samedi 1 décembre 2012

Violence à Jérémie


Je sais que vous ne vous sentirez pas concernés. Et je ne vous en tiendrai pas rigueur, simplement parce des choses qui se passent dans un autre monde, sur une autre planète presque — la planète Haïti — ne comptent pas vraiment pour vous dans votre monde déjà dans l’effervescence de Noël. En fait et pour parler franchement, même pour nous, les événements de Jérémie sont distants et de peu d’importance. Pourtant, pour ceux qui y sont impliqués, l’affaire n’est pas rose. En deux mots, il semble que l’entreprise de construction qui travaillait à la réfection de la route reliant Les Cayes à Jérémie ait déclaré qu’elle abandonnait le projet. Il n’en fallait pas plus pour déclencher l’ire des gens de Jérémie, lesquels sont passablement isolés du reste du pays — faute d’une route adéquate, justement. Branle-bas de combat, donc, pneus qui brûlent, pierres, matraques, balles, tout y est et toute la semaine, la ville a été le théâtre de manifestations violentes qui ont fait des morts, oui. Voyez ce qu’en dit Frantz Duval, éditorialiste du Nouvelliste :
« Pris dans les innombrables colloques […], les membres du gouvernement se sont fait prendre de vitesse par une rumeur : la route ne sera pas construite, les équipements de OAS [l’entreprise brésilienne chargée des travaux] retournent au Brésil. Il n’en a pas fallu plus pour que, de colère en protestation, il y a (sic) mort d’homme et un déploiement inédit de la Police nationale d’Haïti dans une ville de province… »
Sans oublier la route (mauvaise, soit mais route quand même) complètement bloquée pour la circonstance, isolant de ce fait la ville encore plus. Et tout ça pourquoi? Pour protester. Contre une décision dont on ne connaît même pas le fond. Est-ce seulement vrai? Est-ce définitif? Est-ce un simple changement d’équipes de travail? Comme l’ajoute M. Duval : « On aurait pu éviter que le sang coule pour cette affaire de route qui finira bien par être construite. » C’est là le point essentiel : la route finira bien par être complétée, car les travaux sont déjà avancés. Et finiront bien par finir un jour… Simple question de patience. Mais ce n’est pas ce qu’on veut entendre. N’oubliez pas le proverbe : quand on veut battre son chien, on dit qu’il a la rage. Quand on veut taper sur le gouvernement, toutes les occasions sont bonnes. On dit — et j’ai tendance à croire qu’il y a là un fond de vérité — que toute cette histoire a été fomentée par des opposants au président Martelly et qu’elle sent la politique à plein nez. Exciter la grogne publique, la diriger contre l’actuel gouvernement, créer le chaos, mobiliser la police et lui donner mauvaise presse, tout cela ne peut servir que les intérêts de ceux qui veulent déstabiliser le pays. Pour leur propre compte, il va sans dire. Car à quoi sert le pouvoir, sinon à s’enrichir outrageusement?

Tout cela pour vous dire que bien que le ciel soit encore bleu sous l’égide de Martelly, on sent que ses beaux jours sont comptés. « Un président touristique », remarque l’un de nos employés. On trouve maintenant qu’il voyage trop, qu’il multiplie les rencontres de haut niveau sur la scène internationale, bref qu’il ne gouverne pas là où il devrait le faire. Et s’il demeurait au pays, on dirait sans doute qu’il n’a pas l’envergure d’un chef et qu’il reste trop dans son petit cocon douillet… Allez donc plaire à tout le monde…

En tout cas, les événements de la semaine dernière à Jérémie illustrent bien mon point : le bateau gouvernemental commence à prendre l’eau et le moment n’est peut-être pas loin où sa flottabilité va être compromise… Et je vous avoue que le fait de s’y attendre ne rend pas pour autant la perspective plus intéressante. Mais bon. La vie en Haïti, c’est ça aussi…

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