jeudi 22 novembre 2012

Êtes-vous au courant?...


Tout le monde connaît l’expression. Mais ici, c’est dans un tout autre sens que je l’utilise. Ce que je veux dire ici, c’est : «Êtes-vous à l'électricité ou bien au mazout ou au bois?» Courant... Électricité, vous me suivez? Oui, bon, la formulation n'est pas courante, mais elle dit bien ce qu’elle dit. Dans nos pays, la question ne se pose même pas : personne ne se passe du courant électrique, cette énergie si propre et si fiable qu’on ne rend même plus compte du miracle qui se passe lorsqu’on actionne un interrupteur et que la lumière jaillit. De quoi se prendre pour Dieu-le-Père lors des 7 jours de la création, tiens... «"Que la lumière soit!" et la lumière fut.» Mais ici en Haïti, ce n’est pas tout le monde qui peut accéder à cette forme d’énergie, quelquefois par manque de moyens financiers mais parfois aussi, simplement parce que la ligne électrique n’atteint pas la zone où les gens habitent. Et ça, les amis, c’est vraiment une source de frustration bien plus importante que les dégâts causés par une tempête tropicale, fût-elle Sandy. Imaginez un peu, gens du bas du fleuve : vous demeurez disons à Mont-Joli. Or, la ligne électrique s’arrête d’un côté à Rimouski, et de l’autre à Matane. Que diriez-vous? Trouveriez-vous la chose acceptable? Eh bien c’est exactement la situation actuelle le long de la route nationale en Haïti : la ligne va d’un côté de A jusqu’à J et de l’autre de Z jusqu’à P, de sorte que K, L, M, N, O n’ont pas de courant. Trouvez-vous ça juste, vous autres? Moi pas tellement. Ni les gens des communes visées non plus d’ailleurs. Bien entendu, ces bonnes gens manifestent leur mécontentement avec fougue et passion en bloquant la route nationale environ un jour sur deux mais rien n’y fait : la ligne brille toujours par son absence.

Mais il faut comprendre que la situation n’est pas facile pour la compagnie nationale d’électricité : Électricité d’Haïti, mieux connue sous son sigle EDH. Coûts de production excessivement élevés, faible taux de recouvrement, fraude et vol de courant, équipements désuets… la liste est longue et explique sans doute le déficit de 10 milliards de gourdes (environ 250 millions de dollars US) pour la seule année 2010-2011. Mais la compagnie, qui admet perdre environ 18 millions de gourdes chaque mois ($450,000 US, ce qui n'est quand même pas rien) entend redresser la barre et se remettre dans le chemin de la rentabilité. Sauf que ce redressement fera mal. Pour plusieurs familles haïtiennes, le seul moyen de s’offrir l’électricité est de partager le compteur. Évidemment, cette situation conduit à des inévitables abus et l’EDH a vraiment l’intention d’éradiquer cette pratique et de mettre tout le monde au pas — entreprises incluses. Mais je le redis, les mesures que comptent prendre la compagnie nationale d’électricité ne passeront pas aisément, surtout qu’à l’heure actuelle, les tarifs n’ont rien à voir avec ceux que l’on connaît au Québec, par exemple. L’électricité, dans ce pays où les centrales hydroélectriques sont rares, provient trop souvent d’énormes génératrices — c’est le cas de la ville des Cayes, notamment — qui consomment des quantités astronomiques de carburant, sans compter les frais de maintenance et de remplacement des pièces qui s’usent. Et je ne parle pas des bris mécaniques imprévus… Or, c’est au client qu’on refile la facture de cette production électrique à grands frais, et dans un pays où l’argent se compte sur les doigts, disons que ce n’est pas facile de payer ces frais. En plus et si je me fie aux commentaires répétés que j’entends, les erreurs de facturation sont fréquentes, difficilement vérifiables et toujours au profit de l’EDH, si bien que plusieurs s’en fâchent et, je pense, non sans raison. Quant à ceux qui réclament la ligne électrique, si désagréable que soient les moyens de pression qu’ils utilisent (ils bloquent hardiment la route, je le répète, et sont armés) disons qu’ils n’ont certainement pas tort…

Quand je vous disais qu'il n'y avait rien de facile dans ce pays...

1 commentaire:

  1. Chantal, je t'avais dit de ne pas photographier Richard de si près, ça ne l'avantage pas du tout!

    Ti-frèm.

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