lundi 26 avril 2010

Pa jete fatra nan lari-a!


Aujourd'hui, que je vous raconte un fait divers. Très divers pour vous, mais presque le drame pour nous ici. En tout cas, la nouvelle faisait l'objet d'une tribune à la radio ce matin et tout le monde en parlait ou presque. La nouvelle? Le maire de la ville aurait, semble-t-il, fait feu sur un quidam qui jetait des déchets dans la rue, le blessant grièvement. Vous voyez le tableau? Le maire... tire avec un revolver... sur un citoyen non armé... le blesse au bassin (il semble que la vie du gars ne soit pas en danger, mais c'est un fameux coup de chance). Tout ça parce qu'il jetait des détritus! Bien sûr, vous me direz que le geste est répréhensible, mais de là à prendre une balle, il me semble que la punition est un peu disproportionnée par rapport à la faute! Et venant du maire de la ville, eh ben, je ne sais pas ce que vous en dites, mais pour moi, son règne politique vient d'en prendre un sérieux coup!...

Il n'empêche que le fait mérite qu'on s'y attarde. Je connais personnellement le maire. Je l'ai rencontré à quelques reprises et il m'a toujours fait l'impression d'un homme charmant (quel politicien ne l'est pas, je vous le demande), intelligent (ça, c'est plus rare) et modéré. En fait, dans une ville aussi bouillonnante que Les Cayes, un maire excentrique ne tiendrait pas deux semaines et on aurait tôt fait de l'envoyer paître, si ce n'est les pissenlits par la racine. C'est probablement la modération et le sens politique du maire actuel qui l'auront fait durer jusqu'à aujourd'hui. Mais alors, comment un homme du monde, modéré et attentionné, peut-il en venir à ce comportement extrême? Je ne sais pas. Maintenant le pauvre homme (car qu'on me permette de le plaindre) n'en mène pas large et des voix s'élèvent qui réclament rien de moins que la prison. C'est ce qui s'appelle tomber des nues (et non de Charybde en Scylla, si vous vous souvenez). Le poste de maire n'est rien pour «casser la baraque», mais c'est quand même le premier magistrat de la ville et le poste constitue un fleuron glorieux qui ceint le front de celui qui l'occupe (encore un peu et je vais vous servir tout le «Ô Canada»). Or, l'acte commis n'est pas vraiment digne d'un magistrat de ce niveau, vous l'admettrez sans que j'ai besoin de vous tordre le bras, j'en suis convaincu. D'où ma question, à laquelle je n'ai pas de réponse : pourquoi?

Oui, bon. Le type qui jetait des fatras n'a pas obéi à l'injonction du fonctionnaire. D'accord. Mais quand même! Je sais que la ville des Cayes s'efforce de garder les lieux propres et les camions passent régulièrement pour faire la cueillette des ordures, lesquelles s'entassent un peu partout, mais surtout aux abords du marché. Les poubelles publiques manquent et les systèmes de gestion des déchets sont, bien sûr, inexistants. Qu'on veuille éviter que les détritus envahissent la ville comme c'est le cas dans certaines zones de Port-au-Prince est certes louable; mais qu'on châtie les contrevenants en les gratifiant d'une balle dans la peau me paraît quelque peu excessif! Alors je ne sais pas. Je ne sais pas s'il n'y a pas anguille sous roche et si le geste ne dissimule pas quelque affaire louche, quelque règlement de compte dont les déchets ne sont que le catalyseur. En plus, il semble que la réaction magistrale ne s'est pas produite suite à l'acte lui-même, mais comme punition cumulative de ce geste éhonté répété malicieusement. Vous ne trouvez pas ça bizarre, vous autres? En tout cas, ici, je peux vous dire que tout le monde en rit, mais tout le monde crie au scandale aussi. Les opposants du maire veulent sa tête, rien de moins, et il faut bien moins que cela par ici pour que s'échauffent les esprits... Alors Dieu seul sait comment ça va tourner. Car le pire, c'est que même si le cher homme devrait, dans l'ordre des choses, aboutir à la prison sans délai, comme il est premier magistrat, il a sa "free pass", ce qui promet d'attiser considérablement l'ire publique, vous vous en doutez bien...

En tout cas une bien drôle d'histoire que je vous invite à suivre, pour peu qu'elle ait une suite...

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