dimanche 4 novembre 2012

N'importe quoi



C’est rare que ça m’arrive, mais là, vraiment, ça fera. J’en ai ma claque de ces journaleux qui se prennent pour des journalistes, qui débarquent en Haïti pour la première fois, qui ne sont même pas fichus d’orthographier correctement le nom ici d’une ville importante (*Miraguan au lieu de Miragoâne) du pays et qui véhiculent des informations à la véracité discutable, pour ne pas dire carrément fausses. C'est vraiment n'importe quoi! Et vous qui lisez ces porteurs de l'information, comment pouvez-vous distinguer le vrai du faux? Comment pouvez-vous exercer votre esprit critique?

Je parle de Gabrielle Duchaine — avec laquelle, est-il utile de le préciser, je n’ai aucun lien de parenté, ni aucune affinité journalistique d’ailleurs — et de son dernier article, racoleur comme une vieille pute : «Après Sandy, la grogne s’amplifie en Haïti». Et voilà. C’est dit, donc c’est sûrement vrai. Et sur quelle base s’appuie cette journaliste chevronnée (?) dont les textes précédents nous parlaient du tourisme en Équateur? Rien. Du vent. Pas de références, pas de personnalités compétentes, pas de données vérifiables. Que des gens rencontrés au hasard de son parcours, avec lesquels j’assume, jusqu’à preuve du contraire, qu’elle n’a même pas pu parler sans un interprète qui a sans doute, d’après ce que je sais des interprètes haïtiens, interprété à sa façon les dires de l’un ou de l’autre. Résultat, cette conclusion alarmiste : la grogne monte suite au passage de Sandy. Vraiment, je vous le dis, à vous qui n’êtes pas cons : ça fait chier. Et comme si ce n’était pas assez, voilà que la dame, pour faire bonne mesure, nous parle maintenant de 100 morts — 50 ne font vraiment pas sérieux pour une tragédie haïtienne — mais qui viennent d'où, on n'en sait rien. Et d'abord, pourquoi est-elle la seule à avancer ces chiffres? Et les autres médias, haïtiens ou internationaux? Sont-ils tous dans l’erreur? Je sais bien qu’on veut plus de morts, histoire de frapper l'imagination du public, mais tout de même...

Les récoltes du pays ont été détruites, c’est vrai. La situation alimentaire du pays est précaire, c’est un fait. Mais le gouvernement a réagi, notamment en proclamant l’état d’urgence pour un mois, ce qui lui donne plus de latitude pour agir sans délai. En outre, cette situation ne date pas d’hier, comme le rappelle cet extrait du Nouvelliste :
La période de sécheresse avait déjà causé des pertes énormes dans le secteur de l’agriculture, évaluées à près de 80 millions de dollars américains. Alors que les évaluations n’ont pas encore terminé [sic], la tempête tropicale Isaac a causé des pertes estimées à environ 70 millions de dollars dans le même secteur, a rappelé l’agronome Gary Mathieu, responsable de la CNSA [Coordination nationale de la sécurité alimentaire], informant que l’ouragan Sandy en a fait pour 104 millions. 
Or, l’aide internationale est bien au fait de la situation et déjà, si l’on en croit cet entrefilet de Haïti Libre : « Aujourd'hui est arrivé à Port-au-Prince le bateau d'aide d'urgence du Venezuela pour Haïti, avec à son bord 530 tonnes de denrées non périssables et 116 tonnes de machinerie lourde pour aider à enlever les décombres. » Et l'aide s'organise et les choses devraient rentrer dans ce semblant d'ordre qui caractérise le pays sous peu.

Concernant le choléra, que madame Duchaine semble connaître comme le fond de sa poche, pour ne pas dire un autre endroit plus vulgaire, voici ce que je lis, toujours dans Haiti Libre que je ne saurais trop vous recommander, soit dit en passant :
Tarik Jasarevic, le Porte parole de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré « [...] Dans de nombreux endroits, de mauvaises conditions sanitaires pourrait augmenter le risque de maladies d'origine hydrique telles que le choléra. Sandy a détruit sur son passage 20 Centres de Traitement du Choléra (CTC) [...] À Baradères, les équipes de Médecins sans Frontières-Hollande, PAHO/WHO, International Medical Corps (IMC), et le Ministère de la Santé d'Haïti continuent d'assurer la permanence pour soigner les personnes atteintes [...] Une augmentation du nombre de cas de choléra a été signalée, particulièrement dans le Sud, le Sud-est, la partie Sud du département de l'Artibonite, et l'Ouest du pays [...] Cette augmentation des cas n'a pas encore pu être attribuée au passage de Sandy et les équipes de terrain continuent de participer au suivi de la situation.
Bref, vous comprenez que la situation est difficile, soit, mais pas inhabituelle pour ce pays qui en a vu d’autres. Rien à voir avec le séisme de janvier 2010! Et pourtant, à lire l’article de Gabrielle Duchaine, on se demande si le passage de Sandy n’a pas fait pire… Vraiment, ça ne fait pas sérieux, et je trouve ça bien dommage, surtout lorsque l'article apparaît sur lapresse.ca.

Que nous réservent les mois à venir? Bien malin qui pourra le dire. Mais pour nous qui vivons ici, il est bien clair que ce n’est pas à jouer les alarmistes qu’on fera avancer la cause haïtienne.

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