jeudi 8 avril 2010

Louisnise (suite)


Je vous avais promis la suite, eh bien la voici.

Cependant, ce n'est pas une suite bien longue et ni vraiment haletante. Louloune (la maman) est arrivée hier soir, a couché au dortoir de notre hôpital (oui oui, nous avons un endroit pour les gens qui ne sont pas malades mais qui sont ou bien en rapport avec des gens hospitalisés ou bien sur le point de subir une chirurgie. Un simple matelas, un endroit en sécurité et personne n'en demande davantage) et ce matin, s'est présentée à l'hôpital. Les médecins brésiliens ont vu Louisnise et lui ont fait une place en salle d'opérations, si bien que tout à l'heure, elle était avec sa mère assise sur un lit (la mère, pas le bébé) alors que tout le monde s'activait autour. Le cas n'était pas bien compliqué pour les chirurgiens : amputation, tout simplement. Quant à son moignon de main, elle pourra s'en accommoder. Dans un an, m'a-t-on dit, elle pourra recevoir sa première prothèse et apprendre à marcher tant bien que mal. J'imagine la chose. Déjà, quand on a ses deux pieds et qu'on apprend à faire avec, ce n'est vraiment pas évident et Dieu sait que les premiers pas finissent très souvent par une chute non amortie et où la tête, ce membre si lourd, prend le maximum de choc. Je ne vous dis pas cela parce que j'en ai souvenance, mais plutôt pour l'avoir observé à quelques reprises... Alors essayez de penser à l'épreuve que cet enfant devra vaincre pour arriver dans un premier temps à contrôler son équilibre, puis à se déplacer tout en maintenant cet équilibre. Tout un contrat! Et ici, je sais de quoi je parle, car je me souviens très bien cette fois de mes premiers pas sur les mains. Même apprentissage, même conclusion. On tombe plus souvent qu'à son tour et c'est vraiment frustrant. Mais on finit par y arriver. Certes, sur les mains, vous me direz que ce n'est pas aussi naturel que sur les deux pieds, la tête étant près du sol et moins apte à évaluer la position du reste du corps. Tout de même, je vous l'assure, on finit par y arriver. Évidemment, on ne peut pas faire sur les mains tout ce qu'on fait sur les pieds, comme descendre un escalier entre autres, et pour ma part, c'est là où j'ai compris ma limite... Bon. Passons. Tout ça pour vous dire que la petite Louisnise a du pain sur la planche. Mais au moins, elle pourra avancer dans la vie.

La mère est-elle contente? Ben, pas tellement. Je lui ai parlé brièvement, et la pauvre femme ne sait pas trop bien si cette opération, parfaitement réussie au reste, valait vraiment le déplacement. Avant, elle avait un enfant difforme, maintenant elle se retrouve avec un enfant amputé. Elle est passée de Charybde en Scylla, pour ainsi dire... Sans doute s'attendait-elle à un miracle... Mais bon. Encore une fois rappelons-le : on ne fait pas de miracles ici, seulement du mieux qu'on peut. Et quelquefois, ce n'est pas suffisant. Faut-il s'auto-flageller et déchirer ses vêtements pour autant? Sûrement pas. Il faut juste connaître ses limites et les accepter. J'ai déjà dit qu'il fallait non seulement faire la différence entre ce qu'on peut et ce qu'on ne peut pas changer, mais aussi savoir si ce qu'on peut changer vaut la peine d'être changé. Or, dans ce cas, cela me semble évident. Mieux vaut un pied artificiel qu'une boule de bowling, je pense qu'on sera d'accord là-dessus. Et je ne vous parle pas des complications médicales! Tout de même, la pauvre Louloune aura bien besoin qu'on la rassure et qu'on la réconforte. Elle est seule, Louisnise est son premier enfant et elle est plutôt démunie : aucune source de revenus et un bébé handicapé. Vous faites quoi avec ça, vous?

Mais, Bondye konnen, comme on dit... De toute façon, que peut-on dire d'autre?

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