et explicable quand on sait les difficultés qu'éprouvent certains centres de santé à fonctionner. Mais reste que ce n'est pas correct.

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