lundi 5 avril 2010

Si la photo est bonne


Les Brésiliens sont à l'œuvre! Je vous dis que ça chôme pas par ici! On se demandait comment les gens feraient pour savoir... Question oiseuse, s'il en est. Les gens savaient déjà. Le téléphone arabe (le  "bouche à bouche" si vous préférez) fonctionne à merveille par ici... Toujours est-il que les éclopés, qu'on croyait rentrés au bercail pour de  bon, nous sont revenus à la pelle et on subit l'épreuve de la patience, même si pour eux, ce n'est pas vraiment une épreuve, je vous l'ai dit déjà. Mais ce ne n'est pas de la patience, cette vertu cardinale si mal distribuée chez les humains, ni des Brésiliens dont je veux vous parler brièvement aujourd'hui, mais plutôt de la charmante jeune fille sur les photos ci-jointes. Cette jeune fille s'appelle Vanessa, a 9 ans bien sonnés (m'a-t-elle assuré), et vient tout juste de se faire donner son congé de l'hôpital, dont elle arpentait les alentours en béquilles depuis déjà un bon ti-temps.


Nous sommes devenus amis plutôt aisément, mon charme naturel aidant. Faut dire aussi que je photographiais à droite et à gauche, ce qui ne manquait pas de l'intéresser ouvertement. Alors je lui ai offert de la prendre en photo, ce qu'elle a accepté sans tergiverser. Photo en béquilles. Par la suite, elle m'a demandé si je pouvais lui faire cadeau de l'appareil, puisque la photo était dedans (logique, non?). Je lui ai dit que j'extirperais la photo et la lui donnerais plutôt, ce qui fit tout à fait son bonheur. Mais comme vous vous en doutez bien, j'ai oublié. Encore et encore. Chaque fois que je la voyais dans le corridor, je lui disais "demain", mais je voyais son regard se charger de cette tristesse d'enfant déçu, floué par les promesses des ces adultes qui oublient tout et se prennent tellement au sérieux. J'en ai eu honte, je le reconnais. Et me suis astreint à télécharger les photos depuis l'appareil vers l'ordinateur et lui ai imprimé une photo, sa photo, que je lui ai remise jeudi dernier. La joie, je ne vous dis pas. Elle était avec sa mère, sa tante, sa voisine et qui encore, et toutes ces dames s'exclamaient devant la photo, riaient à belles dents, se passaient leurs commentaires et me remerciaient sans relâche. C'en était un peu embarrassant, je vous jure. Mais la petite, elle, exultait. Elle serrait cette photo sur son cœur comme si c'eût été un trésor infiniment précieux. J'en étais mal de l'avoir fait tant attendre, de l'avoir négligée, de ne pas avoir traité la promesse que je lui avais faite comme une priorité. Mais elle n'en avait rien à cirer, de mon remords : la photo la comblait et cela seul comptait.

Or, ce matin, Brésiliens aidant, elle a reçu son congé, comme je l'ai dit plus haut. Et a redemandé une autre photo, ce que ma compagne photographe s'est empressée de faire. Mais cette fois, pas question de remettre à plus tard : vite, je transfère les photos, en choisit une qui est pas mal et lui en imprime 9 exemplaires! Elle était vraiment contente, la petite Vanessa. Seul problème maintenant : tous les enfants hospitalisés veulent une photo, un ours en peluche et quoi encore! Et quand on sait combien ces enfants ont peu, il est bien difficile de résister... Et pourquoi le ferait-on? Pour économiser l'encre des cartouches de l'imprimante?...

Tout ça pour vous dire que malgré les journées frustrantes que nous passons parfois (souvent même), il suffit d'une joie d'enfant pour tout remettre en place et nous faire sentir que la vie en Haïti reste d'abord et avant tout une question de rapports humains simples et chaleureux.

Et je ne vous parle pas du gros gars un peu bourru à qui je viens de marchander une douzaine de chaises...

Dites, vous ne trouvez pas que ça fait un beau lundi de Pâques, vous autres?

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